Article 15 - Option des contribuables titulaires de bénéfices non commerciaux pour la détermination de leurs résultats en fonction des créances acquises et des dépenses engagées

Commentaire : Le présent article donne une base législative à une doctrine administrative. Il autorise formellement les titulaires de revenus imposés dans la catégorie des bénéfices non commerciaux à déterminer leurs résultats sur la base d'une comptabilité tenue en appliquant les règles retenues en matière commerciale.

En application des dispositions de l'article 93 du code général des impôts, le résultat imposable au titre de l'exercice d'une activité non commerciale correspond à la différence entre les recettes perçues et les dépenses payées au cours de l'année civile. En d'autres termes, les créances et les dettes certaines dans leur principe, mais non encore réglées, ne sont pas prises en compte et, au plan comptable, le contribuable peut se contenter de tenir un simple "Livre-journal".

De longue date, l'administration a toutefois retenu une solution alternative pour les contribuables désirant suivre de façon plus précise l'évolution de leur activité. Elle admet ainsi que le bénéfice non commercial soit déterminé en faisant état des créances acquises et des dettes certaines, à condition que le contribuable tienne sa comptabilité suivant les usages du commerce et ait expressément opté pour ce régime comptable et fiscal.

Cette doctrine est toutefois dépourvue de bases légales. Aussi, et après l'avoir appliquée, certains contribuables ont pu invoquer son illégalité pour refuser des redressements notifiés à la suite de contrôles. Confirmé par la jurisprudence, ce contexte est pour le moins peu satisfaisant, et créé un climat d'insécurité juridique pour le Trésor, mais aussi pour les contribuables. Le présent article propose donc de clarifier cette situation, en donnant à la possibilité d'option une assise législative.

A cet effet, il insère un nouvel article 93 A dans le Code Général des Impôts, dont les dispositions fixe le principe de cette option, et en précise les modalités d'exercice.

Conformément à la pratique admise actuellement par la doctrine, l'option ne concerne que les contribuables soumis au régime de la déclaration contrôlée, c'est-à-dire dans la généralité des cas, ceux dont les recettes annuelles excèdent 175 000 francs. Une telle restriction semble tout à fait légitime, la faculté de choix ne devant en effet pas inciter de petites entreprises à choisir un régime comptable lourd.

L'option devra être formulée avant le 1er février de l'année au titre de laquelle elle s'applique, et sera tacitement reconduite, à défaut de dénonciation expresse, adressée à l'Administration dans les mêmes conditions.

Dans ce contexte, un décret est prévu, afin notamment de préciser les modalités pratiques du changement de mode de comptabilisation, et les mesures d'accompagnement nécessaire pour éviter une double prise en compte, ou une double exonération de certains produits et charges.

Enfin le paragraphe II de l'article valide les options déjà formulées, sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 16 - Prorogation du délai de revente des immeubles acquis avant le 1er janvier 1993 en vue de la revente

Commentaire : Le présent article proroge le régime de faveur des marchands de biens pour les immeubles acquis avant le 1er janvier 1993, et en organise une sortie progressive à partir du 1er janvier 1999. Au Passage, il lève l'ambiguïté qui pouvait exister autour de la notion d'apport en précisant qu'il ne peut être considéré comme une vente.

I - LE DROIT EN VIGUEUR

Les professionnels de l'intermédiation immobilière qui opèrent par achats et reventes, que l'on appelle des marchands de biens, voient leur activité définie par le 6° de l'article 257 du code général des impôts. Ils achètent et vendent des biens immobiliers ou fonds de commerces et leurs résultats sont soumis à l'impôt sur le revenu au titre des bénéfices industriels et commerciaux.

A. UN RÉGIME DE FAVEUR SOUMIS A UNE CONTRAINTE DE REVENTE DANS UN DÉLAI DE QUATRE ANS

Dès lors qu'ils portent sur des biens immobiliers d'occasion, les achats et les ventes sont soumis aux droits de mutations à titre onéreux, 1 ( * ) qui sont particulièrement élevés en France : entre 5 et 5,8 % pour les logements (depuis le 1er juillet 1995), et environ 18,6 % pour l'immobilier professionnel. Pour les fonds de commerce, la fraction de la valeur dépassant 700000 frs est taxable à 11,8 %.

Aussi, pour ne pas pénaliser cette profession, l'article 1115 du code général des impôts prévoit-il un régime de faveur : une exonération des droits de mutation à titre onéreux, à l'exception du droit d'enregistrement ou de la taxe de publicité foncière perçue par l'État au taux de 0,6 % (majoré d'un prélèvement de 2,5 % de l'impôt dû pour frais d'assiette).

Ce système est destiné à améliorer la fluidité du marché immobilier. Pour bénéficier de ce régime, les marchands de biens doivent se soumettre à des conditions de forme permettant de reconnaître leur caractère professionnel, et à une obligation de fond : revendre les biens acquis dans un délai de quatre ans. En cas de reventes successives entre professionnels, ce délai unique s'impose à tous, jusqu'à revente à un non-professionnel. 1 ( * )

A l'expiration du délai, le marchand de biens qui n'a pas revendu se voit lourdement pénalisé aux termes de l'article 1840 G quinquiès :

- du paiement des droits de mutation à titre onéreux dus sur le montant de la première acquisition ;

- d'une pénalité de 6 % de ce même montant ;

- des intérêts de retard portant sur l'impôt initialement dû.

