II. UNE HAUSSE DES DÉPENSES D'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT, QU'IL IMPORTE DE MAITRISER

Le programme 183 « Protection maladie » est quasi-exclusivement constitué des crédits destinés à l'aide médicale d'État (AME), créée en 199910(*).

Les différents dispositifs d'aide médicale d'État

L'aide médicale d'État (AME) recouvre plusieurs dispositifs :

1. L'AME de droit commun est consacrée à la protection de la santé des personnes étrangères vivant en France depuis au moins trois mois consécutifs en situation irrégulière et, de ce fait, non éligibles à la protection universelle maladie (PUMa). Ces personnes ne doivent pas disposer de ressources dépassant un certain plafond annuel (10 166 euros pour une personne seule en métropole en 2024). Elle permet un accès de ce public à des soins préventifs et curatifs et doit permettre de juguler le risque d'extension d'affections contagieuses non soignées au sein de la population. Gérée par l'Assurance maladie, elle représente 1 248,6 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances, soit 94,6 % des crédits de l'action n° 2 ;

2. L'AME pour soins urgents concerne les étrangers en situation irrégulière, sans condition de résidence, dès lors que leur pronostic vital est engagé ou qu'ils sont victimes d'une altération grave et durable de leur état de santé. Les soins sont réglés par l'Assurance maladie, qui bénéficie d'une subvention forfaitaire versée par l'État. Cette dotation a été portée à 70 millions d'euros en 2022, pour s'ajuster aux dépenses effectivement constatées, et son montant est inchangé pour 2025 ;

3. Enfin, de manière beaucoup plus limitée et pour un montant évalué à 1 million d'euros pour 2025, identique à celui de 2024, sont financées par l'AME :

- L'AME humanitaire, qui vise les prises en charge ponctuelles de soins hospitaliers de personnes françaises ou étrangères ne résidant pas sur le territoire. Cette couverture est accordée au cas par cas par le ministère chargé de l'action sociale et doit permettre, chaque année, à une centaine de personnes disposant de faibles revenus de régler une dette hospitalière ;

L'aide médicale accordée aux personnes gardées à vue qui se limite à la prise en charge des médicaments - si l'intéressé ne dispose pas des moyens nécessaires à leur acquisition - et aux actes infirmiers prescrits, ainsi que l'aide médicale fournie aux personnes placées en rétention administrative pour les soins prodigués à l'extérieur des lieux de rétention.

Ces deux dispositifs donnent lieu à des délégations de crédits aux directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités.

Source : commission des finances du Sénat

Il comporte également une dotation de 8 millions d'euros destinée au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) dont le montant, inchangé depuis 2017, ne représente qu'un très faible part des ressources du fonds (8 millions d'euros prévus en 2025), celles-ci étant majoritairement constituées d'une dotation de la branche « accidents du travail - maladies professionnelles » de la sécurité sociale. Cette dotation est versée au titre de la prise en charge, par la solidarité nationale, de l'indemnisation des victimes non professionnelles de l'amiante.

L'aide médicale d'État, pour sa part, augmente de 9,2 %, passant de 1 208,3 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2024 à 1 319 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2025.

Évolution des dépenses de l'aide médicale d'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. UNE HAUSSE CONSTANTE DU NOMBRE DE BÉNÉFICIAIRES DE L'AME

En dépit d'une progression soutenue du nombre moyen de bénéficiaires sur l'année (+ 11,6 %), les dépenses d'AME de droit commun ont reculé en 2020 (- 5,5 %). Inversement, on constate en 2021 une moindre progression du nombre moyen de bénéficiaires (+ 3,3 %) et une nette augmentation des dépenses (+ 9,8 %).

En 2023, l'augmentation du nombre moyen de bénéficiaires sur l'année s'est poursuivie à un rythme accéléré de 11 %, après une hausse de 8 % en 2022. On comptait, fin 2023, 456 689 bénéficiaires de l'AME de droit commun, soit environ 45 000 de plus qu'un an auparavant (411 364).

Une décélération de l'évolution du nombre de bénéficiaires aurait toutefois été entamée en 2024 et en 2025, une hausse de 1,1 % du nombre de bénéficiaires étant anticipée par la direction de la sécurité sociale pour 2025. En particulier, les bénéficiaires de soins de ville et de produits de santé augmenteraient de 1,2 % et 1,1 % respectivement en 2025. En revanche, la dynamique des bénéficiaires de prestations hospitalières est anticipée comme importante, avec une hausse de 5 % entre 2024 et 2025. Il y aurait un effet de rattrapage, la consommation de prestations hospitalières n'ayant pas retrouvé son niveau d'avant crise.

Évolution du nombre moyen de bénéficiaires des dépenses d'AME
de droit commun et des crédits alloués

(en million d'euros et en nombre de bénéficiaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

De même, après une faible augmentation entre 2021 et 2022 (+ 2 %) et une forte hausse en 2023 (+ 11 %), la progression des dépenses d'AME retrouverait en 2024 son rythme tendanciel d'avant crise, à 5,7 %. Une forte hausse des dépenses, de 9,2 %, est pourtant anticipée pour 2025 pour l'AME de droit commun, représentant 111 millions d'euros. En effet, il faut noter que la consommation anticipée pour 2024 d'AME de droit commun est de 1 209 millions d'euros, alors que seuls 1 137 millions d'euros ont été votés en LFI 2024. Une partie de la hausse des crédits anticipée en 2025 est liée à un objectif de remboursement de la dette contractée par l'État envers l'ACOSS en 2024, à hauteur de 72 millions d'euros. Le reste est lié à l'augmentation anticipée du nombre de bénéficiaires de l'AME ainsi que des dépenses pour 2025.

La dépense moyenne annuelle par bénéficiaire s'élevait à 2 480 euros en 2023. À titre de comparaison, la dépense moyenne de la population générale couverte par l'Assurance maladie obligatoire était de 2 706 euros en 2021.

Nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun en fin d'année

(1) Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion. L'AME ne s'applique pas à Mayotte.

(2) Les données après le premier trimestre 2024 ne sont pas disponibles à ce jour.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire

Le dispositif est significativement concentré sur l'Île-de-France, qui totalise plus de la moitié des bénéficiaires, et la Guyane, qui en représente près de 10 % ; il n'est pas applicable à Mayotte. Dans ce département, une participation forfaitaire est demandée aux patients en situation irrégulière, dont le nombre est difficile à évaluer11(*). L'essentiel des frais de santé correspondants est financé par l'Assurance maladie, sur les crédits du Fonds d'intervention régional12(*) (FIR).


* 10 Loi n° 99-641 du 27 juillet 1999 concernant la couverture maladie universelle.

* 11 Selon l'Insee, en 2015, la moitié des étrangers non natifs de Mayotte se trouvait en situation administrative irrégulière (Insee analyses La Réunion Mayotte, n° 12, mars 2017), soit sans doute plus de 40 000 personnes compte tenu du nombre d'étrangers nés à l'étranger, évalué à près de 82 000 en 2017 (Insee, « À Mayotte, près d'un habitant sur deux est de nationalité étrangère », Insee Première, n° 1737, février 2019).

* 12 Voir à ce sujet le rapport d'information n° 833 (2021-2022) de la commission des affaires sociales : Mayotte : un système de soins en hypertension - juillet 2022.

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