Rapport n° 18 (1995-1996) de M. Paul GIROD , fait au nom de la commission des lois, déposé le 11 octobre 1995
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
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I. LE CONTEXTE JURIDIQUE DU PROJET DE LOI : UN
DROITINTERNE INSUFFISAMMENT ADAPTÉ AUX ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA
FRANCE
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II. LE CONTENU DU PROJET DE LOI : L'ADAPTATION
DE LA LEGISLATION FRANÇAISE AUX EXIGENCES DE LA CONVENTION ET
L'AMELIORATION DE LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE STUPEFIANTS
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III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
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EXAMEN DES ARTICLES
N° 18
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996
Annexe au procès-verbal de la séance du 11 octobre 1995.
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi portant adaptation de la législation française aux dispositions de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et tendant à améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Par M. Paul GIROD, Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, François Giacobbi, vice-présidents ; Robert Pagès, Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, Pierre Biarnès, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Mme Nicole Borvo, MM. Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Claude Cornac, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Charles Jolibois, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel Millaud, Georges Othily, Jean-Claude Peyronnet, Claude Pradille, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Jean-Pierre Tizon, Alex Türk, Maurice Ulrich.
Voir le numéro :
Sénat 611 (1993-1994)
Stupéfiants.
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION
Réunie le mercredi 11 octobre sous la Présidence de M. Jacques Larché puis de M. Pierre Fauchon. la commission des Lois du Sénat a examiné, sur le rapport de M. Paul Girod le projet de loi portant adaptation de la législation française aux dispositions de la convention du Conseil de l'Europe relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et tendant à améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants.
M. Paul Girod, rapporteur, a mis en avant l'importance de l'économie souterraine en indiquant que le seul trafic de stupéfiants représentait en France un chiffre d'affaires annuel de 14 milliards de francs. Il a précisé que cette évaluation ne donnait qu'un aperçu fort limité de l'activité de la grande criminalité qui peut porter sur toutes sortes d'autres infractions (vols, trafics d'arme, proxénétisme...).
Il a ensuite résumé les trois séries de dispositions prévues par le premier projet de loi pour remédier à cette situation :
- la création d'une infraction générale de blanchiment. Cette mesure permettra de sanctionner toute personne qui apporte son concours à la dissimulation d'un produit d'origine criminelle alors qu'actuellement seul le blanchiment des fonds provenant du trafic de stupéfiants est punissable ;
- une meilleure coopération internationale afin de tenir compte du caractère généralement transfrontalier du grand banditisme. Elle vise à assurer la confiscation des instruments ou des produits du crime quand bien même elle aurait été décidée par une juridiction étrangère ;
- une amélioration de la lutte contre le trafic de stupéfiants par la sanction des personnes qui ne peuvent justifier de leurs ressources tout en étant en relations habituelles avec des trafiquants ou de celles qui recourent aux services d'un mineur pour le transport ou la cession de stupéfiants. Cette dernière série de mesures a pour but de remédier à une difficulté majeure dans la lutte contre le trafic de stupéfiants : le recours à des mineurs, dont les délinquants savent qu'ils bénéficient d'une immunité de fait.
M. Paul Girod, rapporteur, a proposé de préciser expressément que le délit de blanchiment supposerait une volonté délictuelle de la part de l'auteur des actes. Après un large débat, la commission n'a pas jugé souhaitable une telle précision au motif que le code pénal prévoit de manière générale que, sauf dans les cas d'imprudence ou de négligence prévus par la loi, il ne peut y avoir crime ou délit sans intention de le commettre.
Sur la proposition de M. Paul Girod, rapporteur, la commission a adopté treize amendements. Afin d'éviter des situations paradoxales, où l'auteur du blanchiment serait condamné alors que celui de l'infraction originaire échapperait à toute sanction, la commission a notamment souhaité appliquer au blanchiment les règles de poursuites prévues pour l'infraction originaire. L'intervention d'autorités telles que la commission des opérations de bourse pour la poursuite de certains délits sera donc également requise pour le blanchiment des fonds provenant de ces délits.
Ce projet de loi sera examiné en séance publique le 17 octobre 1995.
Mesdames, Messieurs.
Défini par le dictionnaire de l'Académie française comme le fait de « réintroduire dans le circuit financier des fonds provenant d'actions ou de trafics délictueux afin d'en dissimuler leur véritable origine », le blanchiment de l'argent sale permet à la grande criminalité organisée de s'abriter et de prospérer sous le masque de la probité.
Il donne en effet des apparences de légalité à des fonds provenant d'infractions et portant sur des sommes considérables. Ainsi, selon les informations fournies par l'Association Française des Banques, le seul blanchiment de l'argent issu du trafic de stupéfiants aurait représenté en 1990 85 milliards de dollars pour l'Europe occidentale et l'Amérique du Nord. En 1993, le Ministère de l'Economie évaluait à 14 milliards de francs, dont la plus grande partie ferait l'objet de blanchiment, le chiffre d'affaires annuel du commerce de la drogue en France. Les éléments statistiques disponibles, qui n'illustrent pourtant que la face émergée du phénomène, révèlent la progression constante de ce type de trafic. Les évaluations précitées ne donnent en outre qu'un aperçu limité d'une activité qui peut concerner tous les produits du crime et notamment le trafic d'armes, le vol, la fraude fiscale ou le proxénétisme.
Ce constat appelle une réaction vigoureuse pour élaborer un arsenal répressif permettant de lutter sans relâche contre cette délinquance. Votre commission des Lois y est d'autant plus déterminée que le trafic de stupéfiants implique de plus en plus les jeunes : il constitue un facteur d'accroissement de la délinquance juvénile.
Aussi la lutte contre la grande criminalité organisée doit-elle mettre l'accent sur le blanchiment de l'argent, véritable trait d'union entre l'économie souterraine et l'économie régulière.
C'est dans cette voie que s'est engagée la France, avec la plupart des démocraties occidentales, depuis la fin des années 1980.
Ainsi, en juillet 1989, au sommet de Paris des sept principaux pays industrialisés, fut décidée la création d'un groupe d'action financière sur le blanchiment des capitaux (GAFI) pour organiser l'action des pouvoirs publics tant sur le plan national que sur le plan international.
Le blanchiment présente en effet deux caractéristiques essentielles limitant sensiblement l'efficacité d'une initiative isolée pour le prévenir et le réprimer et rendant par conséquent nécessaire une étroite coopération internationale.
C'est tout d'abord son extrême hétérogénéité qui fait du blanchiment un phénomène particulièrement difficile à appréhender. Les délinquants peuvent par exemple réinjecter dans l'économie régulière les fonds frauduleusement acquis au moyen de techniques fort diverses telles que le prêt à soi même, l'échange de devises, l'achat de bons anonymes ou le recours à l'intermédiaire d'une personne physique (parfois appelée « prête nom ») ou d'une « société écran ».
