- L'ESSENTIEL
- PREMIÈRE PARTIE
UNE STABILISATION DES CRÉDITS
DE LA MISSION « CULTURE »
- DEUXIÈME PARTIE
ANALYSE PAR PROGRAMME
- I. LE PROGRAMME 131
« CRÉATION » : MALGRÉ LE CONTEXTE
BUDGÉTAIRE, DES MOYENS PRÉSERVÉS POUR LE SPECTACLE VIVANT
- A. UNE STABILISATION DU BUDGET EN FAVEUR DE LA
CRÉATION ARTISTIQUE
- 1. Les moyens accordés à la
création artistique continuent de dépasser le milliard d'euros
dans un contexte de dynamisme de la fréquentation du spectacle
vivant
- 2. Les labels du spectacle vivant recouvrent
d'importantes disparités
- 3. Mieux produire, mieux diffuser : une
idée louable, des crédits indispensables ?
- 4. Un « mur
d'investissement » pour l'Opéra de Paris ?
- 1. Les moyens accordés à la
création artistique continuent de dépasser le milliard d'euros
dans un contexte de dynamisme de la fréquentation du spectacle
vivant
- B. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS
DÉDIÉS À L'EMPLOI CULTUREL MAIS DONT LA
SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE INTERROGE
- A. UNE STABILISATION DU BUDGET EN FAVEUR DE LA
CRÉATION ARTISTIQUE
- II. LE
PROGRAMME 175 « PATRIMOINES » : UNE
STABILITÉ QUI POURRAIT ÊTRE TRANSFORMÉE EN FORTE HAUSSE AU
COURS DE LA NAVETTE PARLEMENTAIRE
- III. LE
PROGRAMME 361 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET
DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE » : UN MAINTIEN DES
CREDITS DANS L'OPTIQUE DE LA TRANSFORMATION PROCHAINE DU PASS CULTURE
- IV. LE PROGRAMME 224 : UNE
LÉGÈRE HAUSSE DES CRÉDITS TIRÉE PAR LES
DÉPENSES DE PERSONNEL DU MINISTÈRE
- I. LE PROGRAMME 131
« CRÉATION » : MALGRÉ LE CONTEXTE
BUDGÉTAIRE, DES MOYENS PRÉSERVÉS POUR LE SPECTACLE VIVANT
- EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 144 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025, |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général, Sénateur LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES (seconde partie de la loi de
finances) CULTURE |
Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8 Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 3,933 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,919 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Ces chiffres s'inscrivent dans une trajectoire de progression des crédits au cours des années précédentes.
Lors de son audition devant la commission de la culture du Sénat, la ministre de la culture a annoncé son intention de déposer un amendement augmentant les crédits de la mission « Culture » de 300 millions d'euros à destination du patrimoine bâti. Si cet amendement était adopté, les crédits de la mission augmenteraient d'un demi-milliard d'euros entre 2023 et 2025 et de 600 millions d'euros par rapport à 2022, soit une hausse de 17 %. Un tel volume de crédits serait remarquable dans le contexte budgétaire actuel.
I. UNE ANNULATION DE 4,6 % EN 2024 QUI DEVRAIT NÉCESSITER UNE OUVERTURE DE CRÉDITS EN FIN D'ANNÉE
Le décret d'annulation de février 20241(*) a annulé 204 millions d'euros (en AE = CP), ce qui équivaut à 4,6 % des crédits de la mission. Environ la moitié portait sur la réserve de précaution des différents programmes (pour un total de 104 millions d'euros).
S'agissant du programme 175 « Patrimoines », la répartition des annulations sur l'ensemble des opérateurs du programme a été effectuée par un « rabot ». Pour le programme 131 « Création », le décret d'annulation a supprimé des crédits de fonctionnement de divers opérateurs.
Répartition des annulations sur le programme « création »
(en millions d'euros)
Aides aux projets |
9,45 |
Opéra national de Paris |
6 |
Comédie-Française |
5 |
Cité de la musique - Philharmonie de Paris |
0,25 |
Fonds de soutien au théâtre privé |
3,5 |
Sèvres - Cité de la céramique |
1 |
Académie de France à Rome |
1 |
Théâtre national de la Colline |
0,5 |
Investissement immobilier des lieux de spectacle vivant labellisés |
0,5 |
Grande halle de la Villette |
0,25 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les efforts demandés aux opérateurs de la mission étaient ambitieux. De surcroît, la suppression de la réserve de précaution limite très fortement les marges de manoeuvre des gestionnaires de programmes, alors que le ministère n'a pas la main sur certaines dépenses, notamment les dépenses de guichet (l'aide unique à l'embauche dans le spectacle par exemple). En conséquence, le ministère devrait demander l'ouverture de crédits en fin de gestion.
II. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS DÉDIÉS AU PATRIMOINE QUI POURRAIT ÊTRE TRANSFORMÉE EN FORTE HAUSSE AU COURS DE LA NAVETTE PARLEMENTAIRE
A. LA POURSUITE DES GRANDS CHANTIERS PATRIMONIAUX
Les crédits dédiés aux grands projets continuent de constituer une part importante des crédits du programme 175 : schéma directeur de Versailles, Archives nationales (bâtiment de Pierrefitte et Quadrilatère des archives), Château de Fontainebleau, Abbaye de Clairvaux...
L'impact marqué des jeux Olympiques sur la
fréquentation
des opérateurs patrimoniaux
Si les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ont entraîné un afflux de visiteurs à Paris, les monuments parisiens ont souffert pour certains d'une fermeture complète et, pour ceux situés dans les périmètres de restriction de circulation, d'importantes difficultés d'accès.
Pour l'ensemble des opérateurs, le ministère estime la baisse à - 20 % entre le 22 juillet et le 18 août 2024 par rapport à 2023. Pour les opérateurs parisiens, la diminution est plus importante : 27 % par rapport à 2023 sur la même période.
Les musées et monuments à forte notoriété (Louvre, Versailles, Orsay) ont connu une baisse d'environ 30 %, plus faible que ceux moins connus (- 67 % à la Cité de l'architecture et du patrimoine par exemple).
Le nombre de visiteurs a cependant retrouvé, à la fin du mois d'août des niveaux comparables à ceux d'une année normale. S'agissant des retombées à long terme des Jeux, le ministère espère pouvoir convertir l'intérêt marqué du public pour les monuments mis en avant pendant les jeux Olympiques.
Si l'amendement annoncé par la ministre devant la commission de la culture était adopté (+ 300 millions d'euros), les crédits du programme 175 ne devraient diminuer que de 8 % en AE et augmenter de 12 % en CP.
L'amendement du Gouvernement conduirait à une croissance importante de la mission dans un contexte budgétaire pourtant très contraint.
B. LA RÉNOVATION DU CENTRE POMPIDOU : UN CHANTIER TITANESQUE PRÉVU À PARTIR DE 2025
Le principe de la mise en oeuvre de travaux d'ampleur au sein du centre national d'art contemporain Georges Pompidou a été validé dès 2016. Les travaux, qui s'étaleront de 2025 à fin 2029, pour un coût de 262 millions d'euros, imposent la fermeture du site pendant leur durée. Durant la fermeture, le Centre Pompidou assurera cependant la coproduction des expositions présentées dans les galeries nationales du Grand Palais.
Parallèlement au schéma directeur technique, l'établissement a souhaité déployer un schéma directeur culturel « Centre Pompidou 2030 ». Celui-ci a pour objectif de repenser les usages du bâtiment de Beaubourg. Les travaux du schéma directeur culturel sont estimés à 207 millions d'euros. Cet aspect a vocation à être financé exclusivement sur fonds propres. Le centre ambitionne de disposer sous peu d'une centaine de millions d'euros. Il ne reste cependant que quelques mois avant de boucler ce budget, sans quoi les desseins de l'établissement devront nécessairement être revues à la baisse.
Il faut souligner l'ambition manifeste des divers projets menés de front par l'établissement, alors que le Centre Pompidou nécessite de toute évidence une action à brève échéance pour éviter la dégradation du bâtiment. Il reste à espérer que l'engagement financier de l'État, déjà conséquent, ne soit pas amené à croître au cours des travaux.
III. UNE STABILITÉ DU VOLET INDIVIDUEL DU PASS CULTURE DANS UN CONTEXTE DE MULTIPLICATION DES INCITATIONS À LE RÉFORMER
Le présent projet de loi de finances prévoit une dotation de 210,5 millions d'euros pour le financement du volet individuel du dispositif, soit une stabilité par rapport à 2024. Ils augmentent cependant globalement de 15 millions d'euros par rapport à 2024 en tenant compte de la montée en charge du volet collectif du Pass Culture, financé par les crédits de la mission « enseignement scolaire ».
Le gouvernement a par ailleurs déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à diminuer de 5 millions d'euros les crédits dédiés au Pass Culture.
Évolution des crédits affectés au financement du Pass Culture
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
La ministre de la Culture a annoncé qu'une réforme du Pass Culture serait lancée dès l'automne 2024. Celle-ci pourrait prévoir une baisse de l'enveloppe globale accordée à chaque bénéficiaire, malgré une bonification pour les boursiers, ainsi qu'une part du montant du Pass réservée au spectacle vivant.
Au-delà du Pass Culture, le soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique culturelle s'élève à 166 millions d'euros, soit une diminution de 14 millions d'euros par rapport à 2024. Le ministère indique que le recul des crédits constaté entre 2024 et 2025 s'explique en grande partie par des évolutions de périmètre.
IV. LES MOYENS ACCORDÉS À LA CRÉATION ARTISTIQUE CONTINUENT DE DÉPASSER LE MILLIARD D'EUROS DANS UN CONTEXTE DE DYNAMISME DE LA FRÉQUENTATION DU SPECTACLE VIVANT
Les crédits prévus pour le programme 131 « Création » ont dépassé le milliard d'euros en 2023 et avaient continué de croître en 2024. Ils se stabilisent en 2025 pour atteindre 1,066 milliard d'euros en AE et 1,041 milliard d'euros en CP. Cela correspond respectivement à une hausse de 3,4 % et une diminution de 0,14 %.
La fréquentation des opérateurs est en progression de + 5,6 % par rapport à la saison dernière. Elle demeure cependant en baisse de - 9 % par rapport à la saison 2018-2019. Une bonne part de cette baisse est mécanique du fait de la diminution du nombre de représentations. Le nombre de spectateurs par représentation s'établit quant à lui à un niveau presque équivalent à celui observable avant la crise sanitaire (792 spectateurs en moyenne en 2023-2024 pour 812 en 2018-2019).
En revanche, le nombre de représentations par saison a considérablement diminué au cours des dernières années pour la plupart des grands opérateurs du spectacle vivant, ce qui constitue une mesure d'économie mais prive les établissements de la recette correspondante.
Évolution du nombre de levers de rideaux par saison
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
En dehors de ses opérateurs, la politique de labellisation constitue le fer de lance de l'action du ministère en matière de soutien à la création dans les territoires. Le montant accordé par label est très variable : les mieux dotés sont les scènes nationales (67 millions d'euros) et les centres dramatiques nationaux (68 millions d'euros). Rapporté au nombre de structures financées, le montant moyen révèle d'importantes disparités. Ainsi, les opéras en région reçoivent en moyenne 5 millions d'euros en 2024, contre un financement moyen de 140 000 euros par scène de musiques actuelles (SMAC).
Il est possible de s'interroger sur le risque de saupoudrage des financements, ainsi que sur le caractère résiduel, voire marginal, de ces crédits à des établissements qui sont pour la plupart largement dépendants des financements accordés par les collectivités territoriales.
Réunie le mercredi 13 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.
Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Culture » tels que modifiés par son amendement II-30 visant à réduire de 125 millions d'euros les crédits prévus pour le Pass Culture afin de le recentrer sur les élèves boursiers.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, les rapporteurs spéciaux avaient reçu 98 % des réponses du ministère de la culture et de la communication à leur questionnaire budgétaire.
PREMIÈRE PARTIE
UNE STABILISATION
DES CRÉDITS
DE LA MISSION « CULTURE »
La mission « Culture » recense une partie des moyens budgétaires mis en oeuvre en faveur de la culture. Les crédits dédiés au soutien aux industries culturelles sont par ailleurs présentés au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles », également pilotée par le ministère de la culture.
La mission « Culture » regroupe les crédits dédiés à l'action du ministère de la culture en faveur de la création artistique, du patrimoine, de la démocratisation et de la transmission des savoirs ainsi que ceux affectés au financement de ses fonctions supports.
La mission est composée de quatre programmes :
- le programme 131 « Création », orienté vers le soutien de la diversité et du renouvellement de l'offre artistique ;
- le programme 175 « Patrimoines » appelé à financer la politique de préservation et d'enrichissement du patrimoine culturel français ;
- le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisations de la culture », qui agrège les crédits dédiés aux politiques transversales du ministère (éducation artistique et culturelle, enseignement supérieur de la culture, recherche culturelle et diffusion de la culture scientifique) ainsi qu'à la politique pour la langue française et le plurilinguisme. Le principal dispositif financé par cette action est le Pass Culture ;
- le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture », orienté vers le financement de l'action culturelle internationale mais surtout des fonctions supports du ministère. Il couvre ainsi essentiellement les dépenses de personnel.
La répartition des crédits de la mission entre ces quatre programmes est relativement équilibrée. Le programme le plus important est le programme 175 « Patrimoines », qui représente un peu moins d'un tiers des crédits de la mission.
Répartition des crédits de paiement
de la mission « Culture »
par programme prévue
en 2025
(en %)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
La mission « Culture » a la particularité de subventionner un nombre important d'opérateurs : 72 opérateurs sont concernés, dont le total des budgets s'élève à 2,5 milliards d'euros. Sont concernés aussi bien des grands établissements parisiens (Opéra de Paris, Comédie Française, musée du Louvre...) que des plus petits opérateurs implantés en région (écoles nationales supérieures d'art en région, monuments du Centre des monuments nationaux...).
Les opérateurs du programme ont la particularité de bénéficier d'un taux élevé de ressources propres, dans la mesure où il s'agit bien souvent d'établissements ouverts au public. Le montant cumulé des ressources propres des opérateurs du programme atteint en 2024 1,1 milliard d'euros, contre 1,3 milliard d'euros versés par l'État.
Subventions versées aux opérateurs de la mission « Culture » en 2024
(en millions d'euros)
Nombre d'opérateurs |
Montant de la subvention de l'État |
Montant des ressources propres des opérateurs |
||
AE |
CP |
|||
Programme 175 |
18 |
860 |
646 |
758 |
Programme 131 |
15 |
347 |
347 |
246 |
Programme 361 |
1 |
282 |
282 |
67 |
Programme 224 |
38 |
13 |
13 |
0 |
Total |
72 |
1 502 |
1 288 |
1 089 |
Source : commission des finances du Sénat d'après le ministère de la culture
I. APRÈS PLUSIEURS ANNÉES DE HAUSSE, UN MAINTIEN DES CRÉDITS DE LA MISSION PAR RAPPORT À LA LOI DE FINANCES POUR 2024
Le montant global des crédits demandés dans le cadre du présent projet de loi de finances s'élève à 3,933 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et à 3,919 milliards d'euros en crédits de paiement (CP).
Cela correspond à une baisse des AE de 6,8 % par rapport à 2024, mais qui s'accompagne d'une légère hausse des CP de 0,4 %.
Ces chiffres s'inscrivent dans une trajectoire de progression des crédits au cours des années précédentes : + 444 millions d'euros en AE et + 182 millions d'euros entre 2023 et 2024 et + 245,7 millions d'euros en AE et + 253,2 millions d'euros entre 2022 et 2023. Les crédits de la mission restent donc en hausse à l'échelle des dernières années.
Évolution des crédits de la mission « Culture » par programme
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Lors de son audition devant la commission de la culture du Sénat, la ministre de la culture a annoncé son intention de déposer un amendement augmentant les crédits de la mission « Culture » de 300 millions d'euros, changeant considérablement les équilibres budgétaires de la mission. L'essentiel de ces crédits devrait être attribué aux patrimoines, dont 55 millions d'euros aux monuments ruraux et 23 millions d'euros pour les musées dans les territoires.
