N° 144

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 novembre 2024

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme rejeté par l'Assemblée nationale, pour 2025,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 27

REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS

Rapporteur spécial : M. Pascal SAVOLDELLI

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Michel Canévet, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; Mmes Marie-Carole Ciuntu, Frédérique Espagnac, MM. Marc Laménie, Hervé Maurey, secrétaires ; MM. Pierre Barros, Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mmes Florence Blatrix Contat, Isabelle Briquet, MM. Vincent Capo-Canellas, Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Jean-Baptiste Olivier, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean-Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 324, 459, 462, 468, 471, 472, 486, 524, 527, 540 et T.A. 8

Sénat : 143 et 144 à 150 (2024-2025)

L'ESSENTIEL

En PLF 2025, les crédits évalués de la mission « Remboursements et dégrèvements » s'élèvent à 147,1 milliards d'euros, en hausse de 4,7 % par rapport à la loi de finances pour 2024, mais en baisse de 2,2 % par rapport à la dernière estimation à date pour l'année 2024. Depuis 2001, les crédits de la mission ont enregistré une hausse de 142 % avec une tendance inverse entre les crédits du programme 200 (impôts d'État) qui progressent de 182 % et les crédits du programme 201 (impôts locaux) qui reculent de 56 % du fait de la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales et des réformes successives des impôts de production.

Évolution des remboursements et dégrèvements (exécution) depuis 25 ans

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

I. POUR LES « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPOTS D'ÉTAT », UNE ANNÉE 2025 PRÉVUE EN LÉGÈRE BAISSE PAR RAPPORT À DES CRÉDITS FORTEMENT REVUS À LA HAUSSE AU COURS DE L'ANNÉE 2024

Alors que la loi de finances pour 2024 prévoyait un niveau de crédits en baisse par rapport à l'année 2023, les dernières estimations à date font apparaître des niveaux de consommation des crédits bien supérieurs et qui reflètent pour l'essentiel des sous-estimations initiales des montants des remboursements et restitutions associées à la mécanique de l'impôt.

Malgré le constat de cette sous-estimation en 2024, les crédits proposés pour 2025 sont inférieurs aux dernières estimations à date.

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (2023-2024)

(en millions d'euros)

Action

2023

LFI 2024

2024 à date

PLF 2025

11 - Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt

105 201

103 358

110 523

110 182

12 - Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

18 128

17 804

18 487

18 821

13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État

13 995

15 027

16 300

13 739

Total des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

137 324

136 189

145 310

142 742

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

A. BEAUCOUP A ÉTÉ FAIT POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE À LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE (TVA), MAIS LE DÉFI RESTE DE TAILLE

Les remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt dépendent grandement des fluctuations des restitutions de TVA. En PLF 2025, elles sont estimées à 80,3 milliards d'euros soit une légère augmentation de 1,2 % par rapport au montant figurant en loi de finances initiale pour 2024 (79,3 milliards d'euros), et de 3,5 % par rapport à la dernière estimation à date (77,6 milliards d'euros). Ces hausses s'inscrivent dans une tendance plus longue : de 2014 (exécution) à 2025 (prévisions PLF), la progression des remboursements de TVA s'élève à 68,6 %, représentant 32,7 milliards d'euros.

Ce niveau élevé des remboursements nécessite une vigilance accrue sur les risques de montages frauduleux. Les dernières estimations placent l'ampleur de la fraude à la TVA autour de 10 milliards d'euros. La typologie de fraudes observées fait ressortir, pour une large part, des transactions internationales, souvent intracommunautaires, réalisées par des sociétés écrans.

Aussi, dans ce contexte, l'administration fiscale a enrichi, au cours des dernières années, ses outils de lutte contre la fraude. Cette lutte est suivie d'effet puisque l'écart entre la TVA attendue et la TVA perçue, tel qu'estimé par la Commission européenne, a baissé de manière significative entre 2020 (14 milliards d'euros) et 2021 (9,6 milliards d'euros).

Le rapporteur spécial salue ces avancées et invite le Gouvernement à les poursuivre, alors que l'administration doit faire face à de nouveaux défis comme la sous-évaluation massive de la valeur en douane dans le e-commerce. La sécurisation de la ressource TVA devient d'autant plus cruciale dans un contexte où elle est de plus en plus partagée, en participant largement au financement des collectivités.

Les rappels faisant suite à des demandes indues de remboursement de TVA se sont élevés à plus de 3 milliards d'euros en 2023. Ce chiffre est en constante augmentation depuis 2019.

B. UNE MÉCANIQUE DE L'IMPÔT PARTICULIÈREMENT IMPRÉVISIBLE

En matière d'impôt sur les sociétés, les crédits se sont élevés à 11 milliards d'euros en loi de finances pour 2024, bien en deçà des 17 milliards d'euros exécutés en 2023 (- 36 %) : ce niveau de remboursements s'est avéré bien inférieur aux dernières estimations à date (18,5 milliards d'euros). L'administration fiscale, jugeant l'année 2024 exceptionnelle et s'appuyant sur les valeurs historiques, prévoit une baisse des remboursements anticipés en 2025 (15,5 milliards d'euros). Si une telle approche statistique peut s'entendre, elle n'est pas sans risque de sous-estimation des crédits inscrits en projet de loi de finance pour 2025.

Des sous-estimations significatives sont aussi observées en matière d'impôt sur le revenu (IR). Les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2024 (11,9 milliards d'euros) étaient inférieurs à ceux exécutés en 2023 (12,4 milliards d'euros). Et de nouveau, les restitutions effectuées ont dû être révisées à la hausse de manière non-négligeable à 13,2 milliards d'euros, soit une hausse de 1,4 milliard d'euros par rapport à la loi de finances initiale (+ 12 %). L'administration indique avoir surestimé les hypothèses de croissance des revenus et prévoit des crédits stables pour 2025 à 13,2 milliards d'euros. Le rapporteur spécial accordera donc une attention particulière au niveau de remboursement effectif, pour s'assurer de la sincérité des prévisions soumises au Parlement. Il appelle aussi l'administration à être plus transparent sur les hypothèses prises pour construire son projet de loi de finances.

C. LA HAUSSE DYNAMIQUE DES REMBOURSEMENTS DE CERTAINS CRÉDITS D'IMPÔTS APPELLE UNE ATTENTION RENFORCÉE SUR CES DISPOSITIFS

Si les remboursements associés à la mécanique de l'impôt constituent l'essentiel en volume des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, la part associée à des politiques publiques renvoie à des choix politiques et est tout sauf négligeable, avec des crédits prévus à 18,8 milliards d'euros, soit un peu plus de 13 % de l'ensemble des crédits de la mission, en hausse de 5,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.

La progression est marquée dans le cas de l'IR, avec une hausse de 719 millions d'euros (+ 7,4 %) entre la LFI 2024 et le PLF 2025. Le rapporteur spécial estime qu'il est nécessaire d'interroger les fondements et les effets de cette progression, alimentée par une augmentation des versements dans le cadre du « crédit d'impôt contemporain services aux particuliers », qui vient réduire chaque année un peu plus la trésorerie de l'État.

S'appuyant sur les travaux récents de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires, le rapporteur spécial s'interroge sur le périmètre d'un dispositif coûteux et peu contrôlable, occasionnant le remboursement de dépenses non-contraintes. Le risque de travail dissimulé ne peut motiver à lui seul le maintien d'une dépense fiscale si conséquente pour les finances publiques. Il convient donc de mettre en débat la nature des dépenses, le taux de prise en charge et le profil socio-économiques des bénéficiaires.