C'est aussi en raison de son caractère généralement transfrontalier que les autorités nationales éprouvent les plus grandes difficultés à lutter efficacement de manière isolée contre le blanchiment. Les fonds obtenus à la suite d'une infraction commise dans un État donnent souvent lieu à une opération en numéraire (achat de devises, placement auprès d'établissements financiers...) dans un autre, avant d'être réintroduits dans l'activité économique (opération immobilière...) dans un troisième État.
La première traduction concrète de cette nécessaire coopération internationale fut la convention des Nations-Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, faite à Vienne le 20 décembre 1988. Celle-ci avait notamment imposé aux États parties d'ériger en infractions le blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants. Elle avait également prévu une étroite collaboration des États « en vue de renforcer l'efficacité de l'action de détection et de répression visant à mettre fin » à de telles infractions.
Cette convention, approuvée par la France en 1990, était cependant d'une portée limitée, ne serait-ce qu'en raison de son objet, réduit au seul blanchiment de l'argent provenant du trafic de stupéfiants.
Dans le souci de renforcer la lutte contre la grande criminalité, une réflexion fut conduite au sein du Conseil de l'Europe. Elle aboutit à l'adoption à Strasbourg, le 8 novembre 1990, de la convention relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime et tendant à améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants.
La France, dont le Gouvernement était alors dirigé par Mme Edith Cresson, signa cette convention le 5 juillet 1991.
Le Gouvernement de M. Edouard Balladur déposa par la suite, parallèlement au projet d'autorisation d'approbation de cette convention rapporté au nom de la commission des Affaires étrangères par notre excellent collègue Hubert Durand-Chastel, un projet de loi d'adaptation de la législation française aux stipulations de cet engagement international, comprenant également des dispositions tendant à améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants. C'est ce projet de loi (Sénat - n° 611 ; 1993-1994) qui est aujourd'hui soumis à notre examen.
I. LE CONTEXTE JURIDIQUE DU PROJET DE LOI : UN DROITINTERNE INSUFFISAMMENT ADAPTÉ AUX ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE
A. LES EXIGENCES DE LA CONVENTION DE STRASBOURG
La convention de Strasbourg, qui liera la France dès son approbation par celle-ci. Contient deux séries d'obligations pour les Etats-parties : des mesures à prendre au niveau national et une coopération internationale renforcée.
1. Les mesures à prendre au niveau national
a) Les mesures de confiscation
L'article 2 de la convention impose à chaque Etat partie d'adopter les mesures (législatives et autres) nécessaires pour lui permettre de confisquer les instruments ou les produits d'infractions. Les articles 3 à 5 imposent aux Etats parties de se donner les moyens nécessaires à la recherche de ces biens aux fins de confiscation et à la préservation des droits des personnes affectées par leur confiscation.
b) L'incrimination du blanchiment
L'article 6 de la convention impose à chaque Etat partie d'adopter « les mesures législatives et autres pour conférer le caractère d'infraction pénale (...) lorsque l'acte a été commis intentionnellement » à certains faits et notamment à « la conversion ou au transfert de biens dont celui qui s'y livre sait qu'ils constituent des produits (d'infractions), dans le but de dissimuler ou de déguiser l'origine illicite desdits biens ou d'aider (l'auteur) de l'infraction principale à échapper aux conséquences juridiques de ses actes ».
2. La mise en oeuvre d'une coopération internationale
Le chapitre III de la convention impose aux parties de coopérer « dans la mesure la plus large possible les uns avec les autres aux fins d'investigations et de procédures visant à la confiscation des instruments et des produits (d'infractions) ».
a) Les modalités de la coopération internationale exigée par la convention
La convention de Strasbourg impose aux Etats parties trois obligations :
ï une obligation d'entraide aux fins d'investigations : elle résulte de l'article 8 en vertu duquel « les Parties s'accordent, sur demande, l'entraide la plus large possible pour identifier et dépister les instruments, les produits (d'infractions) et les autres biens susceptibles de confiscation » ;
ï l'obligation d'ordonner des mesures provisoires : elle est prévue par l'article 11 selon lequel « une Partie prend, à la demande d'une autre Partie qui a engagé une procédure pénale ou une action en confiscation, les mesures provisoires qui s'imposent, telles que le gel ou la saisie, pour prévenir toute opération, tout transfert ou toute aliénation relativement à tout bien qui, par la suite, pourrait faire l'objet d'une demande de confiscation... »
•
une obligation de
confiscation
: en vertu de l'article 13, paragraphe 1, de la
convention «
une Partie qui a reçu d'une autre Partie une
demande de confiscation concernant des instruments ou des produits,
situés sur son territoire, doit :
a. exécuter une décision de confiscation émanant d'un tribunal de la Partie requérante en ce qui concerne ces instruments ou ces produits ; ou
b. présenter cette demande à ses autorités compétentes pour obtenir une décision de confiscation et, si celle-ci est accordée, l'exécuter. »
On observera tout d'abord que lesdites obligations ne pèsent sur un Etat que dans la mesure où il a été sollicité par une autre partie à la convention.
Par ailleurs, ces obligations ont toutes trait à la confiscation d'instruments ou de produits du crime puisque la demande de coopération doit porter, soit directement sur cette confiscation, soit sur une entraide ou sur des mesures provisoires aux fins de confiscation.
b) Les possibilités de refus de la coopération internationale reconnues par la convention
L'article 18 de la convention énumère plusieurs motifs permettant à l'Etat requis de refuser sa coopération. Parmi ceux-ci figurent notamment les hypothèses suivantes :
- la mesure sollicitée serait contraire aux principes fondamentaux de l'ordre juridique de la partie requise ;
- l'exécution de la demande risque de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ou à d'autres intérêts essentiels de la partie requise ;
- la partie requise estime que l'importance de l'affaire sur laquelle porte la demande ne justifie pas que soit prise la mesure sollicitée ou que cette mesure irait à l'encontre du principe ne bis in idem ;
- l'infraction sur laquelle porte la demande est de nature politique ou fiscale ou ne serait pas une infraction au regard du droit de la partie requise si elle était commise sur son territoire.
En revanche, ledit article 18 stipule qu' « une partie ne saurait invoquer le secret bancaire pour justifier son refus de toute coopération ».
B. LES INSUFFISANCES DU DROIT FRANÇAIS
En dépit des efforts réalisés depuis 1987, qui ont essentiellement porté sur le trafic de stupéfiants, la législation française ne répond pas aux exigences de la convention de Strasbourg en ce qui concerne le blanchiment de l'argent sale et la coopération internationale.
1. Une législation à mettre en conformité avec les exigences de la convention en matière de blanchiment
a) Un droit pénal traditionnel qui ne permet pas de sanctionner tous les cas de blanchiment
Les infractions traditionnellement prévues par le droit français permettent, dans une certaines mesure, de sanctionner des actes visés par l'article 6 de la convention précité. Il en va notamment ainsi du recel, incriminé par les deux premiers alinéas de l'article 321-1 du nouveau code pénal dans les termes suivants :
« Le recel est le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit.
Constitue également un recel le fait, en connaissance de cause, de bénéficier, par tout moyen, du produit d'un crime ou d'un délit. »
Cette double définition reprend en substance celle donnée par l'article 460 de l'ancien code pénal qui avait fait l'objet d'une interprétation extensive par la jurisprudence.
