C. DES BESOINS DE RECOMPLÈTEMENT ENCORE SIGNIFICATIFS, QUI PÈSENT SUR LE POTENTIEL MILITAIRE DES ARMÉES

1. La cession de 24 Rafale à la Croatie et à la Grèce

Le 25 janvier 2021, un contrat a été signé entre la France et la Grèce pour la vente de 18 avions Rafale, dont 12 d'occasion prélevés sur la dotation de l'Armée de l'air et de l'espace, faisant de la Grèce le premier client export du Rafale membre de l'UE, mais aussi de l'OTAN. Le premier avion a été livré au client le 21 juillet 2021 ; les activités de formation des personnels grecs se poursuivent en France.

Fin mai 2021, le gouvernement croate a également fait le choix de l'offre française proposant 12 avions Rafale d'occasion (prélevés sur la dotation de l'Armée de l'air et de l'espace). Cette commande porte à 24 le nombre total d'appareils prélevés sur la flotte actuelle de l'armée de l'air.

Le programme Rafale

Le Rafale est un appareil polyvalent, capable d'effectuer toutes les missions dévolues à un avion de chasse : dissuasion nucléaire, pénétration et attaque au sol par tous les temps, attaque à la mer, défense et supériorité aérienne, intervention à long rayon d'action avec ravitaillement en vol, reconnaissance tactique et stratégique. Il est aussi un appareil omni-rôle : il peut, au cours du même vol, assurer différents types de missions, par exemple l'attaque au sol et la défense aérienne. Premier appareil conçu dès l'origine pour opérer aussi bien à partir d'une base terrestre que depuis un porte-avions, il est mis en oeuvre par l'armée de l'Air et de l'Espace et la Marine nationale.

Le périmètre du programme Rafale comprend la fourniture des avions, avec leurs équipements de mission et leur stock initial de rechanges. Il comprend également des moyens de maintenance et des centres de simulation. L'architecture industrielle du programme est confiée à Dassault Aviation. La cellule est conçue et produite par Dassault Aviation, les moteurs par Safran Aircraft Engine, le radar et la grande majorité des capteurs par Thales. Les sociétés Safran Electronics & Defense et MBDA sont également impliquées dans le programme Rafale.

La logique de conduite du programme Rafale s'appuie sur des développements continus permettant d'adapter les appareils par standards successifs à l'évolution du besoin.

Source : commission des finances, d'après des informations du ministère des armées

Cette ponction intervient en outre dans un environnement capacitaire d'ores et déjà tendu, ayant d'ailleurs conduit au report successif des cibles de nombre d'avions Rafale. La précédente LPM 2019-2025 fixait ainsi une capacité opérationnelle de 171 appareils Rafale en 2025, dont 129 pour l'armée de l'Air et de l'Espace (et 42 pour la Marine nationale), et de 225 appareils Rafale pour l'année 2030 (dont 185 pour l'armée de l'air et de l'espace). Cette cible prévisionnelle du programme Rafale avait déjà été revue deux fois à la baisse depuis le lancement du programme (cible initiale de 320 avions), ce qui traduit le caractère « minimal » de cette cible (en 1996 : révision de la cible de 320 à 294 avions ; en 2006 : révision de la cible de 294 à 286 avions). La même LPM prévoyait que les forces aériennes comprendraient, à l'horizon 2030, 225 Rafale (air et marine) et 55 Mirage 2000D rénovés. La LPM 2024-2030 (voir supra) a toutefois décalé la cible de 225 Rafale de 2030 à 2035 et celle de 171 Rafale de 2025 à 2030.

Le ministère des armées a confirmé que la flotte serait recomplétée des deux prélèvements, avec la commande de 24 Rafale neufs :

- la cession des 12 Rafale à la Grèce serait achevée. La commande de recomplètement portant sur 12 appareils neufs a été passée, avec une livraison attendue pour 2025. La commande représente un coût total d'environ 1,5 milliard d'euros, dont 1 milliard d'euros pris sur l'enveloppe LPM 2019-2025 et 500 millions d'euros tirés du produit de cession.

- les premières cessions à la Croatie sont intervenues en 2023 et se poursuivent jusqu'en 2025. Une seconde commande de recomplètement portant sur 12 appareils neufs a également été passée en 2023 (portant le total des appareils commandés à 42), pour une livraison attendue en 2027. Le coût de cette commande peut être estimé à plus de 1,5 milliard d'euros.

À terme, l'opération ne serait pas dépourvue d'effets bénéfiques, puisqu'elle aura conduit à une homogénéisation et une modernisation de la flotte de Rafale de l'armée de l'Air et de l'Espace.

Toutefois, dans l'attente du recomplètement de la flotte en 2027, soit avec deux ans de retard par rapport au jalon prévu par la LPM 2019-2025, cette cession entraine une réduction préoccupante des capacités opérationnelles intermédiaires. Cette remise en cause capacitaire aura un effet direct sur la capacité opérationnelle de l'armée de l'air et de l'espace. Elle devrait se traduire par une baisse de la préparation opérationnelle des équipages de pilotes de chasse, alors que cette dernière n'atteint pas les objectifs fixés par la LPM (voir infra). En effet, ce prélèvement de 24 appareils constitue un effort substantiel pour le parc opérationnel de l'armée de l'Air et de l'Espace, composé d'une centaine d'appareils. Il représente ainsi une ponction de plus de 20 % des capacités de Rafale actuellement en dotation de l'armée de l'air.

En outre, le recomplètement de la flotte a été financé sous enveloppe LPM, alors que ces opérations n'avaient pas été prévues par la précédente programmation, et donc au détriment de l'atteinte des objectifs opérationnels et capacitaires fixés.

L'effort national de soutien aux exportations de matériel militaire (Soutex) constitue une politique par essence interministérielle, au service de l'autonomie stratégique et de l'économie française.

Pour cette raison, le rapporteur spécial, en sa qualité de rapporteur pour avis sur le projet de LPM 2024-2030, a été à l'initiative d'un amendement, retenu dans l'article 4 du texte final, visant à prévoir que le financement des recomplètements rendus nécessaires par les prélèvements d'équipements ou de matériels sur les parcs des armées au titre du soutien à l'exportation, au même titre que les cessions réalisées au profit des forces armées ukrainiennes, fasse l'objet d'abondements de crédits supplémentaires en cours de gestion.

2. Le soutien aux forces armées ukrainiennes

Les exercices 2022, 2023 et 2024 ont été marqués par d'importantes cessions d'équipement aux forces armées ukrainiennes.

Les cessions les plus emblématiques concernent les canons Caesar. Ces camions équipés d'un système d'artillerie (Caesar), développés par le groupe français Nexter, constituent l'armement principal des régiments d'artillerie des brigades multi-rôles et d'engagement d'urgence de l'armée de Terre. Il permet avant tout de frapper avec la puissance d'une munition de 155 mm, à 40 kms et avec une excellente précision.

Néanmoins, d'autres cessions sont également intervenues, notamment en termes de munitions, y compris des missiles, et de carburant. Est également prévue la cession d'avions Mirage 2000-5 au profit de l'Ukraine. Ces cessions devront être compensées rapidement et sur financement supplémentaire à la LPM, afin d'atteindre les cibles capacitaires prévues en LPM.

S'agissant de la cession des Mirage 2000-5, le rapporteur spécial constate qu'à défaut d'un recomplètement très rapide via des livraisons de Rafale, la tension sur le parc d'avions de chasse va encore augmenter.

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