• Sur la difficulté de la révision des services votés :

"L'infléchissement de la dépense est réel. Au regard de l'impératif de réduction des déficits publics, il n'est cependant pas interdit de penser que le gouvernement aurait pu aller plus loin dans la révision des services votés. Il ne faut cependant pas sous-estimer la difficulté de l'exercice, après bien des années de pratique de la régulation budgétaire, et alors que les annulations atteindront sans doute cette année un niveau comparable à celui de 1993. Le véritable allégement budgétaire doit venir de réformes de structure issues de la réflexion en profondeur engagée par le gouvernement. " (Ibidem, page 25).


Sur le rôle du Parlement :

"Dès lors, si le Parlement souhaite apporter sa contribution à la recherche d'économies, ce ne peut être que par une démarche concertée avec les rapporteurs spéciaux, s'appuyant sur une analyse approfondie des budgets. Des mesures d'annulation purement forfaitaires auraient toutes chances d'être irréalistes, donc inopérantes. La réduction significative du budget passe par un véritable réexamen en profondeur des conditions de l'action publique. "

III. LE NÉCESSAIRE REMODELAGE DE NOTRE SYSTÈME DE PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES

A. LE CONSTAT DU PASSÉ : UNE DÉFORMATION DES PRÉLÈVEMENTS OBLIGATOIRES PRÉJUDICIABLE À L'ÉCONOMIE ET À L'ÉTAT

Les difficultés éprouvées pour réduire les déficits publics dans un contexte de reprise conduisent à s'interroger sur l'adéquation de nos prélèvements obligatoires, et de leur structure.

Ceux-ci figurent toujours parmi les plus élevés du monde industriel, et, depuis près de dix ans, oscillent autour de 44 % du PIB. La période récente se caractérise d'ailleurs par une nouvelle accentuation de leur poids et l'an prochain, le précédent record de 1984 (soit 44,6 % du PIB) devrait être dépassé de 0,1 point.

Mais cette évolution d'ensemble masque en outre une nette inflexion dans la structure de nos prélèvements obligatoires.

Or, ces évolutions ont accentué l'un des travers fondamentaux de notre système, et expliquent pour partie les difficultés éprouvées par l'État pour bénéficier pleinement des recettes liées à la reprise économique.

1. Le rôle déterminant des prélèvements sociaux

Sur l'ensemble de cette période, la rigidité à la baisse dont font preuve nos prélèvements obligatoires provient exclusivement de la sécurité sociale.

Or, dans le même temps, le lancinant problème du déséquilibre de nos comptes sociaux n'a pas été réglé et demeure entier pour l'avenir.

Ce constat illustre tout d'abord l'échec des multiples plans de redressement de la sécurité sociale mis en oeuvre successivement durant cette période et qui, d'une manière générale, ont eu plus d'effet sur les recettes que sur le rythme de progression des dépenses.

Mais, en outre, ces multiples plans n'ont pas amorcé de véritable réforme du mode de financement de nos régimes sociaux, mouvement pourtant indispensable en raison des mutations profondes du monde économique. En dépit de la création récente de contribution sociale généralisée, les recettes de ces régimes demeurent à plus de 92 % assises sur les revenus professionnels des actifs, et pèsent donc très directement sur l'emploi.

Certes, au plan macro-économique, cet enchaînement désastreux a pu être atténué par une moindre progression des salaires directs. Dans un monde de plus en plus ouvert à la concurrence, notre pays a ainsi pu rester compétitif en terme de coût global du travail au regard de ces principaux concurrents européens. Mais cette réponse s'est aussi payée d'un moindre dynamisme de la consommation des ménages actifs, et surtout de l'apparition de véritables barrières à l'emploi pour les postes les moins qualifiés.

De ce point de vue, notre système de prélèvements obligatoires est donc devenu pénalisant pour l'activité économique et l'emploi.

Une telle situation conduit désormais à des réponses inquiétantes pour le Budget de l'État. En effet, il est amené à prendre en charge une partie des cotisations sociales pesant sur les salaires les moins élevés, ce qui à l'évidence rend encore plus difficile l'indispensable effort de maîtrise de ses dépenses.

2. L'appauvrissement de l'État fiscal

La seconde grande tendance qui s'est manifestée au cours des dernières années apparaît comme la diminution régulière du taux des prélèvements obligatoires revenant à l'État. Entre 1987 et 1994, il est en effet revenu de 17,3 % à 14,7 %, expliquant ainsi à lui seul le recul du taux global de prélèvement des administrations autres que les régimes sociaux.

Un tel recul trouve en fait ses origines dans deux grandes tendances de fonds.

a) Des impôts au rendement amoindri

Entre 1987 et 1994, période qui recouvre une phase d'accélération de l'économie, puis une véritable crise économique, les recettes fiscales nettes ( 21 ( * ) ) de l'État seront passées de 1.043,8 milliards de francs à 1.254,4 milliards, soit une progression globale de 20,2 %. Dans le même temps, le produit intérieur brut marchand a augmenté de 37,7 %.