Elle n'en demeure pas moins insuffisante pour assurer la répression de tous les actes de blanchiment. Il en va notamment ainsi des justifications mensongères fournies sans contrepartie directe apparente.
C'est pourquoi, le législateur a consacré, mais dans un domaine limité, la notion de blanchiment.
b) Une législation relative au blanchiment limitée au trafic de stupéfiants
1.- L'article 222-38 du code pénal
En l'état actuel du droit, le blanchiment ne constitue une infraction autonome que dans la mesure où il porte sur des fonds provenant du trafic de stupéfiants. C'est ce qui résulte de l'article 222-38 du nouveau code pénal dont le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Le fait de faciliter par tout moyen frauduleux, la justification mensongère de l'origine des ressources ou des biens de l'auteur (d'un trafic de stupéfiants) ou d'apporter sciemment son concours à toute opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit d'une infraction est puni de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende. »
Or, l'article 6 de la convention impose l'incrimination du blanchiment de manière générale.
2.- La loi n° 90-614 du 12 juillet 1990
La loi du 12 juillet 1990 relative à la participation des organismes financiers à la lutte contre le blanchiment des capitaux provenant du trafic des stupéfiants a soumis ces organismes à une déclaration de soupçons lorsque les sommes inscrites dans leurs livres leur paraissent provenir du trafic de stupéfiants ou, depuis 1993, de l'activité d'organisations criminelles.
Le service compétent pour recevoir ces déclarations, appelé « TRACFIN » (traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins), est placé sous l'autorité du ministre chargé de l'économie et des finances. Il doit saisir le Procureur de la République de toute information mettant en évidence des faits susceptibles de relever du trafic de stupéfiants ou de l'activité d'organisations criminelles.
Selon les statistiques fournis à votre rapporteur, TRACFIN avait reçu, au 29 septembre 1995, 2 570 déclarations de soupçons depuis février 1991. Depuis sa création, TRACFIN a transmis 82 dossiers à la justice.
La loi de 1990 soumet également les organismes financiers à une obligation de vigilance. Ainsi, les opérations financières qui ne justifient pas une déclaration de soupçons mais qui se caractérisent par leur importance (plus d'un million de francs), leurs conditions inhabituelles de complexité et leur défaut de justification économique doivent faire l'objet d'un « examen particulier ». L'organisme financier doit notamment se renseigner auprès du client sur l'origine et la destination de ces sommes ainsi que sur l'identité de la personne qui en bénéficie.
Cette loi a permis à la France d'être en conformité avec la directive du Conseil des communautés européennes relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux, en date du 10 juin 1991. Cette directive astreignait notamment les établissements de crédit à une obligation de vigilance.
2. Une législation parcellaire relative à la coopération internationale
La législation française actuelle ne répond pas aux exigences de la coopération internationale fixées par la convention pour dépister les produits du crime.
Elle prévoit tout d'abord la possibilité d'une coopération administrative confiée à TRACFIN par l'article 22 de la loi du 12 juillet 1990 :
« Dans le respect des dispositions législatives et des conventions internationales applicables en matière de protection de la vie privée et de communication des données à caractère nominatif, le service peut communiquer, aux autorités des autres Etats exerçant des compétences analogues, les informations qu' 'il détient sur des opérations qui paraissent avoir pour objet le placement, la dissimulation, la conversion ou le transfert de sommes provenant (du trafic de stupéfiants) sous réserve de réciprocité et à condition que les autorités étrangères compétentes soient soumises aux mêmes obligations de secret professionnel que (TRACFIN). »
Par ailleurs, la loi n° 90-1010 du 14 novembre 1990 portant adaptation de la législation française aux dispositions de l'article 5 de la convention des Nations-Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes, faite à Vienne le 20 décembre 1988, pose également des principes de coopération internationale en matière de confiscation des produits du crime. Mais cette coopération se limite également à la lutte contre le trafic de stupéfiants.
II. LE CONTENU DU PROJET DE LOI : L'ADAPTATION DE LA LEGISLATION FRANÇAISE AUX EXIGENCES DE LA CONVENTION ET L'AMELIORATION DE LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE STUPEFIANTS
A. L'ADAPTATION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE À LA CONVENTION DE STRASBOURG
1. La création d'une infraction générale de blanchiment (articles 1 à 4)
Conformément aux impératifs de la convention, l'article premier du projet de loi crée une infraction générale de blanchiment. A cette fin, il propose d'insérer un nouveau chapitre dans le code pénal, composé des articles 324-1 à 324-9.
S'inspirant de la définition d'ores et déjà retenue pour le trafic de stupéfiants, le projet de loi donne une double définition du blanchiment :
« - Le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect ;
« - le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. »
Les peines encourues sont en principe de cinq ans d'emprisonnement. Elles peuvent être aggravées dans certaines circonstances détaillées dans l'examen des articles du présent rapport.
L'article 2 du projet de loi concerne plus particulièrement le blanchiment des fonds provenant du trafic de stupéfiants pour lequel les peines encourues sont en principe de dix ans d'emprisonnement et de 5 000 000 F d'amende.
2. Les fondements d'une meilleure coopération internationale (articles 5 à 12)
Les articles 5 à 12 du projet de loi visent à adapter la législation française aux stipulations de la convention relatives à la confiscation des instruments et des produits du crime.
Ils prévoient notamment les modalités selon lesquelles sont exécutées sur le territoire français les décisions de confiscation prononcées par les juridictions étrangères.
Conformément à la faculté ouverte par la convention, l'article 6 énumère les cas dans lesquels la demande de coopération est ou peut être refusée :
- si son exécution risque de porter atteinte à l'ordre public ou à la souveraineté, à la sécurité ou à d'autres intérêts essentiels de la France ;
- si les faits sur lesquels elle porte font l'objet de poursuites pénales ou ont déjà fait l'objet d'une décision définitive sur le territoire français ;
- si elle porte sur une infraction politique ou si l'infraction n'est pas punissable selon la loi française ;
- si la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas des garanties suffisantes au regard des droits de la défense.
B. LA RECHERCHE D'UNE AMÉLIORATION DE LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS
1. L'incrimination de l'impossibilité de justifier de ses ressources pour une personne en relation habituelle avec des trafiquants ou usagers de stupéfiants (article 13)
La rédaction retenue pour cette incrimination s'inspire de deux précédents :
- l'article 321-6 du code pénal qui réprime « le fait, par une personne ayant autorité sur un mineur qui vit avec elle et se livre habituellement à des crimes ou à des délits contre les biens d'autrui, de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie » ;
- l'article 225-6, 3°, dudit code qui sanctionne le fait « de ne pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie tout en vivant avec une personne qui se livre habituellement à la prostitution ou tout en étant en relations habituelles avec une ou plusieurs personnes se livrant à la prostitution ».
Les peines encourues pour ce nouveau délit sont de cinq ans d'emprisonnement (ou dix si l'une des personnes est mineure) et de 500 000 F d'amende.
