II. UNE STABILISATION DES DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX ÉCONOMIQUES
A. UNE ACTION QUI ÉVOLUE AVEC LE NIVEAU DE LA CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE
L'action 1 porte les remboursements et dégrèvements des impôts économiques : essentiellement la contribution économique territoriale (CET) composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) mais également la taxe sur les surfaces commerciales et les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (IFER).
En PLF 2025, les crédits évalués au titre de l'action « Contribution économique territoriale et autres impôts économiques » s'établissent à 1,4 milliard d'euros. Ils enregistrent une baisse de 12,1 % par rapport aux crédits votés en loi de finance pour 2024, soit 190 millions d'euros, mais sont stables par rapport aux dernières estimations à date pour l'année 2024.
Les remboursements et dégrèvements de cette action résultent principalement de trois dispositifs :
- le plafonnement26(*) de la contribution économique territoriale (CET) en fonction de la valeur ajoutée des entreprises, applicable lorsque la somme de la cotisation foncière (CFE) et de la cotisation sur valeur ajoutée (CVAE) de l'entreprise excède 1,625 % de sa valeur ajoutée27(*). Ce taux a été ramené à 1,25 % en 2024 ;
- les restitutions de Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) et de Taxe Additionnelle à la CVAE (TA-CVAE). À compter de 2023, de même que les restitutions de TA-CVAE, l'ensemble des restitutions de CVAE transite par le programme 201, corrélativement à la budgétisation de la CVAE ;
- les dégrèvements en matière de CET destinés à rectifier une erreur ou suite à une procédure contentieuse non directement liée à l'un des dispositifs susmentionnés.
B. L'ISSUE D'UNE BAISSE CONTINUE DES CRÉDITS QUI S'EXPLIQUE PAR LES EFFETS DE LA RÉFORME DES IMPÔTS DE PRODUCTION ET LA PERTE D'AUTONOMIE FISCALE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES
1. L'impact du premier volet de la réforme des impôts de production en 2021 et 2022
La contraction du montant des crédits en 2020 et 2021 s'expliquait principalement par les effets de la réforme des impôts de production découlant des articles 3 et 4 de la loi de finances initiale pour 2021.
En premier lieu, l'article 3 a abaissé, à compter de 2021, le taux de CVAE (division par deux de ce taux qui passe de 1,5 % à 0,75 %) en supprimant la part de CVAE (50 %) affectée à l'échelon régional. Corrélativement, le schéma de financement des régions a été revu en substituant à la CVAE une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée.
La conséquence de cette mesure est ainsi une division par deux du montant de l'imposition due par les entreprises au titre de la CVAE, soit une baisse d'environ 7,2 milliards d'euros.
En second lieu, l'article 4 procède à une réforme des modalités d'établissement de la valeur locative cadastrale des locaux industriels qui intervient dans l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties et sur la cotisation foncière des entreprises. L'allègement d'impôt est estimé à 1,75 milliard d'euros pour la taxe foncière sur les propriétés bâties et à 1,54 milliard d'euros pour la cotisation foncière, soit un total de 3,3 milliards d'euros. Elle correspond à une diminution des taux applicables de 8 % à 4 % pour les sols et terrains et de 12 % à 6 % pour les constructions et installations foncières.
La baisse de recettes pour les communes et EPCI impactés par cette réforme a été compensée par l'institution d'un prélèvement sur recettes de l'État.
2. Le PLF 2025 prévoit un report de la suppression de la CVAE à 2029 et une dégradation de la compensation accordée aux collectivités
Après la suppression de la part de CVAE affectée aux régions en loi de finances initiale pour 2021, la loi de finances pour 2023 a prévu la suppression totale de la CVAE sur deux ans (2023 et 2024).
Cet impôt local a généré 9,7 milliards de produit fiscal en 2021 et 9,4 milliards d'euros en 2022 pour les collectivités, soit 11 % de leurs recettes fiscales. Il était perçu par l'État qui en dégrevait environ un quart, territorialisait le produit à hauteur de 60 % pour le bloc communal et de 40 % pour les départements et le répartissait selon le nombre d'établissements des entreprises concernées sur chaque territoire, mais aussi en fonction d'une clé de répartition basée sur les deux tiers selon les équivalents temps plein (ETP) déclarés par les entreprises et sur un tiers selon les bâtiments sur les bases foncières de la CFE.
Le PLF 2024 prévoyait cependant un étalement jusqu'en 2027 pour la suppression de la deuxième moitié de la CVAE. Dans un contexte budgétaire contraint, l'article 15 du PLF 2025 reporte de trois ans la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.
