EXAMEN DES ARTICLES

Votre commission vous propose tout d'abord d'adopter un amendement rédactionnel sur l'intitulé du projet de loi, le terme « stipulations » devant, s'agissant d'une convention, être préféré à celui de « dispositions ».

TITRE PREMIER - DISPOSITIONS PORTANT ADAPTATION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE À LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE RELATIVE AU BLANCHIMENT, AU DÉPISTAGE, À LA SAISIE ET À LA CONFISCATION DES PRODUITS DU CRIME

CHAPITRE PREMIER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX INFRACTIONS DE BLANCHIMENT

Article premier

Création d'une infraction générale de blanchiment des produits des crimes et des délits

Cet article a pour objet de créer une infraction générale de blanchiment des produits des crimes ou des délits, conformément aux stipulations de l'article 6 de la Convention de Strasbourg. Celui-ci impose notamment aux États parties d'adopter les mesures « nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale (...) à la conversion ou au transfert de biens dont celui qui s'y livre sait que ces biens constituent » des avantages économiques tirés d'infractions pénales.

A cette fin, le présent article premier prévoit d'insérer au sein du livre troisième du code pénal, relatif aux crimes et délits contre les biens, un chapitre intitulé « Du blanchiment » et composé de neuf articles, portant les références 234-1 à 324-9. Ce chapitre comprendrait deux sections consacrées respectivement au blanchiment (simple et aggravé) et aux peines complémentaires applicables aux personnes physiques ainsi qu'à la responsabilité pénale des personnes morales.

Section I : Du blanchiment simple et du blanchiment aggravé

Cette division serait composée de six articles insérés dans le code pénal.

1. Article 324-1 : création d'un délit général de blanchiment

Le délit général de blanchiment, qui serait sanctionné de cinq ans d'emprisonnement et de 2 500 000 F d'amende, revêtirait deux aspects :

- il pourrait tout d'abord consister dans le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un avantage direct ou indirect ;

- il pourrait également résider dans le fait d'apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit.

Cette incrimination peut être qualifiée de générale car, aucune précision n'étant apportée quant à l'origine des biens frauduleusement acquis, le blanchiment pourra désormais avoir pour origine tout crime ou délit et non seulement, comme actuellement, le trafic de stupéfiants. On observera toutefois que le blanchiment des produits issus d'un tel trafic devrait faire l'objet d'une disposition particulière, commentée plus loin (article 2 du projet de loi).

2. Article 324-2 : blanchiment aggravé

En vertu de cette disposition, le blanchiment serait sanctionné de dix ans d'emprisonnement et de 5 000 000 F d'amende lorsqu'il serait commis dans l'une des circonstances suivantes :

- soit de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ;

- soit en bande organisée. Cette notion est définie par l'article 132-71 du code pénal comme « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions ».

3. Article 324-3 : aggravation des peines d'amende encourues

Afin de prendre en compte l'importance parfois considérable des sommes concernées par le blanchiment, le nouvel article 324-3 du code pénal autoriserait le prononcé de peines d'amende pouvant atteindre la moitié de la valeur des biens concernés. Cette faculté concernerait aussi bien le blanchiment simple que le blanchiment aggravé.

4. Article 324-4 : peines encourues pour blanchiment d'argent provenant d'un crime ou d'un délit grave

Cette disposition envisage l'hypothèse dans laquelle le crime où le délit dont proviennent les biens sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment est puni d'une peine privative de liberté supérieure à l'emprisonnement prévu, de manière générale, pour le blanchiment simple (article 324-1) ou aggravé (article 324-2). Dans ce cas, le blanchiment serait puni des peines (privatives de liberté et autres) attachées au crime ou au délit en question et, si cette infraction était accompagnée de circonstances aggravantes, aux seules circonstances dont son auteur aurait eu connaissance.

L'article 324-4 appliquerait ainsi au blanchiment la solution d'ores et déjà retenue par l'article 321-4 pour le recel.

5. Article 324-5 : récidive

En vertu de cet article, le blanchiment serait assimilé, au regard de la récidive, à l'infraction à l'occasion de laquelle auront été commises les opérations de blanchiment.

Des dispositions similaires sont d'ores et déjà contenues dans le code pénal. Ainsi, l'article 321-5 assimile le recel, au regard de la récidive, à l'infraction dont provient le bien recelé.