Une partie de ce décalage s'explique certes par des facteurs économiques, les composantes les plus dynamiques de la croissance n'étant pas nécessairement les plus riches en recettes fiscales pour l'État. La période récente illustre d'ailleurs ce phénomène -de façon exemplaire-. Depuis la fin de 1993, la reprise de l'activité est largement due aux exportations qui ne génèrent pas de TVA.

Mais, deux autres facteurs plus structurels se sont combinés pour peser sur l'évolution des recettes fiscales réellement perçues par l'État :

1- Des allégements d'impôts imposés par les circonstances, mais sans réelle contrepartie sur les autres ressources de l'État.

Depuis le milieu des années 80, notre système fiscal a sensiblement évolué dans quelques grands domaines.


Le taux de l'impôt sur les sociétés a été ramené de 50 % à 33 1/3 %, ce reflux étant indispensable pour assurer la compétitivité de nos entreprises et attirer les investisseurs étrangers. Malgré des élargissements de l'assiette, le rendement de l'impôt a bien évidemment été affecté : en 1987, son produit net représentait 108 milliards de francs ; sept ans plus tard il est de 113 milliards.


• Dans le même temps, les impératifs européens nous conduisaient à supprimer le taux majoré de TVA. Mais les gouvernements d'alors ont cru nécessaire d'accompagner ce mouvement d'une diminution du taux réduit, démarche qui, elle, ne se justifiait pas par nos engagements communautaires.

Or, ces ajustements dont les plus importants étaient inévitables, n'ont pas été l'occasion d'amorcer la rénovation de notre impôt sur le revenu. Plus grave, les modifications introduites dans ce domaine ont généralement eu pour effet d'accentuer les aspects les plus atypiques de cet instrument fiscal : faiblesse du nombre assujetti, concentration de l'impôt et multiplication des dispositifs dérogatoires. Aussi, l'allégement est là encore le phénomène majeur qui caractérise l'évolution récente de cet impôt : le taux moyen d'imposition s'établit désormais à 13,52 %, contre 15,3 % en 1991.

De fait, l'État s'est progressivement appauvri, et ne bénéficie plus aussi rapidement qu'avant d'une reprise de l'activité. Pour plus de 54 %, contre 51 % en 1991, ses recettes reposent sur la seule consommation, aggravant ainsi l'interdépendance entre la dynamique de cette composante économique et l'aisance budgétaire de l'État.

2- La montée en puissance des dégrèvements d'impôts locaux pris en charge par l'État

Au côté des remboursements et dégrèvements afférents aux impôts qu'il perçoit pour son propre compte, l'État a accepté d'assumer ses propres ressources, des dégrèvements portant sur des impôts revenant aux collectivités locales.

Résultant de dispositions législatives d'ordre général, cette ponction s'est considérablement accrue au cours des dernières années. En 1994, elle représente 44 milliards de francs, dont 24 milliards au titre du plafonnement de la taxe professionnelle. En l'espace de 6 ans, la charge liée à ce dernier mécanisme a été multiplié par huit.

Accentuée par les aléas conjoncturels, cette progression spectaculaire trouve toutefois structurellement son origine dans un véritable "effet de ciseau" :

- d'une part, la réduction progressive du taux de plafonnement de la taxe professionnelle par rapport à la valeur ajoutée, démarche qui, là encore, était justifiée par la nécessité d'accroître la compétitivité des entreprises françaises dans un environnement de plus en plus concurrentiel.

- d'autre part, l'augmentation régulière des taux votés par les collectivités locales, ces dernières étant elles-mêmes confrontées à une progression importante de leurs dépenses.

De fait l'État s'est substitué au contribuable local et supporte des dégrèvements représentant 23 % du total des émissions de taxe professionnelle de l'année.

b) L'évolution "autonome " des prélèvements sur recettes

Déjà bridé par l'évolution de sa principale source de recettes, l'État est, en outre, tenu de prélever, sur l'ensemble de ces ressources, les sommes qu'il s'est engagé à verser, tant à l'Union européenne qu'aux collectivités locales, au titre des compétences transférées.

Or, ces deux prélèvements évoluent suivant des logiques autonomes, qui s'avèrent largement indépendantes des autres contraintes pesant sur l'État. Soutenable en période de croissance économique, cette procédure a cependant relevé toute sa rigidité au cours du passé récent.

Le tableau précédent met en évidence l'effet "d'accélérateur" suscité par cette contrainte lorsque la croissance économique a commencé à s'essouffler. Entre 1991 et 1993, les recettes brutes de l'État n'ont pratiquement pas évolué. Dans le même temps, les prélèvements sur recettes progressaient de 7,9 %, suscitant ainsi une baisse non négligeable des ressources nettes du Budget général.

La ventilation de ces prélèvements fait ressortir le poids respectif des différents facteurs.

Évolution des prélèvements sur recettes

Encore faut-il souligner que l'État a régulièrement tenté de ralentir cette progression, en modulant les critères de calcul des principales dotations versées aux collectivités locales, et notamment les règles d'évolution de la dotation globale de fonctionnement.

* 21 après remboursements et dégrèvements.

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