PREMIÈRE PARTIE
LES GRANDS ENJEUX BUDGÉTAIRES
DE LA MISSION « SOLIDARITÉ, INSERTION
ET ÉGALITÉ DES CHANCES » EN 2025

I. LES CRÉDITS DEMANDÉS POUR 2025 S'ÉLÈVENT À PLUS DE 30 MILLIARDS D'EUROS, PRINCIPALEMENT AU TITRE DE LA PRIME D'ACTIVITÉ ET DE L'ALLOCATION AUX ADULTES HANDICAPÉS

A. UNE MISSION PERMETTANT LE FINANCEMENT DE DIVERSES POLITIQUES DANS LE DOMAINE DE L'INCLUSION SOCIALE, DU HANDICAP ET DE L'ÉGALITÉ ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » porte les politiques publiques de solidarité et de cohésion sociale de l'État en faveur des personnes les plus fragiles.

Les autorisations d'engagement (AE) demandées s'élèvent à 30,4 milliards d'euros en projet de loi de finances (PLF) pour 2025 contre 31,0 milliards d'euros en loi de finances initiale (LFI) pour 2024, soit une baisse de 2,01 %.

Les crédits de paiement (CP) demandés s'élèvent également à 30,4 milliards d'euros en PLF 2025, contre 31,1 milliards d'euros en LFI 2024, soit une baisse de 2,33 %.

Pour 2025, la mission se décompose en trois programmes :

le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » porte notamment les crédits de la prime d'activité. Il permet de financer les politiques d'aide alimentaire, les actions relatives à la qualification en travail social, les mesures de protection juridique des majeurs, des actions de protection et d'accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables, ainsi que l'aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine. Il concourt entre autres au financement du « Pacte des solidarités », qui fait suite à la stratégie interministérielle de prévention et de lutte contre la pauvreté. Les crédits demandés s'élèvent à 14,3 milliards d'euros en AE et en CP, soit une baisse de 0,16 % par rapport à la LFI 2024 ;

le programme 157 « Handicap et dépendance » porte notamment les crédits de l'allocation aux adultes handicapés (AAH). Il assure également le financement de l'aide au poste versée aux établissements et services d'aide par le travail (ESAT) ainsi que le dispositif d'emploi accompagné. Le programme finance en outre des actions de lutte contre la maltraitance des personnes dépendantes. Les crédits demandés pour 2025 s'élèvent à 16,0 milliards d'euros en AE comme en CP, soit une hausse de 4,19 % par rapport à la LFI 2024 ;

- enfin, le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » vise notamment à financer des actions d'accès au droit, de lutte contre les violences faites aux femmes et destinées à favoriser l'émancipation économique des femmes. Les crédits demandés pour 2025 s'élèvent à 85,1 millions d'euros en AE et en CP, soit une nette hausse de 9,96 % en AE et en CP ;

Le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales », qui constituait le programme d'appui et de soutien aux politiques du ministère des solidarités et de la santé, notamment en finançant les agences régionales de santé (ARS), qui portait l'ensemble des emplois de la mission, est supprimé. La plupart des crédits de ce programme ont été budgétés pour 2025 au sein du programme 155 « Soutien des ministères sociaux » de la mission « Travail et emploi » : c'est notamment le cas des dépenses afférentes aux personnels des ministères sociaux (dans les domaines des politiques sanitaires et sociales ou encore des droits des femmes).

1. Si le transfert du programme « support » vers une autre mission laisse penser que les crédits de la mission « Solidarité » diminuent, ils connaissent en réalité une augmentation

La mission est affectée cette année d'une importante mesure de périmètre, qui consiste en la suppression du programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales ». Cette évolution significative de la maquette budgétaire, qui fait du directeur général de la cohésion sociale (DGCS) l'unique responsable de tous les programmes (RProg) de la mission, a été décidée à des fins de simplification de la gestion, du point de vue du secrétariat général chargé des affaires sociales (SGCAS), des fonctions supports de l'ensemble des ministères sociaux qu'il chapeaute.

Du fait de la suppression de l'un des quatre programmes de la mission, qui portait 1 257,9 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 1 354,7 millions d'euros en crédits de paiement (CP), les dépenses de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » semblent connaitre une légère diminution en 2025 (- 2,01 % en AE et - 2,33 % en CP) à périmètre courant.

Cette diminution tient toutefois du trompe l'oeil : à périmètre constant, les crédits de la mission augmentent en réalité de plus de 2,13 % en AE et 2,12 % en CP entre la LFI 2024 et le PLF 2025.