Une telle assimilation a pour conséquence d'aggraver les peines encourues par le délinquant, conformément aux principes posés par les articles 132-8 et suivants du code pénal.

6. Article 324-6 : répression de la tentative de blanchiment

En vertu de cette disposition, la tentative du délit de blanchiment serait punie de la même peine que l'infraction elle-même.

Une telle précision est nécessaire à la répression d'un tel fait. En effet la personne qui tente de commettre un délit n'est considérée comme auteur de celui-ci que dans les cas prévus par la loi. Il en va différemment en matière criminelle, l'article 121-4 du code pénal assimilant la tentative à l'infraction elle-même.

Section II : Peines complémentaires applicables aux personnes physiques et responsabilité pénale des personnes morales

Cette section comprendrait trois articles.

1. Article 324-7 : peines complémentaires applicables aux personnes physiques

Les personnes physiques coupables de blanchiment seraient passibles de peines complémentaires. Celles-ci seraient identiques à celles d'ores et déjà prévues en cas de blanchiment de biens issus du trafic de stupéfiants (articles 222-44 à 222-48 du code pénal). Il s'agit des peines suivantes :

- interdiction d'exercer une fonction publique ou l'activité professionnelle ou sociale ayant donné lieu à l'infraction ;

- interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation ;

- suspension du permis de conduire pour une durée n'excédant pas cinq ans ;

- annulation du permis de conduire ;

- confiscation d'un ou plusieurs véhicules ;

- confiscation d'armes dont dispose le condamné ;

- confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;

- interdiction des droits civiques, civils et de famille ;

- interdiction de séjour ;

- interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de quitter le territoire de la République.

2. Article 324-8 : interdiction du territoire français

Les ressortissants étrangers condamnés pour blanchiment pourraient également, comme le prévoit déjà l'article 222-48 du code pénal en matière de trafic de stupéfiants, être interdits du territoire français, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus.

3. Article 324-9 : responsabilité pénale des personnes morales

Les personnes morales pourraient également être condamnées pour blanchiment. Elles encourraient alors, en application du nouvel article 324-9 du code pénal, une peine d'amende, pouvant atteindre cinq fois le montant prévu pour les personnes physiques, ainsi que des peines complémentaires telles que la dissolution, le placement sous surveillance judiciaire ou l'exclusion des marchés publics.

Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé général du présent rapport, votre commission des Lois approuve dans son principe la création d'une infraction générale de blanchiment qui lui paraît nécessaire à l'efficacité de la lutte contre la grande criminalité organisée.

Cette création ne saurait cependant conduire à une extension indirecte du champ de la déclaration de soupçons à laquelle sont astreints les organismes financiers depuis 1990.

La création d'un délit général de blanchiment ne saurait davantage conduire à la condamnation de personnes qui auraient facilité malgré elles la justification de revenus acquis frauduleusement à leur corps défendant. L'article 6, paragraphe 1 de la convention de Strasbourg précise d'ailleurs que le blanchiment doit concerner des actes « commis intentionnellement ».

Votre commission n'a cependant pas jugé utile de préciser expressément que le blanchiment supposerait une intention frauduleuse, l'article 121-3 du nouveau code pénal subordonnant de manière générale l'existence d'un délit ou d'un crime à une intention frauduleuse. En d'autres termes, le nouvel article 324-1 ne déroge pas à cette disposition générale mais, bien au contraire, doit s'appliquer compte tenu du principe qu'elle pose.

C'est pourquoi, sous réserve de cette interprétation selon laquelle le blanchiment ne saurait constituer un délit objectif, votre commission vous propose d'adopter le présent article premier sans modification.

Article 2

Blanchiment de l'argent provenant du trafic de stupéfiants

Cette disposition a pour objet de réécrire l'article 222-38 du code pénal, relatif au blanchiment de l'argent provenant du trafic de stupéfiants.

En sa rédaction actuelle cet article sanctionne de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende « le fait de faciliter, par tout moyen frauduleux, la justification mensongère de l'origine des ressources ou des biens de l'auteur  » d'un trafic de stupéfiants ou le fait «  d'apporter sciemment son concours à toute opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit d'une telle infraction ».