L'insertion dans le code pénal de cette nouvelle incrimination permettrait de réprimer les infractions qui constituent une des sources de la délinquance juvénile, dont un rapport récent souligne la forte augmentation et la quasi-impunité 1 ( * ) .
2. L'incrimination du recours aux services d'un mineur pour transporter, détenir ou céder des stupéfiants (article 14)
Cette nouvelle infraction sera punie de sept ans d'emprisonnement et 1 000 000 F d'amende, ces peines étant respectivement portées à dix ans et 2 000 000 F s'il s'agit d'un mineur de quinze ans.
3. L'habilitation des associations de lutte contre la toxicomanie à exercer les droits de la partie civile en matière de trafic de stupéfiants (article 15)
Comme le prévoient les autres dispositions similaires du code de procédure pénale, ces associations devront avoir été déclarées depuis au moins cinq ans à la date des faits et ne pourront exercer ces droits que lorsque l'action publique aura été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS
Votre commission approuve dans leur principe les objectifs poursuivis par le présent projet de loi.
Elle considère tout d'abord comme nécessaire une adaptation du droit français aux exigences de la convention de Strasbourg, et vous propose même certaines modifications tendant à assurer pleinement le respect de cet engagement international dont la loi autorisant l'approbation sera soumise au Parlement en même temps que le présent projet.
Elle partage en outre le souci du Gouvernement d'améliorer la lutte contre le trafic de stupéfiants.
Sur un plan général, votre commission se félicite des nouveaux instruments que le projet de loi devrait donner à l'autorité judiciaire pour lutter contre la grande criminalité organisée.
Il lui paraît cependant souhaitable d'apporter certaines précisions concernant, d'une part, l'interprétation des infractions qu'il vous est proposé de créer et, d'autre part, les règles de procédures applicables à la poursuite des actes de blanchiment.
A. LE CARACTERE INTENTIONNEL DU BLANCHIMENT
La seule infraction de blanchiment prévue actuellement par le code pénal, à savoir celle qui concerne les capitaux issus du trafic de stupéfiants (article 222-38), suppose, de manière expresse, l'intention délictueuse de l'auteur : le concours à l'opération de dissimulation doit être apporté « sciemment ».
Plusieurs autres incriminations du code pénal exigent formellement ce caractère intentionnel. On citera le recel, défini notamment par l'article 321-1 comme « le fait, en connaissance de cause , de bénéficier, par tout moyen du produit d'un crime ou d'un délit ». De même, l'incrimination d'atteinte à la vie privée (article 226-1) ne peut être commise que « volontairement ».
A la différence de ces dispositions, les articles du projet de loi créant de nouveaux délits n'exigent pas expressément une intention frauduleuse.
Dès lors, un raisonnement a contrario ne pourrait-il conduire les tribunaux à considérer que, certaines dispositions du code pénal exigeant expressément l'intention délictueuse, le silence des autres articles sur ce point confère aux actes incriminés un caractère objectif ?
Votre commission considère qu'une telle interprétation ne saurait être retenue. En effet, l'article 121-3 du nouveau code pénal pose un principe général selon lequel « il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre ». En conséquence, dans le silence des dispositions spéciales dudit code, le caractère volontaire des actes est une condition nécessaire de l'existence de l'infraction.
On observera, par ailleurs, que le présent projet de loi a pour objet d'adapter la législation française à la convention de Strasbourg. Or, celle-ci exige que soit conféré le caractère d'infraction pénale au blanchiment « commis intentionnellement ».
Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission des Lois considère que l'infraction générale de blanchiment, tout comme celle du blanchiment de fonds issus du trafic de stupéfiants, ne sera constituée que s'il est rapporté la preuve d'une intention délictueuse de la part de son auteur.
B. APPLIQUER AUX ACTES DE BLANCHIMENT LES RÈGLES DE POURSUITES PRÉVUES POUR L'INFRACTION ORIGINAIRE
Le code de procédure pénale et plusieurs autres textes, tels que le livre des procédures fiscales, édictent des règles de poursuites dérogatoires au droit commun.
Tel est le cas par exemple pour les actes de terrorisme, la fraude fiscale ou le délit d'initié.
Compte tenu de l'étroite imbrication existant entre le blanchiment et l'infraction qui en est à l'origine, il paraît souhaitable de leur appliquer les mêmes règles de poursuites.
En effet, la condamnation d'un prévenu pour blanchiment supposera l'établissement préalable de l'existence du délit principal. Or, cet établissement nécessite parfois, compte tenu de la technicité de la matière (notamment dans le domaine financier), le respect de règles supplémentaires de procédure telles que la saisine de la commission des opérations de bourse ou l'avis conforme de la commission des infractions fiscales. Si le blanchiment obéissait aux règles du droit commun, un tel avis ne serait pas requis, rendant ainsi possible la condamnation de son auteur dans des cas où l'auteur de l'infraction principale aurait été mis hors de cause.
Le législateur a pris en compte ces éléments lors de la création du délit de blanchiment de fonds provenant du trafic de stupéfiants dont la poursuite, l'instruction et le jugement obéissent aux mêmes règles que le trafic de stupéfiants lui-même (art. 706-26 du code de procédure pénale).
Votre commission vous propose également de les prendre en considération en alignant, d'une manière générale, le régime de la poursuite du blanchiment sur celui de l'infraction originaire. Elle a toutefois donné mandat à votre rapporteur pour retirer l'amendement qu'elle vous soumet à cette fin dans l'hypothèse où le Gouvernement fournira des éléments de nature à garantir que l'auteur d'un blanchiment ne pourrait être sanctionné alors que l'auteur de l'infraction pénale échapperait à toute répression ou serait mis hors de cause.
Sous le bénéfice de ces observations et des amendements qu'elle vous soumet, votre commission des Lois vous propose d'adopter le présent projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Votre commission vous propose tout d'abord d'adopter un amendement rédactionnel sur l'intitulé du projet de loi, le terme « stipulations » devant, s'agissant d'une convention, être préféré à celui de « dispositions ».
TITRE PREMIER - DISPOSITIONS PORTANT ADAPTATION DE LA LÉGISLATION FRANÇAISE À LA CONVENTION DU CONSEIL DE L'EUROPE RELATIVE AU BLANCHIMENT, AU DÉPISTAGE, À LA SAISIE ET À LA CONFISCATION DES PRODUITS DU CRIME
CHAPITRE PREMIER
DISPOSITIONS RELATIVES AUX INFRACTIONS DE BLANCHIMENT
Article premier
Création d'une infraction générale de blanchiment des produits des crimes et des délits
Cet article a pour objet de créer une infraction générale de blanchiment des produits des crimes ou des délits, conformément aux stipulations de l'article 6 de la Convention de Strasbourg. Celui-ci impose notamment aux États parties d'adopter les mesures « nécessaires pour conférer le caractère d'infraction pénale (...) à la conversion ou au transfert de biens dont celui qui s'y livre sait que ces biens constituent » des avantages économiques tirés d'infractions pénales.
