B. UNE RÉSOLUTION ESSENTIELLE APPELANT À FIXER DANS LE DROIT EUROPÉEN LES PRINCIPES DE MISE EN oeUVRE DES AMBITIONS FUTURES

Notre commission s'est largement rangée à l'analyse de la proposition de résolution adoptée par la commission des affaires européennes, qui se focalise sur quelques points précis du règlement, en :

- Réaffirmant le soutien de la France aux objectifs de long terme poursuivis par le texte, qui doivent contribuer à une plus grande autonomie stratégique européenne ;

- Rappelant la position prise par le Sénat sur le non-respect, par la proposition de règlement initiale, des principes de subsidiarité et de proportionnalité, et la nécessité de préserver les compétences des États membres dans un domaine qui relève par essence de la souveraineté nationale ;

- Réaffirmant l'importance du critère d'éligibilité tenant à l'autorité de conception européenne ;

- Soutenant, au titre du critère d'éligibilité tenant au taux de composants en provenance de l'Union européenne ou de pays associés, l'ambition d'un taux minimal plus élevé, allant jusqu'à 80 %.

Outre un amendement rédactionnel, la commission des affaires étrangères et de la défense a adopté, à l'initiative de son rapporteur, plusieurs amendements visant à :

- regretter que le texte soit privé d'une vision stratégique claire à moyen et long termes, ainsi que d'objectifs quantifiés et articulés à ceux de la stratégie pour l'industrie européenne de la défense, et à regretter l'absence d'indicateurs de performance qui permettrait d'en suivre la mise en oeuvre et d'en évaluer les résultats. Faute d'étude d'impact, qui aurait dû pourtant être produite dans les trois mois suivant la date de publication du règlement, l'état des lieux quantitatif et qualitatif de l'industrie de défense européenne reste imparfaitement connu et la mise en oeuvre du texte est privée de jalons pertinents permettant d'en suivre les résultats ;

- dire plus explicitement la nécessité absolue de fermer la porte du règlement EDIP aux productions sous licence étrangère, lesquelles iraient à l'encontre des objectifs poursuivis par le règlement EDIP ;

- préciser que la sélection des projets de défense européen d'intérêt commun doivent obéir aux priorités identifiées par les États membres ;

- exprimer la crainte que les procédures de sélection des projets et d'allocation des fonds, ainsi que la coordination entre les différents acteurs institutionnels, les États membres ne mobilisent des ressources humaines et techniques excessives, compte tenu de la multiplicité des instruments ;

- exprimer le regret que le financement du programme ne soit pas échelonné plus précisément dans le temps ;

- déplorer enfin le manque de robustesse de l'instrument de soutien à l'Ukraine, dont la Cour des comptes européenne a déjà eu l'occasion de souligner les risques en termes de pérennité de son financement et du contrôle de sa mise en oeuvre9(*).

Le rapporteur estime que cette proposition de règlement, et la tournure prise par la négociation au Conseil, invitent à une réflexion plus profonde sur la nature et les modalités de la stratégie française relative à l'industrie de défense à l'échelle européenne - qui fera l'objet d'une mission d'information de la commission des affaires étrangères et de la défense au prochain semestre. Par bien des aspects, le règlement EDIP s'engage en effet dans une forme de planification dont le concept peut sembler dépassé. La question de savoir si les opérateurs ont vraiment besoin de se faire coordonner par une autorité européenne et, singulièrement, par la Commission européenne, n'appelle à ce stade pas de réponse définitivement positive.

Il n'est pas même certain qu'en matière de défense, la taille du marché où s'appliquent les mêmes normes fasse la force. Tant qu'elles resteront nationales, les questions militaires échapperont aux lois du marché, puisque les États investissent dans le matériel militaire pour l'emporter sur le champ de bataille, et non pour des considérations de simple compétitivité économique. L'accompagnement des opérateurs et les industriels, qui n'ont pas attendu EDIP pour s'unir dans les cadres intergouvernementaux existants, peut prendre d'autres formes. La question des modalités de financement de la remontée en puissance reste, enfin, en attente d'une réponse satisfaisante.

Au cours de sa réunion du mercredi 18 décembre 2024, la commission a adopté la proposition de résolution au nom de la commission des affaires européennes, en application de l'article 73 quater du Règlement, sur la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à l'établissement du programme pour l'industrie européenne de la défense et d'un cadre de mesures visant à assurer la disponibilité et la fourniture en temps utile des produits de défense - COM(2024) 150 final, dans la rédaction de ses travaux.


* 9 Voir notamment Cour des comptes européenne, « Programme pour l'industrie européenne de la défense: une conception à revoir », 3 octobre 2024 ; voir aussi le « Rapport spécial 23/2021: Réduction de la grande corruption en Ukraine: des résultats encore insuffisants malgré plusieurs initiatives de l'UE », 23 septembre 2021.

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