S'agissant des remboursements d'impôt sur les sociétés, ils progressent de 6,6 milliards d'euros en 2024 à 6,7 milliards d'euros en PLF 2025, une hausse limitée dont le niveau peut être interrogé au vu du dynamisme passé du crédit d'impôt pour la recherche (CIR). Malgré ce dynamisme, les dernières évaluations sur le CIR trouvaient un effet limité en termes d'impact sur l'effort supplémentaire de recherche des entreprises.

Il apparait nécessaire au rapporteur spécial d'engager une réforme du CIR qui viserait a minima à établir une véritable différenciation par type d'entreprise et par secteur d'activité. Le CIR ne peut être une baisse d'impôt comme les autres sans effet de levier manifestes sur des investissements additionnels suscités par le dispositif.

II. LA FIN DE LA BAISSE DES DÉPENSES DU PROGRAMME « REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX »

En PLF 2025, les crédits évalués au titre du programme 201 s'élèvent à 4,4 milliards d'euros, en légère hausse par rapport à la LFI 2023 (4,3 milliards d'euros). Cette diminution met un terme à la tendance à la baisse entamée depuis 2021 en raison de la suppression de la taxe d'habitation, de la réforme des impôts de production et de la suppression de la CVAE sur une période désormais étalée entre 2024 et 2029.

A. LES DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX ÉCONOMIQUES SE MAINTIENNENT

Après le premier volet de la réforme des impôts de production intervenu en loi de finances 2021 et correspondant, notamment à la suppression de la part de CVAE affectée aux régions, la loi de finances pour 2023 a prévu la suppression totale de la CVAE sur deux ans (2023 et 2024), puis jusqu'à 2027 en PLF 2024. Le PLF 2025 revient de nouveau sur ce calendrier et repousse sa trajectoire de suppression jusqu'en 2029.

Avec l'interruption de ces réformes, les crédits évalués au titre de l'action « Contribution économique territoriale et autres impôts économiques » s'établissent à 1,4 milliard d'euros en PLF 2025, soit le niveau constaté dans les dernières estimations à date pour l'année 2024.

Si la suppression de la CVAE a été compensée à l'euro près par une fraction de TVA, le rapporteur spécial ne peut toutefois que constater que le gouvernement est revenu sur ses engagements, en proposant dans le PLF 2025 une stabilisation en valeur au titre de 2025 des fractions de TVA affectées aux collectivités locales : sur les gains d'1,5 milliard d'euros annoncés, ce gel représente un manque à gagner de l'ordre de 635 millions d'euros.

Après avoir émis plusieurs alertes à ce sujet, il constate avec ce PLF que les risques d'une perte d'autonomie sont tout sauf théoriques et que les collectivités sont à la merci de transferts de fiscalité accordés par le gouvernement.

B. UNE STABILISATION DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS DE TAXES FONCIÈRES ET TAXES D'HABITATION

En l'absence de nouvelles mesures législatives susceptibles d'avoir un impact significatif sur le niveau des dépenses, la prévision de remboursements et dégrèvements de taxes foncières en PLF 2025 est relativement stable : elle s'établit à 2,1 milliards d'euros soit une hausse de 144 millions d'euros par rapport à la LFI 2024. Cependant, le rapporteur spécial souligne que depuis 2018, les remboursements et dégrèvements relatifs à ces taxes ont augmenté de plus de 78 %, la taxe foncière étant devenu par défaut le principal levier fiscal des communes.

Par ailleurs, le niveau de crédits prévu au titre des remboursements et dégrèvements de taxe d'habitation correspond désormais aux seules réclamations contentieuses et gracieuses résiduelles, ainsi qu'à celles relatives à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et à la taxe sur les logements vacants.

Prévus initialement à 311 millions d'euros pour l'année 2024, les dernières estimations les placent à 1,2 milliards d'euros du fait de difficultés importantes occasionnées par l'utilisation de la nouvelle déclaration de biens immobiliers, obligatoire depuis 2023, pour établir la taxe sur les logements vacants. Passée cette première année difficile, la situation doit progressivement rentrer dans l'ordre et des crédits de 441 millions d'euros sont prévus en PLF 2025.

Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

Au 10 octobre 2024, date limite, en application de l'article 49 de la LOLF, pour le retour des réponses du Gouvernement aux questionnaires budgétaires concernant la présente loi de finances, 100 % des réponses portant sur la mission « Remboursements et dégrèvements » étaient parvenues au rapporteur spécial.

AVANT-PROPOS

La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires résultant mécaniquement de l'application des dispositions fiscales prévoyant des dégrèvements d'impôts - c'est-à-dire la prise en charge par l'État de l'impôt dû par un contribuable -, des remboursements, des restitutions de crédits d'impôt ou des compensations prévues par des conventions fiscales internationales. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission soient évaluatifs ; en d'autres termes, ils ne constituent pas un plafond, contrairement à ceux des autres missions budgétaires1(*), et les dépenses correspondantes peuvent s `imputer au-delà des crédits ouverts.

La mission est composée de deux programmes : le programme 200, consacré aux remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, et le programme 201, consacré aux mêmes opérations pour les impôts directs locaux.

Importance des programmes et actions de la mission dans le PLF 2025

(en millions d'euros et en pourcentage)

Programme

Action

2025

%

200

11

Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt

110 182

74,9 %

12

Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

18 821

12,8 %

13

Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État

13 739

9,3 %

Total 200 - Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

142 742

97,0 %

201

01

Contribution économique territoriale et autres impôts économiques

1 422

1,0 %

02

Taxes foncières

2 069

1,4 %

03

Taxe d'habitation

441

0,3 %

04

Admission en non-valeur d'impôts locaux

467

0,3 %

Total 201 - Remboursements et dégrèvements d'impôts locaux

4 399

3,0 %

Total général

147 141

 

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Sur le plan strictement financier, la mission concerne presqu'exclusivement les impôts d'État et porte très majoritairement sur leur dimension mécanique. Le programme 200 concentre donc les enjeux financiers de la mission (97 % des crédits). Au sein de ce programme, l'action 11 : « Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt » représente à elle seule près des trois quarts des crédits de la mission.

Évolution des remboursements et dégrèvements (exécution) depuis 25 ans

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Depuis 2001, les crédits de la mission ont enregistré une hausse de 142 % avec une tendance inverse entre les crédits du programme 200 qui augmentent de 182 % et les crédits du programme 201 qui enregistrent une baisse de 56 % du fait de la suppression progressive de la taxe d'habitation sur les résidences principales et des réformes successives des impôts de production. Après une rechute à la suite de la crise sanitaire, les crédits ont repris leur mouvement à la hausse. Au total, les remboursements et dégrèvements devraient encore une fois représenter un peu moins de 30% des recettes fiscales brutes en 2025.

Le rapporteur spécial constate que le volume de crédits inscrits, comparé aux autres missions, permet de considérer que les réformes fiscales coûtent davantage que certaines missions publiques y compris régaliennes. Même si plusieurs disparitions d'impôts alimentent une baisse des crédits de la mission, il peut être constaté que certaines pertes de recettes coûtent plus que des dépenses budgétaires stricto sensu.