Ce dispositif contraignant a été mis au point en 1991 pour limiter la spéculation foncière et immobilière, mais cette réaction était déjà trop tardive et les effets de la surproduction de bureaux n'allaient pas pouvoir être évités.

B. L'AMBIGUÏTÉ DE LA NOTION D'APPORT

La crise immobilière, latente dès le premier trimestre 1990, est devenue manifeste à la fin du premier trimestre 1992 avec une chute vertigineuse des mises en chantier de bureaux. Elle a rapidement balayé les marchands de biens qui ont dû céder leurs actifs aux établissements de crédits qui avaient soutenu leur activité.

Pour éviter de devoir acquitter les pénalités liées au retard, les marchands de biens et les banques ont joué de l'ambiguïté de la notion d'apport, qui leur paraissait assimilable à une vente dès lors que les biens quittaient le patrimoine du marchand de biens, pour être apportés à une structure de défaisance par exemple.

La doctrine administrative était hostile à cette interprétation, mais la Cour de cassation l'a quasiment confirmée par deux fois (le 6 avril 1993 et le 1er mars 1994), rappelant que l'apport entraîne transfert de propriété.

Cette situation ne faisait que révéler une faille dans le droit en vigueur : il est bien évident que le délai de quatre ans perd absolument toute portée s'il suffit de faire apport des biens à une société pour échapper aux pénalités.

II - LE DISPOSITIF PROPOSÉ

Le présent article propose de proroger le délai, d'aménager la pénalité et de préciser que l'apport ne peut être assimilé à une vente.

A. LA PROROGATION DU DÉLAI

L'article 66 de la loi de finances rectificative pour 1992 avait prorogé jusqu'au 31 décembre 1996 le délai de revente des immeubles acquis avant le 1er janvier 1993, ce qui avait pour effet de porter ce délai à plus de quatre ans et parfois nettement plus, certains immeubles ayant pu être acquis en 1991 ou 1990.

Prenant acte de l'insuffisance de ce délai, le présent article propose de reporter la prorogation de deux ans, au 31 décembre 1998, de façon à ce que les établissements de crédit et les structures de cantonnement, qui doivent céder des biens qui peuvent avoir perdu 50 % à 80 % de leur valeur initiale, ne soient pas soumis en outre à des pénalités de plus de 25 % de ladite valeur initiale.

B. L'AMÉNAGEMENT DE LA PÉNALITÉ DE DÉPASSEMENT

Afin de permettre une sortie en douceur de la crise immobilière tout en contraignant les établissements à céder leurs biens sans trop attendre, le présent article aménage la pénalité de sortie "en sifflet" pour les biens concernés par la prorogation du délai (et non pour ceux qui ont été acquis après le 1er janvier 1993).

D'une part, il supprime la pénalité de retard de 6 % jusqu'aux cessions effectuées en 2002.

D'autre part, il réduit le montant des impositions de façon d'autant plus importante que le retard est plus faible. Cette réduction est ainsi de :

- 75 % en cas de revente au cours de l'année 1999

- 50 % en cas de revente au cours de l'année 2000

- 25 % en cas de revente au cours de l'année 2001

- 0 % en cas de revente au cours de l'année 2002.

Les intérêts de retard restent dus, ce qui accentue fortement le caractère progressif de la pénalité.

C. LA CLARIFICATION DU RÉGIME DE L'APPORT

Enfin, le présent article met un terme à la controverse sur la notion d'apport, en précisant qu'il ne peut être assimilé à une vente, ce qui permet de rendre sa portée au respect du délai pour bénéficier du régime des marchands de biens.

A juste titre, l'Assemblée nationale a précisé cette notion d'apport, à l'initiative de son rapporteur général. Elle a qualifié les apports concernés de "purs et simples". Ceux-ci sont faits à titre gratuit, par opposition aux apports à titre onéreux qui sont en réalité des ventes.

III - APPRÉCIATION DU DISPOSITIF

Ce dispositif doit être rapproché du problème connexe des délais de construction des terrains à bâtir pour bénéficier du régime de la TVA.

Par ailleurs, malgré son opportunité incontestable, il ne doit pas occulter qu'il s'agit de faire peser sur le contribuable une partie du prix des erreurs commises par les professionnels de l'immobilier à la fin des années quatre-vingt.

A. LE PROBLÈME DE LA TVA SUR LES TERRAINS A BATIR

L'article 691 du code général des impôts prévoit, pour les professionnels de l'aménagement et de la construction, un régime analogue à celui des marchands de biens : un assujettissement des terrains à bâtir à la TVA, sous réserve que la construction ait lieu dans un délai de quatre ans. A défaut, des pénalités identiques à celles du régime des marchands de biens sont prévues.

