AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
La maîtrise de notre système de soins est au coeur du plan de redressement de la sécurité sociale présenté le 15 novembre dernier par le Premier ministre.
Avec un déficit de 36,6 milliards de francs en 1995, la branche maladie représente à elle seule près de 57 % du déficit global du régime général, qui devrait s'établir cette année à 64,4 milliards de francs. Il s'agit donc de la branche de sécurité sociale la plus lourdement déficitaire, mais aussi de celle qui est la plus susceptible d'évolutions rapides.
Votre rapporteur a la conviction que des gains de productivité peuvent être rapidement réalisés au sein de la masse des 668 milliards de francs de dépenses de santé, permettant de rétablir un équilibre financier sans nuire à la qualité des soins. Le contrôle médical de la Caisse nationale d'assurance maladie chiffre les gaspillages à 60 ou 100 milliards de francs. Ces dépenses sans justification correspondent à des soins qui sont non seulement inutiles, mais souvent nuisibles.
Votre rapporteur a cette année la satisfaction de voir aboutir certaines des réformes qu'il a eu l'honneur de défendre au nom de la commission des finances. Le rapport d'information sur les aspects financiers de la protection sociale qu'il avait présenté en 1992 proposait déjà la fixation du taux d'évolution des dépenses d'assurance maladie par le Parlement, ainsi que la régionalisation du système hospitalier.
La modicité des moyens budgétaires dont disposent les administrations sanitaires et sociales pour mettre en oeuvre ces ambitieuses réformes est frappante. Mais votre rapporteur ne doute pas que le Gouvernement, avec le soutien de sa majorité, saura faire preuve de toute la diligence et la détermination nécessaires pour réduire drastiquement le déficit de la branche maladie dès 1996, et la ramener à l'équilibre en 1997.
CHAPITRE PREMIER - L'ÉTAT ACTUEL DU SYSTÈME DE SANTÉ FRANÇAIS N'EST PAS SATISFAISANT
I. UNE EFFICACITÉ INSUFFISANTE
A. LES DÉPENSES DE SANTÉ ONT ATTEINT EN FRANCE UN NIVEAU TRÈS ÉLEVÉ
1. Une progression rapide des dépenses de santé
- La consommation médicale totale, telle qu'elle est définie dans les comptes nationaux de la santé, recouvre deux agrégats complémentaires :
- la consommation de soins et de biens médicaux (soins hospitaliers, soins ambulatoires, services de transport sanitaire, biens médicaux).
- la consommation de médecine préventive (médecine du travail, médecine scolaire, prévention maternelle et infantile et autres services de prévention individualisés).
Ainsi définie, la consommation médicale totale s'est élevée en 1994 à 668,2 milliards de francs, soit 11.540 francs par habitant.
La consommation médicale totale
En structure, les soins hospitaliers représentent 48 % de la consommation de soins et de biens médicaux, les soins ambulatoires 28,2 % et les médicaments 18,2 %.
La progression en valeur de la consommation médicale totale a été de 3,3 % en 1994, contre 5,7 % en 1993, 6,5 % en 1992 et 6,6 % en 1991. Cette décélération est encore plus nette sur longue période : alors que son taux de croissance annuel était de 17,3% en 1970-1975, il est passé à 7,6% en 1985-1990.
Taux de croissance annuel en valeur de la consommation médicale totale
(en %)
Toutefois, en dépit de cette tendance au ralentissement, la progression de la consommation médicale totale a toujours été sensiblement supérieure à celle du PIB, sauf en 1994 (accroissement de la consommation médicale totale de 3,3 % contre 4,1 % pour le PIB) sous l'effet des mesures du plan Veil.
Sur longue période, les soins de santé constituent en termes d'analyse microéconomique un bien supérieur, dont la consommation augmente plus vite que le revenu.
2. Un niveau de dépenses supérieur à celui des autres pays européens
Cette dynamique des dépenses de santé est commune à la plupart des pays développés. Toutefois, la France se singularise par un niveau de dépenses de santé particulièrement élevé, comme le montre le tableau ci-après :
Part de la dépense nationale de santé dans le PIB
(en %)
Depuis 1990, la France est le pays de l'Union européenne qui consacre la plus forte proportion de son PIB aux dépenses de santé.
Certains de ses voisins européens ont su au contraire diminuer depuis 1985 la part des dépenses de santé dans leur revenu national, tels l'Allemagne, le Danemark ou l'Irlande.
Au sein de l'OCDE, les seuls pays qui consacrent une part plus importante de leur PIB aux dépenses de santé sont les États-Unis (14,1 %). le Canada (10,2 %) et la Suisse (9,9 %).
3. Les indices d'une surconsommation et d'un suréquipement
Les Français se rendent en moyenne 14,8 fois par an chez un praticien (11,4 fois en 1980), dont 6.4 séances chez le médecin, 3,6 séances d'analyses, radios ou examens, 5,5 séances d'auxiliaires paramédicaux et 1,5 séance chez le dentiste.
En matière de médicaments, les Français comptent parmi les plus gros consommateurs mondiaux en volume (37,2 boîtes par an et par habitant en 1991, contre 27,4 en 1980), à égalité avec les Japonais et devant les Allemands.
Le nombre de médecins en France, environ 165.000, correspond à la moyenne européenne, soit près de 300 médecins pour 100.000 habitants. Ce chiffre global recouvre toutefois des disparités géographiques très importantes. Le nombre de médecins pour 100.000 habitants varie ainsi de 165 dans l'Eure à 691 à Paris.
Nombre de médecins pour 100.000 habitants en 1991
Source : OMS
Si la France se situe dans la moyenne européenne pour le nombre de médecins, elle présente en revanche une particularité qui la distingue de ses partenaires : le nombre des spécialistes y est presque équivalent à celui des généralistes.
S'agissant de l'hôpital, la France enregistre, au sein de l'Union européenne, le plus grand nombre de lits (court, moyen et long séjour), avec un ratio d'environ 1.250 lits pour 100.000 habitants, qui la situe bien au-delà de la moyenne de l'Union européenne, qui est d'environ 800 lits.
Nombre de lits d'hôpital pour 100.000 habitants en 1991
(
•) Entité juridique incluant les longs
séjours et les maisons de retraite
Source : OMS