Poids de la mission « Remboursements et dégrèvements » dans le PLF 2025

Source : direction du budget

La hausse tendancielle observée se poursuit dans le projet de loi de finances pour 2025 : 147,1 milliards d'euros sont demandés au titre de la présente mission, soit une hausse de près de 7 milliards d'euros par rapport à la loi de finances pour 2020 (+ 4,7 %). Le détail de cette hausse s'inscrit aussi dans plusieurs tendances de long terme : la hausse porte presqu'exclusivement sur les impôts d'État (à 98 %) et plus particulièrement sur la mécanique de ces impôts (102 % de la hausse2(*)). La hausse des remboursements d'impôts sur les sociétés concentre la majeure partie de la progression observée entre 2024 et 2025 (+ 4,1 milliards d'euros, soit + 36 %), complétée par la hausse des remboursements d'impôts sur le revenu (+ 1,4 milliards d'euros, soit + 21 %) : dans les deux cas, il s'agit de corriger des prévisions fortement sous-estimées par la loi de finances précédente et une sous-estimation des trop perçus. Les remboursements de TVA sont aussi en hausse (+ 989 millions d'euros, soit + 15 %), portés par une hausse des demandes des remboursements de crédits qu'il convient toujours d'interroger.

La hausse continue des crédits de la mission ne peut qu'appeler à la vigilance. En effet, les politiques fiscales visées grèvent les ressources de l'État et entravent ses possibilités d'action sans être toujours pleinement justifiées. D'autant que si une grande partie des hausses observées est mécanique, une hausse de plus d'un milliard d'euros est observée en 2025 pour les remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques (+ 5,7 %). Le montant très important que représentent les remboursements et dégrèvements rendrait nécessaire une revue régulière et détaillée de leur pertinence.

Enfin, les impôts locaux ne sont pas épargnés par la hausse des remboursements et dégrèvements (+ 108 millions d'euros, + 3 %), avec une légère remontée des remboursements des taxes foncières et taxes d'habitation.

PREMIÈRE PARTIE
REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
D'IMPÔTS D'ÉTAT

Le programme 200 « Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État » retrace les dépenses budgétaires résultant de l'application des règles fiscales lorsqu'elles conduisent à la mise en oeuvre de dégrèvements d'impôts, de remboursements ou restitutions de crédits d'impôt d'État, ou encore de compensations prévues par des conventions fiscales internationales. De surcroit, il enregistre un certain nombre d'opérations comptables liées aux remises gracieuses, annulations, admissions en non-valeur de recettes ou aux remises de débets.

Il se compose de trois actions :

- l'action 11 « Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt » regroupe les dépenses relevant de la mécanique de l'impôt, telles que les restitutions d'excédents de versement compte tenu de l'impôt dû. Il s'agit essentiellement des excédents de versements d'impôt sur les sociétés et des remboursements de crédits de TVA ;

- l'action 12 « Remboursements et dégrèvements liés aux politiques publiques » regroupe les dépenses relevant des politiques publiques. Les plus importantes en volume sont celles correspondant aux crédits d'impôt sur le revenu et aux crédits d'impôt sur les sociétés ;

- l'action 13 « Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État » retrace notamment les dégrèvements et annulations prononcés après le calcul de l'impôt sur le revenu, afin de rétablir la réalité de l'impôt dû par les contribuables, sur initiative de l'administration ou à la suite de réclamations des contribuables, les dégrèvements au titre de l'impôt sur les sociétés (IS), les dégrèvements recensés au titre des autres impôts directs (les droits dégrevés dans le cadre des contentieux précompte et OPCVM y sont notamment comptabilisés), les dégrèvements liés à la TVA ainsi que les admissions en non-valeur.

I. LES DERNIÈRES ESTIMATIONS À DATE LAISSENT APPARAÎTRE DES NIVEAUX DE REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS POUR 2024 BIEN SUPÉRIEURS AUX CRÉDITS VOTÉS EN LFI ET LÉGÈREMENT SUPÉRIEURS À CEUX PROPOSÉS POUR 2025

A. UNE ANNÉE 2024 QUI DÉPASSE LE NIVEAU DE 2019 ET S'APPROCHE DU RECORD DE L'ANNÉE 2020

Remboursements et dégrèvements d'impôts d'État (2023-2024)

(en millions d'euros)

Action

2023

LFI 2024

2024 à date

PLF 2025

11 - Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt

105 201

103 358

110 523

110 182

12 - Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

18 128

17 804

18 487

18 821

13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État

13 995

15 027

16 300

13 739

Total des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État

137 324

136 189

145 310

142 742

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Alors que la loi de finances prévoyait un niveau de crédit en baisse par rapport à l'année 2023, les dernières estimations à date font apparaître des niveaux de consommation des crédits bien supérieurs, qui reflètent pour l'essentiel des sous-estimations des remboursements et restitutions associées à la mécanique de l'impôt.

Malgré le constat de cette sous-estimation en 2024, les crédits proposés pour 2025 sont inférieurs aux dernières estimations à date. Les différentes sous-actions expliquant les variations observées sont analysées ci-après.

B. UNE MÉCANIQUE DE L'IMPÔT PARTICULIÈREMENT IMPRÉVISIBLE

Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt (2023-2024)

(en millions d'euros)

Sous Action

2023

LFI 2024

2024 à date

PLF 2025

01

Impôts sur les sociétés

17 878

11 382

18 500

15 521

02

Taxe sur la valeur ajoutée

74 017

79 327

77 600

80 315

03

Plafonnement des impositions directes

0

0

0

0

04

Autres remboursements et dégrèvements liés à la mécanique de l'impôt

394

200

600

523

05

Impôt sur le revenu

12 423

11 949

13 323

13 323

06

Restitutions de prélèvement de solidarité

489

500

500

500

Total 11 - Remboursements et restitutions liés à la mécanique de l'impôt

105 201

103 358

110 523

110 182

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

1. Des remboursements d'impôts sur les sociétés (IS) fortement sous-estimés en loi de finances initiale pour 2024

Le poste le plus volatil est celui des remboursements d'impôts sur les sociétés. Toute entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés doit verser des acomptes trimestriels. Le montant total des acomptes doit en théorie égaler l'impôt sur les sociétés dû au titre du dernier exercice clos. Lorsque la liquidation de l'impôt sur les sociétés fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à l'impôt dû, l'excédent est restitué. Les situations d'excédent apparaissent fréquemment, notamment par la consommation de crédits d'impôt ou en période de diminution des résultats fiscaux.

Alors que le niveau de remboursements dépassait les 17 milliards d'euros en 2023, un niveau de crédits de 11 milliards d'euros a été retenu en loi de finances pour 2024 (- 36 %). Ce niveau de remboursements s'est avéré bien inférieur aux dernières estimations à date, qui les placent à 18,5 milliards d'euros. L'administration fiscale, qui reconnaît « une faible évolution agrégée des bénéfices fiscaux », explique cette sous-estimation par une « forte dispersion » de ces résultats, ce qui induit à son niveau d'importants remboursements d'excédents d'acomptes.

Pour 2025, l'hypothèse de dispersion des bénéfices taxables est ramenée à sa moyenne historique, ce qui permet une baisse des remboursements anticipés. Si une telle approche statistique peut s'entendre, elle n'est pas sans risque de sous-estimation des crédits inscrits en projet de loi de finances initiale.