Évolution des crédits de paiement de la mission « Culture»
(en millions d'euros)
LFI 2023 |
PLF 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2025/2024 (en euros) |
Évolution 2025/2024 (en %) |
Évolution 2025/2023 (en %) |
|
Programme 131 - Création |
1 006,16 |
1 036,97 |
1 041,18 |
4,21 |
0,41 % |
3,48 % |
Action 01 : Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant |
801,99 |
814,36 |
817,94 |
3,58 |
0,44 % |
1,99 % |
Action 02 : Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels |
141,45 |
150,90 |
151,52 |
0,63 |
0,42 % |
7,12 % |
Action 03 : Soutien à l'emploi et structurations des professions |
62,72 |
71,72 |
71,72 |
0,00 |
0,00 % |
14,35 % |
Programme 175 - Patrimoines |
1 099,02 |
1 190,61 |
1 201,07 |
10,46 |
0,88 % |
9,29 % |
Action 01 : Monuments historiques et patrimoine monumental |
466,63 |
507,67 |
492,82 |
- 14,85 |
- 2,93 % |
5,61 % |
Action 02 : Architecture et espaces protégés |
36,72 |
37,83 |
37,90 |
0,06 |
0,17 % |
3,21 % |
Action 03 : Patrimoine des musées de France |
394,37 |
431,14 |
441,93 |
10,79 |
2,50 % |
12,06 % |
Action 04 : Patrimoine archivistique et célébrations nationales |
34,71 |
36,47 |
50,99 |
14,52 |
39,82 % |
46,90 % |
Action 08 : Acquisition et enrichissement des collections publiques |
9,78 |
9,78 |
9,71 |
- 0,06 |
- 0,66 % |
- 0,66 % |
Action 09 : Patrimoine archéologique |
157,81 |
167,73 |
167,73 |
0,00 |
0,00 % |
6,28 % |
Programme 361 - Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
799,58 |
828,08 |
807,48 |
- 20,60 |
- 2,49 % |
0,99 % |
Action 01 : Soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle |
293,98 |
315,68 |
308,86 |
- 6,82 |
- 2,16 % |
5,06 % |
Action 02 : Soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle |
385,25 |
389,25 |
375,92 |
- 13,33 |
- 3,42 % |
- 2,42 % |
Action 03 : Langues française et langue de France |
4,22 |
4,22 |
4,22 |
0,00 |
0,00 % |
0,00 % |
Action 04 : Recherche culturelle et culture scientifique et technique |
116,13 |
118,93 |
118,48 |
- 0,45 |
- 0,38 % |
2,02 % |
Programme 224 - Soutien aux politiques du ministère de la culture |
812,13 |
844,26 |
869,34 |
25,09 |
2,97 % |
7,04 % |
Action 06 : Action culturelle internationale |
8,07 |
9,97 |
11,47 |
1,50 |
15,04 % |
42,11 % |
Action 07 : Fonctions de soutien du ministère |
804,06 |
834,28 |
101,32 |
- 732,96 |
- 87,85 % |
- 87,40 % |
Total |
3 717,89 |
3 899,92 |
3 919,07 |
19,15 |
0,49 % |
5,41 % |
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Les hausses constatées en 2024 étaient en grande partie consacrées à la protection et la valorisation du patrimoine, notamment au travers de la poursuite de grands chantiers, ce qui expliquait le montant important d'AE prévues.
Les rapporteurs spéciaux indiquaient l'année précédente que « s'il convient de se féliciter du soutien aux acteurs de la culture, le niveau de dotation en hausse continue depuis plusieurs années pour faire face à une succession de crises pose question ». Ils ajoutaient : « Un tel financement dans la durée pourrait créer une accoutumance de la part d'une partie des filières culturelles couvertes par la mission, alors même que, pour certains opérateurs, la forte inflation constatée en 2023 menace de compromettre le retour à l'équilibre attendu après la crise sanitaire ».
Force est de constater, dans le contexte budgétaire du PLF 2025, que les difficultés anticipées les années précédentes se sont matérialisées. Par ailleurs, il est remarquable que le ministère de la culture soit parvenu à conserver un niveau de crédits similaires à celui des années précédentes, échappant à un effort plus large d'économies.
Il faut noter que le montant de crédits demandés pour 2025 est supérieur à celui retenu dans la loi de programmation des finances publiques (LPFP)2(*). En revanche, la trajectoire figurant dans les documents budgétaires pour 2025 anticipe une baisse en 2026 puis en 2027, là où la LPFP tablait sur une stabilité à 3,8 milliards d'euros.
Évolution prévisionnelle des
crédits de paiement de la mission Culture
de 2023 à
2026
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les crédits budgétaires de la mission « Culture » sont, par ailleurs, complétés par différentes dépenses fiscales : crédit d'impôts, taux réduit de TVA, abattement sur le bénéfice imposable, aménagement de l'imposition et exonération. Le montant total de la dépense fiscale directement rattachée à la mission devrait être supérieur à un milliard d'euros en 2025, soit près d'un quart des crédits budgétaires accordés à la mission « Culture ».
Évolution du montant des dépenses
fiscales
rattachées à la mission
« Culture »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les taux réduits de TVA représentent à eux seuls un total de 670 millions d'euros, dont 335 millions d'euros pour le taux réduit à 5,5 % pour les droits d'entrées dans des spectacles.
Principales dépenses fiscales adossées à la mission « Culture »
(en millions d'euros)
Nom de la dépense fiscale |
Montant |
|
Programme 175 |
Suppression du prélèvement de 20 % sur les capitaux décès lorsque le bénéficiaire est exonéré de droit de mutation à titre gratuit |
105 |
Taux de 5,5 % applicable aux livraisons d'oeuvres d'art ou d'objets de collection ou d'antiquité |
77 |
|
Imputation sur le revenu global sans limitation de montant des déficits fonciers supportés par les propriétaires d'immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou labellisés Fondation du patrimoine |
48 |
|
Nouveau dispositif Malraux |
40 |
|
Programme 131 |
Taux de 5,5 % applicable aux droits d'entrée dans les théâtres, les cirques, les concerts, les spectacles de variété, les salles de cinéma, les parcs zoologiques et les compétitions de jeux vidéos |
335 |
Taux de 10 % applicable aux droits d'admission aux expositions, sites et installations à caractère culturel, ludique, éducatif et professionnel ainsi qu'aux loteries foraines |
215 |
|
Crédit d'impôt en faveur des métiers d'art |
62 |
|
Crédit d'impôt pour dépenses de production de spectacles vivants |
42 |
|
Taux de 2,10 % applicable aux droits d'entrée des 140 premières représentations de certains spectacles |
40 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
II. UNE BAISSE DE 4,6 % EN EXÉCUTION 2024 QUI POURRAIT NÉCESSITER UNE OUVERTURE DE CRÉDITS EN FIN D'ANNÉE
Le décret d'annulation de février 20243(*) a annulé 204 millions d'euros (en AE = CP), ce qui équivaut à de 4,6 % des crédits de la mission. Le programme 361 n'était initialement pas concerné par cette annulation. Les programmes 131 et 175 auraient vus chacun près d'une centaine de millions d'euros supprimés.
Néanmoins, afin de rééquilibrer l'impact du décret d'annulation sur les différents programmes de la mission, le ministère a procédé à un virement de crédit du programme 361 vers les programmes 131 et 175.
Conséquences du décret d'annulation sur les programmes de la mission
(en millions d'euros)
P. 131 Création |
P. 175 Patrimoines |
P. 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture |
P. 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
|
Annulations prévues dans le décret |
95,96 |
99,54 |
8,84 |
0 |
Annulations de crédits après redéploiement au sein du ministère |
75,17 |
89,54 |
8,84 |
16,1 |
Dont réserve de précaution |
47,16 |
51,8 |
5,69 |
0 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Environ la moitié des annulations de la mission portaient sur la réserve de précaution des différents programmes (pour un total de 104 millions d'euros).
La répartition des crédits annulés en dehors de la réserve de précaution relève des responsables de programme. S'agissant du programme 175, la répartition des annulations sur l'ensemble des crédits du programme a été effectuée par un « rabot ». S'agissant du programme 224, les annulations de dépenses de personnel (pour un montant de 3,3 millions d'euros) ont porté sur la réforme du cadre de gestion des contractuels du ministère de la Culture.
Les crédits supprimés sur le programme 361 ont été prélevés sur le fonctionnement d'Universcience (- 13 millions d'euros en AE = CP), et sur les crédits dédiés aux contrats plan État-régions (- 2,79 millions d'euros en AE et - 3,1 millions d'euros en CP).
S'agissant du programme 131, le décret d'annulation a supprimé des crédits de fonctionnement de divers opérateurs. Les plus gros contributeurs ont été l'Opéra de Paris (pour 6 millions d'euros) et la Comédie Française (pour 5 millions d'euros). Divers projets (expositions, autres aides aux projets ponctuels comme les aides à l'édition, aux réseaux, etc.) ont également été annulés pour un montant total de 9,5 millions d'euros.
Répartition des annulations sur le programme 131
(en millions d'euros)
Comédie-Française |
5 |
Théâtre national de la Colline |
0,5 |
Théâtre national de Chaillot |
0,5 |
Cité de la musique - Philharmonie de Paris |
0,25 |
Opéra national de Paris |
6 |
Grande halle de la Villette |
0,25 |
Fonds de soutien au théâtre privé |
3,5 |
Sèvres - Cité de la céramique |
1 |
Académie de France à Rome |
1 |
Aides aux projets |
9,45 |
Investissement immobilier des lieux de spectacle vivant labellisés |
0,5 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les efforts demandés aux opérateurs de la mission étaient ambitieux. De surcroît, la suppression de la réserve de précaution limite très fortement les marges de manoeuvre des gestionnaires de programmes, alors que le ministère n'a pas la main sur certaines dépenses, notamment les dépenses de guichet (l'aide unique à l'embauche dans le spectacle par exemple). En conséquence, le ministère pourrait demander l'ouverture de crédits en fin de gestion. Le projet de loi de finances de fin de gestion ne procède cependant pas à ces ouvertures.
III. LA FIN SOUHAITABLE DES CRÉDITS EXCEPTIONNELS
Depuis le premier programme d'investissement d'avenir (PIA) jusqu'au plan France 2030, la part des crédits dits « exceptionnels » dédiés au secteur de la culture n'a cessé d'augmenter, jusqu'à atteindre plus de 3 milliards d'euros cumulés au cours des cinq dernières années. Le financement d'un certain nombre de dispositifs relevant de la mission « Culture » s'effectue par des crédits relevant du plan France 2030, notamment le programme « Mondes nouveaux » dédié à la création artistique. En outre, plusieurs programmes emblématiques de restauration du patrimoine ont été financé par des crédits du plan de relance : le financement de la Cité de la francophonie à Villers-Cotterêts est un exemple emblématique, sans que ces crédits ne relèvent véritablement de la relance.
Afin de disposer d'une meilleure visibilité sur ces financements, la commission des finances avait confié au nom de la commission des finances la réalisation d'une enquête à la Cour des comptes au titre du 2° de l'article 58 de la loi organique relative aux lois de finances4(*). Le panorama qui ressort de ces travaux doit impérativement conduire à une réflexion sur l'usage qui a été fait de ces financements publics : lacunes dans le pilotage et l'évaluation malgré l'importance des moyens consacrés ; absence de lisibilité des dispositifs ; faiblesse du rôle de contrôle laissé au Parlement ; liens avec les filières culturelles parfois limités.
La stratification des programmes et des actions, ainsi que la multiplicité des objectifs, certains gérés directement par le ministère de la Culture ou le SGPI, d'autres confiée à des opérateurs, rendent extrêmement complexe l'établissement d'un panorama global de ces crédits, en dépit de l'importance des montants.
Dans le cas du plan de relance, l'urgence du soutien à apporter à des filières en difficulté a justifié un pilotage davantage quantitatif que qualitatif des crédits. Celui-ci a certes abouti à une consommation satisfaisante des crédits, mais avec deux conséquences : d'une part, une baisse de la sélectivité des projets financés ; d'autre part, le financement par le plan de relance de dispositifs sans lien avec la crise sanitaire.
Concernant la sélectivité des projets, le ministère de la Culture, en particulier la direction générale des patrimoines, a modulé à plusieurs reprises la liste des monuments bénéficiant de crédits « relance », afin de cibler davantage non pas les opérations les plus indispensables, mais celles dont les travaux pouvaient commencer le plus rapidement afin d'améliorer le taux de consommation des crédits.
Plus généralement, si les crédits ont été correctement consommés, la qualité des dispositifs a pu en souffrir. Ainsi, si la Cour souligne l'intérêt qu'a pu représenter le programme « Mondes nouveaux », elle indique que celui-ci « a souffert d'un défaut de visibilité et de médiation », se privant notamment de l'expertise des réseaux traditionnels de soutien à la création culturelle (fonds régionaux d'art contemporain - FRAC - notamment).
Les réponses du ministère de la Culture à la Cour des comptes
Le ministère de la Culture a indiqué à la Cour qu'un bilan du dispositif Mondes nouveaux était en cours de préparation selon les modalités préconisées (recommandation n° 1) et qu'une réflexion sur le volet Culture de France 2030 avait été lancée dès octobre 2022 et avait abouti à une feuille de route. Cette feuille de route fera l'objet d'un plan de communication pour en assurer l'intelligibilité et le meilleur suivi (recommandation n° 3). Par ailleurs, le ministère précise que, conformément aux doctrines des Investissements d'avenir, les critères d'évaluation et de sélection des projets retenus dans le cadre de France 2030, faisaient l'objet d'une publication dans les cahiers des charges (recommandation n° 4).
Concernant la place de chef de file du ministère de la Culture dans la conduite des projets des différents dispositifs d'investissements d'avenir, tant au niveau du pilotage (recommandation n° 7) que du redéploiement des crédits non utilisés par ses établissements publics (recommandation n° 5), le ministère indiquait accueillir favorablement ces propositions et étudiait les vecteurs et possibilités d'évolution avec le SGPI.
Source : ministère de la Culture
DEUXIÈME
PARTIE
ANALYSE PAR PROGRAMME
I. LE PROGRAMME 131 « CRÉATION » : MALGRÉ LE CONTEXTE BUDGÉTAIRE, DES MOYENS PRÉSERVÉS POUR LE SPECTACLE VIVANT
Les crédits du programme 131 sont stables en CP par rapport à 2024 (+ 1 million d'euros), bien qu'augmentant légèrement en AE (+ 33 millions d'euros, soit une hausse de 3,2 %).
Les crédits prévus au PLF 2025 s'élèvent au total à 1,066 milliard d'euros en AE et 1,041 milliard d'euros en CP.
Le programme 131 « Création » se décline en trois actions :
- l'action 01 dédiée au spectacle vivant ;
- l'action 02, appelée à financer les arts visuels ;
- l'action 06, « soutien à l'emploi et la structuration des professions ».
80 % des crédits du programme sont portés par l'action 01 « Soutien à la création, à la production, à la diffusion du spectacle vivant ».
Répartition par titre des crédits de paiement prévus au sein du programme 131
(en %)
Source : commission des finances du Sénat
A. UNE STABILISATION DU BUDGET EN FAVEUR DE LA CRÉATION ARTISTIQUE
1. Les moyens accordés à la création artistique continuent de dépasser le milliard d'euros dans un contexte de dynamisme de la fréquentation du spectacle vivant
Les crédits prévus en loi de finances initiale pour le programme 131 ont dépassé le milliard d'euros en 2023 et avaient continué de croître en 2024. Ils se stabilisent en 2025 pour atteindre 1,066 milliard d'euros en AE et 1,041 milliard d'euros en CP. Cela correspond à une hausse de 3,4 % en AE et une diminution de 0,14 % en CP.
2025 doit être l'année de création d'un nouvel établissement public réunissant les services du Mobilier National et de la Cité de la Céramique Sèvres-Limoges. Les dotations en fonctionnement et en investissement du nouvel établissement public unifié seront augmentés de 5 millions d'euros au total pour accompagner sa création.
La dotation de fonctionnement de la Cité de la musique-Philharmonie de Paris (CMPP) sera réhaussée à hauteur de 2 millions d'euros en 2025. Celle de l'Opéra de Paris progressera de 1 million d'euros, conformément à la trajectoire du nouveau contrat d'objectifs et de moyens de l'établissement.
Évolution des crédits de paiement du programme 131
(en millions d'euros et en %)
LFI 2023 |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Variation 2024/2025 en valeur |
Variation 2024/2025 (en %) |
Variation 2023/2025 (en %) |
|
Action 01 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant » |
801,9 |
814,4 |
817,9 |
3,5 |
0,43 % |
2,00 % |
Action 02 « Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels » |
141,4 |
150,9 |
151,5 |
0,6 |
0,41 % |
7,16 % |
Action 06 « Soutien à l'emploi et structuration des professions » |
62,7 |
71,7 |
71,7 |
0,0 |
0,03 % |
14,38 % |
Total |
1 006 |
1 037 |
1 041,2 |
4,2 |
0,40 % |
3,50 % |
Source : commission des finances
Une partie des AE supplémentaires prévues en 2025 s'explique par la poursuite de grands chantiers engagés pour certains opérateurs du programme. Au total, 51,75 millions d'euros en AE et 8,14 millions d'euros en CP sont prévus en 2025 pour poursuivre les travaux ne relevant pas de l'investissement courant des opérateurs. Ces crédits financeront tout ou partie des travaux de rénovation d'infrastructure technique de la scène et des espaces associés de la Comédie française, la rénovation de l'accueil et de la verrière du théâtre de la Colline, ou encore l'étude pour la refonte de la cage de scène et du plancher scénique du théâtre national de l'Opéra-comique.
8 millions d'euros étaient déjà prévus en 2024 pour des travaux dans les hangars de la Manufacture de Sèvres. S'y ajoutent 13,4 millions d'euros d'AE supplémentaires et 2,3 millions d'euros en CP. 10 millions d'euros sont prévus pour les travaux sur les façades du Conservatoire national de la danse, devant initialement être lancés en 2024 et repoussés à 2025. 12 millions d'euros sont prévus pour la fin des travaux du Palais de Chaillot.