Les crédits des programmes de la mission « Solidarité, insertion
et égalité des chances » en LFI 2024 et en PLF 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Programme

LFI 2024

PLF 2025

Variation 2025/2024

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

14 283,9

14 285,1

14 261,8

14 262,9

- 0,16 %

- 0,16 %

Programme 157 « Handicap et dépendance »

15 381,8

15 381,8

16 030,4

16 025,6

+ 4,22 %

+ 4,19 %

Programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes »

77,4

77,4

85,1

85,1

+ 9,96 %

+ 9,96 %

TOTAL (périmètre constant)

29 743,1

29 744,2

30 377,2

30 373,6

+ 2,13 %

+ 2,12 %

Programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales »

(programme supprimé)

1 257,9

1 354,7

0,0

0,0

- 100,00 %

- 100,00 %

TOTAL (périmètre courant)

31 001,0

31 098,9

30 377,2

30 373,6

- 2,01 %

- 2,33 %

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux relèvent également que, et ce n'est pas un hasard, la consolidation des fonctions support s'est fait au profit de la mission « Travail et emploi », qui enregistre une forte diminution de ces crédits à périmètre constant, et non au profit de la mission « Solidarité » dont les crédits augmentent à périmètre constant, alors qu'au dire de l'administration le choix de la mission récipiendaire importait peu. La rationnalisation administrative rejoint donc le souci de l'affichage : au lieu d'afficher une mission en très forte hausse et une mission en très forte baisse, le PLF pour 2025 donne à voir des variations atténuées par rapport à la LFI pour 2024.

La comparaison des crédits proposés pour 2025 avec l'exécution pour 2024 est rendue d'autant plus complexe que, du fait des nombreuses mesures de régulation budgétaire adoptées par le Gouvernement en cours d'année, l'atterrissage de la mission à fin 2024 apparaît très incertain.

2. L'atterrissage de l'exécution 2024, perturbé par les annulations, gels et surgels de crédits, est encore incertain

En 2024, la mission a connu, selon le directeur général de la cohésion sociale, une « exécution perturbée » du fait de l'annulation par décret, dès février1(*), de la somme de 287 millions d'euros d'AE et de CP.

Cette somme, qui correspond aux seuls crédits annulés sur les trois programmes restants de la mission (à l'exclusion donc des 20 millions d'euros annulés sur le programme 124 depuis supprimé), a porté principalement sur le programme 157 « Handicap et dépendance », mais a également touché les programmes 304 et 137.

Récapitulatif de l'exécution du premier semestre 2024

(en millions d'euros)

Programme

LFI 2024 

Reports entrants de 2023

Annulations premier semestre

Crédits gelés premier semestre

Autres mouvements premier semestre

Crédits engagés au 30 juin

Crédits disponibles au 30 juin

 
 

304

AE

14 283,9

55,8

50,0

241,0

- 17,1

12 972,5

1 059,1

 

CP

14 285,1

87,2

50,0

241,0

- 17,1

7 449,8

6 614,4

 

157

AE

15 381,8

2,5

230,0

0,0

0,0

14 288,5

865,8

 

CP

15 381,8

3,0

230,0

0,0

0,0

7 606,1

7 548,7

 

137

AE

77,4

0,2

7,0

0,0

0,0

27,3

43,4

 

CP

77,4

0,9

7,0

0,0

0,0

17,0

54,3

 

Total mission

AE

29 743,1

58,6

287,0

241,0

- 17,1

27 288,3

1 968,2

 

CP

29 744,2

91,1

287,0

241,0

- 17,1

15 072,8

14 217,4

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

a) Le programme « Inclusion sociale et protection des personnes » (P304), peu affecté par les annulations de crédits, a subi des gels importants

Durant le premier semestre 2024, le programme 304 a subi une annulation de 50 millions d'euros. Si cette annulation, très faible en proportion des crédits très importants de ce programme en LFI pour 2024 (14,3 milliards d'euros), a porté pour l'essentiel sur les crédits de :

- la prime d'activité (PA), à hauteur de 44,4 millions d'euros, soit à 0,3 % des 12,7 milliards d'euros budgétés ;

- la protection juridique des majeurs (PJM), pour 3 millions d'euros, soit également 0,3 % des 857,6 millions d'euros alloués à ce poste de dépenses ;

- la protection de l'enfance, pour 1,2 million d'euros, soit à nouveau moins de 0,3 % des 344 millions d'euros qui y sont dédiés.