Au vu de la sous-estimation criante des remboursements d'IS en loi de finances pour 2024 et du volume significatif des crédits concernés, le rapporteur spécial appelle l'administration fiscale à mener les travaux nécessaires pour comprendre les niveaux observés de dispersion des bénéfices taxables. Il appartiendra notamment de déterminer dans le cadre de cette étude si l'existence de bases taxables particulièrement faibles et sous-estimées peut être le fruit de stratégies d'optimisation fiscale des entreprises concernées.

2. Des sous-estimations significatives sont aussi observées en matière d'impôt sur le revenu (IR)

Les restitutions en matière d'IR concernent essentiellement les excédents de prélèvement à la source. De nouveau, les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2024 (11,9 milliards d'euros) étaient inférieurs à ceux exécutés en 2023 (12,4 milliards d'euros). Et de nouveau, les restitutions effectuées ont dû être révisées à la hausse de manière non-négligeable à 13,2 milliards d'euros, soit une hausse de 1,4 milliard d'euros (+ 12 %).

L'administration fiscale explique cette sous-estimation par le fait que l'indexation sur l'inflation du barème de l'IR a entraîné une hausse des seuils d'imposition plus rapide que la croissance des revenus imposables, diminuant par là-même l'impôt dû, suscitant ainsi des trop perçus de prélèvement à la source à restituer.

Au cas présent, les effets de l'indexation de l'inflation sur le barème ne sont pas les plus difficiles à modéliser et l'erreur vient d'une surestimation des hypothèses de croissance des revenus.

Le niveau de remboursements retenu pour 2025 ne progresse pas par rapport au niveau de 2024. Le rapporteur spécial accordera donc une attention particulière au niveau de remboursement effectif, pour s'assurer de la sincérité des prévisions soumises au Parlement.

De manière générale, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements » étant évaluatifs, et l'exercice de prévision étant par nature incertain, compte tenu des révisions parfois importantes des crédits opérés en cours d'année, le rapporteur spécial appelle l'administration à mieux communiquer sur les hypothèses prises pour construire son projet de loi de finances, afin que le Parlement puisse pleinement exercer sa mission de contrôle.

Circonstance aggravante, ce constat n'est pas nouveau. À titre d'exemple, partant d'un constat d'une sous-estimation de même ampleur des crédits votés, le rapporteur spécial appelait déjà à une fiabilisation des données prévisionnelles du programme lors de l'examen de la loi de finances pour 2021. Un travail de fiabilisation et de transparence apparaît donc indispensable pour assurer la sincérité et la crédibilité des crédits inscrits en projet de loi de finances.

II. BEAUCOUP A ÉTÉ FAIT POUR LUTTER CONTRE LA FRAUDE À LA TAXE SUR LA VALEUR AJOUTÉE (TVA), MAIS LE DÉFI RESTE DE TAILLE

A. LA TVA MAINTIENT LE DYNAMISME AFFICHÉ DEPUIS PLUS DE DIX ANS ET SES REMBOURSEMENTS REPRÉSENTENT PLUS DE LA MOITIÉ DES RESTITUTIONS DE LA MISSION

Les entreprises sont redevables de la TVA au titre de la TVA qu'elles facturent auprès de leurs clients. Elles peuvent ensuite déduire des montants à payer celui de la TVA qu'elles supportent sur les achats nécessaires à leur activité. La TVA à reverser est ainsi calculée par différence entre la TVA collectée sur les opérations imposables (ventes, prestations de services, etc.) et celle déductible sur leurs achats, charges et immobilisations. Lorsque la TVA à déduire est supérieure à celle perçue, l'entreprise bénéficie d'un crédit de TVA.

L'utilisation du crédit de TVA est laissée à l'appréciation des entreprises qui peuvent opter pour :

- l'imputation : il s'agit de reporter un crédit de TVA sur les périodes d'imposition suivantes. Le crédit est alors imputé dès que possible sur un solde de TVA à reverser, constaté sur les déclarations déposées ultérieurement ;

- le remboursement : dans ce cas, la demande doit être formulée lors du dépôt d'une déclaration mentionnant le crédit.

En PLF 2025, les restitutions de TVA sont estimées à 80,3 milliards d'euros soit une augmentation légère de 1,2 % par rapport au montant figurant en loi de finances initiale pour 2024 (79,3 milliards d'euros), et de 3,5 % par rapport à la dernière estimation à date pour 2024 (77,6 milliards d'euros). Même revue à la baisse, la dernière estimation à date représentait une hausse substantielle par rapport au niveau observé en 2023 (74,0 milliards d'euros). Cette augmentation résulte de deux effets combinés : une évolution dynamique des demandes de remboursement de crédits de TVA (prévue à + 4,0 % pour 2024) et le rattrapage des retards de traitement apparus en fin d'année 2023. La hausse observée et anticipée s'inscrit dans une tendance plus longue : de 2014 (exécution) à 2025 (prévisions PLF), la progression des remboursements de TVA s'élève à 68,6 %, représentant 32,7 milliards d'euros.

Si l'évolution des demandes de remboursements de TVA varie en fonction d'agrégats économiques (niveau d'investissement des entreprises ou niveau de consommation intermédiaire...) mais également de facteurs d'ordre comportemental poussant les entreprises à s'orienter vers le remboursement plutôt que vers le report du crédit de TVA, la hausse continue constatée depuis 2014 interroge cependant.

En effet, entre 2014 et 2023, les remboursements de TVA effectués ont évolué à un rythme supérieur à celui de la valeur ajoutée créée elle-même (55,5 % contre 31,6 %). Cependant, ils ont augmenté moins rapidement que la TVA collectée sur la même période (60,5 %), notamment en raison de facteurs comportementaux poussant les entreprises à avoir recours, en fonction du contexte économique, au remboursement plutôt qu'au report de crédit, ou inversement. L'arbitrage entre report du crédit ou demande de remboursement reflète des considérations de besoins de trésorerie et des coûts transactionnels générés par les demandes de remboursement (alors que la reconduction de crédits est tacite).

B. CE DYNAMISME DOIT INTERROGER SUR LA PART DES REMBOURSEMENTS LIÉS À LA FRAUDE

1. Les dernières estimations placent l'ampleur de la fraude à la TVA autour de 10 milliards d'euros

Les restitutions de TVA participent de la mécanique classique de fonctionnement de cette imposition. Cependant, le niveau élevé des remboursements ainsi que la hausse continue, dans des proportions plus élevées que l'évolution de la valeur ajoutée elle-même, impose une vigilance accrue sur les risques de montages frauduleux.

En effet, la fraude à la TVA constitue chaque année une perte de recettes particulièrement importante pour les finances de l'État mais dont l'estimation reste délicate.

Par définition, le coût de la fraude à la TVA ne peut être mesuré avec précision. Ses estimations varient fortement. En 2022, l'INSEE estimait le coût total de la TVA non-recouvrée entre 20 et 25 milliards d'euros pour l'année 2012. Plus récemment, en septembre 2024, la DGFIP, en collaboration avec l'INSEE, a continué et approfondi ces travaux3(*) et placé le coût de la sous-déclaration de la TVA entre 6 et 10 milliards d'euros, tout en reconnaissant que ce coût est un minorant du coût de la fraude, qui ne prend pas en compte les entreprises qui ne déclarent pas de TVA. Afin notamment de poursuivre la fiabilisation de ce chiffrage, le département d'études et de statistiques fiscales de la DGFiP (DESF) consacre depuis septembre 2024 trois équivalents temps plein à l'évaluation de la fraude fiscale.