A cette fin, le présent article premier prévoit d'insérer au sein du livre troisième du code pénal, relatif aux crimes et délits contre les biens, un chapitre intitulé « Du blanchiment » et composé de neuf articles, portant les références 234-1 à 324-9. Ce chapitre comprendrait deux sections consacrées respectivement au blanchiment (simple et aggravé) et aux peines complémentaires applicables aux personnes physiques ainsi qu'à la responsabilité pénale des personnes morales.
Section I : Du blanchiment simple et du blanchiment aggravé
Cette division serait composée de six articles insérés dans le code pénal.
1. Article 324-1 : création d'un délit général de blanchiment
Le délit général de blanchiment, qui serait sanctionné de cinq ans d'emprisonnement et de 2 500 000 F d'amende, revêtirait deux aspects :
- il pourrait tout d'abord consister dans le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un avantage direct ou indirect ;
- il pourrait également résider dans le fait d'apporter son concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit.
Cette incrimination peut être qualifiée de générale car, aucune précision n'étant apportée quant à l'origine des biens frauduleusement acquis, le blanchiment pourra désormais avoir pour origine tout crime ou délit et non seulement, comme actuellement, le trafic de stupéfiants. On observera toutefois que le blanchiment des produits issus d'un tel trafic devrait faire l'objet d'une disposition particulière, commentée plus loin (article 2 du projet de loi).
2. Article 324-2 : blanchiment aggravé
En vertu de cette disposition, le blanchiment serait sanctionné de dix ans d'emprisonnement et de 5 000 000 F d'amende lorsqu'il serait commis dans l'une des circonstances suivantes :
- soit de façon habituelle ou en utilisant les facilités que procure l'exercice d'une activité professionnelle ;
- soit en bande organisée. Cette notion est définie par l'article 132-71 du code pénal comme « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions ».
3. Article 324-3 : aggravation des peines d'amende encourues
Afin de prendre en compte l'importance parfois considérable des sommes concernées par le blanchiment, le nouvel article 324-3 du code pénal autoriserait le prononcé de peines d'amende pouvant atteindre la moitié de la valeur des biens concernés. Cette faculté concernerait aussi bien le blanchiment simple que le blanchiment aggravé.
4. Article 324-4 : peines encourues pour blanchiment d'argent provenant d'un crime ou d'un délit grave
Cette disposition envisage l'hypothèse dans laquelle le crime où le délit dont proviennent les biens sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment est puni d'une peine privative de liberté supérieure à l'emprisonnement prévu, de manière générale, pour le blanchiment simple (article 324-1) ou aggravé (article 324-2). Dans ce cas, le blanchiment serait puni des peines (privatives de liberté et autres) attachées au crime ou au délit en question et, si cette infraction était accompagnée de circonstances aggravantes, aux seules circonstances dont son auteur aurait eu connaissance.
L'article 324-4 appliquerait ainsi au blanchiment la solution d'ores et déjà retenue par l'article 321-4 pour le recel.
5. Article 324-5 : récidive
En vertu de cet article, le blanchiment serait assimilé, au regard de la récidive, à l'infraction à l'occasion de laquelle auront été commises les opérations de blanchiment.
Des dispositions similaires sont d'ores et déjà contenues dans le code pénal. Ainsi, l'article 321-5 assimile le recel, au regard de la récidive, à l'infraction dont provient le bien recelé.
Une telle assimilation a pour conséquence d'aggraver les peines encourues par le délinquant, conformément aux principes posés par les articles 132-8 et suivants du code pénal.
6. Article 324-6 : répression de la tentative de blanchiment
En vertu de cette disposition, la tentative du délit de blanchiment serait punie de la même peine que l'infraction elle-même.
Une telle précision est nécessaire à la répression d'un tel fait. En effet la personne qui tente de commettre un délit n'est considérée comme auteur de celui-ci que dans les cas prévus par la loi. Il en va différemment en matière criminelle, l'article 121-4 du code pénal assimilant la tentative à l'infraction elle-même.
Section II : Peines complémentaires applicables aux personnes physiques et responsabilité pénale des personnes morales
Cette section comprendrait trois articles.
1. Article 324-7 : peines complémentaires applicables aux personnes physiques
Les personnes physiques coupables de blanchiment seraient passibles de peines complémentaires. Celles-ci seraient identiques à celles d'ores et déjà prévues en cas de blanchiment de biens issus du trafic de stupéfiants (articles 222-44 à 222-48 du code pénal). Il s'agit des peines suivantes :
- interdiction d'exercer une fonction publique ou l'activité professionnelle ou sociale ayant donné lieu à l'infraction ;
- interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation ;
- suspension du permis de conduire pour une durée n'excédant pas cinq ans ;
- annulation du permis de conduire ;
- confiscation d'un ou plusieurs véhicules ;
- confiscation d'armes dont dispose le condamné ;
- confiscation de la chose qui a servi à commettre l'infraction ou qui en est le produit ;
- interdiction des droits civiques, civils et de famille ;
- interdiction de séjour ;
- interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, de quitter le territoire de la République.
2. Article 324-8 : interdiction du territoire français
Les ressortissants étrangers condamnés pour blanchiment pourraient également, comme le prévoit déjà l'article 222-48 du code pénal en matière de trafic de stupéfiants, être interdits du territoire français, soit à titre définitif, soit pour une durée de dix ans au plus.
3. Article 324-9 : responsabilité pénale des personnes morales
Les personnes morales pourraient également être condamnées pour blanchiment. Elles encourraient alors, en application du nouvel article 324-9 du code pénal, une peine d'amende, pouvant atteindre cinq fois le montant prévu pour les personnes physiques, ainsi que des peines complémentaires telles que la dissolution, le placement sous surveillance judiciaire ou l'exclusion des marchés publics.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé général du présent rapport, votre commission des Lois approuve dans son principe la création d'une infraction générale de blanchiment qui lui paraît nécessaire à l'efficacité de la lutte contre la grande criminalité organisée.
Cette création ne saurait cependant conduire à une extension indirecte du champ de la déclaration de soupçons à laquelle sont astreints les organismes financiers depuis 1990.
La création d'un délit général de blanchiment ne saurait davantage conduire à la condamnation de personnes qui auraient facilité malgré elles la justification de revenus acquis frauduleusement à leur corps défendant. L'article 6, paragraphe 1 de la convention de Strasbourg précise d'ailleurs que le blanchiment doit concerner des actes « commis intentionnellement ».
Votre commission n'a cependant pas jugé utile de préciser expressément que le blanchiment supposerait une intention frauduleuse, l'article 121-3 du nouveau code pénal subordonnant de manière générale l'existence d'un délit ou d'un crime à une intention frauduleuse. En d'autres termes, le nouvel article 324-1 ne déroge pas à cette disposition générale mais, bien au contraire, doit s'appliquer compte tenu du principe qu'elle pose.
C'est pourquoi, sous réserve de cette interprétation selon laquelle le blanchiment ne saurait constituer un délit objectif, votre commission vous propose d'adopter le présent article premier sans modification.