Montants prévus en 2025 pour les grands chantiers du programme 131
(en millions d'euros)
AE |
CP |
|
Salle Jean Vilar à Chaillot |
2,9 |
12 |
Réfection des façades du Centre national de la danse - CND |
10 |
|
Réhabilitation du hangar de stockage de Sèvres |
13,4 |
2,3 |
Centre national des arts plastiques - CNAP |
21 |
Source : commission des finances
La fréquentation des opérateurs est en progression de + 5,6 % par rapport à la saison dernière. Elle demeure cependant en baisse de - 9 % par rapport à la saison 2018-2019. Une bonne part de cette baisse est mécanique du fait de la diminution du nombre de représentations.
Le nombre de spectateurs par représentation s'établit quant à lui à un niveau presque équivalent à celui observable avant la crise sanitaire (792 spectateurs en moyenne en 2023-2024 pour 812 en 2018-2019).
Il faut d'ailleurs noter que la reprise en 2022-2023 avait été très rapide, en particulier pour le secteur du spectacle musical qui avait bénéficié d'une fréquentation exceptionnelle. Concernant le secteur des arts visuels (FRAC, Centres d'art et opérateurs du secteur), on dénombrait en 2023 environ 70 000 visiteurs supplémentaires par rapport à l'avant-crise sanitaire.
Évolution de la fréquentation
(en millions d'euros et en %)
|
Saison 2018-2019 |
Saison 2023-2024 |
Variation 2018-2019 et 2023-2024 (en %) |
|||
|
Nombre de spectateurs par saison |
Nombre moyen de spectateurs par représentation |
Nombre de spectateurs par saison |
Nombre moyen de spectateurs par représentation |
Nombre de spectateurs par saison |
Nombre moyen de spectateurs par représentation |
Opéra national de Paris |
194 092 |
2 245 |
810 942 |
2 063 |
- 7,4 % |
- 8,1 % |
Opéra Comique |
194 092 |
602 |
48 697 |
502 |
3,7 % |
- 16,6 % |
Philharmonie de Paris |
194 092 |
1 283 |
483 009 |
1 170 |
- 14,6 % |
- 8,8 % |
Chaillot |
194 092 |
617 |
53 588 |
226 |
- 60,9 % |
- 63,4 % |
Comédie Française |
194 092 |
385 |
363 425 |
525 |
15,9 % |
36,3 % |
Théâtre de l'Odéon |
194 092 |
541 |
154 999 |
566 |
- 0,2 % |
4,5 % |
Théâtre de la Colline |
194 092 |
337 |
73 061 |
296 |
- 21,2 % |
- 12,2 % |
Théâtre national de Strasbourg |
194 092 |
332 |
37 511 |
282 |
- 22,6 % |
- 15,1 % |
Grande Halle de la Villette |
194 092 |
573 |
191 385 |
613 |
- 1,4 % |
7,1 % |
La diminution de la fréquentation du Théâtre national de Chaillot découle de la fermeture de la grande salle pour travaux (salle Vilar).
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
S'agissant plus spécifiquement des festivals, leur fréquentation en 2023 était supérieure à 13 % par rapport à 2022. L'année 2024 devrait être moins exceptionnelle, notamment du fait des jeux Olympiques qui ont réduit le nombre de spectateurs dans certains festivals. Le fonds festivals s'élève à 19,7 millions d'euros en 2025, ce qui inclut le maintien de la hausse de 5 millions d'euros accordée en PLF 2024.
L'impact des jeux Olympiques sur les festivals à l'été 2024
Le ministère a mené une enquête sur les festivals s'étant tenus en 2024 avec 880 répondants. D'après ce baromètre, les jeux olympiques ont eu peu d'impact sur la tenue des festivals : 98 % des festivals ont eu lieu comme prévu et 10 % des festivals répondants ont indiqué avoir rencontrés des perturbations liées aux jeux Olympiques.
En revanche, cette étude va dans le sens d'une fragilisation économique des festivals : la moitié des répondants se déclarent déficitaires à l'issue de l'édition 2024. C'est également le cas des festivals accueillant un public nombreux : 44 % des festivals dont le taux de remplissage est supérieur à 90 % sont également déficitaires.
Source : commission des finances d'après le ministère de la Culture
Les opérateurs du spectacle vivant ont été pour la plupart durement touchés par la hausse des prix constatée au cours des années précédentes. En 2024, 3,6 millions d'euros supplémentaires ont été accordés aux opérateurs au titre de la compensation des coûts de l'énergie et 1,1 million d'euros pour celle des coûts de construction.
La Philharmonie de Paris était le seul opérateur à n'avoir pas bénéficié d'une aide en 2024, ce qui justifie le fait qu'elle dispose d'une aide de 2 millions d'euros en 2025.
Compensations de la hausse des coûts de
l'énergie et de la construction
versées aux opérateurs
du programme 131 en 2023 et 2024
(en milliers d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Les crédits attribués aux salles de musiques actuelles (SMAC), label dont l'économie est particulièrement fragile, avaient été spécifiquement augmentés en LFI 2024 (+ 3,68 millions d'euros auxquels s'applique le gel).
D'après le ministère, un sondage mené auprès des labels avait permis d'estimer l'érosion de la marge artistique en 2023 à environ 20 millions d'euros pour l'ensemble du secteur labellisé, entraînant un risque sur les capacités de production.
Le nombre de représentations par saison a considérablement diminué au cours des dernières années pour la plupart des grands opérateurs du spectacle vivant, ce qui constitue une mesure d'économies mais prive les établissements de la recette correspondante. Le nombre de représentations a baissé de 10 % pour le théâtre national de la Colline ou le théâtre national de Strasbourg. Cette diminution atteint 15 % pour la Comédie française, caractérisée par un nombre important de représentations du fait de la diversité de ses formats (lectures, rencontres, spectacles, etc).
Évolution du nombre de levers de rideaux par saison
Source : commission des finances d'après les réponses au questionnaire budgétaire
2. Les labels du spectacle vivant recouvrent d'importantes disparités
La politique de labellisation, dont le cadre est fixé par la loi « LCAP »5(*), constitue le fer de lance de l'action du ministère en matière de soutien à la création dans les territoires, pour un montant total de 250 millions d'euros en 2024. On dénombre 11 labels de création artistique différents, pour 447 structures labellisées, chaque label regroupant un nombre très hétérogène de structures. Ainsi, il existe 92 scènes de musiques actuelles, tandis que d'autres labels ne comptent qu'une poignée d'établissements.
Le montant accordé par label est très variable. Les mieux dotés sont les scènes nationales (67 millions d'euros) et les centres dramatiques nationaux (68 millions d'euros).
Financements versés par label en 2024
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Rapportés au nombre de structures financées, le montant moyen révèle d'importantes disparités. Ainsi, les opéras reçoivent en moyenne 5 millions d'euros en 2024, contre un financement moyen de 140 000 euros par scène de musiques actuelles (SMAC).
Montant moyen des financements accordés aux structures labellisées en 2024
(en millions d'euros)
Nom du label |
Nombre de structures labellisées |
Montant moyen accordé par structures |
Centre chorégraphique national |
19 |
852 784,5 |
Centre de développement chorégraphique national |
14 |
348 953,7 |
Centre dramatique national |
38 |
1 786 353,8 |
Centre national de création musicale |
8 |
367 779,5 |
Centre national de la marionnette |
7 |
218 428,6 |
Centres nationaux des arts de la rue et de l'espace public |
13 |
409 506,2 |
Opéra national en région, théâtre lyrique d'intérêt national ou autre opéra |
6 |
5 207 111,4 |
Orchestre national en région et autre orchestre |
15 |
1 449 658,7 |
Pôle national du cirque |
14 |
332 044,6 |
Scène de musiques actuelles |
92 |
139 598,4 |
Scène nationale |
78 |
854 856,4 |
Source : commission des finances
Le montant minimum perçu est de 50 000 euros. Face à la faiblesse de ces sommes, on peut s'interroger sur le risque de saupoudrage des financements, ainsi que sur le caractère résiduel, voire marginal, de ces crédits à des établissements qui sont pour la plupart largement dépendants des financements accordés par les collectivités territoriales.
La Cour des comptes évaluait dans un rapport de 2022 à 2,5 milliards d'euros les financements des collectivités territoriales au spectacle vivant en 20196(*), faisant de l'État le « financeur minoritaire d'un secteur qui lui échappe en partie ».
Plus inquiétant, la Cour indique que l'administration centrale ne dispose pas des outils de collecte et d'exploitation des données permettant d'éclairer utilement l'action publique. Les moyens d'action des DRAC étant encore largement limités, les subventions aux structures labellisées ont le plus souvent un caractère automatique qui ne contribue pas à une lisibilité et un pilotage réellement efficace.
Les labels ne peuvent enfin répondre à toutes les difficultés, en particulier de répartition territoriale de l'accès à la culture. Si un nombre croissant de structures sont situés dans des territoires ruraux et des petites villes, certains labels sont les héritiers d'une implantation historique résultant en une concentration des structures labellisées dans certains départements. À l'inverse, 36 départements restent dépourvus d'une scène nationale. Les opéras, qui sont les plus largement financés, sont évidemment tous situés dans des grandes métropoles.
Dans le rapport de 2022 précité, la Cour des comptes relevait en outre les résultats très limités de la politique de soutien au spectacle vivant en matière de démocratisation et de diffusion.
3. Mieux produire, mieux diffuser : une idée louable, des crédits indispensables ?
Plusieurs constats ont conduit le ministère de la Culture à mettre en place en 2024 un plan de refondation intitulé « Mieux produire, mieux diffuser », visant à une rationalisation et surtout une diffusion plus importante des productions en augmentant les collaborations et les mutualisations.
Le système pâtit en effet d'un excès de productions, qui sont globalement insuffisamment diffusées. Les collectivités territoriales, de leur côté, ont des difficultés à maintenir leurs financements, voire pour certaines les ont réduits. La Cour des comptes indiquait qu'en 2019 le nombre moyen de représentations pour un spectacle était de 3,7 dans un centre dramatique national et de 2,3 pour une scène nationale. De telles statistiques ne sont plus tolérables, sur le plan environnemental et budgétaire.
9 millions d'euros étaient prévus en 2024 pour la diffusion de ce plan. 8,75 millions d'euros auront finalement été accordés (dont 255 000 euros au bénéfice de festivals).
L'objectif est qu'ils aient un effet levier sur la contribution des collectivités (espérée par le ministère à 10 millions d'euros). En effet, les crédits ont été délégués aux DRAC, pour les structures labellisées ou conventionnées ou par les réseaux qui s'engagent dans la mise en oeuvre du plan à la condition de bénéficier d'un soutien complémentaire des collectivités territoriales. Cet engagement devrait avoir été tenu : mi-2024, le ministère estimait que les crédits de l'État auront permis de mobiliser 12,5 millions d'euros de financements des collectivités territoriales. En revanche, le ministère n'a pas transmis de données sur les efforts fournis par les établissements eux-mêmes (également estimés à 10 millions d'euros).
Ces 9 millions d'euros seront pérennisés en 2025. Le ministère indique cependant qu'au vu de la situation budgétaire, il n'y aura pas de hausse des crédits par rapport à l'année précédente : « la montée en puissance sur de nouveaux financements ne pourra être effectuée que dans le cadre de redéploiements ».
Sans remettre en cause l'objectif global du plan, qui semble de bonne politique, on peut s'interroger sur le caractère paradoxal de la mise en place d'un tel cadre administratif, doté de moyens spécifiques, alors que l'idée initiale est celle d'une simplification et d'une rationalisation de la production. Certains axes stratégiques, et plus encore certains sous-objectifs, laissent à ce titre songeur.
Le contenu du plan « Mieux produire, mieux diffuser »
Le plan se décline en 6 axes stratégiques, eux-mêmes déclinés en objectifs opérationnels et en actions.
- axe 1 : Soutenir toutes les formes de coopération et de mutualisation et supprimer toutes les entraves à la coopération ;
- axe 2 : Favoriser la production et la diffusion sur des temps longs, dans un souci d'irrigation artistique des territoires et de conquête des publics ;
- axe 3 : Tenir compte de l'évolution des pratiques des habitants à tous les âges de la vie dans la construction de l'offre culturelle ;
- axe 4 : Mettre en oeuvre une démarche volontariste d'accompagnement à la transition écologique du secteur de la création ;
- axe 5 : Travailler à une professionnalisation des acteurs du secteur et veiller à l'attractivité de nos métiers ;
- axe 6 : Renforcer le partenariat avec les collectivités locales.
Tous les objectifs n'ont pas le même caractère opérationnel : si certains semblent de bon sens au vu de l'idée générale du plan - par exemple « permettre un allongement des durées de diffusion des projets » - d'autres semblent nécessiter une mise en place concrète pour le moins nébuleuse : ainsi est-ce le cas de l'objectif « faire évoluer les méthodes de travail et les mentalités » ou encore « adapter les formations aux métiers de demain ».
Source : commission des finances
Dans la situation budgétaire actuelle, sans doute eut-il été plus efficace sur le plan budgétaire de jouer sur le volet des aides à la création artistique, en les conditionnant à des objectifs de nombre de représentations ou de critères environnementaux.
4. Un « mur d'investissement » pour l'Opéra de Paris ?
Le montant prévu en PLF 2025 pour l'Opéra de Paris augmente d'un million d'euros, conformément à la trajectoire prévue par le contrat d'objectifs et de moyens de l'établissement.
Le rapport de la Cour des comptes consacré à l'Opéra national de Paris au titre des exercices 2015 à 2023, publié le 24 octobre 2024, souligne les efforts faits par l'établissement au cours des dernières années et l'accroissement de sa fréquentation. Il revient surtout sur les fragilités de l'établissement, que les rapporteurs spéciaux avaient déjà souligné dans leur précédent rapport budgétaire.
Si l'opéra a abordé la crise sanitaire avec des réserves limitées, l'État a été largement au rendez-vous pendant la crise sanitaire. Les financements des plans d'urgence et de relance ont permis de compenser la quasi-totalité des pertes subies par l'établissement au cours des trois dernières années (86 millions d'euros d'aides sur 95 millions d'euros de pertes).
Pertes de l'Opéra de Paris et soutien de l'État sur la période 2020-2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après l'Opéra de Paris
La dynamique de la fréquentation de l'établissement est très positive. L'Opéra de Paris faisait état en 2023 d'un taux de fréquentation physique de 91 % (soit 72 500 spectateurs de plus que l'année précédente), contre 82 % lors de la saison 2021-2022 et 92 % pour la saison 2018-2019. Fait notable et encourageant, la proportion du public étranger à l'Opéra de Paris était supérieure lors de la saison 2022-2023 à celle de 2021-2022.
Le retour du public entraîne en miroir une hausse des ressources propres pour les établissements. À titre d'exemple, pour l'Opéra de Paris, qui est l'opérateur dont la part des ressources propres dans le budget total est la plus élevée, celles-ci ont augmenté de 8 % entre 2022 et 2023, notamment grâce à une croissance très rapide des visites du Palais Garnier.
Évolution des ressources propres de l'Opéra de Paris depuis 2018
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après l'Opéra de Paris
La situation financière reste fragile en dépit de l'importance de sa dotation (trois fois supérieure à celle accordée à l'ensemble des 18 Opéras nationaux en régions). et du dynamisme de ses ressources propres.
Le COM 2024-2026 de l'Opéra
L'État s'engage dans le COM de l'Opéra pour 2024-2026 à maintenir une subvention annuelle d'investissement de 5 millions d'euros, et à augmenter de 2 millions d'euros sa SCSP (+ 1 million d'euros en 2025 et autant en 2026).
L'opéra doit, en contrepartie, limiter ses coûts de fonctionnement à 33 millions d'euros en 2026 et à stabiliser ses dépenses de personnel à 135 millions d'euros.
Le COM fixe une trajectoire ambitieuse de développement de ses ressources propres de près de 20 millions d'euros par rapport à 2022 pour atteindre 125 millions d'euros en 2026. L'Opéra s'engage également à maintenir ses coûts de production artistiques en-deçà de 42 millions d'euros en 2026.
Source : commission des finances d'après le ministère de la Culture
Le rapport de MM. Christophe Tardieu et Georges-François Hirsch, remis à la ministre de la culture fin 2020 préconisait la mise en oeuvre d'une nouvelle trajectoire financière pour l'établissement, matérialisée par l'abandon des grands projets d'investissements (troisième salle), la diminution de la masse salariale, la baisse des coûts de production (baisse du nombre de nouvelles productions, recours aux coproductions) et une réduction des coûts de fonctionnement.
La Cour reprend une bonne part des axes développés dans ce rapport dans ses propres travaux. Ainsi, elle met en avant « un système de rémunération indemnitaire complexe et peu lisible, peu propice à la maîtrise des coûts et générateur de revendications catégorielles, que la Cour appelle à simplifier et clarifier, notamment par la suppression du « régime des contributions ».