Si le rapporteur spécial se félicite que les dernières estimations amènent à réduire la part estimée de la fraude à la TVA, il note néanmoins que son ampleur se chiffre en milliards et demeure substantielle.

2. Une typologie de fraudes qui s'appuie pour une large part sur des transactions internationales, souvent intracommunautaires, réalisées par des sociétés écrans

Les fraudes à la TVA les plus communément rencontrées sont les suivantes :

- le carrousel TVA.

Les fraudes dites « carrousel » impliquent des transactions financières transfrontalières entre différentes sociétés et consistent à faire déduire par un acheteur final la TVA facturée mais non reversée par une société dite « taxi ».

Schéma de carrousel TVA

Source : DGFIP

Les montages auxquels ont recours les fraudeurs se sont peu à peu complexifiés avec une multiplication de sociétés écrans dont la durée de vie est parfois très courte. Les modèles les plus communs visent à dissimuler des recettes encaissées ou à les effacer de la comptabilité tandis que d'autres consistent à minorer le coût de certaines ventes à distance4(*) ou à faire appel à des schémas plus complexes, comme la fraude au « régime 42 » 5(*) ou l'usage abusif du régime de la marge6(*).

- le commerce électronique.

Le développement du commerce en ligne a vu se multiplier les vendeurs utilisant les services des marketplaces qui ne respectent pas les règles de TVA applicables aux ventes à distance intracommunautaires (« VAD »).

- les certificats d'économie d'énergie.

Depuis la loi n° 2005-781 du 13 juillet 2005 de programme fixant les orientations de la politique énergétique (loi POPE) portant la création des certificats d'économies d'énergie, prorogée par la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l'environnement, les grandes entreprises du secteur de l'énergie, les entreprises pétrolières et de la grande distribution vendant du carburant, considérées polluantes, ont une obligation de financer des actions d'économies d'énergie. En contrepartie, elles obtiennent des certificats d'économies d'énergie (C2E).

En 2018, l'attention de la DGFiP a été appelée sur des situations de fraude potentielle à la TVA dans la chaîne des multiples intervenants du dispositif (travaux fictifs, surfacturations, défaillance déclarative, transferts injustifiés de fonds vers l'étranger, possibles carrousels TVA, déduction indue de TVA). La Cour des comptes dénonçait récemment un dispositif discrédité par les fraudes et des taux de non-conformités élevés, dont le dispositif de contrôle doit impérativement être revu7(*).

- la TVA à l'importation.

Si l'autoliquidation de la TVA à l'importation à compter de janvier 2022 n'accroit pas en elle-même le risque de fraude, elle peut contribuer à la réalisation de fraudes à l'opérateur défaillant ou d'escroqueries par le biais de remboursements indus de crédits de TVA, notamment au moyen d'une minoration de valeur déclarée à l'import ou des achats conduisant à diminuer artificiellement le chiffre d'affaires (fraude domestique classique).

- le négoce de véhicules d'occasion.

En matière de fraude aux véhicules d'occasion, la tendance observée depuis 2016 se confirme avec la multiplication des mandataires transparents qui s'accompagne de l'achat direct du véhicule par des clients particuliers qui se substituent aux mandataires dans les démarches administratives, comme par exemple l'obtention des quitus. Ce modus operandi vise à masquer le véritable rôle des mandataires, moins facilement identifiables. Il permet également de contrer le dispositif législatif obligeant les assujettis à indiquer l'origine des véhicules qu'ils acquièrent. Par ailleurs, l'intervention de structures éphémères réalisant des acquisitions intracommunautaires (AIC) pour des montants élevés sur une courte période persiste, tout comme l'utilisation de faux documents (factures, documents d'autorisation d'achat en franchise ou de dispense de quitus).

- la fraude à la TVA en réseau.

La nature évolutive de la fraude à la TVA oblige l'administration fiscale à rester vigilante afin de détecter les nouveaux schémas qui peuvent ne pas se limiter au seul domaine fiscal.

Ainsi, le phénomène de « fusion » de la fraude à la TVA avec d'autres délits ou infractions, constatée depuis plusieurs années, reste d'actualité. Cela consiste notamment à développer des circuits de revente de produits ayant fait l'objet d'acquisitions intracommunautaires (AIC) afin d'alimenter des activités, en particulier le BTP, qui en tirent profit pour ne pas déclarer les rémunérations de leurs personnels.

C. LA FRANCE A PRIS CONSCIENCE DE L'AMPLEUR DU PHÉNOMÈNE ET A MULTIPLIÉ LES MESURES DEPUIS QUELQUES ANNÉES POUR LE JUGULER

1. L'arsenal législatif s'est progressivement renforcé pour lutter contre la fraude à la TVA

Le rapporteur spécial note que les outils pour lutter contre la fraude se sont considérablement enrichis au cours des dernières années.

Depuis la loi de lutte contre la fraude de 20188(*), il existe une obligation pour les commerçants d'utiliser des caisses certifiées par un organisme accrédité ou par une attestation individuelle fournie par le distributeur du logiciel de caisse9(*). D'autre part, sur l'initiative notamment du Sénat, des obligations fiscales ont été créées pour les plateformes internet en renforçant notamment leur responsabilité.

Par ailleurs, la DGFiP est engagée dans une démarche préventive visant à suspendre le numéro de TVA intracommunautaire (TVAI) de sociétés frauduleuses, en application de l'article 23 du règlement communautaire n° 904/2010 du 7 octobre 2010. Les sociétés identifiées présentant des niveaux de risque majeur font ainsi l'objet de demandes de suspension de leur numéro de TVAI. Il s'agit le plus souvent de sociétés défaillantes ou cessées (opérateurs « éphémères »), susceptibles de réaliser des opérations frauduleuses. Ces suspensions de numéros de TVAI ont ainsi fortement augmenté ces dernières années.

De surcroit, le développement de méthodes d'analyse de données mettant en oeuvre des techniques statistiques ou d'apprentissage automatique devrait faciliter la lutte contre les fraudes à la TVA. Les « alertes » provenant de travaux de datamining ou d'informations transmises par les services ont permis de mieux identifier les entreprises présentant des risques en matière de remboursements de crédits de TVA, qui sont, dès lors, automatiquement soumises à un examen approfondi (circuit long) en cas de dépôt d'une demande de remboursement.

En 2023, la compétence des officiers fiscaux judiciaires (OFJ) du service d'enquête judiciaire des finances (SEJF) a été étendue aux escroqueries liées à la TVA, ainsi qu'aux infractions connexes. Cette extension reprend la recommandation n°6 de la mission d'information de la commission des finances du Sénat visant à lutter contre la fraude et l'évasion fiscale10(*).

Dans le cadre du plan de lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques, ce service a été transformé Office national anti-fraude aux finances publiques (ONAF), aux compétences élargies à toutes les infractions portant atteinte aux finances publiques, qu'elles se rapportent aux recettes, aux dépenses et aux fonds ou aux avoirs publics, y compris les infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l'Union européenne. Pour endosser ces nouvelles missions, le gouvernement a annoncé un doublement, d'ici 2025, du nombre d'officiers fiscaux judiciaires et la création d'un statut d'agent d'enquête judiciaire afin d'épauler les officiers douaniers et fiscaux judiciaires.

Le rapporteur spécial attend toutefois que ces annonces de renforcement se concrétisent. Alors qu'au 31 mai 2022, sur un total de 314 agents, le SEJF comptait 43 agents de la DGFiP, dont 40 disposant de la qualification d'OFJ, la douane communique désormais sur un effectif de 266 enquêteurs habilités dont 25 OFJ, effectif repris encore récemment par la Cour des comptes11(*).