Article 2
Blanchiment de l'argent provenant du trafic de stupéfiants
Cette disposition a pour objet de réécrire l'article 222-38 du code pénal, relatif au blanchiment de l'argent provenant du trafic de stupéfiants.
En sa rédaction actuelle cet article sanctionne de dix ans d'emprisonnement et de 1 000 000 F d'amende « le fait de faciliter, par tout moyen frauduleux, la justification mensongère de l'origine des ressources ou des biens de l'auteur » d'un trafic de stupéfiants ou le fait « d'apporter sciemment son concours à toute opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit d'une telle infraction ».
Le texte proposé par l'article 2 du présent projet de loi apporte à cette rédaction deux séries de modifications :
- s'agissant de l'incrimination, il n'est plus fait référence de manière expresse au caractère intentionnel de l'infraction. De même, il n'est plus exigé que la justification mensongère soit facilitée par un moyen frauduleux ;
- s'agissant de la peine encourue, une double aggravation est prévue. En premier lieu, le montant maximum de l'amende est porté à 5 000 000 F et peut être élevé jusqu'à la moitié de la valeur des biens ou des fonds sur lesquels ont porté les opérations de blanchiment.
Pour les mêmes raisons que celles indiquées dans le commentaire de l'article premier, votre commission n'a pas jugé utile de préciser que le délit de blanchiment de fonds issus du trafic de stupéfiants devait être intentionnel. Elle considère que, malgré l'absence de cette précision, cette infraction ne saurait être considérée comme un délit objectif : l'intention frauduleuse de son auteur devra être rapportée.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 3
Procédure applicable aux infractions de blanchiment
Cet article a pour objet de modifier l'article 704 du code de procédure pénale, relatif aux infractions poursuivies, instruites et, pour les délits, jugées par des tribunaux de grande instance spécialement compétents.
Parmi ces infractions figurent notamment le délit de blanchiment de l'argent provenant du trafic de stupéfiants (article 222-38 du code pénal), l'escroquerie (articles 313-1 et 313-2 du code pénal), l'abus de confiance (articles 314-1 et 314-2 du code pénal), la corruption, la fraude fiscale et les délits douaniers.
La modification proposée par le présent article 3 consiste à compléter cette liste en soumettant également aux juridictions spécialisées en matière économique et financière les infractions de blanchiment créées par l'article premier.
Votre commission approuve le souci du Gouvernement de soumettre le blanchiment de l'argent sale à des juridictions spécialisées en matière économique et financière. Le blanchiment devrait en effet être fréquemment lié à une infraction relevant elle-même d'une telle juridiction. Indépendamment même de l'infraction originaire, il revêt un aspect financier qui justifie l'exigence de spécialisation des juridictions appelées à en connaître.
Elle vous demande d'adopter cet article sans modification.
Article additionnel après l'article 3
Poursuites de certains actes de blanchiment
Après l'article 3, votre commission des Lois vous propose d'insérer un article additionnel afin de prendre en considération l'existence de règles particulières de poursuites pour certaines infractions.
Ces règles concernent notamment la nécessité de saisir certaines autorités administratives préalablement à la mise en mouvement de l'action publique. Dans certains cas, tels qu'en matière fiscale, les poursuites sont subordonnées à un avis conforme de l'autorité saisie.
Compte tenu de l'existence de ces règles particulières, il pourrait arriver que l'auteur d'un blanchiment de fonds provenant d'une telle infraction soit condamné alors même que celui de l'infraction originaire échapperait à toute sanction.
Afin d'éviter une telle situation, votre commission vous propose de prévoir que la poursuite des actes de blanchiment obéira aux règles de la poursuite de l'infraction principale lorsqu'elles dérogent au droit commun.
Elle n'exclut cependant pas, dès lors que les explications fournies par le Gouvernement en séance publique lui paraîtraient de nature à éviter une telle situation, que votre rapporteur retire l'amendement qui vous est proposé.
A cette fin, elle vous propose un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 3.
Article 4
Délit douanier de blanchiment
Cette disposition tend à une nouvelle rédaction de l'article 415 du code des douanes, relatif au délit douanier de blanchiment.
En l'état actuel du droit, ledit article 415 sanctionne de deux à dix ans d'emprisonnement, de la confiscation des sommes en infraction et d'une amende le fait de procéder ou de tenter de procéder à une opération financière entre la France et l'étranger portant sur des fonds que l'on sait provenir d'une infraction à la législation sur les stupéfiants.
La modification proposée consiste à élargir l'incrimination :
- d'une part, il n'est plus exigé expressément que l'auteur de l'opération financière ait connaissance de l'origine frauduleuse des fonds ;
- d'autre part, l'article 415 ne sera plus seulement applicable en cas de fonds provenant d'un trafic de stupéfiants mais également en cas de délit ou de contravention de troisième, quatrième ou cinquième classe prévus par le code des douanes.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé général du présent rapport, votre commission considère que le délit de blanchiment doit être subordonné à une intention délictueuse de son auteur.
Elle n'a pas estimé nécessaire de le prévoir expressément dans les articles précédents dans la mesure où, ceux-ci devant être intégrés dans le code pénal, le principe général posé par son article 121-3, selon lequel il n'y a ni crime ni délit sans intention de le commettre, leur est applicable.
En revanche, le présent article modifie une disposition extérieure au code pénal puisque contenu dans le code des douanes. C'est pourquoi votre commission vous soumet un amendement tendant à rétablir la mention de l'intention coupable dans l'incrimination du délit douanier de blanchiment.
Votre commission vous soumet en outre un second amendement ayant pour objet de limiter l'élargissement du champ de l'incrimination proposé par l'article 4.
Cet élargissement est conforme à l'esprit du projet de loi dès lors que les délits douaniers concernent les trafics de stupéfiants, d'armes et d'explosifs, de matériels de guerre, la contrefaçon ou des mouvements financiers constitutifs de fraude au budget des Communautés fréquemment liés à des activités mafieuses.
Il n'apparaît, en revanche, pas justifié d'étendre le délit douanier de blanchiment aux contraventions douanières de 3ème, 4ème et 5ème classes. En effet :
- la contravention de 3ème classe (article 412 du code des douanes) vise des faits de contrebande ou des fausses déclarations de marchandises peu sensibles. Les pénalités encourues sont d'ailleurs relativement faibles (confiscation des marchandises frauduleuses, amende maximale de 10 000 F) ;
- la contravention de 4ème classe (article 413 du code des douanes) a été abrogée par la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987. Il n'y a donc pas lieu d'y faire référence ;
- la contravention de 5ème classe (article 413 bis du code des douanes) tend à réprimer des manquements à des obligations légales telles que le refus d'un conducteur d'obtempérer aux injonctions des agents des douanes ou le refus d'un capitaine de navire de représenter son journal de bord. Par leur objet même, ces manquements sont insusceptibles de blanchiment.
Aussi votre commission vous propose-t-elle de supprimer la référence aux contraventions de 3ème, 4ème et 5ème classes du code des douanes insérée dans la nouvelle rédaction de l'article 415 de ce même code.