Le directeur général de la création artistique a évoqué lors de son audition par les rapporteurs spéciaux l'existence d'un « mur d'investissement ». La Cour des comptes l'indique également clairement : « le financement récurrent des investissements par l'État, par dotation annuelle en fonds propres, est resté très inférieur aux besoins sur toute la période, en moyenne 1,4 million d'euros par an pour des dépenses de plus de 12 millions d'euros financées par consommation progressive du fonds de roulement ».
Le besoin de financement exceptionnel est estimé à au moins 200 millions d'euros d'ici 2030. L'opéra met en avant des besoins de travaux importants sur les deux sites de représentation.
En conséquence, si les rapporteurs spéciaux avaient pu indiquer l'année précédente qu'ils espéraient que la sécurisation de la situation financière de l'établissement en cours pourrait limiter l'apport de crédits complémentaires au cours des prochaines années, ce sera loin d'être le cas au vu des financements qui devront être prévus.
La mise en oeuvre des travaux de rénovation des salles se traduira par la fermeture de l'opéra Garnier entre 2028 et 2030, puis de l'opéra Bastille entre 2030 et 2032, ce qui aura également pour conséquence une diminution très importante des ressources propres de l'établissement pendant près de 5 ans.
B. UNE STABILITÉ DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'EMPLOI CULTUREL MAIS DONT LA SINCÉRITÉ BUDGÉTAIRE INTERROGE
Le présent projet de loi de finances prévoit une stabilité des financements dédiés aux politiques en faveur de l'emploi et des artistes, dont le montant total sur le programme 131 atteint 71 millions d'euros. Ils avaient augmenté de 9 millions d'euros (AE = CP) en 2024.
1. Des financements pour l'emploi culturel à hauteur de 72 millions d'euros hors régime des intermittents
L'action 06 répond à trois objectifs :
- le soutien à l'emploi et à l'accompagnement professionnel des artistes ;
- la structuration des professions et de l'économie des secteurs du spectacle vivant et des arts visuels ;
- la compensation de contributions sociales acquittées par les artistes (CSG et contribution diffuseurs).
Répartition par objectif des crédits prévus pour l'action 06
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
La dotation versée par le ministère de la Culture pour le soutien à l'emploi des artistes se structure autour de plusieurs dispositifs :
- le fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS), destiné aux entreprises du spectacle vivant et enregistré et aux artistes et techniciens qu'elles emploient. Il couvre notamment l'aide unique à l'embauche en contrat à durée déterminée ou indéterminée dans le spectacle (« aide au contrat » ou AESP), le dispositif de soutien à l'emploi du plateau artistique de spectacles vivants diffusés dans des salles de petites jauges (aide « petites jauges » ou APAJ) et le dispositif de soutien à l'emploi dans le secteur de l'édition phonographique (« mesure phono » ou ADEP) qui varie selon le nombre d'artistes réunis pour un enregistrement et le nombre de cachets versés (35,1 millions d'euros AE = CP prévus) ;
- le fonds de professionnalisation et de soutien (millions d'euros AE = CP prévus) ;
- l'aide à la garde d'enfants des artistes et techniciens intermittents (Agedati) qui vise à faciliter le maintien ou le retour à l'emploi des intermittents en leur remboursant des frais de garde d'enfant (0,66 million d'euros prévu, AE = CP) ;
- le GIP Cafés cultures, qui propose une aide sous la forme d'une prise en charge de la masse salariale pour permettre aux cafés, bars et restaurants de salarier des artistes et des techniciens dans de meilleures conditions, grâce au soutien des collectivités territoriales et du ministère de la Culture (0,74 million d'euros, AE = CP) ;
La structuration des professions et de l'économie des secteurs du spectacle vivant et des arts visuels couvre les aides aux organismes professionnels et syndicaux aux fins de financement de leur participation aux instances de dialogue social (Conseil national des professions du spectacle) et de soutien à leur rôle de conseil juridique, économique, social et culturel (3,02 millions d'euros, AE = CP).
Il faut cependant noter que le principal dispositif de soutien à l'emploi des artistes ne relève pas de l'État mais de l'Assurance chômage, à savoir le régime de l'intermittence. Toutefois, le ministère de la Culture finance à hauteur de 21 millions d'euros les effets liés à l'augmentation de la CSG pour les artistes-auteurs par le biais d'une prise en charge de leurs cotisations sociales.
2. Une dernière année pour le FONPEPS... avant sa probable prorogation
Les aides du fonds pour l'emploi dans le spectacle (FONPEPS) ont pour objet de contribuer à structurer l'emploi dans le secteur du spectacle vivant et enregistré, ainsi qu'à réduire la précarité des artistes et des techniciens intermittents en favorisant notamment les embauches à durée indéterminée, l'allongement des contrats et le respect des normes sociales légales et des accords collectifs.
Ce volet d'aides se compose de trois aides financières :
- le dispositif de soutien à l'emploi du plateau artistique de spectacles vivants diffusés dans des salles de petite jauge (APAJ) ;
- le dispositif de soutien à l'emploi dans le secteur de l'édition phonographique (ADEP) ;
- l'aide unique à l'embauche.
Ces trois aides ont été prolongées du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2025 par le décret n° 2023-21 du 23 janvier 2023. En conséquence, cette année devrait être la dernière si aucune prorogation n'intervenait entre temps. Le ministère a d'ores et déjà indiqué avoir lancé un bilan du FONPEPS et engager une concertation avec les partenaires sociaux dans l'optique de sa prorogation en 2026.
Les crédits dédiés au FONPEPS s'élèvent en 2025 à 36,5 millions d'euros, soit un montant identique à 2024. Mais le dispositif est sous-budgétisé depuis des années. Ainsi, le montant consommé en 2024 devrait s'élever à 57 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de plus que les crédits prévus. La situation était identique en 2023.
Exécution des crédits dédiés au FONPEPS
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Le ministère est donc chaque année contraint d'abonder en gestion les crédits du fonds. La situation devrait d'ailleurs être difficile en 2024, dans la mesure où la réserve de précaution ayant été annulée, le ministère pourrait être contraint d'ouvrir des crédits pour répondre aux demandes.
L'exécution 2025 devrait être beaucoup plus élevée que les crédits prévus, ce qui, comme chaque année, soulève des interrogations en termes de sincérité budgétaire. Le nombre de demandes devrait être particulièrement élevé en 2025 selon le ministère. La croissance globale de l'enveloppe devrait cependant être limitée par les effets de la réforme des aides en 2023. Celle-ci avait en effet permis de plafonner le montant des aides à 20 000 euros.
II. LE PROGRAMME 175 « PATRIMOINES » : UNE STABILITÉ QUI POURRAIT ÊTRE TRANSFORMÉE EN FORTE HAUSSE AU COURS DE LA NAVETTE PARLEMENTAIRE
Le programme 175 « Patrimoines » est dédié au financement des politiques publiques destinées à la constitution, à la préservation, à l'enrichissement et à la mise en valeur du patrimoine muséal, monumental, archéologique, archivistique et architectural.
Répartition des crédits au sein du programme 175 « Patrimoines »
(en %)
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
18 opérateurs sont rattachés au programme 175, parmi lesquels la Réunion des musées nationaux - Grand Palais (RMN-GP), les grands musées nationaux, le Centre des monuments nationaux (CMN) et l'Institut national de recherches archéologiques et préventives (INRAP). Près de la moitié des crédits dédiés aux opérateurs de la mission sont liés au programme 175.
L'impact des jeux Olympiques sur la fréquentation des opérateurs patrimoniaux
Si les jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 ont entraîné un afflux de visiteurs à Paris, les monuments parisiens ont souffert pour certains d'une fermeture complète et, pour ceux situés dans les périmètres de restriction de circulation, d'importantes difficultés d'accès.
Pour l'ensemble des opérateurs, le ministère estime la baisse à - 20 % entre le 22 juillet et le 18 août 2024 par rapport à 2023. Pour les opérateurs parisiens, la diminution est plus importante : 27 % par rapport à 2023 sur la même période.
Les musées et monuments à forte notoriété (Louvre, Versailles, Orsay) ont connu une baisse d'environ 30 %, plus faible que ceux moins connus (- 67 % à la Cité de l'architecture et du patrimoine par exemple).
S'agissant spécifiquement des monuments du centre des monuments nationaux, la fréquentation a diminué au mois de juillet de 38 % pour l'Arc de Triomphe et jusqu'à 56 % pour l'Hôtel de la Marine ou 61 % pour la Conciergerie, situés tous deux en plein coeur de périmètre de sécurité. Pour l'ensemble des monuments franciliens, la diminution s'élève en juillet à 21 % et en août à 12 % par rapport aux mêmes mois en 2023.
Le public a cependant retrouvé, à la fin du mois d'août des niveaux comparables à ceux d'une année normale. S'agissant des retombées à long terme des Jeux, le ministère espère pouvoir convertir l'intérêt marqué du public pour les monuments mis en avant pendant les jeux Olympiques.
Source : commission des finances
S'agissant de l'exécution 2024 des crédits du programme, la réserve de précaution a été intégralement dégelée et annulée. Les crédits disponibles après annulations se sont élevés à 1,389 milliard d'euros en AE et 1,104 milliard en CP, soit une réduction de 22 millions d'euros en AE et 37,7 millions d'euros en CP.
La réserve de précaution permettait notamment le financement à hauteur de 15 millions d'euros de la mission « Patrimoine en péril » pour compenser les taxes sur le loto du Patrimoine. Ces crédits étaient dégelés chaque année depuis 2018 en cours de gestion. Le ministère indique que ces crédits ne pourront pas être versés en 2024 sans ouverture de crédits complémentaires.
La répartition des annulations sur l'ensemble des crédits du programme a été effectuée selon une logique de rabot. L'essentiel des crédits a été annulé sur les réserves de précaution des opérateurs.
Répartition des annulations de crédits en 2024 sur le programme 175
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Le programme 175 devrait être doté en 2025 de 1,138 milliard d'euros en AE et 1,201 milliard d'euros en CP en 2024, soit une diminution de 341,1 millions d'euros (- 23 %) en AE et une croissance de 7,3 millions d'euros en CP (+ 0,6 %).
Évolution des crédits du programme 175
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Il est à noter qu'une très forte hausse des AE (+ 32,8 %) avait été enregistrée en 2024. Elle découlait en quasi-totalité de la prévision des montants totaux prévus pour la restauration du centre Pompidou.
Outre l'absence des AE dédiées au Centre Pompidou, progressivement engagées au cours des prochaines années, cette diminution concerne essentiellement des baisses de crédits d'investissement courant pour les opérateurs, pour un total de 51 millions d'euros en AE et 28 millions d'euros en CP.
Décomposition de l'évolution des crédits du programme 175 entre 2024 et 2025
(en millions d'euros)
AE |
CP |
Source : commission des finances
La ministre a cependant annoncé devant la commission de la culture du Sénat son intention de déposer un amendement augmentant les crédits de la mission « Culture » à hauteur de 300 millions d'euros, qui modifierait considérablement les équilibres budgétaires prévus dans le texte initial pour 2025.
Si cet amendement était adopté, les crédits du programme 175 ne devraient diminuer que de 8 % en AE et augmenter de 12 % en CP. Cela conduirait donc à une croissance importante de la mission dans un contexte budgétaire pourtant très contraint.
La Cour des comptes a estimé dans un rapport publié en juin 2022 la dépense totale en faveur des monuments historiques à 1,43 milliard d'euros en 2021, hors dépenses fiscales et crédits du plan de relance 7(*).
Financements publics dédiés à la protection du patrimoine monumental en 2021
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les données de la Cour des comptes
Au niveau territorial, la Cour des comptes relève des crédits versés par des préfectures au titre de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) en direction de monuments historiques en principe couverts par les crédits du programme 175, sans véritable concertation avec les DRAC.
Plus largement, la Cour appelle à un audit approfondi des outils fiscaux existants (exonération des droits de mutation à titre gratuit, déductibilité des charges pour travaux, notamment en cas de labellisation par la Fondation du Patrimoine, soit 42,5 millions d'euros de dépenses fiscales en 2020), qui apparaissent difficiles à évaluer faute de données fiables ou n'apparaissent toujours pas mis en oeuvre faute d'accord entre le ministère de la culture et le ministère des finances (engagement à rendre un monument accessible au public pour pouvoir bénéficier du label Fondation du patrimoine8(*)).
A. LA POURSUITE DES GRANDS PROJETS PATRIMONIAUX
Les crédits dédiés aux grands projets continuent de constituer une part importante des crédits du programme 175, malgré la clôture de plusieurs chantiers de grande ampleur en 2023 et 2024 (Palais de la Cité, Grand Palais, site des archives nationales de Paris).
Grands travaux sur le programme 175
(en millions d'euros)
Coût total (P. 175) |
Date d'achèvement prévue |
|
Musée mémorial du terrorisme |
15,2 |
2026 |
Abbaye de Clairvaux |
60 |
2028 |
Archives nationales (bâtiment de Pierrefitte) |
67,2 |
2028 |
Archives nationales (schéma directeur) |
31,5 |
2025 |
Centre Pompidou |
261 |
2029 |
Château de Fontainebleau |
61,4 |
2026 |
Musée Guimet |
9 |
2026 |
Corps central Nord du schéma directeur de Versailles |
198 |
2032 |
Source : commission des finances
Une partie de ces crédits concerne l'extension du site des Archives Nationales à Pierrefitte-sur-Seine. L'objectif principal du chantier est de permettre, après 2027, la poursuite de la collecte des archives de la Présidence de la République, des services du Premier ministre, des ministères, de leurs opérateurs nationaux, des hautes juridictions et des archives d'origine privée d'intérêt national. Le bâtiment actuel de Pierrefitte-sur-Seine, qui développe une capacité de stockage de 358 kilomètres de rayonnages, sera en effet saturé à horizon 2026, au lieu de 2040, en raison de la fermeture du site de Fontainebleau.
Le début des travaux est prévu pour fin 2025. Le coût total de l'opération s'élève à 96 millions d'euros, dont 67 millions d'euros du ministère de la Culture. 54,7 millions d'euros en AE ont été ouvertes en 2024 sur le programme 175. En 2025, 17,68 millions d'euros de CP devraient être versés.
En parallèle, les travaux engagés depuis 2021 sur le site parisien des Archives nationales, installé au sein du Quadrilatère des archives, se poursuivent. 4,23 millions d'euros en CP seront versés en 2025 pour la rénovation de magasins d'archives. Les études de conception de la phase 2 du schéma directeur devraient quant à elles débuter en 2025, pour un coût des travaux estimé à 20,7 millions d'euros. Il faut noter que le schéma directeur comporte 6 phases, de sorte que les travaux sont appelés à se prolonger à long terme.
Deux des chantiers concernent les schémas directeurs des grands châteaux franciliens. Le schéma directeur de Fontainebleau a pour objectif de sécuriser, restaurer et améliorer l'accueil du public. Le montant total de la phase 2, actuellement en cours, s'élève à 59,9 millions d'euros auxquels s'ajoutent un montant de 3,71 millions d'euros versé par le ministère de la transition écologique au titre des travaux sur le grand canal. Le ministère indique que « sous couvert de la disponibilité d'AE en 2025, les études de la phase 3 pourraient être lancées ».
La phase 2.2 du schéma directeur de Versailles est plus ambitieuse en termes de crédits budgétaires. Elle vise la mise en sécurité, la mise en sûreté, la rénovation et modernisation technique des réseaux et le traitement climatique du Corps central Nord. Son coût total est estimé à 198 millions d'euros. Les rapporteurs spéciaux notent par ailleurs que son coût initial était de 137 millions d'euros. Le renchérissement considérable du chantier découle de l'évolution des coûts de construction en lien avec l'inflation constatée puis anticipée entre 2018 et 2032. L'opération est financée par crédits budgétaires, bien que l'établissement assume sous sa propre maîtrise d'ouvrage le reste des opérations du schéma directeur intégrateur.
Concernant la reconversion de l'ancienne abbaye de Clairvaux, celle-ci a été cédée par l'administration pénitentiaire. Le chantier en cours concerne la restauration du clos et couvert, pour un montant de 60 millions d'euros pour le seul grand cloître et jusqu'à 200 millions d'euros pour l'ensemble du couvert.
Étant donné la taille du site et l'ampleur des enjeux, plusieurs points d'inquiétude peuvent-être soulignés : la rénovation du grand cloître, si elle est une étape nécessaire, ne permet pas pour autant d'envisager dans un futur proche la valorisation économique du site. Par ailleurs, si la volonté, similaire à celle observable à Villers-Cotterêts, de dynamiser un territoire par l'ouverture d'un complexe culturel de grande taille doit être saluée, elle n'est pas sans susciter des interrogations sur la viabilité économique de ce type de projets.
Enfin, pour des montants relativement limités, le programme 175 participe au financement du plan pluriannuel des investissements du musée Guimet. Un audit architectural et technique du musée Guimet a abouti à la production d'un projet de plan pluriannuel d'investissement d'un montant de 30 millions d'euros, qui doit permettre de rationnaliser et de sécuriser les trois sites du musée. La trajectoire présentée prévoit un financement de 3 millions d'euros en AE = CP par an pendant 3 ans sur la période 2024-2026, soit 9 millions d'euros au total afin de soutenir l'établissement.
Le sprint final avant la réouverture en décembre de Notre-Dame de Paris
Le coût des travaux de conservation puis de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris est aujourd'hui estimé à 703 millions d'euros. Le chantier de restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris se trouve aujourd'hui dans sa dernière ligne droite avant la réouverture prévue les 7 et 8 décembre 2024.
Plusieurs interventions se poursuivront après la réouverture, durant l'année 2025, avec l'achèvement de la couverture de la flèche et des travaux relatifs au parcours de visite du Centre des monuments nationaux (CMN) dans les tours, retardés en raison de la découverte de l'état sanitaire très dégradé de la charpente du beffroi sud, qui nécessite des interventions structurelles. La réouverture du parcours de visite des tours est prévue à l'été 2025.
La maîtrise d'ouvrage est assumée par l'établissement public administratif chargé de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EP RNDP), institué par la loi du 29 juillet 20199(*) et entré en fonction le 2 décembre 2020. Cette structure fait partie de la liste des opérateurs de l'État du programme 175 mais seul le loyer de l'établissement est pris en charge par le ministère de la Culture depuis le mois d'octobre 2020.
Le financement de l'établissement (masse salariale, soit 3,9 millions d'euros pour 40,5 ETP et budget de fonctionnement établi à 0,7 million d'euros) est presque intégralement assumé par les dons perçus.
Il convient de rappeler à ce stade que le coût du chantier de restauration générera des recettes de TVA qui auraient pu largement financer la charge administrative. In fine, seule la dépense fiscale afférente aux dons constitue de son côté un financement indirect. Le montant des dons et versements ayant bénéficié du taux de réduction d'impôt de 75 % prévu à l'article 5 de la loi du 29 juillet 2019 s'élève ainsi à 24,7 millions d'euros, générant une réduction d'impôts de l'ordre de 15,4 millions d'euros.
La souscription atteint au total 848,9 millions d'euros10(*). Le montant des dons promis devrait, en tout état de cause, dépasser le montant des travaux générés par l'incendie, qui s'élèvent à 702 millions d'euros.
Le ministère indique avoir « la certitude que la restauration de la cathédrale ne pourra s'arrêter à sa réouverture », pour aller au-delà des dégâts causés par l'incendie en entamant une nouvelle phase, dite « phase 3 » de reconstruction. Celle-ci devrait concerner les élévations extérieures (chevet, transept, sacristie, nef etc.). Ces travaux seront, grâce à l'accord des donateurs, financés par le solde de la souscription nationale.
Source : commission des finances
B. LA RÉNOVATION DU CENTRE POMPIDOU : UN CHANTIER TITANESQUE PRÉVU À PARTIR DE 2025
Au terme d'études préalables lancées en 2013, le principe de la mise en oeuvre de travaux d'ampleur au sein du centre national d'art contemporain Georges Pompidou a été validé en 2016. Les travaux, qui s'étaleront de 2025 à fin 2029, devront permettre notamment la rénovation et le désamiantage de la totalité des façades, la mise en sécurité incendie, une meilleure accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et la rénovation énergétique.
Le coût de ce schéma directeur « technique » s'élève à 262 millions d'euros et imposent la fermeture du site pendant la durée des travaux. Ils seront intégralement financés par le programme 175.
Durant la fermeture, le Centre Pompidou assurera cependant la coproduction des expositions présentées dans les galeries nationales du Grand Palais rénové. Pendant les travaux, l'ensemble des agents du centre seront donc redéployés au Grand Palais et au bâtiment Lumière (Cour Saint Émilion, Paris 12ème), qui relogera une partie des expositions et permettra au centre de rester ouvert au public.
En dépit de ce redéploiement, la fermeture progressive des espaces au public entre le mois de janvier et septembre 2025 avant la fermeture totale du site en fin d'année induira une baisse significative des recettes propres, estimée à - 14,1 millions d'euros par rapport à 2024.
Une fréquentation du centre Pompidou
très satisfaisante
et tirée par les grandes expositions en
2023-2024
Dès 2022, la fréquentation revenait à un niveau proche de celui constaté avant la crise sanitaire, soit 3,07 millions de visites (8 % par rapport à 2019). La fréquentation 2023 a cependant été assez fortement impactée par une réduction des visites dues au conflit social en octobre 2023, qui a entraîné 20 jours de fermeture du centre. L'impact des jours de grève sur l'année 2023 est de l'ordre de 225 000 visites soit 8 % de la prévision de fréquentation.
Deux expositions importantes ont entraîné un surcroît de visiteurs en 2024 : l'exposition Brancusi a attiré près de 4 705 visiteurs par jour en moyenne au premier semestre et l'exposition Surréalisme, qui a ouvert le 2 septembre 2024 et devrait se poursuivre jusqu'en janvier 2025, attire environ 5 500 visiteurs par jour en moyenne. La prévision de fréquentation fin 2024 est de 3,14 millions de visites, soit une baisse de seulement 6 % par rapport à 2019.
Durant les mois de juillet et août, le Centre, comme la plupart des autres institutions culturelles, a enregistré une baisse moyenne des visites de 22 % en raison des Jeux Olympiques et Paralympiques La baisse s'est établie à 39 % durant la période des Jeux du 26 juillet au 11 août 2024.
Malgré la fermeture en 2025, et grâce au redéploiement des activités au Grand Palais, l'objectif de fréquentation reste assez élevé pour l'année prochaine à hauteur de 2,1 millions de visites en 2025 dont 1,13 million dans le bâtiment principal du Centre et 0,98 million au Grand Palais.
Le centre note par ailleurs une hausse très importante de la proportion de visiteurs étrangers, qui représentent 55 % des visiteurs en 2023. La proportion de visiteurs européens est à elle seule en hausse de 12 points entre 2019 et 2023.
S'agissant du Centre Pompidou-Metz, il aura dépassé les 5 millions de visiteurs depuis son ouverture. L'établissement se fixe un objectif de 300 000 visiteurs par an, atteint au cours des deux dernières années. Les espaces d'exposition ont connu un taux d'occupation qui avoisine les 90 % sur les années 2023 et 2024.
Évolution de la fréquentation du centre Pompidou
(en milliers de visiteurs)
Source : commission des finances
En LFI 2024, 226 millions d'euros ont été ouverts en AE et 12 millions d'euros en CP. En PLF 2025, les financements dédiés s'élèvent à 29 millions d'euros en CP. Cela correspond à une hausse de 16 millions d'euros par rapport à 2024.
D'après l'établissement, l'effet de la fermeture du site principal représente 13 millions d'euros de dépenses supplémentaires en 2025 malgré les économies également induites par celle-ci. La préparation de la fermeture du site principal et le redéploiement des services déménagés devraient coûter environ 21,2 millions d'euros.
Évolution des financements de l'État au centre Pompidou
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
La baisse des recettes propres est toutefois limitée par le maintien d'un niveau élevé de recettes à l'international (18,3 millions d'euros). Le centre Pompidou se caractérise en effet par une proportion très importante de ses oeuvres en prêt à l'extérieur de l'établissement. Ainsi, sur les 150 000 oeuvres situés dans les collections du centre, seules 2 000 sont exposées par l'établissement et plus de 10 000 oeuvres sont prêtées.
La trésorerie de l'établissement atteint 69 millions d'euros fin 2024. La quasi-intégralité de ce montant est cependant fléché vers les travaux. La trésorerie libre d'emploi est à un niveau très faible de 3,8 millions d'euros. Le budget initial du centre pour 2025, en cours de construction, prévoit d'ores et déjà une ponction de 11 millions d'euros sur la trésorerie. La trésorerie pilotable devrait donc être négative dès 2025 (en tenant compte des 72 millions d'euros de trésorerie fléchée), à hauteur de - 15 millions d'euros.
Évolution de la trésorerie du centre Pompidou
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Parallèlement au schéma directeur technique, le président de l'établissement a souhaité déployer un schéma directeur culturel « Centre Pompidou 2030 ». Celui-ci a pour objectif de réorganiser les différentes fonctions de manière plus rationnelle et plus lisible au sein du bâtiment et repenser les usages du bâtiment.
Les travaux du schéma directeur culturel sont estimés à 207 millions d'euros. Cet aspect des travaux a vocation à être financé exclusivement sur fonds propres. Le centre a indiqué avoir réunis pour l'instant 54 millions d'euros et ambitionne d'avoir sous peu une centaine de millions d'euros. Il ne reste cependant que quelques mois avant de boucler ce budget, sans quoi les ambitions de l'établissement devront nécessairement être revues à la baisse.
Un chantier avant l'autre : le centre Pompidou francilien à Massy
Parallèlement aux travaux prévus à Beaubourg, le projet du nouveau pôle d'accueil des réserves du Centre Pompidou à Massy se poursuit après la signature, en juillet 2023, d'un marché de partenariat. Les travaux sont prévus du deuxième semestre 2023 à début 2026, en vue d'une ouverture à l'été 2026
Lancé après l'abandon du projet de réserves des musées nationaux à Cergy, le Centre Pompidou Francilien sera un bâtiment neuf d'environ 30 000 m² dont l'objectif est de regrouper en un seul site les espaces de conservation et de gestion des collections du Musée National d'Art Moderne (MNAM) - Centre de création industrielle (CCI) (MNAM-CCI) ainsi que celles du Musée national Picasso-Paris.
Le coût annuel du marché de partenariat pour le Centre serait de 6,7 millions d'euros, soit 4,5% des dépenses de fonctionnement de l'établissement. Malgré les critiques émises par la Cour des comptes, le centre considère le marché de partenariat comme un succès, notamment au regard des 7 loyers ainsi économisés.
Source : commission des finances d'après le centre Pompidou
Les rapporteurs spéciaux soulignent l'ambition manifeste des divers projets menés de front par l'établissement, alors que le Centre Pompidou nécessite de toute évidence une action à brève échéance pour éviter la dégradation du bâtiment. Il reste à espérer que l'engagement financier de l'État, déjà conséquent, ne soit pas amené à enfler au cours des travaux.
C. LE CENTRE DES MONUMENTS NATIONAUX, UN OPÉRATEUR ESSENTIEL QUI BÉNÉFICIE D'UN RESSAUT DÉDIÉ À UN CHANTIER SPÉCIFIQUE
Les rapporteurs spéciaux ont consacré leur travail de contrôle mené en 2024 au centre des monuments nationaux (CMN)11(*).
Le CMN est un établissement public national à caractère administratif placé sous la tutelle du ministère de la Culture. Sa première mission est la gestion, l'entretien et la mise à disposition du public des monuments nationaux.
Le principe général du CMN est celui de la mutualisation des moyens entre les différents monuments. Le CMN gère un ensemble de 110 monuments qui se caractérisent surtout par une très grande diversité. On compte ainsi des monuments connus internationalement (Arc de Triomphe, Cité de Carcassonne, Mont-Saint-Michel), mais également des monuments implantés dans des villes de petite taille ou des sites très ruraux.
Le CMN a atteint des records de fréquentation, plus de 11,6 millions de visiteurs ayant visité un des monuments du réseau en 2023, soit une augmentation d'un quart en dix ans. Mais les chiffres de la fréquentation révèlent une forte dépendance aux visiteurs internationaux, particulièrement dans les monuments parisiens qui représentent 5 des 7 monuments les plus visités en 2023.
Le rapport constate une augmentation constante du budget du CMN qui ne peut continuer indéfiniment : ses dépenses ont plus que doublé en 10 ans, dans un contexte de grands chantiers coûteux. Si les recettes de billetterie sont en hausse, leur augmentation n'a pas suivi le rythme de croissance des dépenses.
Évolution des recettes du CMN depuis 2014
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les données du CMN
Une grande part de cette hausse découle d'une accélération des investissements et de la mise en place de divers grands chantiers, notamment celui de la rénovation de l'hôtel de la Marine sur la place de la Concorde à Paris et celui de la Cité de la langue française à Villers-Cotterêts. Les dépenses engagées par le CMN en termes de conservation et surtout de grands travaux ont ainsi plus que triplé entre 2011 et 2021.
Dès lors, le CMN sera sans doute contraint de repousser des projets qui ne peuvent être financièrement soutenables, alors qu'il estime à 270 millions d'euros le besoin de financement pour l'entretien des monuments en situation de péril ou de mauvais état.
Les rapporteurs spéciaux ont émis 9 recommandations visant à protéger le modèle économique du CMN, en priorisant les moyens vers les dépenses d'entretien et d'investissement courant et en protégeant le principe de solidarité financière entre les monuments du réseau par la stabilisation du nombre de monuments gérés.
Les recommandations des rapporteurs spéciaux
Recommandation n° 1 : Mener à bien le projet de fusion des deux emplacements parisiens du siège du CMN (CMN)
Recommandation n° 2 : Anticiper la fin du contrat d'objectifs et de performance (COP) 2022 2024 en publiant un suivi des indicateurs et conclure à brève échéance la prochaine génération du COP (Direction générale des patrimoines et de l'architecture - DGPA et CMN)
Recommandation n° 3 : Développer le rôle du CMN en matière d'animation et d'offre culturelle dans les territoires, notamment afin de développer le public local (CMN - monuments)
Recommandation n° 4 : Relever les tarifs des billets des grands monuments parisiens dont la fréquentation augmente fortement, afin de les aligner sur les autres opérateurs culturels de la capitale (DGPA et CMN)
Recommandation n° 5 : Renforcer la communication à l'échelle locale, en particulier par la presse, au travers de développement de partenariats avec la presse quotidienne régionale (CMN - monuments)
Recommandation n° 6 : Poursuivre le développement des recettes domaniales (locations, tournages, régies) du CMN, en mettant davantage l'accent sur cet aspect dans les actions de communication de l'établissement (CMN - monuments)
Recommandation n° 7 : Assouplir les règles de gestion des personnels du CMN pour l'autoriser à procéder à des modulations infra annuelles afin de tenir compte des variations de fréquentation des monuments (DGPA et direction du budget)
Recommandation n° 8 : Mettre en place un plan prévisionnel de restauration privilégiant les opérations d'entretien et d'investissement courant en y intégrant des objectifs d'autofinancement (DGPA et CMN)
Recommandation n° 9 : Stabiliser à court terme l'évolution du parc de monuments du CMN en allouant les ressources découlant de la croissance des recettes propres aux monuments d'ores et déjà en gestion (DGPA et CMN)
Source : rapport sur le centre des monuments nationaux
En 2025, la subvention pour charges de service public du CMN devrait être stable à hauteur de 45 millions d'euros. En revanche, la subvention pour charges d'investissement est en augmentation par rapport à 2024 pour s'établir à 42,7 millions d'euros en AE et 36 millions d'euros en CP (soit + 8,5 millions d'euros en AE et + 5,6 millions d'euros en CP par rapport à 2024).
Évolution des crédits du CMN
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Cette hausse est destinée à financer une partie de la restauration de la Tour Saint-Nicolas de la Rochelle, pour laquelle les travaux s'élèvent à 15,3 millions d'euros en AE et 5,6 millions d'euros en CP. La tour a été fermée au public pendant tout l'été 2024 du fait d'importants problèmes de stabilité. Le CMN évalue le besoin total pour la tour à 29 millions d'euros, les opérations devant être menées jusqu'en 2028.
III. LE PROGRAMME 361 « TRANSMISSION DES SAVOIRS ET DÉMOCRATISATION DE LA CULTURE » : UN MAINTIEN DES CREDITS DANS L'OPTIQUE DE LA TRANSFORMATION PROCHAINE DU PASS CULTURE
Créé en loi de finances pour 2021 et issu pour partie du programme 224, le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » est géré par la délégation générale à la transmission et à l'éducation artistiques et culturelles. Il répond à cinq objectifs :
- permettre la participation à la vie culturelle de tous les habitants, quels que soient leur âge et leur situation géographique ;
- améliorer l'attractivité de l'enseignement supérieur de la culture et assurer l'insertion professionnelle des diplômés ;
- promouvoir et développer la politique linguistique de l'État ;
- produire des connaissances scientifiques et techniques reconnues au niveau international ;
- promouvoir auprès de tous les publics la recherche culturelle et la culture scientifique et technique.
Les crédits du programme 361 s'élèveraient en 2025 après transfert à 857,7 millions d'euros en AE et 807,5 millions d'euros en CP dont 12 millions d'euros en AE = CP de mesures nouvelles. Cela correspond à une hausse de 28,1 millions d'euros en AE (+ 3,39 %) et une baisse en CP limitée à 16,9 millions d'euros (- 2,05 %), par rapport à 2024.
Les crédits demandés au titre des mesures nouvelles s'élèvent à 5 millions d'euros en faveur de l'éducation artistique et culturelle hors Pass Culture et 7 millions d'euros à destination des territoires ruraux, dans le cadre du plan « Culture et ruralité » annoncé par la ministre en juillet 2024.
Ces crédits sont répartis au sein de quatre actions :
- l'action 01 « soutien aux établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle », à laquelle seraient affectés à 345,8 millions d'euros en AE (+ 30,4 millions d'euros) et à 308,9 millions d'euros en CP (- 3,7 millions d'euros) ;
- l'action 02 « soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle » qui serait dotée de 388,6 millions d'euros en AE et à 375,9 millions d'euros en CP soit une baisse de 2,5 millions d'euros en AE et de 13,3 millions d'euros en CP ;
- l'action 03 « langue française et langue de France » dont les crédits dédiés atteignent, comme en 2023 et 2024, 4,22 millions d'euros. La Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts (cf supra), gérée par le centre des monuments nationaux, ne relève pas du programme 361 ;
- l'action 04 « recherche culturelle et culture », pour laquelle le présent projet de loi de finances prévoit 119 millions d'euros en AE et 118,5 millions d'euros en CP, en légère hausse (+ 0,1 millions d'euros en AE = CP).
Répartition des crédits
prévus en 2025 au sein du programme 361
« Transmission des savoirs et démocratisation de la
culture »
Source : commission des finances du Sénat
A. DES MOYENS NOUVEAUX POUR L'INVESTISSEMENT DES ÉTABLISSEMENTS DE L'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR CULTURE
L'enseignement supérieur Culture (ESC) compte 99 établissements répartis sur l'ensemble du territoire qui accueillent plus de 37 000 étudiants.
Les crédits de l'action 1 s'élèvent à 345,8 millions d'euros en AE (+ 30,4 millions d'euros) et à 308,9 millions d'euros en CP (- 3,7 millions d'euros). L'importante hausse en AE est destinée à financer de nouveaux investissements structurants au sein des établissements nationaux de l'enseignement supérieur culturel. La légère baisse en CP concerne des crédits d'investissement accordés en 2024 qui n'avaient pas vocation à être reconduits en 2025.
Il convient de rappeler que les dotations avaient été fortement majorées de 8,3 % en AE et 7,4 % en CP en 2024.
Financements du programme 361 en faveur de l'enseignement supérieur culture
(en millions d'euros en CP)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Le Conservatoire national supérieur d'art dramatique (CNSAD) voit sa SCSP augmenter à 5,35 millions d'euros hors mise en réserve, soit une hausse de 1,1 million d'euros par rapport à 2024. D'après les documents budgétaires, ce montant vise à couvrir les dépenses induites par la prise à bail d'un site à Romainville.
Les rapporteurs spéciaux rappellent les observations qu'ils avaient formulées lors de leur mission de contrôle sur l'enseignement supérieur du spectacle vivant12(*). Le taux global d'insertion devrait ainsi être affiné et mieux documenté, s'agissant notamment des revenus perçus. Les éléments fournis par la plupart des opérateurs auditionnés relevaient en effet des enquêtes DESC, menées par le département des études et prospectives du ministère de la culture.
Après plusieurs années de baisse, qui pouvaient susciter l'inquiétude, les taux d'insertion observés ces trois dernières années entre les différentes filières présentent une progression significative. Selon l'enquête 2023 sur l'insertion des diplômés 2019 de l'ESC, l'insertion professionnelle progresse significativement de 6 points par rapport à 2021 ; soit 93 % de diplômés 2019 insérés. On observe que les taux d'insertion des diplômés en architecture et patrimoine d'une part et en arts plastiques d'autre part progressent également avec respectivement 94 % et 88 % d'activité. Le ministère souligne pourtant la faiblesse du taux de réponse de l'enquête 2023 (46 %), dont il indique que les données doivent donc être prudemment interprétées.
Le ministère a annoncé le lancement d'une nouvelle enquête portant sur l'insertion professionnelle 10 ans après l'obtention du diplôme, menée pour une première fois en 2024. Cette initiative paraît souhaitable pour avoir une vision sur le temps long des trajectoires professionnelles de l'enseignement supérieur culture.
On constate pour 2025 une légère baisse des dotations en fonds propres à destination des écoles nationales supérieures d'architecture (- 0,45 million d'euros en AE = CP). Celle-ci est cependant consécutive à l'effort budgétaire spécifique accordé en 2024. La contribution du ministère en faveur des ENSA a atteint 228,34 millions d'euros en AE et 218,59 millions d'euros en CP en LFI 2024, ce qui représente une progression de respectivement 14,84 millions d'euros et 5,05 millions d'euros par rapport à la LFI 2023.
10 millions d'euros étaient prévus en 2024 pour financer les projets d'investissement des établissements. Les principaux projets en cours, hors plan de relance, concernent le projet d'extension-réhabilitation de l'ENSA Toulouse et le projet de relocalisation de l'ENSA Paris-la Villette.
Rapportés aux près de 20 000 étudiants répartis dans 20 ENSA, la dépense moyenne est légèrement supérieure à 11 000 euros par étudiant, proche de la dépense moyenne par étudiant dans l'enseignement supérieur français.
Un effort particulier avait également été consenti en 2024 en direction des dépenses de personnel des ENSA (croissance de 30 ETP entre la LFI 2023 et la LFI 2024). Ces effectifs sont reconduits pour 2025.
Les enseignants des écoles de l'enseignement supérieur culture sont caractérisés par une part importante d'enseignants contractuels, relevant de plusieurs cas.
Ainsi, au sein des écoles supérieures nationales d'architecture, on distingue les enseignants contractuels associés (77 % des enseignants), relevant du titre 2, des enseignants contractuels portés sur le titre 3 (23 %). À la suite du Protocole d'accord relatif au plan d'accès à l'emploi titulaire dans les écoles nationales supérieures d'architecture de 2017, le nombre d'enseignants contractuels et d'intervenants extérieurs de titre 3 a diminué de 16 % entre 2016 et 2022.
Personnels de l'enseignement supérieur culture en 2024
(en ETP)
Titre 2 |
Titre 3 |
|
Architecture |
1 925 |
797,1 |
Arts plastiques |
429 |
424 |
Audiovisuel |
136 |
|
Patrimoine |
54 |
108,7 |
Spectacle vivant |
111 |
689,3 |
Total |
2 519 |
2 155 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
B. DES CRÉDITS POUR L'ÉDUCATION ARTISTIQUE ET CULTURELLE QUI S'ÉLÈVENT À PRÈS DE 380 MILLIONS D'EUROS
1. Une stabilité du volet individuel du Pass Culture dans un contexte de multiplication des incitations à le réformer
Expérimenté depuis juin 2019 puis généralisé et élargi en 2021, le Pass Culture consiste en une application gratuite, qui révèle et relaie les offres culturelles et artistiques accessibles à proximité pour les jeunes âgés de 15 à 18 ans. Ces jeunes disposent d'une somme comprise entre 20 et 300 euros, variant en fonction de l'âge, afin de pouvoir répondre à ces offres. S'éloignant des dispositifs mis en place par les collectivités territoriales, le pass a repris les contours de l'application « 18app » mise en place en septembre 2016 en Italie par le Gouvernement Renzi et permettant à tout jeune de 18 ans de disposer d'une somme de 500 euros - Bonus Cultura - dédiée à l'acquisition de biens culturels.
Le présent projet de loi de finances prévoit une dotation de 210,5 millions d'euros de crédits (AE = CP) pour le financement du volet individuel du dispositif, soit une stabilité par rapport à 2024. Le Gouvernement a cependant déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à diminuer de 5 millions d'euros les crédits dédiés au Pass Culture.
Le Pass Culture représente 25 % des crédits du programme 361. La société par actions simplifiées (SAS) Pass Culture est également le deuxième opérateur du ministère de la Culture, derrière la Bibliothèque nationale de France.
Selon le décret n° 2021-1453 du 6 novembre 2021, le Pass Culture comporte désormais deux parts :
- une part individuelle applicable à chaque jeune de 15 à 17 ans, financée par le ministère de la Culture ;
- une part dite collective, destinée exclusivement à financer des activités rattachées à l'éducation artistique et culturelle effectuées en groupes et encadrées par des professeurs. Cette part s'applique aux élèves de la sixième à la terminale scolarisés dans un collège ou lycée public ou privé sous contrat, ainsi qu'à tout élève inscrit en certificat d'aptitude professionnelle sous statut scolaire. Cette part est financée au prorata de leurs effectifs concernés par les ministères en charge de l'éducation nationale, de la mer, des armées et de l'agriculture.
Le volet collectif du Pass Culture
La loi de finances pour 2022 a permis de faire évoluer le dispositif en l'ouvrant aux élèves à partir de la classe de 4e, qui sous la responsabilité des enseignants, bénéficient d'un crédit (25 euros par élève en quatrième et en troisième, 30 euros en seconde et 20 euros en première et en terminale) à dépenser dans un cadre collectif : sortie culturelle, accueil d'un professionnel... Le dispositif a été étendu aux élèves de sixième et de cinquième à compter de la rentrée scolaire 2023.
Sur l'année scolaire 2023-2024, 72 % des élèves éligibles à la part collective ont bénéficié d'au moins une action financée grâce au Pass Culture durant l'année scolaire 2023-2024 et 96 % des établissements scolaires ont effectué au moins une réservation sur la même période.
Pour l'année scolaire 2023-2024, les fonds de la part collective du Pass Culture apportés par le MEN sont utilisés par les établissements dans les domaines suivants :
- atelier de pratique : 17,7 % ;
- conférence rencontre : 7,0 % ;
- projection audiovisuelle : 20,5 % ;
- représentation : 28,5 % ;
- visite guidée : 13,7 % ;
- visite libre : 4,9 % ;
- autre : 7,7 %.
Source : commission des finances d'après le ministère de l'Éducation nationale
Les crédits accordés au Pass culture augmentent cependant globalement de 15 millions d'euros par rapport à 2024 en tenant compte de la montée en charge du volet collectif du Pass Culture, financé par les crédits de la mission « enseignement scolaire ».
Évolution des crédits
affectés au financement du Pass Culture
depuis 2019
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Le livre demeure toujours le premier poste d'achat sur la plateforme dédiée au Pass Culture (pour 56 % du montant total des achats), mais on assiste à la progression d'autres produits culturels, et notamment vers la musique enregistrée.
Répartition des achats effectués par
le volet individuel du Pass Culture
selon leur montant
(en %)
Source : commission des finances d'après le ministère de la Culture
Les rapporteurs spéciaux ont consacré une analyse développée au Pass Culture dans leur récent rapport sur le sujet13(*).
S'agissant du volet individuel, ils relèvent que la logique prescriptive du pass demeure relativement faible. Il est, plus largement, regrettable qu'aucun objectif n'ait été assigné à cette politique publique en matière de médiation culturelle, de diversification culturelle ou d'affirmation des droits culturels. Ce faisant, le ministère de la culture prend le risque de résumer le volet individuel du pass à une simple plateforme d'achat de biens et de services.
Il est indispensable qu'il soit plus « éditorialisé » afin de participer à la mise en place d'un véritable parcours culturel qui permette notamment de mieux orienter les réservations vers deux grands absents : le spectacle vivant et les musées. Au-delà de la question de la médiation culturelle, l'accent doit également être mis sur l'accès des jeunes non-scolarisés au pass.
Les rapporteurs spéciaux relèvent par ailleurs que le volet collectif semble plus enclin à atteindre l'objectif de diversification des pratiques culturelles assigné au pass que le volet individuel et que l'articulation entre les deux parts semble insuffisante.
L'évaluation menée par l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) de mai 202414(*) a livré une vision pour le moins mitigée du dispositif. Elle note que les impacts sur les pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif apparaissent « contrastés » et que la capacité du pass Culture à transformer les pratiques culturelles est « incertaine ». Plus clairement encore, « la capacité du pass Culture à atteindre ses objectifs de service public ne peut être démontrée : l'intensification des pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif semble établie, mais son caractère durable apparaît incertain ; la diversification de ces pratiques est impossible à démontrer. Dans ces conditions, faute de pouvoir établir que l'utilisation du pass Culture favorise la réduction des écarts de pratiques culturelles entre milieux sociaux, l'existence d'effets d'aubaine ne peut être exclue ».
La ministre de la Culture a annoncé qu'une réforme du Pass Culture serait lancée dès l'automne 2024. Les documents budgétaires indiquent ainsi qu'une « réflexion devra être menée dès l'automne 2024 pour garantir la soutenabilité du montant de crédits inscrits en PLF 2025 à hauteur de 210,5 millions d'euros pour l'année, soit exactement le montant inscrit en 2024. Des modifications de certains paramètres devront être conduites pour respecter cette enveloppe ». Le Gouvernement a en outre déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à réduire les crédits affectés au Pass Culture de 5 millions d'euros.
2. Des moyens conservés pour l'éducation artistique et culturelle en dehors du Pass Culture
Si le Pass Culture représente une part importante des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle, l'État finance sur le programme 361 d'autres actions pour un montant à peu près équivalent.
Répartition des crédits de l'action
2
« Soutien à la démocratisation et à
l'éducation artistique et culturelle » en 2025
(en % et en millions d'euros)
Source : commission des finances
Au-delà du Pass Culture, le soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique culturelle se matérialise par deux lignes de crédits dédiées, qui s'élèvent cumulativement à 166 millions d'euros, soit une diminution de 14 millions d'euros par rapport à l'année précédente.
Les crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle proprement dite diminuent de 5 millions d'euros par rapport à 2024.
Évolution des crédits prévus
pour l'éducation artistique et culturelle
hors Pass Culture
(en millions d'euros)
Exécution 2023 |
LFI 2024 |
PAP 2025 |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Éveil artistique et culturel |
0,24 |
0,24 |
||||
Éducation artistique et culturelle en temps scolaire |
26,95 |
26,96 |
24,04 |
23,94 |
31,96 |
31,96 |
Éducation artistique et culturelle hors temps scolaire |
30,50 |
30,51 |
14,01 |
14,12 |
23,14 |
23,14 |
Goût du livre et de la lecture |
16,55 |
18,64 |
21,47 |
21,47 |
7,85 |
7,85 |
Actions des conservatoires |
14,38 |
14,38 |
14,14 |
14,14 |
16,02 |
16,02 |
Partenariats et contractualisation avec les collectivités territoriales |
15,23 |
15,23 |
15,28 |
15,44 |
13,62 |
13,62 |
Éducation aux médias et à l'information |
9,38 |
9,37 |
7,40 |
7,40 |
3,77 |
3,77 |
Formation des acteurs de l'éducation artistique et culturelle |
9,27 |
9,26 |
7,00 |
7,00 |
2,08 |
2,08 |
Compensation gratuité enseignants |
3,94 |
3,84 |
4,00 |
4,00 |
4,00 |
4,00 |
Total |
126,19 |
128,19 |
107,34 |
107,50 |
102,68 |
102,68 |
Source : commission des finances
S'agissant de la différence entre 2023, d'une part, et 2024 et 2025, d'autre part, elle résulte en grande partie de la fin de crédits spécifiquement affectés au financement de l'Été culturel (actions d'EAC pendant les vacances d'été) qui n'a été possible en 2023 et 2024 que par le redéploiement de crédits en gestion.
Le ministère indique que la diminution des crédits constatée entre 2024 et 2025 s'explique en grande partie par des évolutions de périmètre. S'agissant de la formation des acteurs de l'EAC, la baisse (- 4,9 millions d'euros), s'explique par un redéploiement des crédits pour la formation des acteurs concourant à la démocratisation culturelle hors scolaires (participation à la vie culturelle des publics adultes en situation spécifique par exemple), désormais programmés sous d'autres sous-actions.
Reste une interrogation quant à l'efficacité de la dépense publique en la matière, alors que la multiplication d'actions ou de sous-actions pour des montants faibles peuvent faire craindre un risque de saupoudrage. Les derniers travaux d'ampleur sur le sujet remontent à 2017, avec le rapport de l'inspection générale de l'Éducation nationale15(*), concluant précisément sur des lacunes en matière d'évaluation.
À titre d'exemple, il n'existe pas dans les documents budgétaires d'indicateurs spécifiques à l'éducation artistique et culturelle hors Pass Culture. L'indicateur n° 2 (Part des enfants et adolescents ayant bénéficié d'une action d'éducation artistique et culturelle) est en effet largement tiré par la part collective du Pass et ne permet pas d'avoir une image claire des publics concernés et de l'impact concret de ces actions.
C. UNE IMPASSE BUDGÉTAIRE PROCHE POUR UNIVERSCIENCES ?
L'établissement public du Palais de la découverte et de la Cité des sciences et de l'industrie (EPPDCSI), dit Universcience, est un établissement public à caractère industriel et commercial (EPIC) créé en 2010.
Sa SCSP s'élève à 104,07 millions d'euros en 2025, à laquelle s'ajoutent 5,6 millions d'euros de subvention pour charges d'investissement. Ces crédits sont stables par rapport à 2024.
Financements de l'État versés à Universciences
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Les ressources propres de la Cité sont cependant limitées : elles s'élèvent à 20 millions d'euros en 2024. En outre, l'établissement a souffert de la proximité du parc des Nations pendant les jeux Olympiques. Pour la seule période des jeux, la perte de recettes est estimée à 450 000 euros du fait d'une baisse drastique de la fréquentation. Sur l'ensemble de l'année 2024, la diminution du nombre de visiteurs a entraîné une perte de recettes propres d'1,2 million d'euros.
Le besoin de travaux est énorme. En effet, le ministère estime le besoin annuel entre 30 millions d'euros et 40 millions d'euros, très loin des 5 millions d'euros de la subvention d'investissement. 44 millions d'euros ont déjà été consacrés à la rénovation du Palais de la découverte, qui devrait rouvrir à l'été 2025 après 4 ans de fermeture.
Ce besoin de financements se manifeste alors que la situation financière d'Universciences est très fragile. La trésorerie atteignait 92 millions d'euros en 2023, mais seulement 55 millions d'euros à fin 2024. Le ministère indique que la trésorerie devrait être négative dès 2025 et que l'établissement connaîtrait un déficit dès 2026. Le ministère a indiqué lors de son audition que la situation de l'établissement constituait « un sujet de préoccupation très important ». Les rapporteurs spéciaux seront très attentifs au devenir budgétaire de l'opérateur au cours des prochains mois.
IV. LE PROGRAMME 224 : UNE LÉGÈRE HAUSSE DES CRÉDITS TIRÉE PAR LES DÉPENSES DE PERSONNEL DU MINISTÈRE
A. UNE PROGRESSION DE LA MASSE SALARIALE NOTAMMENT DU FAIT DE MESURES CATÉGORIELLES NOUVELLES
Le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère » est concentré, depuis la loi de finances pour 2021, sur le financement des fonctions de soutien du ministère (98,7 %) et, dans une moindre mesure, de l'action culturelle internationale (1,3 %). Piloté par le secrétariat général du ministère, il devrait être doté de 871,27 millions d'euros en AE et 869,34 millions d'euros en CP en 2025.
Le programme regroupe l'ensemble des dépenses de personnel des agents directement rémunérés par le ministère de la Culture. Les dépenses de personnel s'élèvent à 756,5 millions d'euros en incluant la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », et 562,4 millions d'euros hors CAS. Cela représente une hausse de 4,2 %, soit 22,7 millions d'euros supplémentaires par rapport à 2024. Les crédits avaient d'ailleurs déjà augmenté de 4,9 % l'année précédente.
Cela correspond à une croissance de 25,3 millions d'euros par rapport à la LFI 2024, essentiellement du fait de mesures catégorielles nouvelles. Hors dépenses de personnel, le programme 224 bénéficie en 2025 d'une augmentation de 2,5 millions d'euros, soit 2,2% par rapport à 2024.
Les crédits liés à la cybersécurité devraient également croître de 0,8 million d'euros. Cette hausse doit assurer la construction d'une offre de service opérationnelle sur la transformation numérique et la cybersécurité à destination prioritairement des établissements du ministère.
Décomposition des moyens nouveaux accordés au programme 224
(en millions d'euros)
Source : commission des finances
Le plafond d'emploi du ministère devrait s'établir à 9 158,8 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2025. Cela représente une baisse de 2 ETPT (obtenus au titre des Jeux olympiques et paralympiques) par rapport à 2024. Le schéma d'emplois du ministère de la Culture pour 2025 est neutre (0 ETP).
Évolution du plafond d'emplois du programme 224
(en ETPT)
Source : commission des finances
Une partie importante de cette hausse de l'enveloppe budgétaire découle de mesures catégorielles nouvelles, pour un montant de 15 millions d'euros (contre 5,5 millions d'euros en 2024).
Ces crédits financent la revalorisation de la rémunération des agents contractuels dans le cadre du chantier de refonte des cadres de gestion. Sur ce point, ils devraient financer les réformes proposées dans le cadre des négociations engagées en juillet 2023. Le cycle de négociation avait été interrompu par la publication du décret d'annulation de février 2024 qui a notamment annulé un montant de 3,3 millions d'euros, alors que ces crédits étaient destinés à financer une première tranche de revalorisation en 2024. La revalorisation sera donc reportée sur 2025 et devrait prendre la forme d'une prime exceptionnelle de 325 euros, versée en une fois aux agents contractuels. Les agents contractuels du ministère représentent 17 % des ETPT sur le titre 2 (1 537 agents) et 77 % sur le titre 3 (14 535 agents dans les différents opérateurs du ministère).
Une partie des 15 millions d'euros supplémentaires devraient également permettre de revaloriser le régime indemnitaire des enseignants chercheurs des écoles nationales d'architecture et d'assurer la convergence indemnitaire des attachés d'administration avec les autres ministères.
S'y ajoutent le financement de la protection sociale des personnels du ministère à compter du 1er octobre 2025, pour un montant de 4 millions d'euros, ainsi que la compensation du glissement-vieillesse-technicité (GVT) pour 2025 (3 millions d'euros).
Les crédits d'action sociale et de formation sont reconduits pour l'année 2025.
B. UN RENFORCEMENT DES CRÉDITS DÉDIÉS À L'ACTION CULTURELLE INTERNATIONALE POUR FINANCER LA MAISON DES MONDES AFRICAINS
Les crédits dédiés à l'action culturelle internationale augmentent à hauteur d'1,5 million d'euros en 2025 (+ 15 %). Cette progression fait suite à une majoration d'1,9 million d'euros en 2024 et de 0,7 million en 2023, après des années de stabilité.
Ces nouveaux crédits devraient notamment permettre la mise en oeuvre de l'agenda transformationnel pour l'Afrique avec la montée en charge de la maison des mondes africains.
Le projet de maison des mondes africains
Le projet de création de la Maison des mondes africains (dite MansA) a été initié par le président de la République lors du Nouveau Sommet Afrique-France en octobre 2021. Cet établissement serait à la fois un lieu physique, une plate-forme virtuelle sur la relation Afrique-France et un réseau d'institutions partenaires en France, en Europe et en Afrique.
Un groupement d'intérêt public (GIP) de préfiguration a été constitué par arrêté interministériel du 7 mai 2024, préparé par le ministère de la Culture en lien avec l'équipe de préfiguration et le ministère de l'Europe et des affaires étrangères. Il réunit les ministères chargés de la culture, des affaires étrangères, de la jeunesse et de la recherche, l'Institut français (IF), le centre national Georges-Pompidou ainsi qu'un collège des adhérents (France Volontaires, Agence française de développement, Bpi France).
L'assemblée générale constitutive du GIP s'est réunie le 19 juin 2024.
Ce GIP, constitué pour une durée de quatre ans, a notamment pour mission de :
- identifier le futur lieu. Une étude de faisabilité immobilière est aujourd'hui en cours pour clarifier le besoin immobilier du futur établissement ;
- assumer les responsabilités inhérentes à l'occupation des futurs locaux ;
- élaborer le budget de la future structure ;
- concevoir une programmation pluridisciplinaire et déployer les activités temporaires, etc.
Les emplois du GIP MansA s'élèvent actuellement à 3 ETP dont 2 sur l'action 6 du programme 224, aujourd'hui rattachés au ministère de la culture au titre de la mission de préfiguration, soit la directrice et le secrétaire général et 1 ETP mis à disposition par le ministère de l'Europe et des affaires.
Le budget (recettes) du GIP hors projet immobilier inscrit est de 8,075 millions d'euros dont 800 000 euros de contributions du ministère de la Culture sur le programme 224 (650 000 euros de crédits et 150 000 euros de mises à disposition).
En 2024, le GIP est installé dans des locaux mis à disposition temporairement par le ministère de la Culture (rue Beaubourg). Tant que le lieu d'installation pérenne n'est pas identifié et disponible, un système de maisons éphémères est mis en place pour accueillir chez des partenaires les événements prévus dès 2024.
Source : commission des finances d'après les données du ministère de la Culture
Ils permettent également la poursuite de l'action du ministère en faveur de la valorisation de l'expertise publique des institutions culturelles françaises et l'accompagnement des projets structurants dans les pays prioritaires.
Ventilation des financements prévus au titre de l'aide culturelle internationale
(en millions d'euros)
Financement de la Maison des mondes africains (MansA) |
2,15 |
Fonds franco-allemand pour la recherche de provenance de biens culturels d'Afrique sub-saharienne conservés dans les institutions culturelles françaises et allemandes |
0,3 |
Fonds pour la circulation des oeuvres en Afrique |
0,8 |
Promotion de la diversité culturelle et linguistique |
0,5 |
Apaisement des mémoires et agenda transformationnel avec l'Afrique |
0,7 |
Mobilités artistiques et professionnelles |
4,5 |
Coopération des acteurs culturels français en Europe et dans le monde |
2,5 |
Source : commission des finances
Les rapporteurs spéciaux s'interrogent une nouvelle fois sur la pertinence de la maquette budgétaire et le maintien des crédits de l'action 06 au sein du programme 224. Les montants figurant sur cette action sont anecdotiques au regard des sommes mobilisées par le ministère des affaires étrangères et par les directions générales du ministère de la culture sur les crédits des autres programmes. À titre d'exemple, les 500 000 euros prévus sur le programme 224 au titre de la promotion de la diversité culturelle et linguistique doivent être mis en regard des 4,2 millions d'euros de l'action « langue française » du programme 361.
EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Culture ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 13 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de MM. Vincent Éblé et Didier Rambaud, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Culture ».
M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec l'examen des crédits de la mission « Culture » et accueillons, pour ce dernier point à l'ordre du jour, notre collègue Karine Daniel, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et du sport.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Le montant global des crédits demandés en 2025 pour la mission « Culture » s'élève à 3,9 milliards d'euros. Cela correspond à une baisse des autorisations d'engagement (AE) de 6,8 % par rapport à 2024, qui s'accompagne d'une légère hausse, de 0,4 %, des crédits de paiement (CP). Ce budget s'inscrit dans une trajectoire de progression des crédits tracée au cours des années précédentes. Ainsi, entre 2023 et 2025, la mission a crû de 690 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 440 millions d'euros en crédits de paiement.
Il est probable que ces chiffres ne reflètent pas le budget qui nous parviendra en séance. En effet, un amendement a été déposé par la ministre de la culture, pour concrétiser l'annonce qu'elle a faite devant la commission de la culture du Sénat, la semaine dernière, d'une augmentation de 300 millions d'euros des crédits de la mission. L'amendement affiche, en réalité, 266 millions d'euros en autorisations d'engagement et 160 millions d'euros en crédits de paiement, ce qui change l'équilibre budgétaire sur lequel nous avons travaillé.
Je commencerai par revenir sur les conséquences sur la mission des annulations de crédits effectuées en février 2024. Le décret paru à cette date a annulé 204 millions d'euros, ce qui équivaut à 4,6 % des crédits accordés en loi de finances initiale (LFI). La moitié de ces crédits a été prise sur la réserve de précaution, mais le reste a été prélevé sur les dépenses de fonctionnement des opérateurs de la mission, notamment les opérateurs du spectacle vivant. Vous vous souvenez peut-être que la ministre de la culture, elle-même, avait semblé peu goûter ces annulations de crédits. L'ancien Premier ministre, M. Gabriel Attal, a rappelé la semaine dernière lors de son audition devant notre commission qu'elle avait exprimé en termes véhéments sa réticence.
De fait, le résultat de ces annulations de crédits nous interpelle. D'une part, elles ont eu un impact sur des opérateurs déjà fragiles et ont contraint à repousser des réformes attendues, notamment concernant le cadre de gestion des contractuels du ministère de la culture. D'autre part, il est nécessaire d'abonder par d'autres crédits en fin d'année pour financer des dépenses incompressibles.
J'en viens maintenant aux crédits du programme 175 dédié au patrimoine, auquel je porte, comme vous le savez, une attention particulière. Les 266 millions d'euros supplémentaires devraient en grande partie être fléchés vers ce programme, dont 55 millions d'euros vers les monuments ruraux et 23 millions d'euros vers les musées dans les territoires.
Les crédits dédiés aux grands projets continuent de constituer une part importante du budget, malgré la clôture de plusieurs chantiers de grande ampleur au cours des dernières années. Pas moins de 18 millions d'euros sont notamment prévus pour le site des Archives nationales à Pierrefitte-sur-Seine, dont vous savez qu'il a accueilli, par transfert, des collections jusqu'alors conservées à Fontainebleau dans un local qui menaçait péril. L'extension du site de Pierrefitte-sur-Seine, déjà prévue, s'en est trouvée accélérée.
Il faut également noter que 50 millions d'euros sont prévus sur le programme 131 pour financer des investissements structurants à destination des opérateurs du spectacle vivant. Une partie de ces financements contribuera également aux travaux du nouvel établissement public résultant de la fusion en 2025 du Mobilier national et de la Cité de la céramique Sèvres-Limoges.
Le cas de l'Opéra de Paris doit faire l'objet d'une attention particulière. L'établissement se trouvera face à un mur d'investissement au cours des prochaines années : le besoin de financement exceptionnel est estimé à au moins 200 millions d'euros d'ici à 2030. L'Opéra met en avant des besoins de travaux importants sur les deux sites de représentation, alors que l'établissement a annoncé la fermeture de l'Opéra Garnier entre 2028 et 2030, puis de l'Opéra Bastille entre 2030 et 2032.
Nous avons choisi cette année de mettre l'accent sur le centre Pompidou, qui devrait fermer l'été prochain pour travaux, jusqu'en 2029. Le chantier s'annonce titanesque. Les 150 000 oeuvres des collections du musée devront être déplacées dans le nouveau centre de Massy qui vient d'être terminé. L'ensemble des personnels du musée sera redéployé sur d'autres sites, une partie des oeuvres étant exposée jusqu'en 2029 au Grand Palais.
L'État a d'ores et déjà engagé 226 millions d'euros pour la rénovation technique de Beaubourg, notamment son désamiantage. En parallèle, le centre a pour objectif de réorganiser les différentes fonctions de manière plus rationnelle et plus lisible au sein du bâtiment, pour un montant estimé à 207 millions d'euros. Cette partie des travaux a vocation à être financée exclusivement sur fonds propres et notamment par le biais du mécénat.
Pour ce faire, le centre Pompidou ambitionne de disposer sous peu d'une centaine de millions d'euros. Il ne reste cependant que quelques mois avant de boucler ce budget, sans quoi les ambitions de l'établissement devront nécessairement être revues à la baisse.
Enfin, concernant le spectacle vivant, l'année 2024 confirme les bons résultats recensés en matière de retour du public. La fréquentation des opérateurs est en progression de 5,6 % par rapport à la saison dernière et retrouve, pour la plupart d'entre eux, les niveaux antérieurs à la crise sanitaire.
Je souligne cependant un point d'attention : la plupart des lieux de spectacle vivant ont été durement touchés par l'inflation, qui a limité leurs marges artistiques au cours des deux dernières années. Le nombre de levers de rideau a ainsi diminué pour l'essentiel des opérateurs du programme 131. Toutefois, il est nécessaire que l'offre de spectacles aille dans le sens d'une rationalisation de la production, alors que la Cour des comptes indique que le nombre moyen de représentations pour un spectacle était, en 2019, de 3,7 dans un centre dramatique national et de 2,3 pour une scène nationale. De telles statistiques ne sont plus tolérables, sur le plan environnemental comme sur le plan budgétaire.
Au-delà de ces remarques, je vous propose, au vu des moyens accordés à la culture dans ce budget, notamment de l'amendement d'abondement des crédits susmentionné, d'adopter les crédits de la mission.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial de la mission « Culture ». - Le programme 361 finance divers dispositifs en lien avec l'éducation artistique et culturelle, ainsi qu'avec l'enseignement supérieur culturel.
Les crédits à destination des établissements d'enseignement avaient connu une hausse importante en 2024, tournée notamment vers les écoles nationales d'architecture qui étaient dans une situation difficile. Ces crédits supplémentaires sont maintenus en 2025, ce dont nous pouvons nous féliciter. Par ailleurs, 30 millions d'euros complémentaires sont prévus en 2025 pour financer de nouveaux investissements structurants au sein des établissements nationaux de l'enseignement supérieur culturel.
La situation d'Universcience, établissement plus connu sous le nom de Cité des sciences et de l'industrie de la Villette et également financé par le programme 361, semble particulièrement inquiétante.
Le ministère estime le besoin annuel de travaux entre 30 millions d'euros et 40 millions d'euros jusqu'à 2030, très loin des 5 millions d'euros de la subvention d'investissement. La trésorerie de l'opérateur devrait être négative dès 2025 et l'établissement connaîtra un déficit dès 2026. Cette situation intervient alors que les ressources propres de la Cité sont limitées : elles s'élèvent à seulement 20 millions d'euros en 2024. L'établissement a notamment souffert de la proximité du parc des Nations pendant les jeux Olympiques.
La situation d'Universcience devra donc faire l'objet d'un suivi particulier au cours des prochains mois.
J'en viens maintenant au Pass Culture. Quelque 210,5 millions d'euros sont prévus en 2025 pour le financement de ce dispositif, soit une stabilité des crédits par rapport à l'année précédente. Il faut toutefois noter que les financements accordés par le ministère de l'éducation nationale pour le volet collectif du Pass Culture sont en hausse.