L'objectif de ce dispositif est d'éviter la rétention foncière qui, lorsque la conjoncture est normale, peut provoquer pénurie et hausse des prix.

Pour échapper aux pénalités, il suffit d'engager la construction : le creusement des fondations peut suffire. Cette situation n'est cependant pas saine. Il convient en effet de ne pas engager la construction d'immeubles qui ne correspondent à aucune demande, ce qui contribuerait à aggraver la surproduction actuelle.

C'est pourquoi, à l'initiative de votre Commission des finances, le Sénat avait demandé à M. Nicolas Sarkozy, alors ministre du budget, de faire preuve de compréhension à l'égard des promoteurs et aménageurs qui, loin de se livrer à la spéculation foncière, ne pouvaient construire faute d'acheteurs. C'est par une instruction du 21 mars 1994 que le délai de construction a ainsi été prorogé de deux ans pour les immeubles acquis avant le 1er janvier 1993.

Le paragraphe IV de l'article 691 du code général des impôts prévoit en effet de laisser à l'administration fiscale une marge de prolongation du délai, notamment en cas de force majeure, ce à quoi la crise actuelle peut s'assimiler compte tenu de sa gravité.

Devant l'Assemblée nationale, le ministre de l'économie et des finances, M. Jean Arthuis, s'est engagé à décider un nouveau dispositif du même ordre, également par instruction 1 ( * ) . Il est probable, même s'il ne l'a pas Précisé, qu'il s'agira d'une nouvelle prorogation de deux ans.

B. LE PROBLÈME DE LA SORTIE DE CRISE DE L'IMMOBILIER DE BUREAU

Les dispositifs ainsi décidés pour sortir de la crise de l'immobilier de bureau sont un moindre mal : des établissements de crédits et sociétés de cantonnement aujourd'hui propriétaires d'immeubles ou de droits à construire seraient mis dans de graves difficultés s'ils devaient acquitter de lourds rappels de taxation sur des opérations qui leur occasionnent des pertes importantes par ailleurs. Les conséquences de la crise immobilière sur un outil bancaire fragilisé ne pourraient qu'en être aggravées, notamment en contraignant les établissements à passer davantage de provisions et partant, à restreindre un peu plus les conditions du crédit.

Cependant, un moindre mal n'est pas un bien, et votre rapporteur général n'omet pas de rappeler que par les présents dispositifs, les contribuables sont conduits à payer pour les erreurs - voire les folies - de quelques-uns. Il s'agit des professionnels de l'immobilier et surtout des établissements de crédit qui ont financé leurs opérations.

On est ainsi conduit à s'interroger sur l'efficacité d'un dispositif fiscal - le délai de quatre ans pour vendre ou construire - destiné à contraindre les professionnels concernés à anticiper de façon prudente l'évolution de la demande tout en empêchant la rétention foncière. A l'évidence, ce système n'a pas fonctionné, et sitôt les difficultés apparues, il s'est avéré nécessaire de ne pas employer les sanctions qui devaient pénaliser l'incurie et la mauvaise gestion.

Il convient de tempérer ce constat amer en rappelant que la crise immobilière est mondiale et que la plupart des spécialistes se sont laissés surprendre, sur toute la planète, par le retournement de la conjoncture.

Mais ceci n'exonère pas de réfléchir sur les méthodes à suivre en France pour sortir de la crise et éviter qu'elle ne se reproduise.

Il apparaît en particulier que le régime des marchands de biens a contribué à l'inflation de la demande, par un délai de revente fixé à cinq ans jusqu'en 1991, et qui se reconstituait à chaque revente, même entre professionnels. La réforme de 1991 n'a pas suffi à réduire sensiblement une demande qui provoquait la hausse des prix et l'augmentation des mises en chantier, tout en ne reflétant pas une véritable demande finale.

Cette expérience démontre à l'évidence qu'il faut mettre fin à la possibilité pour une demande intermédiaire de s'exprimer à l'excès, en perdant tout contact avec la réalité des utilisateurs finals. Cette perte du sens de la demande réelle, communément appelée "bulle spéculative", a conduit à la surproduction.

Le gouvernement devrait mener une réflexion sur ce thème, en complément de celle qui a été menée en 1991 sur les relations entre les marchands de biens et les locataires, 1 ( * ) afin d'éviter à l'avenir la formation de nouvelles bulles spéculatives.

Décision de la commission : Votre commission vous propose d'adopter cet article dans la rédaction de l'Assemblée nationale.

* 1 Les opérations portant sur le neuf sont soumises à la TVA

* 1 D'où les expressions de "grenade" ou de "patate chaude", qui caractérisent les biens ainsi échangés : le dernier professionnel bloqué avec le bien à l'issue du délai est souvent assuré de faire des pertes.

* 1 Discussion générale du second projet de loi de finances rectificative pour 1995. 1ère séance du mercredi 6 décembre 1996.

* 1 Les marchands de biens, une activité à réformer ? "-groupe de travail relatif aux opérations des marchands de biens concernant les immeubles d'habitation, juin 1991

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