Elle vous propose d'adopter l'article 4 ainsi modifié.
CHAPITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES À LA COOPÉRATION INTERNATIONALE
Cette division, composée des articles 5 à 12 du projet de loi, a pour objet d'adapter la législation française aux stipulations de la convention de Strasbourg, contenues dans son chapitre III.
Article 5
Champ d'application
Cet article a pour objet de définir le champ d'application des dispositions du présent projet de loi relatives à la coopération internationale.
A cette fin, il pose deux séries de conditions pour la mise en oeuvre des articles 6 à 12.
Il est tout d'abord expressément prévu que la coopération internationale instituée par le projet de loi concernera les demandes présentées en application du chapitre III de la convention de Strasbourg. Cette condition suppose tout d'abord, de manière évidente, que l'Etat demandeur soit partie à ladite convention. Elle paraît également exiger que la demande soit présentée aux fins de confiscation ou de mesure en liaison avec la confiscation, la coopération instituée par le chapitre III de la convention se limitant à cet objet.
La seconde série de conditions a trait à la nature des mesures objet de ces demandes. Sur ce point, l'article 7, paragraphe 2, de la convention de Strasbourg impose aux États parties d'adopter les mesures nécessaires pour répondre à trois séries de demandes :
- celles présentées aux fins de confiscation de produits d'infractions pénales (ou d'équivalent en valeur) ou d'objets employés pour commettre ces infractions ;
- les demandes d'entraide aux fins d'investigation ayant pour but une telle confiscation ;
- les demandes de mesures provisoires pour une confiscation.
Votre commission constate que le présent article 5 définit le champ d'application de la coopération internationale conformément aux stipulations de la convention de Strasbourg.
Le 1° permet les demandes tendant à la recherche et à l'identification des produits et instruments d'infractions. Ce faisant, il répond à l'impératif d'entraide aux fins d'investigations posé par la convention.
Le 2° autorise les requêtes ayant pour objet la confiscation des produits, biens ou instruments d'infractions.
Le 3° permet la dernière série de demandes mentionnées par la convention à savoir celles tendant à la prise de mesures conservatoires sur ces instruments, produits ou biens.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 6
Cas de refus de coopération
Cet article a pour objet d'énumérer les hypothèses dans lesquelles la demande de coopération sera ou pourra être refusée.
La convention de Strasbourg prévoit elle-même, en son article 18, des motifs de refus de cette coopération.
Le projet de loi envisage tout d'abord cinq cas dans lesquels la demande de l'État requérant sera systématiquement refusée :
- lorsque son exécution risquerait de porter atteinte à l'ordre public. Ce motif de refus est expressément prévu par le b) du paragraphe 1 de l'article 18 de la convention ;
- lorsque les faits sur lesquels porte la demande font l'objet de poursuites pénales où ont déjà fait l'objet d'une décision définitive sur le territoire français. Ce motif de rejet traduit celui admis par le e) du paragraphe précité de la convention aux termes duquel la partie requise peut refuser la coopération internationale si elle considère que « la mesure sollicitée irait à l'encontre du principe ne bis in idem » ;
- lorsque la demande porte sur une infraction politique. Cette hypothèse est également admise expressément par l'article 18 de la convention de Strasbourg au d) du paragraphe 1 ;
- lorsque la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard des droits de la défense ;
- lorsque l'infraction n'est pas punissable selon la loi française. C'est ce motif de refus que paraît admettre la convention dans le f) de son article 18, paragraphe 1, lequel envisage le cas où « l'infraction à laquelle se rapporte la demande ne serait pas une infraction au regard du droit de la partie requise si elle était commise sur le territoire relevant de sa juridiction. » Le présent projet de loi prévoit néanmoins que ce motif de refus ne s'applique pas aux demandes présentées aux fins de recherche et d'identification des produits ou des instruments d'infractions qui n'impliquent pas de mesures coercitives.
A ces cinq hypothèses de refus systématique de coopération, l'article 6 du projet de loi en ajoute deux ouvrant la possibilité à un refus :
- la demande pourra tout d'abord être refusée si l'importance de l'affaire ne justifie pas que soit prise la mesure sollicitée. C'est ce que prévoit également, en termes identiques, le c) de l'article 18, paragraphe 1, de la convention ;
- le refus pourra également être opposé à l'Etat requérant si l'exécution de la demande risque de porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité ou à d'autres intérêts essentiels de la France. Ces hypothèses sont également envisagées par le paragraphe précité de la convention en son b).
Sur cet article 6 du projet de loi, votre commission vous soumet quatre amendements. Trois d'entre eux sont purement rédactionnels.
Le quatrième amendement vise à réécrire le 5° qui, dans sa rédaction actuelle, prévoit le refus de la coopération internationale lorsque « l 'infraction n'est pas punissable selon la loi française ». Cette formulation est ambiguë car l'infraction peut ne pas être punissable pour deux séries de raisons :
- des raisons de fond, tenant au fait que les actes en question ne seraient pas constitutifs d'une infraction au sens de la loi française ;
- des raisons de procédure, tenant par exemple à l'extinction de l'action publique pour cause de décès de la personne poursuivie.
Or, ce second motif de refus de la coopération internationale est expressément rejeté par le paragraphe 8 b) de l'article 18 de la convention de Strasbourg, selon lequel le décès de la personne physique concernée par une décision de confiscation ne saurait faire obstacle à cette confiscation.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 6 ainsi modifié.
Article 7
Commissions rogatoires
Cet article a pour objet de préciser que les commissions rogatoires décidées pour l'exécution des demandes de recherche et d'identification de produits ou d'instruments d'infractions présentées par des autorités judiciaires étrangères obéiront aux règles posées par la loi française.
L'article 9 de la convention de Strasbourg prévoit également que l'entraide prévue pour cette recherche est exécutée conformément au droit interne de la partie requise.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Articles 8, 9, 10
Exécution en France d'une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère
Ces articles ont pour objet de fixer les règles applicables aux demandes de confiscation d'instruments ou de produits d'infractions faisant suite à une décision de confiscation prononcée par une juridiction étrangère.
L'article 8 pose, d'une manière générale, les conditions requises pour autoriser l'exécution sur le territoire français de la décision de confiscation.
L'autorisation de cette exécution relève de la compétence du tribunal correctionnel saisi à cette fin par le procureur de la République. Trois conditions doivent être réunies :
- en premier lieu, la décision de confiscation prononcée par la juridiction étrangère doit viser un bien constituant le produit ou l'instrument d'une infraction et se trouvant sur le territoire français ou consister en l'obligation de payer une somme d'argent correspondant à la valeur du bien. L'exigence tenant à la localisation du bien est posée par l'article 13, paragraphe 1, de la convention de Strasbourg ;
- la décision étrangère doit également être définitive et demeurer exécutoire selon la loi de l'État requérant. Cette condition est dans la droite ligne des stipulations de la convention dont l'article 18, paragraphe 4, précise en son e) que la coopération peut être refusée si « la confiscation n 'est pas exécutoire dans la partie requérante » ou « est encore susceptible de voies de recours ordinaires » ;
- enfin, les biens confisqués par la décision étrangère doivent pouvoir faire l'objet de confiscation dans des circonstances analogues selon la loi française. Sur ce point également, la convention comprend une stipulation similaire en son article 18, paragraphe 4, dont le a) autorise le refus de coopération lorsque « la législation de la Partie requise ne prévoit pas la confiscation pour le type d'infraction sur lequel porte le demande ».