La lutte contre la fraude à la TVA ne faiblit pas et deux nouveaux dispositifs ont été introduits par la loi de finances pour 2024. En premier lieu, depuis le 1er janvier 2024, un « dropshipper »12(*) peut être redevable de la taxe due à l'importation mais également sur la vente à distance des biens importés lorsque le prix de vente du bien facturé à l'acquéreur final est supérieur au prix d'acquisition du bien par ce dernier auprès du fournisseur établi hors Union européenne. En second lieu, elle a prolongé l'expérimentation de l'exploitation des données sur les sites internet pour deux années supplémentaires, et en a étendu le champ d'application.

Par ailleurs, la loi de finances a instauré une procédure de « mise en conformité fiscale » pour renforcer la lutte contre la fraude à la TVA dans le cas de prestations de services dans le secteur des services électroniques à des consommateurs français sans recourir à un opérateur de plateforme en ligne. La démarche de mise en conformité fiscale est assortie d'un mécanisme d'injonction au déréférencement, avec la possibilité d'appliquer une sanction pécuniaire.

2. Des contrôles plus nombreux, au rendement en hausse, et une baisse estimée de la fraude à la TVA

Ces nouveaux dispositifs se sont accompagnés de contrôles renforcés. Si le nombre de contrôles fiscaux externes (« contrôles sur place ») en matière de TBA est resté stable à un peu plus de 14 000 contrôles réalisés entre 2021 et 2023, le nombre de contrôles sur pièces (« contrôles de bureau ») a lui fortement cru, d'un peu moins de 100 000 en 2021 à un peu plus de 115 000 en 2023. Et les résultats sont au rendez-vous : les rappels de TVA se sont ainsi élevés à plus de 5,2 milliards d'euros en 2023 (dont 2,1 milliards d'euros de TVA mise en recouvrement et 3,1 milliards de rejets de demandes de remboursements de crédits de TVA), en hausse significative par rapport à 2021, où les rappels totaux s'élevaient à 3,7 milliards d'euros (dont 1,6 milliard d'euros de TVA mise en recouvrement et 2,1 milliards de rejets de demandes de remboursements de crédits de TVA)

Ces contrôles renforcés se sont déroulés dans un contexte où la fraude à la TVA estimée connait en France un recul significatif. La dernière étude de la commission européenne, publiée en décembre 2023, sur l'écart entre la TVA attendue et la TVA perçue (« VAT Gap ») évalue cet écart TVA à 9,6 milliards d'euros pour la France pour l'année 2021, ce qui représente un pourcentage de 4,9 % des recettes de TVA, en diminution significative par rapport à l'étude précédente sur l'année 2020 (écart évalué à 14 milliards d'euros soit 8 % du produit de TVA). Cet « écart TVA » reste, de surcroit, inférieur à la moyenne européenne (5,3 %). Pour mémoire, les résultats de l'année 2020 marquaient déjà un progrès par rapport à l'année 2019 (écart évalué à 16,4 milliards d'euros soit 8,6 % du produit de TVA).

D. DES POINTS D'ALERTE ET DES PISTES DE PROGRÈS DEMEURENT DANS LA LUTTE CONTRE LA FRAUDE

L'étude de la typologie des principaux cas de fraude à la TVA fait ressortir l'importance de la fraude sur la TVA à l'occasion de transactions internationales. Dans le contexte du développement du e-commerce, la sous-évaluation de la valeur en douane, qui constitue la base d'imposition à la TVA à l'importation (TVA-I), soulève des difficultés particulières pour les agents de la DGDDI lors de leurs contrôles des flux de marchandises aux frontières. Ils sont souvent confrontés à des schémas de fraude difficiles à détecter, visant à minorer la valeur en douane des produits importés, pour échapper au paiement des droits de douanes et de la TVA-I.

La sous-évaluation de la valeur en douane dans le e-commerce :
une fraude aggravée par le recours à des intermédiaires basés en Chine

Les agents de la Douane sont régulièrement confrontés au schéma de fraude suivant :

- à la réception de la commande, les e-commerçants vendeurs mandatent des intermédiaires en Chine pour effectuer le groupage des colis et leur facturation ;

- ces « consolidateurs » en Chine procèdent ensuite à des manipulations de données des factures afin de faire passer ces colis pour des envois de faible valeur, en dessous des seuils de taxation et pour amoindrir le paiement de TVA à l'importation (TVA-I) dû ;

- l'acheminement des colis est ensuite réalisé par des logisticiens ou leurs représentants.

En raison de l'extrême fragmentation des envois et de la multitude de particuliers destinataires finaux, la reconstitution de la valeur réelle est difficile, voire impossible, empêchant ainsi de matérialiser la fausse déclaration de valeur en douane

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur

Les services de la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI), en collaboration avec le parquet européen, multiplient les enquêtes. Le Parquet européen mène en effet des enquêtes transfrontières sur des fraudes concernant des fonds de l'UE d'un montant supérieur à 10 000 euros ou sur des cas de fraude transfrontière à la TVA entraînant un préjudice supérieur à 10 millions d'euros. Dernièrement, en avril 2024, à la suite d'un signalement de la DGDDI, le parquet européen a effectué des perquisitions et arrêté quatre suspects en France, dans le cadre d'une enquête sur une fraude présumée à la TVA d'environ 60 millions d'euros, procédant à des saisies à hauteur de plus de 12,5 millions d'euros en France, au Luxembourg, aux Pays-Bas et au Royaume-Uni.

À l'occasion de la mission d'information menée en octobre 2022 sur la lutte contre la fraude et l'évasion fiscale précitée, la commission des finances du Sénat plaidait pour une collecte plus efficace de la TVA aux frontières de l'Union européenne, notant que les agents des Douanes ne disposent pas des informations leurs permettant de détecter efficacement ce type de fraude, plus particulièrement pour les envois de valeur inférieur à 150 euros.

Or, depuis le 1er janvier 2022, la procédure de l'autoliquidation a été généralisée à l'ensemble des assujettis redevables de la TVA à l'importation, avec un transfert de la compétence relative au recouvrement de la TVA aux frontières de la DGDDI vers la DGFIP.

Ce transfert de compétence justifie aujourd'hui une coopération accrue entre la DGFiP et la DGGDI. En effet, la Douane demeure impliquée dans le contrôle des flux de marchandises et donc compétente pour constater la base imposable des biens importés13(*).

Le rapporteur spécial alerte sur la nécessité de maintenir les moyens suffisants pour que la DGDDI puisse continuer d'exercer cette mission cruciale, toute économie en la matière étant assurément contreproductive au vu des montants de fraude en jeu. Il prend acte du redéploiement de 100 ETP sur le contrôle douanier du e-commerce d'ici 2025, conformément à la feuille de route sur la « lutte contre toutes les fraudes aux finances publiques » publiée en mai 2023 et au contrat d'objectifs et de moyens de la douane. Il s'inquiète toutefois que ces redéploiements se fassent à effectifs constant, et de ce fait au détriment des autres missions de douane. Le risque est ainsi de nuire inexorablement à la qualité du service qu'elle rend au public.