Le texte proposé par l'article 2 du présent projet de loi apporte à cette rédaction deux séries de modifications :

- s'agissant de l'incrimination, il n'est plus fait référence de manière expresse au caractère intentionnel de l'infraction. De même, il n'est plus exigé que la justification mensongère soit facilitée par un moyen frauduleux ;

- s'agissant de la peine encourue, une double aggravation est prévue. En premier lieu, le montant maximum de l'amende est porté à 5 000 000 F et peut être élevé jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.

Pour les mêmes raisons que celles indiquées dans le commentaire de l'article premier, votre commission n'a pas jugé utile de préciser que le délit de blanchiment de fonds issus du trafic de stupéfiants devait être intentionnel. Elle considère que, malgré l'absence de cette précision, cette infraction ne saurait être considérée comme un délit objectif : l'intention frauduleuse de son auteur devra être rapportée.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 3

Procédure applicable aux infractions de blanchiment

Cet article a pour objet de modifier l'article 704 du code de procédure pénale, relatif aux infractions poursuivies, instruites et, pour les délits, jugées par des tribunaux de grande instance spécialement compétents.

Parmi ces infractions figurent notamment le délit de blanchiment de l'argent provenant du trafic de stupéfiants (article 222-38 du code pénal), l'escroquerie (articles 313-1 et 313-2 du code pénal), l'abus de confiance (articles 314-1 et 314-2 du code pénal), la corruption, la fraude fiscale et les délits douaniers.

La modification proposée par le présent article 3 consiste à compléter cette liste en soumettant également aux juridictions spécialisées en matière économique et financière les infractions de blanchiment créées par l'article premier.

Votre commission approuve le souci du Gouvernement de soumettre le blanchiment de l'argent sale à des juridictions spécialisées en matière économique et financière. Le blanchiment devrait en effet être fréquemment lié à une infraction relevant elle-même d'une telle juridiction. Indépendamment même de l'infraction originaire, il revêt un aspect financier qui justifie l'exigence de spécialisation des juridictions appelées à en connaître.

Elle vous demande d'adopter cet article sans modification.

Article additionnel après l'article 3

Poursuites de certains actes de blanchiment

Après l'article 3, votre commission des Lois vous propose d'insérer un article additionnel afin de prendre en considération l'existence de règles particulières de poursuites pour certaines infractions.

Ces règles concernent notamment la nécessité de saisir certaines autorités administratives préalablement à la mise en mouvement de l'action publique. Dans certains cas, tels qu'en matière fiscale, les poursuites sont subordonnées à un avis conforme de l'autorité saisie.

Compte tenu de l'existence de ces règles particulières, il pourrait arriver que l'auteur d'un blanchiment de fonds provenant d'une telle infraction soit condamné alors même que celui de l'infraction originaire échapperait à toute sanction.

Afin d'éviter une telle situation, votre commission vous propose de prévoir que la poursuite des actes de blanchiment obéira aux règles de la poursuite de l'infraction principale lorsqu'elles dérogent au droit commun.

Elle n'exclut cependant pas, dès lors que les explications fournies par le Gouvernement en séance publique lui paraîtraient de nature à éviter une telle situation, que votre rapporteur retire l'amendement qui vous est proposé.

A cette fin, elle vous propose un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 3.

Article 4

Délit douanier de blanchiment

Cette disposition tend à une nouvelle rédaction de l'article 415 du code des douanes, relatif au délit douanier de blanchiment.

En l'état actuel du droit, ledit article 415 sanctionne de deux à dix ans d'emprisonnement, de la confiscation des sommes en infraction et d'une amende le fait de procéder ou de tenter de procéder à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds que l'on sait provenir d'une infraction à la législation sur les stupéfiants.

La modification proposée consiste à élargir l'incrimination :

- d'une part, il n'est plus exigé expressément que l'auteur de l'opération financière ait connaissance de l'origine frauduleuse des fonds ;

- d'autre part, l'article 415 ne sera plus seulement applicable en cas de fonds provenant d'un trafic de stupéfiants mais également en cas de délit ou de contravention de troisième, quatrième ou cinquième classe prévus par le code des douanes.

Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé général du présent rapport, votre commission considère que le délit de blanchiment doit être subordonné à une intention délictueuse de son auteur.

Elle n'a pas estimé nécessaire de le prévoir expressément dans les articles précédents dans la mesure où, ceux-ci devant être intégrés dans le code pénal, le principe général posé par son article 121-3, selon lequel il n'y a ni crime ni délit sans intention de le commettre, leur est applicable.