L'article 9 traite de la procédure devant le tribunal correctionnel
Il prévoit l'application des règles du code de procédure pénale, conformément à l'article 14, paragraphe 1, de la convention en vertu duquel « les procédures permettant d'obtenir et d'exécuter la confiscation (...) sont régies par la loi de la Partie requise ».
Le tribunal peut entendre, le cas échéant par commission rogatoire, le condamné ainsi que toute personne ayant des droits sur les biens qui ont fait l'objet de la décision étrangère de confiscation. Ces personnes peuvent se faire représenter par un avocat.
On observera cependant que le tribunal sera lié par les constatations de fait de la décision étrangère. Si celles-ci sont insuffisantes, il pourra ordonner un supplément d'information. Cette réserve est imposée par l'article 14, paragraphe 2, de la convention selon lequel « la Partie requise est liée par la constatation des faits dans la mesure où ceux-ci sont exposés dans une condamnation ou une décision judiciaire de la Partie requérante ».
L'article 10 traite des conséquences de l'autorisation d'exécution de la décision de confiscation
Cette autorisation ne peut en principe avoir pour effet de porter atteinte aux droits licitement constitués au profit des tiers, en application de la loi française, sur les biens dont la confiscation a été prononcée par la décision étrangère.
Une réserve est cependant prévue dans l'hypothèse où ladite décision contient des dispositions relatives aux droits des tiers. En ce cas, elle s'impose aux juridictions françaises à moins que les tiers n'aient pas été mis à même de faire valoir leurs droits devant les juridiction étrangère dans des conditions analogues à celles prévues par la loi française.
Il est par ailleurs prévu que l'autorisation d'exécution entraîne transfert à l'État français de la propriété des biens confisqués, sauf s'il en est convenu autrement avec l'État demandeur. Sur ce point, le projet de loi reprend en substance l'article 15 de la Convention. En conséquence, si la décision étrangère prévoit la confiscation en valeur, la décision autorisant son exécution rend l'État français créancier de l'obligation de payer la somme d'argent correspondante.
Votre commission vous propose d'adopter les articles 9 et 10 sans modification et l'article 8 modifié par un amendement tendant à supprimer une redondance.
Article 11
Exécution sur le territoire français des demandes de mesures conservatoires
Cet article a pour objet de fixer les règles applicables à l'exécution sur le territoire français de mesures conservatoires portant sur des instruments ou produits d'infractions faisant l'objet d'une demande présentée par une autorité judiciaire étrangère.
Cette exécution est ordonnée, aux frais avancés par le Trésor et selon le droit français, par le président du tribunal de grande instance lorsqu'il est saisi à cette fin par le procureur de la République, dès lors que le propriétaire des biens concernés ne pouvait en ignorer l'origine ou l'utilisation frauduleuse.
La demande de mesures conservatoires peut être refusée s'il apparaît que les biens ne sont pas susceptibles d'être confisqués dans des circonstances analogues selon la loi française.
La durée maximale de ces mesures conservatoires est fixée à deux ans. Elles peuvent être renouvelées. Leur mainlevée peut être demandée par tout intéressé.
Ces mesures provisoires peuvent par la suite donner lieu à deux situations :
- si l'autorisation est donnée d'exécuter la décision de confiscation prononcée par la juridiction étrangère, elle vaut alors validation des mesures conservatoires et permet l'inscription définitive des sûretés ;
- si l'exécution de la décision étrangère est refusée ou si les poursuites engagées à l'étranger ont pris fin, la mainlevée des mesures conservatoires est de droit. Elle s'effectue aux frais du Trésor.
Votre commission vous propose d'adopter l'article 11 sans modification.
Article 12
Juridiction territorialement compétente
Cet article précise que le tribunal territorialement compétent pour statuer sur la demande de coopération aux fins de recherche ou d'identification dans la perspective d'une confiscation du produit ou de l'instrument d'une infraction, ou à l'adoption de mesures conservatoires, est celui du lieu de l'un des biens qui sont l'objet de la demande ou, à défaut, le tribunal de grande instance de Paris. Cette dernière hypothèse vise notamment le cas où la confiscation porte sur une somme d'argent correspondant à la valeur du bien.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
TITRE II - DISPOSITIONS TENDANT A AMÉLIORER LA LUTTE CONTRE LE TRAFIC DE STUPÉFIANTS
Article 13
Impossibilité de justifier de ses ressources pour une personne en relations habituelles avec des trafiquants ou usagers de stupéfiants
Cet article a pour objet d'insérer dans le code pénal un article 222-39-1 aux fins d'incriminer le fait de ne pas pouvoir justifier de ressources correspondant à son train de vie, tout en étant en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant au trafic ou à l'usage de stupéfiants.
Ainsi qu'il a été indiqué dans l'exposé général, la définition de cette nouvelle infraction s'inspire de la rédaction des articles 225-6-3° et 321-6 du code pénal.
Les peines encourues sont de cinq ans d'emprisonnement et de 500.000 F d'amende. La peine d'emprisonnement est portée à dix ans, avec applicabilité du dispositif relatif à la période de sûreté, lorsque l'une au moins desdites personnes est mineure.
Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.
Article 14
Provocation d'un mineur au trafic de stupéfiants
Cet article a pour objet de compléter l'article 227-18 du code pénal relatif à la provocation à l'usage illicite de stupéfiants à l'encontre d'un mineur afin d'incriminer le fait de provoquer directement un mineur à transporter, détenir, offrir ou céder des stupéfiants.
Les peines encourues sont de sept ans d'emprisonnement et de 1.000.000 F d'amende. Elles sont portées à dix ans et 2.000.000 F s'il s'agit d'un mineur de moins de quinze ans.
Votre commission estime opportun de consacrer un article autonome, portant la référence 227-18-1, à cette nouvelle incrimination. Tel est l'objet de l'amendement de clarification qu'elle vous suggère.
Elle vous propose d'adopter l'article 14 ainsi modifié.
Article 15
E xercice des droits reconnus à la partie civile par certaines associations
Cet article a pour objet d'insérer dans le code de procédure pénale un article 2-15 afin de permettre à toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits d'exercer les droits reconnus à la partie civile en matière de trafic de stupéfiants, si une telle action correspond à son objet statutaire, lorsque l'action publique a été mise en mouvement par le ministère public ou la partie lésée.
Votre commission vous soumet, à cet article, deux amendements tendant à corriger une erreur et un amendement de coordination.
Elle vous propose d'adopter l'article 15 ainsi modifié.
* 1 Rapport sur la violence des mineurs publié par le syndicat des commissaires et hauts-commissaires de la police nationale