II. -- UNE COMMISSION D'ENQUÊTE EST-ELLE NÉCESSAIRE ?
Il nous faut ici distinguer nettement le cas de la viande de celui des fruits et légumes.
En effet, le 18 octobre dernier, l'Assemblée Nationale décidait la création d'une commission d'enquête ayant pour objet de déterminer avec précision les pratiques dans les circuits intérieurs de commercialisation des viandes, les problèmes posés par les importations et les exportations des viandes, les problèmes posés par les importations des oeufs et poulets et, enfin, les rapports entre les circuits intérieurs et les circuits extérieurs des viandes, ainsi que les interventions de l'Etat.
La simple courtoisie, d'une part, la tradition parlementaire, d'autre part, enfin le simple souci de ne pas engager inutilement des efforts similaires et parallèles en une même voie et pour un même objet nous amènent à penser que la création d'une commission d'enquête sénatoriale chargée d'examiner les circuits de distribution de la viande n'est pas souhaitable.
Il serait en effet discourtois de la part du Sénat de constituer une commission d'enquête dont l'objet serait identique à celui d'une commission composée de députés ; nous donnerions alors à penser que nous nous défions du travail effectué par nos collègues députés.
La tradition parlementaire -- peut-être influencée par ces exigences de courtoisie -- veut d'ailleurs que les deux Assemblées du Parlement ne constituent pas des organes d'enquête rivaux fonctionnant parallèlement.
Enfin, il nous faut bien reconnaître qu'il y aurait dans ce cas un gaspillage de temps et d'énergie, tant de notre part que de celle des fonctionnaires de l'Etat et des professionnels, que rien ne légitime.
Une enquête sénatoriale sur les circuits de distribution de la viande n'étant donc pas actuellement souhaitable, il nous reste à examiner dans quelles conditions les circuits de distribution des fruits et légumes qui ne sont aucunement visés par les travaux de l'Assemblée Nationale, peuvent être examinés.
Le Ministre du Commerce et de l'Artisanat avait indiqué à l'Assemblée Nationale qu' un groupe de travail avait été mis en place par le Gouvernement afin d'étudier la situation du marché des fruits et légumes . Aussi votre Rapporteur a-t-il pris contact avec les services du Ministère du Commerce et de l'Artisanat afin de connaître la teneur et l'état de ces travaux. Les renseignements qui lui ont été fournis montrent que les préoccupations qui ont animé ce groupe de travail sont précisément celles qui ont motivé le dépôt de la proposition de résolution que nous examinons ici.
En effet, le groupe de travail étudiant le marché des fruits et légumes, qui a été installé le 15 septembre dernier, doit déterminer le schéma exact de la distribution ainsi que la structure des coûts afin de proposer des orientations et des réformes au système de distribution et de prix, Ce groupe comprend des membres de l'administration provenant du Ministère de l'Economie et des Finances, du Ministère de l'Agriculture ainsi que du Ministère du Commerce et de l'Artisanat, des membres des organisations professionnelles allant des producteurs aux détaillants, enfin des représentants des consommateurs.
Le groupe a, d'ores et déjà, mené une étude approfondie des mécanismes de formation des prix qui devrait permettre une meilleure connaissance des phénomènes régissant le système distributif de ces produits. Il lui reste, actuellement, à émettre des propositions concrètes de réforme. Le rapport d'ensemble devrait être achevé à la fin de l'année 1974.
Ce rapport sera porté à la connaissance du Parlement et du public et le Ministre du Commerce et de l'Artisanat est prêt à se rendre devant la Commission des Affaires économiques et du Plan, au début de l'année 1975, pour s'entretenir avec les commissaires du contenu de ce rapport et des réformes qu'il serait bon d'entreprendre.
En conséquence, il ne paraît pas souhaitable de constituer aujourd'hui une commission d'enquête sur ce sujet. Si le rapport du groupe de travail et les mesures que le Gouvernement sera amené à prendre nous satisfont, cette commission serait simplement inutile. Si le rapport du groupe de travail paraissait insuffisant ou critiquable, ce n'est qu'après avoir pris connaissance et après avoir entendu le Ministre du Commerce que nous pourrions songer à créer une commission d'enquête ; la créer aujourd'hui serait perdre deux mois, alors que nous ne savons que trop que le délai de quatre mois dans lequel ces commissions se trouvent enfermées est tout à fait insuffisant.
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Au cours de l'examen en Commission, MM. Coudert, Lemaire, Bouloux, Filippi, David, Berchet et Malassagne sont tous intervenus pour souligner l'importance du problème et souhaiter que la Commission et le Sénat disposent d'informations précises à ce propos. La formule d'une commission d'enquête n'a cependant paru ni la plus opportune ni la plus efficace. Elle ne confère, en effet, à ses membres aucun pouvoir particulier, mais les soumet à un certain nombre de contraintes et, en particulier, à un calendrier très strict.
Aussi la Commission des Affaires économiques et du Plan a-t-elle décidé la création de deux groupes de travail chargés d'étudier, l'un les circuits de distribution de la viande, l'autre ceux des fruits et légumes -- et de lui présenter leurs conclusions.
Votre Commission propose en conséquence au Sénat de repousser la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête.