C. PROTECTION DE L'ENFANCE : UNE POLITIQUE DÉPARTEMENTALE À LA RECHERCHE DE SOLIDARITÉ NATIONALE
1. L'aide sociale à l'enfance (ASE) est à l'origine d'une forte hausse des dépenses départementales d'hébergement et de frais de séjour
En 2023, les dépenses de frais d'hébergement en établissements médico-sociaux et en famille d'accueil des départements (14,8 milliards d'euros en 2023) ont progressé de 1 milliard d'euros (soit + 7 %). Cette hausse, supérieure à celle des prix à la consommation selon la Cour des comptes15(*), concerne principalement les frais de séjour en établissements de l'aide sociale à l'enfance (ASE), qui représentent 6,3 milliards d'euros en 2023 (soit + 11,8 % par rapport à 2022).
Les dépenses de l'ASE sont en effet très dynamiques : elles ont augmenté de 12,8 % en volume entre 2016 et 2022, du fait de la hausse du nombre d'enfants confiés par l'autorité judiciaire : leur nombre a ainsi augmenté de près d'un quart entre 2016 et 2022 (23,0 %, soit + 3,5 % en moyenne annuelle), et de 3,3 % en 2023 selon l'observatoire départemental de l'action sociale (ODAS).
Cette hausse spectaculaire résulte du nombre croissant d'enfants confiés à l'ASE, soit 208 000 environ en 2022 (+ 17,4 % depuis 2017)16(*). Parmi les enfants confiés à l'ASE, c'est surtout le nombre de mineurs non accompagnés (MNA) confiés par décision judiciaire qui explique cette augmentation : leur nombre s'est établi à 19 370 fin 2023, contre 14 782 fin 2022, soit une augmentation vertigineuse de + 31 %.
Si, comme le pense la Cour des comptes, le nombre de bénéficiaires de mesures d'aide sociale à l'enfance augmente à nouveau en 2024, les dépenses de frais de séjour et d'hébergement à la charge des départements pourraient augmenter en 2024 de 1 % à 2 % au titre de ce seul facteur démographique, avant incidence des effets directs et indirects de l'inflation.
2. Les moyens dédiés à cette politique par l'État ne sont pas à la hauteur des besoins
Les crédits destinés à soutenir les départements dans la mise en oeuvre de la politique de la protection de l'enfance s'élèvent à 305,3 millions d'euros, ce qui représente 72,9 % des crédits de l'action 17 « Protection et accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables » du programme 304.
Les crédits à destination des départements connaissent une hausse significative par rapport aux crédits budgétés dans le PLF pour 2024, dont le montant s'établissait à 291,7 millions d'euros - ce qui représente une augmentation de 4,7 % entre le PLF pour 2024 et le PLF pour 2025. Toutefois, si les rapporteurs spéciaux avaient indiqué l'année dernière devant la commission « déplore[r] que le soutien de l'État aux départements pour l'accueil des mineurs non accompagnés (MNA) diminue en 2024, comme tous les ans », le Gouvernement avait ensuite déposé au Sénat un amendement majorant de 32 millions d'euros les crédits consacrés au soutien à la prise en charge des mineurs non accompagnés par les départements.
Évolution des dépenses de
l'État en soutien aux politiques départementales
de l'enfance
entre la LFI 2024 et le PLF 2025
(en millions d'euros et en pourcentage)
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2025/2024 |
|
Stratégie nationale de protection de l'enfance |
140,0 |
120,0 |
- 14,3 % |
Prise en charge des MNA |
99,7 |
101,3 |
+ 1,6 % |
dont mise à l'abri et évaluation de la minorité |
35,8 |
66,2 |
+ 84,9 % |
dont MNA confiés à l'ASE |
31,9 |
35,1 |
+ 10,0 % |
dont amendement gouvernemental adopté au Sénat |
32,0 |
|
|
Actions nationales |
84,0 |
84,0 |
0 % |
dont plan jeunes majeurs |
50,0 |
50,0 |
0 % |
dont Ségur PMI |
20,0 |
20,0 |
0 % |
dont soulte Castex |
14,0 |
14,0 |
0 % |
Total |
323,7 |
305,3 |
- 5,7 % |
Source : commission des finances du Sénat
Si l'on prend en compte cet amendement, les crédits dédiés à la prise en charge des MNA augmentent toujours par rapport à la LFI pour 2024 (+ 1,6 %). Toutefois, les crédits dédiés à la stratégie nationale de protection de l'enfance passent de 140 à 120 millions d'euros (- 14,3 %). Si le Gouvernement mentionne que cette baisse tient simplement compte du niveau de consommation constaté, il omet de mentionné, comme l'a indiqué l'ADF aux rapporteurs spéciaux, que les financements sont décaissés à l'été ce qui ne laisse guère de temps aux départements pour les consommer. Enfin, les crédits dédiés aux actions nationales (plan visant à éviter les sorties « sèches » de l'ASE des jeunes majeurs, compensation du Ségur dans les centres de protection maternelle infnatile (PMI) et compensation des revalorisations salariales via la « soulte Castex ») n'évoluent pas. Ainsi, les crédits proposés dans le PLF pour 2025 sont inférieurs de 5,7 % aux crédits ouverts en LFI pour 2024, soit bien en deçà des besoins.
Si les rapporteurs spéciaux regrettent cette tendance, ils ne peuvent qu'en prendre acte et renvoyer, pour protéger les départements, aux mesures concernant spécifiquement les collectivités territoriales.
* 15 Cour des comptes, Les finances publiques locales 2024, Fascicule n° 1, juillet 2024.
* 16 Ibid.