En revanche, le présent article modifie une disposition extérieure au code pénal puisque contenu dans le code des douanes. C'est pourquoi votre commission vous soumet un amendement tendant à rétablir la mention de l'intention coupable dans l'incrimination du délit douanier de blanchiment.

Votre commission vous soumet en outre un second amendement ayant pour objet de limiter l'élargissement du champ de l'incrimination proposé par l'article 4.

Cet élargissement est conforme à l'esprit du projet de loi dès lors que les délits douaniers concernent les trafics de stupéfiants, d'armes et d'explosifs, de matériels de guerre, la contrefaçon ou des mouvements financiers constitutifs de fraude au budget des Communautés fréquemment liés à des activités mafieuses.

Il n'apparaît, en revanche, pas justifié d'étendre le délit douanier de blanchiment aux contraventions douanières de 3ème, 4ème et 5ème classes. En effet :

- la contravention de 3ème classe (article 412 du code des douanes) vise des faits de contrebande ou des fausses déclarations de marchandises peu sensibles. Les pénalités encourues sont d'ailleurs relativement faibles (confiscation des marchandises frauduleuses, amende maximale de 10 000 F) ;

- la contravention de 4ème classe (article 413 du code des douanes) a été abrogée par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987. Il n'y a donc pas lieu d'y faire référence ;

- la contravention de 5ème classe (article 413 bis du code des douanes) tend à réprimer des manquements à des obligations légales telles que le refus d'un conducteur d'obtempérer aux injonctions des agents des douanes ou le refus d'un capitaine de navire de représenter son journal de bord. Par leur objet même, ces manquements sont insusceptibles de blanchiment.

Aussi votre commission vous propose-t-elle de supprimer la référence aux contraventions de 3ème, 4ème et 5ème classes du code des douanes insérée dans la nouvelle rédaction de l'article 415 de ce même code.

Elle vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.

CHAPITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES À LA COOPÉRATION INTERNATIONALE

Cette division, composée des articles 5 à 12 du projet de loi, a pour objet d'adapter la législation française aux stipulations de la convention de Strasbourg, contenues dans son chapitre III.

Article 5

Champ d'application

Cet article a pour objet de définir le champ d'application des dispositions du présent projet de loi relatives à la coopération internationale.

A cette fin, il pose deux séries de conditions pour la mise en oeuvre des articles 6 à 12.

Il est tout d'abord expressément prévu que la coopération internationale instituée par le projet de loi concernera les demandes présentées en application du chapitre III de la convention de Strasbourg. Cette condition suppose tout d'abord, de manière évidente, que l'Etat demandeur soit partie à ladite convention. Elle paraît également exiger que la demande soit présentée aux fins de confiscation ou de mesure en liaison avec la confiscation, la coopération instituée par le chapitre III de la convention se limitant à cet objet.

La seconde série de conditions a trait à la nature des mesures objet de ces demandes. Sur ce point, l'article 7, paragraphe 2, de la convention de Strasbourg impose aux États parties d'adopter les mesures nécessaires pour répondre à trois séries de demandes :

- celles présentées aux fins de confiscation de produits d'infractions pénales (ou d'équivalent en valeur) ou d'objets employés pour commettre ces infractions ;

- les demandes d'entraide aux fins d'investigation ayant pour but une telle confiscation ;

- les demandes de mesures provisoires pour une confiscation.

Votre commission constate que le présent article 5 définit le champ d'application de la coopération internationale conformément aux stipulations de la convention de Strasbourg.

Le 1° permet les demandes tendant à la recherche et à l'identification des produits et instruments d'infractions. Ce faisant, il répond à l'impératif d'entraide aux fins d'investigations posé par la convention.

Le 2° autorise les requêtes ayant pour objet la confiscation des produits, biens ou instruments d'infractions.

Le 3° permet la dernière série de demandes mentionnées par la convention à savoir celles tendant à la prise de mesures conservatoires sur ces instruments, produits ou biens.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Article 6

Cas de refus de coopération

Cet article a pour objet d'énumérer les hypothèses dans lesquelles la demande de coopération sera ou pourra être refusée.

La convention de Strasbourg prévoit elle-même, en son article 18, des motifs de refus de cette coopération.

