II. LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 351 DÉPOSÉE PAR DIDIER MARIE ET SES COLLÈGUES ET LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
A. LE CONTENU DE LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION N° 351 (2024-2025) DÉPOSÉE PAR LE GROUPE SOCIALISTE, ÉCOLOGISTE ET RÉPUBLICAIN DU SÉNAT
Déposée le 18 février 2025, cette proposition de résolution comporte trois volets :
- un appel à la mise en oeuvre sans trembler des textes européens ;
- un appel à la souveraineté européenne dans le domaine numérique ;
- un appel au renforcement de l'arsenal juridique européen contre les ingérences étrangères, la désinformation et les atteintes à la démocratie ou aux valeurs.
1. Un appel à la mise en oeuvre sans trembler des textes européens
À ce titre, la proposition de résolution :
- salue l'annonce de la Commission européenne sur l'approfondissement de son enquête sur X ;
- condamne les mesures mises en place par certains réseaux sociaux de réduction de la modération et, à cet égard, demande à la Commission de mettre en oeuvre ses prérogatives au titre du DSA concernant la lutte contre la manipulation de l'information ;
- enjoint à la Commission européenne à réitérer ses engagements de (i) mise en oeuvre des textes réglementaires, y compris jusqu'aux sanctions, et (ii) renforcement et intensification des contrôles de l'application des textes DMA et DSA ;
- demande l'application des dispositions de l'article 9 du RGPD, qui interdisent les traitements portant sur les données personnelles sensibles84(*), sauf exceptions limitées85(*), afin de désactiver les algorithmes de recommandation par défaut et obliger les plateformes en ligne à avertir soigneusement leurs utilisateurs et à leur demander explicitement leur consentement.
2. Un appel au renforcement de l'arsenal juridique européen
La proposition de résolution européenne appelle à un renforcement de l'arsenal juridique européen, qui pourrait se traduire notamment par l'établissement de règles d'équilibre similaires à celles qui existent pour les médias traditionnels, notamment en période électorale mais aussi par l'adoption rapide du « bouclier démocratique européen » annoncé Ursula von der Leyen pour lutter contre la manipulation de l'information et l'ingérence étrangères en ligne.
3. Un appel à la souveraineté européenne dans le domaine numérique
La proposition de résolution européenne comprend un dernier axe visant le renforcement d'une souveraineté numérique européenne. Il est proposé que ce renforcement passe notamment par :
- l'émergence d'acteurs européens du numérique et le soutien à des clouds européens souverains ;
- la mise en place d'une politique industrielle volontariste ;
- la mise en place au niveau européen de normes minimales en matière d'éthique et de respect des droits fondamentaux, obligatoires pour tous les algorithmes, dès leur création ;
- ou encore une priorité au rattrapage du retard technologique pointé par le rapport Draghi ainsi que des financements adaptés pour permettre une politique de recherche renforcée. Elle préconise en particulier de doubler le montant des crédits du programme européen « Horizon Europe ».
Horizon Europe
Horizon Europe est le programme-cadre de l'Union européenne pour la recherche et l'innovation pour la période 2021-2027.
Ce programme dispose d'un budget de 95,5 milliards d'euros sur 2021-2027.
Ses objectifs sont les suivants :
- renforcer les bases scientifiques et technologiques de l'Union européenne ;
- stimuler la compétitivité, y compris celle de son industrie ;
- concrétiser les priorités politiques stratégiques européennes ;
- contribuer à répondre aux problématiques mondiales, dont les objectifs de développement durable.
Dans un rapport présenté le 22 janvier 202586(*), la Cour des comptes a observé que le taux de retour de financement d'Horizon Europe obtenu par la France était inégal selon les trois piliers du programme. Ainsi, si la France, même en deçà d'un objectif de 17,5 %, améliore sa position dans le pilier 1 (recherche fondamentale), les performances sont moins bonnes sur le pilier 2 (organisé autour de six thèmes de recherche appliquée) mais satisfaisantes sur le pilier 3 (innovation) ; la France est au deuxième rang européen.
* 84 L'article 9 liste ces données à caractère personnels sensibles : ce sont les données à caractère personnel révélant « l'origine raciale ou ethnique, les opinions politiques, les convictions religieuses ou philosophiques ou l'appartenance syndicale, ainsi que le traitement de données génétiques, des données biométriques aux fins d'identifier une personne physique de manière unique, des données concernant la santé ou des données concernant la vie sexuelle ou l'orientation sexuelle d'une personne physique ».
* 85 Les exceptions, listées également à l'article 9 du RGPD sont les suivantes ; consentement explicite d'une personne sauf si le droit de l'Union européenne ou des États membres empêche la levée de l'interdiction ; traitement nécessaire à l'exécution des obligations ou à l'exercice des droits du responsable de traitement ou de la personne concernée en matière de droit du travail ou de sécurité sociale ou à la sauvegarde des intérêts vitaux de cette personne ; traitement effectué une fondation, une association ou toute autre organisation à but non lucratif et poursuivant une finalité politique, philosophique, religieuse ou syndicale concernant exclusivement ses membres ; traitement concernant des données rendues manifestement publiques par la personne concernée ; traitement nécessaire à la constatation, à l'exercice ou à la défense d'un droit en justice ou pour des motifs d'intérêt public important ; traitement nécessaire aux fins de la médecine préventive ou de la médecine du travail ou pour des motifs d'intérêt public dans le domaine de la santé publique.
* 86 « La mobilisation des fonds européens en matière de programmes de recherche : les programmes Horizon 2020 et Horizon Europe - un effort à accentuer », communication à la commission des finances de l'Assemblée nationale, 22 janvier 2025.