L'évaluation menée en 2024 par l'inspection générale des affaires culturelles (Igac) a livré une vision pour le moins mitigée du dispositif. Elle note que ses impacts sur les pratiques culturelles de ses bénéficiaires apparaissent « contrastés » et que la capacité du Pass Culture à transformer les pratiques culturelles est « incertaine ».
Vincent Éblé et moi avions consacré à ce sujet un travail de contrôle en 2023. Le ministère de la culture devrait notamment mettre en oeuvre notre recommandation sur la transformation de la société par actions simplifiée (SAS) Pass Culture en opérateur de l'État. Il s'agirait alors du deuxième opérateur du ministère de la Culture derrière la Bibliothèque nationale de France.
La ministre de la culture a annoncé qu'une réforme du dispositif serait lancée dès l'automne 2024 pour garantir la soutenabilité du montant de crédits inscrits en projet de loi de finances. Il est probable que le premier axe de cette réforme soit de réduire le montant de l'enveloppe accordée aux jeunes qui en bénéficient. Celle-ci s'élève actuellement à 300 euros pour les jeunes de plus de 18 ans. Le Gouvernement a déjà déposé à l'Assemblée nationale un amendement visant à réduire de 5 millions d'euros les crédits affectés au Pass Culture.
Si ce dispositif doit être ajusté et réformé, il a au moins eu le mérite de donner à des milliers de jeunes gens un accès à la culture, sous des formes variées. J'espère que nous continuerons à oeuvrer pour le renforcement de cet accès.
Le programme 224 « Soutien aux politiques culturelles du ministère de la culture » regroupe l'ensemble des dépenses de personnel des agents directement rémunérés par le ministère de la culture. Celles-ci s'élèvent à 756,5 millions d'euros en incluant la contribution au compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Cela correspond à une croissance de 25,3 millions d'euros par rapport à 2024, essentiellement du fait de mesures catégorielles nouvelles.
Ces crédits financent en particulier la revalorisation de la rémunération des agents contractuels du ministère, qui représentent près de 16 000 équivalents temps plein. Ils devraient bénéficier en 2025 d'une prime exceptionnelle de 325 euros au titre du rattrapage par rapport aux autres ministères.
Je voudrais enfin consacrer quelques mots à un premier bilan des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 sur la fréquentation des opérateurs culturels.
De manière générale, si les jeux ont entraîné un afflux de visiteurs à Paris, les opérateurs ont souffert pour certains d'une fermeture complète ou d'importantes difficultés d'accès.
Le ministère estime la baisse de fréquentation pour l'ensemble des opérateurs pendant cette période à 20 % par rapport à 2023. Pour les opérateurs parisiens, la diminution est plus importante, puisqu'elle atteint 27 %. Les musées et monuments les plus connus - musée du Louvre, château de Versailles, musée d'Orsay - ont cependant été moins touchés. La diminution de la fréquentation est en revanche plus importante pour certains opérateurs : 67 % à la Cité de l'architecture et du patrimoine ou 40 % à Beaubourg.
Près de 98 % des festivals ont eu lieu comme prévu et 10 % ont indiqué avoir rencontré des perturbations liées aux jeux Olympiques. En revanche, les études du ministère font état d'une fragilisation économique : la moitié des festivals se déclarent déficitaires à l'issue de l'édition 2024.
Le public a cependant retrouvé, à la fin du mois d'août, des niveaux comparables à ceux d'une année normale. Le ministère espère en outre pouvoir convertir l'intérêt marqué du public pour les monuments mis en avant pendant les jeux Olympiques, notamment lors de la cérémonie d'inauguration.
Je termine en vous proposant, comme Vincent Éblé, d'adopter les crédits de la mission.
Mme Karine Daniel, rapporteure pour avis de la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport sur la mission « Culture ». - Sur les deux dernières années, les structures culturelles ont subi les effets de l'inflation. Elles seront particulièrement touchées par la baisse des crédits des collectivités territoriales : notamment les départements, régions, villes et métropoles. On observe une forte inquiétude du secteur culturel sur ce point. Des mobilisations sont sans doute à attendre.
Des questions demeurent par ailleurs concernant la prise en compte dans le budget de la couverture par le ministère de la culture des frais d'inscription dans les écoles d'art pour les étudiants boursiers. La ministre a en effet annoncé son intention de renforcer la mixité sociale dans ces établissements, ce qui est souhaitable, mais nous attendons les moyens.
Le Pass Culture est également un point de vigilance. Nous avons entendu en audition les responsables de ce dispositif au sein du ministère de la culture. Une table ronde spéciale sera prochainement organisée par la commission de la culture, rassemblant des représentants de la SAS Pass Culture, des opérateurs culturels et des usagers. On nous a dit que l'enveloppe individuelle serait diminuée, mais assortie d'un « coup de pouce » sur critères sociaux, selon un mécanisme qui reste à identifier. Sachant que ledit coup de pouce serait donné aux jeunes qui sont déjà les moins utilisateurs de ce dispositif, on joue en réalité sur l'espérance de non-recours.
Nous ne faisons que commencer nos travaux. L'avis de la commission de la culture sera cependant sans doute assez convergent avec le vôtre, moyennant les points de vigilance que j'ai mentionnés et une attention particulière également pour le spectacle vivant.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - L'effet des jeux Olympiques sur le patrimoine a été particulièrement fort. Pendant cette période, le nombre de touristes a diminué dans le reste du pays, tant l'événement a été sous les feux des projecteurs. Il faudra y réfléchir pour nos communications territoriales à venir. Les efforts menés par la puissance publique ou les opérateurs privés pour la promotion de notre patrimoine, notamment du patrimoine bâti, sont une piste à privilégier.
Les remarques des rapporteurs concernant le Pass Culture s'ajoutent à plusieurs rapports et missions, notamment de la Cour des comptes, qui s'interrogent de la même façon sur les résultats du dispositif, et son impact sur l'accès à la culture pour nos concitoyens. La question du maintien de l'enveloppe budgétaire associée à ce dispositif doit être posée, alors que la culture ne peut échapper à l'introspection dans le contexte budgétaire que vous connaissez.
J'attends de voir ce qui sera définitivement proposé par le Gouvernement avant de déterminer mes propositions.
M. Jean-Raymond Hugonet. - Le groupe de travail de la commission de la culture sur le Pass Culture que j'ai présidé avait dénoncé en son temps un projet coûteux et fumeux, dont tout le monde a bien compris qu'il n'était qu'un fait du prince censé montrer ce qu'avait fait le Président de la République pour la culture pendant son premier mandat.
Tous les rapports montrent que la cible est loin d'être atteinte. Près de 80 % des actions réalisées pour la culture dans notre pays le sont par les collectivités territoriales ! L'État gagnerait à se concentrer davantage sur les dispositifs d'éducation artistique et culturelle existants. Les crédits du Pass Culture auraient pu être utilisés de façon bien plus pertinente. Chaque euro doit être utilisé le plus opportunément possible dans tous les territoires.
M. Laurent Somon. - Le soutien à la lecture publique constitue une compétence obligatoire des départements. Or la fréquentation des bibliothèques est en baisse depuis la crise du covid-19. Les 15 500 bibliothèques de notre territoire ont besoin d'être soutenues, notamment par les collectivités territoriales. Quelles sont les orientations du Gouvernement à cet égard ?
M. Thierry Cozic. - Quelle sera la position de la commission des finances sur l'amendement du Gouvernement porteur de 300 millions d'euros de crédits ?
Des évolutions de périmètre sont-elles prévues pour l'avenir ?
M. Albéric de Montgolfier. - La Cour des comptes s'inquiète des conséquences potentielles des projets de fermeture de plusieurs établissements, notamment l'Opéra de Paris et le centre Pompidou. Elle s'inquiète notamment des pertes de recettes associées et des risques de dérive budgétaire de ces chantiers, dont le montant potentiel lui paraît sous-évalué.
Qu'en est-il par ailleurs du dossier difficile de la restauration du grand cloître de l'abbaye de Clairvaux ? Des crédits de paiement sont-ils affectés à ce projet ? Quelle est l'utilisation envisagée pour ce bâtiment ?
M. Marc Laménie. - Comment les directions régionales des affaires culturelles (Drac) contribuent-elles au financement des travaux, notamment de restauration, du patrimoine propriété des collectivités territoriales ?
Combien d'opérateurs de l'État existent-ils et comment leurs personnels se répartissent-ils ?
Enfin, quel lien est-il fait dans le budget avec les dispositions fiscales existantes, notamment celles qui bénéficient à la Fondation du patrimoine ?
M. Michel Canévet. - Je remercie les rapporteurs pour leur éclairage. Certaines politiques doivent être remises en cause, car nous devons faire des économies. Il revient aux collectivités territoriales de déployer une politique culturelle de proximité. La décentralisation est organisée depuis 1982. Pourquoi l'État ferait-il, avec le Pass Culture, la même chose que les collectivités territoriales sur le terrain ? Il y a là un choix à effectuer.
M. Pierre Barros. - Le service historique de la Défense, qui rassemble au sein du château de Vincennes des archives d'un intérêt stratégique et militaire majeur, se trouve dans des bâtiments en cours d'effondrement. Est-il prévu d'y remédier ? Le château lui-même a fait l'objet de nombreux travaux, mais la partie consacrée aux archives demeure en mauvais état.
M. Vincent Éblé, rapporteur spécial. - Les bibliothèques relèvent de la mission « Médias, livre et industries culturelles », non de la mission « Culture ».
Si l'activité du centre Pompidou risque effectivement d'être affectée par sa fermeture, le site de Massy accueillera néanmoins des manifestations culturelles et du public. Une partie des collections sera surtout exposée au Grand Palais.
Je partage par ailleurs l'inquiétude qui a été exprimée concernant la restauration du grand cloître de l'abbaye de Clairvaux. Près de 60 millions d'euros ont été budgétés pour 2024, mais le montant de 200 millions d'euros prévu pour la remise en état complète du couvert me paraît sous-estimé, compte tenu de l'immensité des lieux. Il est question ici simplement de la conservation du bâti clos et couvert, sans envisager quelque utilisation que ce soit. L'appel à projets lancé par l'État pour tenter de trouver un opérateur n'aboutira pas. Aucune initiative ne se présente donc pour cet édifice, dont la localisation dans un territoire assez éloigné des dynamiques franciliennes pose quelques difficultés.
Les collectivités locales jouent effectivement un rôle central dans la gestion du patrimoine, comme porteurs de monuments. Il en va de même pour les détenteurs de monuments privés. Les Drac apportent leur concours à ces propriétaires territoriaux, privés ou publics, par le biais de subventions.
Plus de 70 opérateurs travaillent au sein de la mission « Culture ». Nombre de ces opérateurs ont des ressources propres ou disposent de recettes fiscales, qui n'apparaissent pas dans les documents budgétaires. La Fondation du patrimoine est ainsi financée par des dispositifs fiscaux et ne fait pas l'objet d'information budgétaire à proprement parler.
Les archives de l'armée ne font pas partie des Archives nationales. Elles dépendent de leur propre ministère et ne relèvent donc pas des crédits de la mission « Culture ». Cela n'enlève rien, cependant, à la pertinence de la question posée à leur sujet. Des solutions devront être trouvées.
La dépense territoriale est au coeur de nos inquiétudes. Le fait que nous affichions, en tant que rapporteurs spéciaux, une position d'approbation des crédits ministériels ne dit rien des répercussions potentielles de la baisse des crédits des collectivités territoriales sur le secteur de la culture. Celui-ci, malheureusement, est souvent une variable d'ajustement. Dans les Pays de la Loire, par exemple, la région a ainsi annoncé la fin du subventionnement des conservatoires de musique territoriaux ; l'inquiétude est donc de mise.
Enfin, sans préjuger de l'avis de la commission, j'aurais du mal à exprimer un avis réservé sur la somme de 266 millions d'euros supplémentaires annoncée par le Gouvernement au bénéfice de missions culturelles, même si son orientation est exclusivement patrimoniale.
M. Didier Rambaud, rapporteur spécial. - Jean-Raymond Hugonet a tenu des propos très politiques - je n'entrerai pas dans le débat. Certes, on ne peut considérer le Pass Culture comme la seule solution au problème de l'inégalité devant la culture. Son objectif initial, en tous cas, était d'accroître la diversité des pratiques culturelles. Ses insuffisances sont connues, et je les ai signalées aux deux dernières ministres de la culture. Dans les zones rurales ou périurbaines, notamment, l'offre culturelle est faible. Ainsi là où j'habite, on n'y trouve ni librairie, ni cinéma, ni salle de spectacle à moins de 20 ou 30 kilomètres. Cela nous renvoie aux problématiques de la mobilité des jeunes, comme pour l'insertion professionnelle. Je l'ai dit à la ministre lors de son audition devant la commission de la culture la semaine dernière : nous devons travailler sur la question des déplacements. On voit que, lorsque l'on crée une médiathèque, par exemple, cela suscite un élan.
La lecture publique relève effectivement de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». Les collectivités territoriales y consacrent 1,4 milliard d'euros et l'État, 330 millions d'euros. D'ailleurs, les livres représentent 56 % des achats financés par le Pass Culture, contre 20 % pour le cinéma, dont la part est toutefois en hausse. Maintenant, nous devons renforcer les efforts collectifs de médiation culturelle.
La diminution des crédits consacrés à l'éducation artistique et culturelle par le premier est compensée par les montants que le second alloue au volet collectif du Pass Culture.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Culture ».
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* *
Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 13 novembre, la commission des finances a adopté, sans modification, les crédits de la mission.
Je vous propose pour cette mission l'adoption d'un amendement de crédits qui vise à limiter l'accès au Pass Culture aux seuls élèves boursiers de l'éducation nationale, soit environ un quart des jeunes scolarisés dans le second cycle de l'enseignement secondaire.
Le Pass Culture a fait l'objet de nombreuses évaluations critiques au cours des dernières années, concluant que ce dispositif, du moins pour sa part individuelle, est coûteux et largement inefficace en termes d'ouverture sociale.
M. Jean-Baptiste Olivier. - Si le dispositif est très inefficace, pourquoi le conserver ?
M. Michel Canévet. - Ne faudra-t-il pas remettre en cause une série de politiques menées par l'État si nous voulons effectivement réaliser des économies ? Si la décentralisation a conduit à confier aux collectivités territoriales un certain nombre de compétences, l'État souhaite systématiquement reproduire les dispositifs mis en place par les collectivités territoriales : il faudra faire des choix.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - À ce stade, je ne préconise pas une coupe brutale, même si je propose une réduction très sensible du dispositif. Le Pass Culture avait vocation à permettre à des populations sociologiquement éloignées de la culture d'y accéder, et j'ai choisi de conserver cet objectif.
L'amendement II-30 (FINC.1) est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Culture » tels que modifiés par son amendement.
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
Direction générale de la création artistique (DGCA)
- M. Christopher MILES, directeur général de la création culturelle ;
- Mme Carole ROBIN, adjointe à la sous-directrice des affaires financières et générales.
Centre Pompidou
- M. Laurent LE BON, président du centre Pompidou ;
- Mme Florie YALL, directrice juridique et financière.
Direction générale des Patrimoines et de l'Architecture (DGPA)
- M. Jean-François HÉBERT, directeur général ;
- Mme Sonia BAYADA, sous-directrice des affaires financières et générales.
Délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle (DG2TDC)
- M. Noël CORBIN, délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html
* 1 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 2 Loi n° 2023-1195 du 18 décembre 2023 de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.
* 3 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 4 Les crédits exceptionnels à la culture et aux industries créatives : des moyens considérables, une logique de guichet, un contrôle insatisfaisant - 2017-2023.
* 5 La loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
* 6 Cour des comptes, Le soutien du ministère de la culture au spectacle vivant, Rapport public thématique, mai 2022.
* 7 La politique de l'État en faveur du patrimoine monumental, Rapport public thématique, juin 2022.
* 8 Article 7 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.
* 9 Loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale et décret n° 2019-1250 du 28 novembre 2019 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
* 10 Des frais techniques de collecte et de gestion ramènent ce montant à 846,7 millions d'euros.
* 11 Le centre des monuments nationaux, un succès pour la politique du patrimoine, un modèle économique à préserver, rapport d'information n° 765 (2023-2024), déposé le 18 septembre 2024.
* 12 Répartition territoriale, ouverture sociale, insertion professionnelle et contrainte immobilière : les défis de l'enseignement du spectacle vivant. Rapport d'information n° 501 (2021-2022) de MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD, fait au nom de la commission des finances, 16 février 2022.
* 13 Le Pass culture face au défi de la diversification des pratiques culturelles, rapport d'information n° 866 (2022-2023), déposé le 11 juillet 2023.
* 14 Les impacts de la part individuelle du Pass Culture, IGAC 2024 - N° 2024-15.
* 15 L'évaluation de la politique d'éducation artistique et culturelle : quelles modalités, quels indicateurs ? Inspection générale de l'éducation nationale Inspection générale de l'administration de l'éducation nationale et de la recherche, août 2017.