Le projet de loi envisage tout d'abord cinq cas dans lesquels la demande de l'État requérant sera systématiquement refusée :

- lorsque son exécution risquerait de porter atteinte à l'ordre public. Ce motif de refus est expressément prévu par le b) du paragraphe 1 de l'article 18 de la convention ;

- lorsque les faits sur lesquels porte la demande font l'objet de poursuites pénales où ont déjà fait l'objet d'une décision définitive sur le territoire français. Ce motif de rejet traduit celui admis par le e) du paragraphe précité de la convention aux termes duquel la partie requise peut refuser la coopération internationale si elle considère que « la mesure sollicitée irait à l'encontre du principe ne bis in idem » ;

- lorsque la demande porte sur une infraction politique. Cette hypothèse est également admise expressément par l'article 18 de la convention de Strasbourg au d) du paragraphe 1 ;

- lorsque la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard des droits de la défense ;

- lorsque l'infraction n'est pas punissable selon la loi française. C'est ce motif de refus que paraît admettre la convention dans le f) de son article 18, paragraphe 1, lequel envisage le cas où «  l'infraction à laquelle se rapporte la demande ne serait pas une infraction au regard du droit de la partie requise si elle était commise sur le territoire relevant de sa juridiction. » Le présent projet de loi prévoit néanmoins que ce motif de refus ne s'applique pas aux demandes présentées aux fins de recherche et d'identification des produits ou des instruments d'infractions qui n'impliquent pas de mesures coercitives.

A ces cinq hypothèses de refus systématique de coopération, l'article 6 du projet de loi en ajoute deux ouvrant la possibilité à un refus :

- la demande pourra tout d'abord être refusée si l'importance de l'affaire ne justifie pas que soit prise la mesure sollicitée. C'est ce que prévoit également, en termes identiques, le c) de l'article 18, paragraphe 1, de la convention ;

- le refus pourra également être opposé à l'Etat requérant si l'exécution de la demande risque de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à d'autres intérêts essentiels de la France. Ces hypothèses sont également envisagées par le paragraphe précité de la convention en son b).

Sur cet article 6 du projet de loi, votre commission vous soumet quatre amendements. Trois d'entre eux sont purement rédactionnels.

Le quatrième amendement vise à réécrire le 5° qui, dans sa rédaction actuelle, prévoit le refus de la coopération internationale lorsque « l 'infraction n'est pas punissable selon la loi française ». Cette formulation est ambiguë car l'infraction peut ne pas être punissable pour deux séries de raisons :

- des raisons de fond, tenant au fait que les actes en question ne seraient pas constitutifs d'une infraction au sens de la loi française ;

- des raisons de procédure, tenant par exemple à l'extinction de l'action publique pour cause de décès de la personne poursuivie.

Or, ce second motif de refus de la coopération internationale est expressément rejeté par le paragraphe 8 b) de l'article 18 de la convention de Strasbourg, selon lequel le décès de la personne physique concernée par une décision de confiscation ne saurait faire obstacle à cette confiscation.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié.

Article 7

Commissions rogatoires

Cet article a pour objet de préciser que les commissions rogatoires décidées pour l'exécution des demandes de recherche et d'identification de produits ou d'instruments d'infractions présentées par des autorités judiciaires étrangères obéiront aux règles posées par la loi française.

L'article 9 de la convention de Strasbourg prévoit également que l'entraide prévue pour cette recherche est exécutée conformément au droit interne de la partie requise.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

Articles 8, 9, 10

Exécution en France d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère

Ces articles ont pour objet de fixer les règles applicables aux demandes de confiscation d'instruments ou de produits d'infractions faisant suite à une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère.

L'article 8 pose, d'une manière générale, les conditions requises pour autoriser l'exécution sur le territoire français de la décision de confiscation.

