CHAPITRE III - LES RESULTATS : LE BILAN DES ACCIDENTS DE LA ROUTE
La tendance à l'amélioration de la sécurité routière observable depuis
1972 ne s'est pas interrompue en 1994/1995. Les résultats ne sont cependant pas flamboyants, du fait notamment de la perspective de l'amnistie présidentielle. De nouveaux phénomènes apparaissent, peut-être plus inquiétants, et la vitesse excessive reste un problème non résolu.
A. LE CHAMP D'APPLICATION DE L'AMNISTIE
Moins généreuse que par le passé, l'amnistie s'est cantonnée aux contraventions entraînant un retrait de quatre points, commise avant le 18 mai.
Les infractions amnistiées
Trois points
- circulation sans motif sur la partie gauche de la chaussée,
-franchissement d'une ligne continue,
- changement important de direction sans avertir les usagers et sans que le conducteur se soit assuré que la manoeuvre est sans danger pour les autres usagers,
-dépassement de moins de 40 km/h de la vitesse maximale autorisée pour les conducteurs débutants,
-dépassement dangereux,
-stationnement d'un véhicule sans éclairage la nuit en un lieu dépourvu d'éclairage,
-circulation sur bande d'arrêt d'urgence.
Deux points
-dépassement de la vitesse maximale autorisée compris entre 20 km/h et moins de 30 km/h,
- accélération de l'allure par le conducteur d'un véhicule sur le point d'être dépassé,
- circulation ou stationnement sur le terre-plein central d'autoroute.
Un point
- dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 20 km/h,
- maintien des feux de route gênant les conducteurs venant en sens inverse malgré appels de phares,
- chevauchement d'une ligne continue,
- non port de la ceinture par le conducteur,
- non port du casque par le conducteur d'une moto
La loi précise que l'amnistie est sans effet sur la réduction des points. En revanche, les infractions amnistiées non encore jugées définitivement avant le 18 mai ne feront pas l'objet d'un retrait de points.
Cette indulgence moindre est probablement de nature à réduire les comportements infractionnistes autour de la prochaine élection présidentielle. On peut néanmoins s'interroger sur le maintien d'une tradition dont on sait qu'elle a un coût en vies humaines.
B. LE BILAN DES ACCIDENTS CORPORELS
En cinq ans, le nombre d'accidents corporels a diminué de 13 %, celui des tués de 11 % et celui des blessés de 14 % alors que dans le même temps la circulation augmentait de près de 10 %.
En 1994, malgré une érosion au cours du troisième quadrimestre, le gain par rapport à l'année précédente a été bien marqué. Au 31 décembre 1994, le bilan s'établissait à 8.533 tués et 180.832 blessés dans 132.726 accidents corporels. Par rapport à 1993, on a observé une diminution 3,5 % pour les accidents corporels, 5,7 % pour les tués et 4,3 % pour les blessés. La circulation sur le réseau national a augmenté pendant cette période de 3,5 %.
Cependant, ces bons résultats ont été acquis au cours des neuf premiers mois de l'année. A la fin de septembre 1994, la moyenne mobile du nombre de tués s'est établie à 8.397.
La dégradation observée sur les trois derniers mois de 1994 s'est poursuivie en s'amplifiant au cours des quatre premiers mois de 1995.
Malgré un retour à un bilan acceptable en mai, beaucoup plus médiocre en juin, l'évolution sur les six premiers mois de 1995 s'établit pour le nombre d'accidents corporels à - 0,8 %, + 2,8 % pour le nombre de tués et - 0,3 % Pour le nombre de blessés.
Si l'on met ces résultats sur une perspective de plus long terme, on se rend compte que l'amélioration de la sécurité routière piétine depuis cinq ans. En effet, sur une base 100 en 1990, les nombres d'accidents et de tués s'établissaient respectivement à 80 et 81 en 1994. Sur une base 100 en 1991, ces résultats ne sont plus en 1995 que de 87 et 89. Le nombre d'accident diminue moins vite, et leur gravité a tendance à augmenter.
C. DES INTERROGATIONS POUR L'AVENIR
L'amnistie n'est pas seule en cause dans la décélération de l'amélioration de la sécurité routière. La France reste proportionnellement l'un des pays les plus dangereux d'Europe, et des phénomènes nouveaux apparaissent.
Source : FFSA
On peut citer quatre problèmes.
En janvier de cette année, l'observatoire national interministériel de sécurité routière a publié une étude aux termes de laquelle aucune amélioration de l'accidentologie des enfants n'était observable depuis le 1er janvier 1992, date de l'entrée en vigueur de l'obligation des systèmes de retenue à l'arrière (14 ( * )) : 232 morts en 1991, 213 en 1992 puis 222 en 1993.
En second lieu, les services de l'équipement ont observé une aggravation notable de la situation des cyclistes depuis 1993, pour l'instant mal expliquée. On peut également noter que le nombre de piétons victimes de la route stagne à un niveau insupportable.
Un lien pourrait cependant être établi entre cette situation et un autre Phénomène observable depuis quelques temps : l'amélioration de la sécurité des véhicules provoque chez les conducteurs un excès de confiance préjudiciable aux autres usagers de la route. En effet, cette amélioration (liée aux sacs gonflables, systèmes d'antiblocages des roues, ceintures de sécurité, renfort des carrosseries) atténue les conséquences des accidents pour les passagers du véhicule protégé, mais n'empêche pas les accidents de se produire.
Enfin, on constate un maintien, voire une augmentation dans certains cas, des vitesses moyennes des véhicules, malgré les limitations de vitesse. Ce phénomène est le plus inquiétant, car il porte en lui le ralentissement de l'amélioration de la sécurité routière. Votre rapporteur invite donc le gouvernement à tenir le plus grand compte des propositions de la commission NAMIAS (15 ( * )) , comme il semble en avoir l'intention, puisqu'au moins trois de ces propositions sont ou devraient être mises en oeuvre :
- la mise en place de plans départementaux annuels de sécurité routière ;
- l'amende forfaitaire pour les petits excès de vitesse ;
- - une révision des limitations de vitesse, notamment sur les voies à 110 km/h et aux périphéries d'agglomération.
* 14 Les dispositifs de retenue pour enfants en 1994 - "Utilisation et efficacité" - La Documentation française.
* 15 Rapport de la commission "Vitesse et sécurité routière" (Robert Namias) - 15 décembre 1994.