Cette suppression partielle en 2023, éventuellement totale en 2029 était initialement compensée à l'euro près par une fraction de TVA.
Cette fraction de TVA est divisée chaque année en deux parts :
- une part fixe correspondant à la moyenne de leurs recettes de CVAE des années précédentes. La CVAE étant variable d'une année sur l'autre, il était effectivement nécessaire de se baser sur une moyenne pluriannuelle ;
- une seconde part correspondant à la dynamique, si elle est positive, de la fraction de TVA calculée au niveau national. Cette fraction sera affectée à un fonds national d'attractivité économique des territoires (FNAET) dont les modalités de répartition ont été arrêtées par décret. Ce mécanisme doit permettre de maintenir l'incitation pour ces collectivités et groupements de communes à attirer de nouvelles activités économiques sur leur territoire.
Le rapporteur spécial ne peut toutefois que constater que le gouvernement est revenu sur ses engagements, en proposant dans le PLF 2025 une stabilisation en valeur au titre de 2025 des fractions de TVA affectées aux collectivités locales. Sur les gains d'1,5 milliard d'euros annoncés par le gouvernement, ce gel représente un manque à gagner sur la compensation de la CVAE de l'ordre de 635 millions d'euros.
3. L'impact prévisible de la perte d'autonomie financière des collectivités territoriales
Les mesures de compensation de cette réforme génèrent - comme celles relatives à la réforme de la taxe d'habitation - une perte d'autonomie financière pour les collectivités territoriales.
Face à l'incertitude sur les recettes fiscales locales, des effets de bord se matérialisent déjà avec le relèvement des taux des taxes foncières décidés par les collectivités locales.
Ainsi, en 2023, la part de TVA était la première recette des départements (40 %) et des régions (63 %). Elle pèse par ailleurs pour 18 % dans les recettes du bloc communal.
Composition des recettes fiscales des
départements (à gauche)
et des régions (à
droite) en 2023
Source : Direction du budget - Annexe sur la situation des finances publiques locales
La question de l'autonomie fiscale des collectivités se pose donc désormais avec une acuité particulière. En effet, les récentes réformes de la fiscalité locale ont détérioré l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, cette dernière s'établissant désormais, après le remplacement de la CVAE par une part d'impôt national partagé (TVA), à 40,7 % pour le bloc communal, 24,8 % pour les départements et 31,8 % pour les régions.
Pour autant, leur autonomie financière a augmenté ces dernières années. En effet, d'après les données issues du dernier rapport pris en application de l'article 5 de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 et relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, le ratio d'autonomie financière s'élève à 71,3 % pour le bloc communal, 75,6 % pour les départements et 73,6 % pour les régions en 2022 (dernières données disponibles).
Ce delta réside dans le fait que la loi ne reconnait que l'autonomie financière des collectivités et non celui d'autonomie fiscale. Or, l'autonomie financière est définie en se basant sur une acception large de la notion de ressources propres incluant non seulement les ressources fiscales sur lesquelles les collectivités ont un certain pouvoir, mais aussi celles sur lesquelles elles n'ont aucune prise.
Il en résulte que l'ensemble des impôts (locaux et nationaux) affectés aux collectivités sont considérés comme des ressources propres.
Or, cette définition est antérieure aux réformes de la fiscalité locale intervenue depuis 2010 (suppression de la taxe professionnelle, suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, suppression de la CVAE).
Aussi, il en résulte que même si le ratio d'autonomie financière a augmenté depuis 2003, cette progression, comme le souligne la Cour des comptes28(*), ne rend pas compte de la perception des élus locaux d'une perte de maitrise de leurs ressources en raison de la part croissante de la fiscalité nationale au sein de leurs ressources propres.
Surtout, le rapporteur spécial constate avec ce projet de loi de finances que les risques d'une perte d'autonomie sont tout sauf théoriques, les collectivités ne pouvant plus se projeter et s'appuyer sur des ressources propres prévisibles, étant désormais à la merci de transferts de fiscalité accordés par le gouvernement.
* 26 Ce plafonnement ne peut avoir pour effet de ramener la CET à un montant inférieur à la cotisation minimum de la cotisation foncière des entreprises (CFE, article 1647 D du CGI).
* 27 Le taux de 1,625 % a été adopté en loi de finances initiale pour 2023. Il était précédemment de 3 % puis de 2 % à compter de la LFI pour 2021.
* 28 Rapport de la Cour des comptes sur « Les scénarios de financement des collectivités territoriales » - octobre 2022.