Article 19
Adaptation de la rétention administrative dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte
Cet article donne pour les territoires d'outre-mer et Mayotte une base légale à la rétention administrative des étrangers en situation irrégulière, en instance d'expulsion.
En effet, à l'heure actuelle, l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France, n'y est pas applicable -notamment son article 35 bis, issu de la loi du 29 octobre 1981 et modifié à cinq reprises.
L'article 35 bis de l'ordonnance de 1945 prévoit que les étrangers en instance de reconduite à la frontière ou d'expulsion, qui ne peuvent quitter immédiatement le territoire, peuvent, sur décision écrite motivée du représentant de l'État dans le département, être maintenus dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire. D'où le terme de rétention « administrative ». Celle-ci peut se prolonger pendant le temps strictement nécessaire au départ de l'étranger. Toutefois, au terme des premières vingt-quatre heures, la présentation de l'intéressé au président du tribunal de grande instance est obligatoire, soit pour prolonger la rétention, soit pour prononcer 1 assignation à résidence.
La durée maximale de la rétention est de six jours à compter de l'ordonnance du président du tribunal. Elle est prolongeable une fois pour 72 heures maximum, dans les mêmes conditions, en cas d'urgence absolue et de menace d'une particulière gravité pour l'ordre public ou lorsque l'intéressé n'a pas présenté les documents de voyage nécessaires à son départ et que ce délai supplémentaire permettrait de les obtenir.
Le procureur de la République est informé et peut se rendre sur les lieux.
L'intéressé peut être assisté d'un avocat, d'un médecin et d'un interprète.
Le dispositif proposé pour les territoires d'outre-mer et Mayotte par l'article 19 s'inspire largement de ce système tout en tenant compte du régime applicable aux étrangers et des conditions géographiques et matérielles dans ces collectivités.
En effet, les étrangers sont soumis dans les territoires d'outre-mer et à Mayotte à la loi du 3 décembre 1849 sur la naturalisation et le séjour des étrangers en France.
L'article 7 de cette loi prévoit la possibilité d' « enjoindre à tout étranger voyageant ou résidant en France de sortir immédiatement du territoire français, et (de) le faire conduire à la frontière » .
Aucun texte ne prévoit en revanche le cas où l'expulsion ne pourrait être immédiate. Tel est l'objet de l'article 19.
Ici, la décision initiale écrite et motivée est confiée au haut commissaire de la République en Nouvelle Calédonie et en Polynésie, à l'administrateur supérieur à Wallis-et-Futuna et au représentant du gouvernement à Mayotte.
Le procureur de la République est informé mais « dans les meilleurs délais » et non « immédiatement », de même pour l'information de l'étranger sur ses droits.
Pour le reste, l'adaptation reste limitée le texte étant très proche de celui de l'article 35 bis de l'ordonnance.
Toutefois, des délais plus longs sont prévus :
- pour la rétention initiale, elle n'est de vingt-quatre heures que pour la Grande-Terre en Nouvelle-Calédonie et l'île de Tahiti en Polynésie ; elle est portée à trois jours en dehors de ces limites et à cinq jours à Wallis-et-Futuna, dans les îles australes, Tuamotu Gambier et Marquises, ainsi qu'à Mayotte, pour cette dernière à l'issue du vote par l'Assemblée nationale d'un amendement du Gouvernement ;
- à l'issue de ce délai intervient la prise d'effet de l'ordonnance qui rouvre un délai de sept jours ;
- ce délai peut encore être prolongé de quatre jours, dans les mêmes conditions qu'en métropole, pour les dernières 72 heures.
Tout compte fait, non seulement la présentation au juge peut attendre jusqu'à cinq jours mais encore la totalité de la rétention administrative peut atteindre seize jours au lieu de dix jours.
Le Gouvernement justifie cet aménagement par les nécessités géographiques et les effectifs limités de magistrats et policiers présents sur place.
Notamment à Mayotte, où le projet initial prévoyait la présentation au juge au bout de vingt-quatre heures, les effectifs constatés (un seul magistrat, un seul substitut, huit officiers de police judiciaire et deux avocats) limitent les possibilités pratiques de respecter les délais métropolitains, compte tenu de l'importance numérique de l'immigration comorienne.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter cet article sans modification.