Enfin, sur un plan prometteur, le rapporteur spécial appelle à respecter le calendrier de la généralisation de la facture électronique en France. Ce dispositif a été introduit avec succès en Italie par un décret du 3 avril 2013. Longtemps le mauvais élève en matière de lutte contre la fraude à la TVA, l'Italie a vu son écart de TVA, tel qu'estimé par la Commission européenne, passer de 26,9 % en 2015 à 21,3 % en 2019. Dans la dernière étude publiée par la Commission en 2023, l'Italie affiche la plus forte baisse de l'UE, avec un écart désormais estimé à 10,8 %.

En France, depuis 2020, toutes les entreprises doivent éditer des factures numériques afin d'adresser leurs demandes de paiement, via Chorus pro, pour des contrats conclus avec l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics. L'ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021 prévoyait, à son article 3, d'étendre progressivement cette obligation pour les factures émises entre les assujettis à la TVA en France à partir du 1er juillet 2024. L'article 91 de la loi de finances pour 2024 fixe un nouveau calendrier, l'obligation d'émettre des factures étant fixée à partir du 1er septembre 2026 pour les grandes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire et du 1er septembre 2027 pour les petites et moyennes entreprises et les micro-entreprises.

Au vu des enjeux exposés, le rapporteur spécial appelle à respecter ce nouveau calendrier et estime qu'il s'agira d'une avancée pour sécuriser les déclarations mais également pour simplifier les démarches administratives des personnes assujetties.

E. LA TVA DOIT ÊTRE GÉRÉE AU MIEUX POUR FINANCER LES COLLECTIVITÉS

À la suite des différentes réformes de la fiscalité locale relatives à la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales et à la baisse des impôts de production (cf. infra partie II), les collectivités locales bénéficient désormais de fractions de TVA, pour un montant total de près de 52,5 milliards d'euros en 2023, et estimé à 54,9 milliards d'euros en 2024, afin d'assurer leur financement.

C'est le cas notamment :

des régions qui ont perçu, en 2023, 5,2 milliards d'euros de TVA en substitution de leur ancienne DGF (depuis 2018) et 11 milliards d'euros de TVA en compensation de la suppression de la part régionale de la CVAE (depuis 2021) ;

- du fonds de sauvegarde des départements, Mayotte, des collectivités de Guyane, Martinique, corse et de la métropole de Lyon pour soutenir les territoires les plus fragiles : la fraction de TVA oscille chaque année entre 250 millions d'euros et 300 millions d'euros et est estimée à 288 millions d'euros en PLF 2025 ;

des départements (17,0 milliards d'euros), des EPCI (9,2 milliards d'euros) et de la Ville de Paris (1,3 milliard d'euros) dans le cadre de la réforme supprimant la taxe d'habitation ;

- des départements (4,3 milliards d'euros) et du bloc communal (6,2 milliards d'euros) afin de compenser la suppression des parts communales et départementales de la CVAE.

Ce partage de la TVA entre budget de l'État et collectivités dont le taux de dépendance à cet impôt augmente, rend indispensable une gestion optimisée de sa collecte et nécessite de poursuivre le développement des moyens alloués à la lutte contre la fraude à la TVA.

Pour mémoire, les rappels faisant suite à des demandes indues de remboursement de TVA se sont élevés à plus de 3 milliards d'euros en 2023. Ce chiffre est en constante augmentation depuis 2019.

III. L'EXIGENCE D'UNE ATTENTION RENFORCÉE SUR LES CRÉDITS D'IMPÔTS CONNAISSANT UNE HAUSSE PARTICULIÈREMENT DYNAMIQUE

Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

(en millions d'euros)

Sous Action

2023

LFI 2024

2024 à date

PLF 2025

02

Impôt sur le revenu

2 098

2 103

2 252

2 252

03

Impôt sur les sociétés

7 149

6 338

6 600

6 702

04

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques

1 912

1 990

2 100

1 562

05

Taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel

35

15

35

35

08

Acomptes de crédits et de réductions d'impôts sur le revenu

5 613

5 370

5 800

5 729

09

Taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité

474

100

100

150

10

Crédit d'impôt contemporain - Services aux particuliers

846

1 888

1 600

2 390

Total 12 - Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques

18 128

17 804

18 487

18 821

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Si les remboursements associés à la mécanique de l'impôt constituent l'essentiel en volume des remboursements et dégrèvements d'impôts d'État, la part associée à des politiques publiques renvoie à des choix du gouvernement et est tout sauf négligeable, avec des crédits prévus à 18,8 milliards d'euros, soit un peu plus de 13 % de l'ensemble des crédits de la mission, en hausse de 5,7 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2024. Toutefois, comme, pour les crédits associés à la mécanique de l'impôt, les crédits associés à des politiques publiques ont été sous-estimés en loi de finances : par rapport à la dernière estimation à date pour 2024, la hausse des crédits attendus pour 2025 de remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques n'est plus que de 1,8 %.

L'impôt sur le revenu est le premier impôt touché par ces dispositifs, avec 55 % des crédits de l'action 12 qui lui sont consacrés soit directement (12 % des crédits), soit, surtout, à travers les acomptes de crédits et réductions d'impôts (30 % des crédits), soit enfin à travers le crédit d'impôt contemporain versé pour les services aux particuliers (13 % des crédits).

Les crédits versés au titre de l'impôt sur les sociétés sont l'autre versement d'ampleur significative de cette action, avec 36 % des crédits versés en 2025.

A. LES REMBOURSEMENTS DES CRÉDITS ET RÉDUCTIONS D'IMPÔT SUR LE REVENU (IR) SONT RELATIVEMENT DYNAMIQUES ET MÉRITENT D'ÊTRE QUESTIONNÉS

1. Les remboursements et dégrèvements liés à l'IR progressent encore sous l'effet de la montée en charge du crédit d'impôt contemporain

Remboursements et dégrèvements liés à des politiques publiques - part IR

(en millions d'euros)

Sous Action

2023

LFI 2024

2024 à date

PLF 2025

02

Impôt sur le revenu

2 098

2 103

2 252

2 252

08

Acomptes de crédits et de réductions d'impôts sur le revenu

5 613

5 370

5 800

5 729

10

Crédit d'impôt contemporain - Services aux particuliers

846

1 888

1 600

2 390

Total 12 - Remboursements et dégrèvements liés à l'impôt sur les revenus

8 557

9 361

9 652

10 371

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les acomptes de crédits et réductions d'impôts sur le revenu représentent la majorité des remboursements et dégrèvements liés à l'IR. La sous-action dédiée (200-12-08) comptabilise l'acompte de 60 % versé en janvier au titre de certains crédits et réductions d'impôts. Cette avance, prévue à l'article 1665 bis du CGI, concerne les dispositifs suivants : crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile, crédit d'impôt pour la garde d'enfants de moins de 6 ans, crédit d'impôt pour les cotisations syndicales, réduction d'impôt pour les dons aux associations, réduction d'impôts pour frais d'hébergement en Ehpad, réductions d'impôt pour l'investissement locatif. Si le montant de ces crédits est relativement stable dans le temps, ils ont néanmoins aussi été concernés par la sous-estimation générale des crédits en LFI 2024, les crédits estimés à date pour 2024 étant supérieurs de près de 500 millions d'euros. La baisse estimée des crédits pour 2025 est expliquée par la montée en charge du dispositif d'avance immédiate du crédit d'impôt lié à l'emploi d'un salarié à domicile, lequel est budgétairement enregistré sur la sous-action 200-12-10.