Ces montants, symboliques compte tenu de l'ampleur des moyens alloués au programme 304, sont bien moindres que les montants « gelés » c'est-à-dire mis en réserve et soustraits à l'administration compétente par le ministère des finances. Au cours du premier semestre 2024, les crédits gelés sur le programme 304 ont ainsi représenté 241 millions d'euros, répartis :

- pour l'essentiel sur la prime d'activité, à hauteur de 212,7 millions d'euros au 30 juin 2024 ;

- sur les crédits dédiés à la protection de l'enfance, à hauteur de 21,1 millions d'euros au 30 juin 2024.

b) Le programme « Handicap et dépendance » (P157) a été le principal concerné par les annulations de crédits décidées par le précédent Gouvernement

Les annulations de crédits décidées par le précédent Gouvernement ont été plus importants s'agissant du programme 157, où ils ont représenté 230 millions d'euros, soit 1,5 % des crédits du programme. La quasi-totalité de cette somme (229,7 millions d'euros) a été imputé sur l'action 12, qui finance notamment l'allocation aux adultes handicapés (AAH) et l'aide au poste des travailleurs en établissements et services d'aide par le travail (ESAT).

Le programme 157 n'a toutefois fait l'objet d'aucune mesure de gel durant le premier semestre 2024.

c) Le programme « Égalité entre les femmes et les hommes » (P137) a subi une annulation importante en proportion des crédits initialement budgétés

Bien que facialement peu concerné, le programme 137 a subi les coupes budgétaires les plus importantes avec le décret d'annulation du 21 février 2024. En effet, 7 millions d'euros ont été annulés, soit 9 % des crédits du programme. Cette annulation a principalement porté sur :

l'action 24 « Accès aux droits et égalité professionnelle », pour 2 millions d'euros soit 8 % des crédits de cette action qui permet notamment le financement des centres d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) ou encore des espaces de vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) ;

- la nouvelle aide universelle d'urgence pour les victimes de violences (AUU ou AUUVV), à hauteur de 3,3 millions d'euros, soit près d'un quart de son montant initialement budgété pour 2024 (13 millions d'euros).

Comme le programme 157, le programme 137 n'a pas connu de mesure de gel.

d) Un atterrisage incertain de la mission en 2024, faute de précisions sur les « surgels » décidés en septembre et en l'absence d'un projet de loi de finances de fin de gestion

Au second semestre 2024, de nouvelles mises en réserve (« surgels ») ont été décidées par le précédent Gouvernement, alors démissionnaire.

Récapitulatif des mises en réserve, hors titre 2, appliquées en 2024
sur les trois programmes restants de la mission

(en millions d'euros et en pourcentages)

Programme

LFI 2024 

Réserve initiale

Réserve au 8 avril 2024

Réserve au 14 août 2024

Part des crédits initialement budgétés mis en réserve

 
 

304

AE

14 283,9

71,4

244,3

539,6

3,8 %

 

CP

14 285,1

71,4

244,3

539,6

3,8 %

 

157

AE

15 381,8

76,9

0,0

149,3

1,0 %

 

CP

15 381,8

76,9

0,0

149,3

1,0 %

 

137

AE

77,4

4,2

0,0

0,0

0,0 %

 

CP

77,4

4,2

0,0

0,0

0,0 %

 

Total mission

AE

29 743,1

152,5

244,3

688,9

4,7 %

 

CP

29 744,2

152,5

244,3

688,9

4,7 %

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Ces surgels se sont principalement concentrés sur le programme 304, dont la mise en réserve a été portée à 539,6 millions d'euros (soit 3,8 % des crédits) et le programme 157 à hauteur de 149,3 millions d'euros (soit 1 % des crédits).

L'absence, à ce stade, de dépôt d'un projet de loi de finances rectificative (PLFR) - ou, plus probablement, d'un projet de loi de finances de fin de gestion (PLFG) - rend encore plus difficile la comparaison entre l'exécution 2024, encore incertaine, et les propositions budgétaires du Gouvernement pour 2025.

Un tel PLFR/PLFG sera en tout état de cause nécessaire, compte tenu du très faible niveau des crédits disponibles au 30 juin 2024 - c'est-à-dire avant l'application d'une nouvelle mise en réserve. Si l'insuffisance des crédits disponibles sur les principales prestations servies par la mission (prime d'activité, AUUVV) n'est pas préjudiciable pour les bénéficiaires dans la mesure où ces prestations sont versées non par l'État directement mais par les caisses d'allocations familiales, il n'est guère de bonne gestion d'accumuler les créances de la sphère sociale sur l'État.

L'exécution de l'aide universelle d'urgence, pour laquelle les crédits disponibles étaient déjà négatifs en AE au 30 juin 2024, doit en particulier faire l'objet d'un suivi vigilant.

La direction générale de la cohésion sociale, entendue par les rapporteurs spéciaux, a confirmé la nécessité d'ouvrir de nouveaux crédits pour 2024 compte tenu de l'évolution des dépenses de guichet, que le niveau des crédits restant disponibles ne permet pas de couvrir.


* 1 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.

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