B. L'INTROUVABLE FINANCEMENT DE « LA MOITIÉ DE LA MOITIÉ » DE LA COMPLÉMENTAIRE OBLIGATOIRE DANS LES ESAT

Les associations entendues par les rapporteurs spéciaux les ont également alertés sur les difficultés que rencontreront à l'avenir les établissements et services d'aide par le travail (ESAT). L'ESAT est en effet un milieu de travail particulier et protecteur : les travailleurs n'y sont pas des salariés, mais des usagers d'une structure médico-sociale ; en conséquence, ils ne bénéficient pas des droits afférents au salariat.

Le programme 157 porte, outre les crédits dédiés à l'allocation adulte handicapé (AAH), les crédits alloués à l'aide aux postes des établissements et services d'aide par le travail (ESAT) au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Cette enveloppe, budgétée sur la même action que l'AAH, s'élèverait à 1 599 millions d'euros pour 2025, soit une baisse de 0,9 % par rapport à 2024.

Cette aide au poste, versée à l'ESAT, permet à ces établissements de couvrir les charges, cotisations sociales, contributions au compte personnel de formation et de la prévoyance des travailleurs en ESAT. L'autre part de la GRTH est financée par l'ESAT. Plus de 14 000 ESAT accompagnent ainsi quelque 120 000 personnes

Depuis 2021, le Gouvernement a mis en oeuvre un plan de transformation des ESAT, visant à réduire la spécificité du modèle de l'ESAT au regard du « milieu ordinaire ». Ce plan a consisté :

- s'agissant des droits fondamentaux, à ouvrir aux travailleurs en ESAT des droits individuels et collectifs des salariés : extension du droit à congé élection d'un délégué des travailleurs, etc. ;

s'agissant du rapprochement entre le milieu protégé - l'ESAT - et le milieu ordinaire, la mesure phare du « plan ESAT » consiste en la mise en oeuvre d'un parcours renforcé en emploi, visant à favoriser les « sorties » d'ESAT tout en sécurisant de potentiels « retours ». À ce titre, le travailleurs en ESAT peuvent depuis 2023 travailler à mi-temps en milieu ordinaire, et ce sans perdre le bénéfice de l'AAH.

Entendues par les rapporteurs spéciaux, l'ensemble des associations du secteur du handicap est convenu que la convergence des droits des travailleurs en ESAT avec le droit commun du travail « va dans le bon sens. » Toutefois, ces associations ont regretté que les moyens alloués dans le PLF pour 2025 ne soient pas à la hauteur des enjeux.

L'absence de participation de l'État, via l'aide au poste par exemple, au financement de la complémentaire santé, désormais obligatoire pour les travailleurs en ESAT, concentre les critiques. Cette mesure, décidée dans le cadre de la loi pour le plein emploi27(*) et pleinement approuvée par les associations et les rapporteurs spéciaux dans son principe, aura assurément un impact délétère sur les finances des ESAT. Le rapport des inspections générales des finances (IGF) et des affaires sociales (Igas) publié en février dernier28(*) indique ainsi que la part des ESAT en déficit passerait de 29 % avant la réforme à entre 41 et 43 % après la réforme.

D'après une enquête menée par l'Unapei auprès de 250 ESAT de son réseau en octobre 2023, pour 78 % d'entre eux ces difficultés financières impacteront directement l'accompagnement des travailleurs. Selon l'Unapei, le risque est important qu'une sélection à l'entrée s'effectue, afin d'assurer une plus grande productivité, au détriment des travailleurs qui auraient le plus besoin d'un accompagnement médico-social, et qui seraient du fait des retentissements de leur handicap, les plus éloignés du monde du travail. Ces difficultés pourraient également engendrer une fermeture des ateliers les moins rentables, généralement plus accessibles aux travailleurs les moins autonomes.

La DGCS a indiqué aux rapporteurs spéciaux envisager de financer à hauteur de 50 % la part « employeur » de la complémentaire santé - qui représente elle-même 50 % du total. La prise en charge de « la moitié de la moitié » de la complémentaire santé des travailleurs en ESAT aurait un coût estimé de 23 millions d'euros pour les finances publiques.

En conclusion, les rapporteurs spéciaux notent, non sans regret, que leurs observations passées quant aux « dangers » du rapprochement entre le statut de travailleurs en ESAT et le statut de salarié restent d'actualité.


* 27 Loi n° 2023-1196 du 18 décembre 2023 pour le plein emploi.

* 28 IGF-Igas, Convergence des droits des travailleurs handicapés en établissement et services d'aide par le travail (ESAT) vers un statut de quasi-salarié, février 2024.

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