III. LA POSITION DE LA COMMISSION : UNE LOI INCANTATOIRE À LA PLUS-VALUE DOUTEUSE
Attachée au renforcement de l'efficacité et de la rapidité de la réponse pénale contre les infractions commises par les mineurs, la commission a toutefois souhaité que ne soient pas adoptées des dispositions qui, en dépit des louables intentions qui les fondent, procéderaient davantage de l'incantation que de la réforme opérationnelle.
Elle a ainsi adopté 13 amendements, dont 10 du rapporteur, visant principalement à :
· remplacer, à l'article 1er, les trois mesures visant à « faciliter » la caractérisation du délit de soustraction, par les parents, à leurs obligations légales et à durcir la sanction de ce délit, qui sont apparues toutes trois ni opportunes, ni opérationnelles, par une extension du périmètre de l'actuelle circonstance aggravante aux délits de non-exécution d'une décision judiciaire imposant le versement d'une pension, de non-déclaration en vue de ne pas verser une pension, de non-présentation d'enfant et de non-respect de l'obligation de scolarisation ;
· supprimer, à l'article 2, la possibilité pour le juge des enfants statuant en matière d'assistance éducative de prononcer une amende civile à l'encontre des parents qui n'auraient pas déféré à ses convocations. Outre que cette mesure ne procède pas d'une demande des acteurs judiciaires concernés, d'une part, et qu'elle recueille une opposition quasi-unanime des personnes auditionnées par le rapporteur, d'autre part, la commission a considéré que les mesures d'assistance éducative relèvent d'une logique d'adhésion et qu'il n'apparaît par conséquent pas approprié de reprendre les dispositifs à visée davantage répressive des mesures pénales, dont l'article 2 est inspiré ;
· préciser, malgré la suppression de la condition de cohabitation opérée par l'article 3, que la responsabilité civile solidaire parentale ne s'appliquera pas aux parents d'enfants placés ;
· permettre aux assureurs de faire participer les parents à la réparation financière des dommages causés par leur enfant, lorsqu'ils se sont soustraits à leurs obligations légales ;
· supprimer la procédure de comparution immédiate des mineurs prévue par l'article 4 du texte, dans la double mesure où celle-ci apparaissait affectée d'incohérences qui en auraient fait un facteur de risque juridique pour les professionnels concernés et où elle ne semblait de nature ni à apporter une réponse à l'aggravation des violences commises par des mineurs de plus en plus jeunes et souvent primo-délinquants, ni à répondre aux besoins réels des éducateurs et des magistrats ;
· reprendre, en les étendant aux infractions graves commises en bande organisée, les dispositions relatives aux mineurs adoptées par le Sénat le 30 janvier 2024 à l'occasion de l'examen de la proposition de loi de François-Noël Buffet instituant des mesures judiciaires de sûreté applicables aux condamnés terroristes : cette évolution permettra notamment de faciliter, sous le contrôle permanent du juge, le placement en centre éducatif fermé ou sous contrôle judiciaire, voire en détention provisoire des mineurs de 13 à 16 ans lorsqu'ils ont commis des faits d'une particulière gravité qui justifient une prise en charge resserrée et une rupture immédiate avec leur environnement habituel ;
· supprimer, à l'article 5, les dispositions supposées encourager les juridictions à déroger au principe d'atténuation de la peine. De l'aveu général, la portée concrète du dispositif apparaît en effet plus que limitée, son application entre 2007 et 2014 n'ayant conduit à aucune inflexion du nombre de dérogations à l'« excuse de minorité » décidée par les juridictions. Loin des objectifs annoncés, un tel dispositif s'apparente davantage à une source de complexité supplémentaire pour les juges qu'à un outil réellement opérationnel. En tout état de cause, il demeure loisible aux juridictions d'écarter l'« excuse de minorité » lorsque les circonstances, la personnalité ou la situation du mineur le justifient ;
· supprimer, à l'article 6, les dispositions tendant à remplacer le RRSE par une note actualisée, cette évolution n'ayant pas d'utilité évidente et n'étant pas soutenue par les professionnels concernés ;
· supprimer l'article 9. D'une part, l'ensemble des dossiers ne se prêtent pas à l'édiction de mesures de réparation, en particulier dans le cadre de mineurs multi-réitérants qui auraient déjà été soumis, sans succès, à de telles mesures. D'autre part, la possibilité de s'exonérer du prononcé de mesures éducatives en cas de condamnation pour des faits de faible gravité semble superflue, dès lors que l'article L. 521-2 du code de la justice pénale des mineurs autorise sous certaines conditions la juridiction concernée à statuer par une audience unique ;
· supprimer l'article 10, dans la mesure où l'article L. 531-3 du code de la justice pénale des mineurs répond déjà à la situation où une juridiction doit statuer sur la sanction d'un mineur alors qu'un appel sur sa culpabilité est pendant ;
mettre l'intitulé du texte en cohérence avec son contenu réel, c'est-à-dire à rappeler que la proposition de loi a pour effet utile d'aménager le code de la justice pénale des mineurs et certains dispositifs relatifs à la responsabilité parentale.
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La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.