L'autorisation de cette exécution relève de la compétence du tribunal correctionnel saisi à cette fin par le procureur de la République. Trois conditions doivent être réunies :

- en premier lieu, la décision de confiscation prononcée par la juridiction étrangère doit viser un bien constituant le produit ou l'instrument d'une infraction et se trouvant sur le territoire français ou consister en l'obligation de payer une somme d'argent correspondant à la valeur du bien. L'exigence tenant à la localisation du bien est posée par l'article 13, paragraphe 1, de la convention de Strasbourg ;

- la décision étrangère doit également être définitive et demeurer exécutoire selon la loi de l'État requérant. Cette condition est dans la droite ligne des stipulations de la convention dont l'article 18, paragraphe 4, précise en son e) que la coopération peut être refusée si « la confiscation n 'est pas exécutoire dans la partie requérante » ou « est encore susceptible de voies de recours ordinaires » ;

- enfin, les biens confisqués par la décision étrangère doivent pouvoir faire l'objet de confiscation dans des circonstances analogues selon la loi française. Sur ce point également, la convention comprend une stipulation similaire en son article 18, paragraphe 4, dont le a) autorise le refus de coopération lorsque « la législation de la Partie requise ne prévoit pas la confiscation pour le type d'infraction sur lequel porte le demande ».

L'article 9 traite de la procédure devant le tribunal correctionnel

Il prévoit l'application des règles du code de procédure pénale, conformément à l'article 14, paragraphe 1, de la convention en vertu duquel « les procédures permettant d'obtenir et d'exécuter la confiscation (...) sont régies par la loi de la Partie requise ».

Le tribunal peut entendre, le cas échéant par commission rogatoire, le condamné ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens qui ont fait l'objet de la décision étrangère de confiscation. Ces personnes peuvent se faire représenter par un avocat.

On observera cependant que le tribunal sera lié par les constatations de fait de la décision étrangère. Si celles-ci sont insuffisantes, il pourra ordonner un supplément d'information. Cette réserve est imposée par l'article 14, paragraphe 2, de la convention selon lequel « la Partie requise est liée par la constatation des faits dans la mesure où ceux-ci sont exposés dans une condamnation ou une décision judiciaire de la Partie requérante ».

L'article 10 traite des conséquences de l'autorisation d'exécution de la décision de confiscation

Cette autorisation ne peut en principe avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère.

Une réserve est cependant prévue dans l'hypothèse où ladite décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers. En ce cas, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant les juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.

Il est par ailleurs prévu que l'autorisation d'exécution entraîne transfert à l'État français de la propriété des biens confisqués, sauf s'il en est convenu autrement avec l'État demandeur. Sur ce point, le projet de loi reprend en substance l'article 15 de la Convention. En conséquence, si la décision étrangère prévoit la confiscation en valeur, la décision autorisant son exécution rend l'État français créancier de l'obligation de payer la somme d'argent correspondante.

Votre commission vous propose d'adopter les articles 9 et 10 sans modification et l'article 8 modifié par un amendement tendant à supprimer une redondance.

Article 11

Exécution sur le territoire français des demandes de mesures conservatoires

Cet article a pour objet de fixer les règles applicables à l'exécution sur le territoire français de mesures conservatoires portant sur des instruments ou produits d'infractions faisant l'objet d'une demande présentée par une autorité judiciaire étrangère.

Cette exécution est ordonnée, aux frais avancés par le Trésor et selon le droit français, par le président du tribunal de grande instance lorsqu'il est saisi à cette fin par le procureur de la République, dès lors que le propriétaire des biens concernés ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse.

La demande de mesures conservatoires peut être refusée s'il apparaît que les biens ne sont pas susceptibles d'être confisqués dans des circonstances analogues selon la loi française.

La durée maximale de ces mesures conservatoires est fixée à deux ans. Elles peuvent être renouvelées. Leur mainlevée peut être demandée par tout intéressé.

Ces mesures provisoires peuvent par la suite donner lieu à deux situations :

- si l'autorisation est donnée d'exécuter la décision de confiscation prononcée par la juridiction étrangère, elle vaut alors validation des mesures conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés ;

- si l'exécution de la décision étrangère est refusée ou si les poursuites engagées à l'étranger ont pris fin, la mainlevée des mesures conservatoires est de droit. Elle s'effectue aux frais du Trésor.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 sans modification.

Article 12

Juridiction territorialement compétente

Cet article précise que le tribunal territorialement compétent pour statuer sur la demande de coopération aux fins de recherche ou d'identification dans la perspective d'une confiscation du produit ou de l'instrument d'une infraction, ou à l'adoption de mesures conservatoires, est celui du lieu de l'un des biens qui sont l'objet de la demande ou, à défaut, le tribunal de grande instance de Paris. Cette dernière hypothèse vise notamment le cas où la confiscation porte sur une somme d'argent correspondant à la valeur du bien.

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

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