La sous-action 200-12-10 comptabilise les dépenses d'avances immédiates du crédit d'impôt sur le revenu lié à l'emploi d'un salarié à domicile. Ce dispositif permet aux particuliers de bénéficier immédiatement de l'avantage fiscal. D'un montant initialement plus faible, il connaît une progression dynamique depuis 2023 qui mérite une attention particulière (cf. infra).

Enfin, la sous-action 12.02 retrace la part restituée de tous les crédits d'impôt sur le revenu telle que calculée au solde. Elle inclut, entre autres, le crédit d'impôt lié à l'emploi d'un salarié à domicile et le crédit d'impôt pour frais de garde de jeunes enfants. Elle exclut la part qui peut, en fonction des dispositifs, être versée sous formes d'acomptes (sous-action 12-08) ou d'avances immédiates (sous-action 12-10), puis est reprise pour la liquidation du solde. Ses crédits dépassent légèrement les 2 milliards d'euros par an. Ils ont été revus à la hausse en 2024 et 2025 en raison de l'augmentation anticipée des montants du crédit d'impôt lié à l'emploi d'un salarié à domicile.

2. L'avance directe, une nouveauté à compter de 2022 dont la montée en charge est en deçà des attentes...

Depuis janvier 2022, les particuliers employeurs peuvent bénéficier d'un nouveau service d'avance immédiate de crédit d'impôt s'ils ont recours à l'emploi direct d'un salarié à domicile.

L'avance immédiate pour les services à la personne (hors garde d'enfants) permet ainsi de déduire automatiquement, chaque mois, le crédit d'impôt des dépenses effectuées pour l'emploi d'un salarié à domicile.

Depuis avril 2022, cette option est accessible aux particuliers employeurs faisant appel à un prestataire (société, association) du secteur du service à la personne. Après une expérimentation dans les départements du Nord et de Paris, ce service est désormais étendu à l'ensemble du territoire.

La généralisation de la contemporanéisation du crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile a été évaluée à 1,1 milliard d'euros en LFI 2022 puis à 2,5 milliards en LFI 2023. L'exécution est cependant très nettement inférieure à ces montants (255 millions d'euros en 2022 et 846 millions en 2023).

Partant de ce constat répété, la LFI 2024 prévoyait des crédits à hauteur de 1,9 milliard d'euros pour tenir compte du niveau d'exécution inférieur aux prévisions initiales et d'une montée en charge moins rapide qu'attendue : celle-ci s'est avérée encore inférieure à ces projections, avec de dernières estimations à date s'élevant à 1,6 milliard d'euros pour 2024. Les projections pour 2025 restent malgré tout très dynamiques, avec des crédits inscrits à hauteur de 2,4 milliards d'euros, soit une hausse de près de 800 millions d'euros (+ 49 %).

3. ... mais reste substantielle, et mérite d'être interrogée

Par opposition aux remboursements et restitutions liées à la mécanique de l'impôt, l'État a plus de prise sur la définition de ces mécanismes incitatifs de nature fiscale. Or, comme exposé précédemment, leur progression est tout sauf négligeable dans le cas de l'IR entre la LFI 2024 et le PLF 2025, avec une hausse de 719 millions d'euros (+ 7,4 %).

Le rapporteur estime qu'il est nécessaire d'interroger les fondements et les effets de cette hausse, alimentée par une augmentation des versements dans le « cadre du crédit d'impôt contemporain services aux particuliers » qui vient détériorer chaque année un peu plus la trésorerie de l'État et qui, d'après les informations communiquées par l'administration fiscale, correspond pour près de 60 % à des dépenses d'entretien de la maison, de travaux ménagers ou de petits travaux de jardinage.

En premier lieu, la Cour des comptes14(*) constate que le crédit d'impôt au titre de l'emploi d'un salarié à domicile ne répond pas aux objectifs qui lui sont assignés. En particulier, son taux, combiné à d'autres soutiens publics, aboutit à rendre le travail déclaré substantiellement moins coûteux (9,35 euros de l'heure) que le travail dissimulé (estimé à 11,38 euros de l'heure). En d'autres termes, un crédit d'impôt au taux de 40 % (au lieu de 50 %) suffirait à remplir l'objectif de décourager le travail non déclaré.

Plus spécifiquement, c'est la logique même d'un crédit d'impôt contemporain sur les services à la personne qui peut être interrogée. C'est ce que fait le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO)15(*), qui note en particulier que « le choix de recourir à un crédit d'impôt avec avance immédiate revient à rapprocher la dépense fiscale d'une logique de dépense budgétaire, sans présenter les mêmes avantages en termes de contrôle. »

Partant de ces multiples constats, le rapporteur spécial s'interroge sur le périmètre d'un dispositif aussi coûteux et peu contrôlable. Par ailleurs, pour certains contribuables ce crédit d'impôt peut générer un effet d'aubaine, en sollicitant le remboursement de dépenses non-contraintes. Le risque de travail dissimulé ne peut motiver à elle seule le maintien d'une dépense fiscale si conséquente pour les finances publiques. Il convient donc de mettre en débat la nature des dépenses, le taux de prise en charge et le profil socio-économiques des bénéficiaires.

B. LE COÛT CROISSANT DU CRÉDIT D'IMPÔT EN FAVEUR DE LA RECHERCHE POUR DES EFFETS TOUJOURS PLUS INCERTAINS

1. Le coût du crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR) progresse de façon dynamique

La sous-action 200-12-03 regroupe les restitutions au titre des crédits d'impôt dont bénéficient les entreprises soumises à l'impôt sur les sociétés, principalement les remboursements de créances du crédit d'impôt en faveur de la recherche (CIR), avec une part résiduelle de dépenses au titre du crédit d'impôt en faveur de la compétitivité et de l'emploi (CICE).

Selon les dernières estimations à date, ces dépenses s'établiraient à 6,6 milliards d'euros en 2024 en légère baisse par rapport à 2023 (7,1 milliards d'euros) : cette évolution masque des évolutions contradictoires, l'extinction du CICE16(*) (0,1 milliard d'euros en 2024 contre 1,1 milliard d'euros en 2023) venant plus que compenser une hausse des dépenses de CIR (de 6 milliards à 6,5 milliards). Avec l'extinction du CICE, une hausse de 100 millions d'euros est anticipée pour l'année 2025 (+ 1,5 %), dont le niveau peut être interrogé au vu du dynamisme passé du CIR.

Le coût du crédit d'impôt recherche (CIR), en dépit de variations conjoncturelles, est en forte hausse depuis la réforme de 2008 (cf. infra). Alors qu'en 2009, il s'établissait à 4,5 milliards d'euros pour un peu plus de 14 000 dossiers, il devrait représenter, en 2025, 7,7 milliards d'euros pour près de 15 500 entreprises.

Le rapporteur spécial s'étonne de la baisse confirmée du nombre d'entreprises bénéficiaires, passé de 21 695 en 2023 à 15 693 en 2024 et désormais 15 507 en 2025 (données des PLF 2023 à 2025 - voies et moyens tome 2).

En 2023, l'exécution s'est établie à 7,3 milliards d'euros. Comme l'illustre le graphique ci-dessous, l'augmentation du coût du dispositif (crédits prévus en LFI) est de 34 % entre 2014 et 2025.

Évolution du coût du crédit d'impôt pour la recherche depuis 2014

(en millions d'euros)

La courbe « linéaire » marque la tendance des crédits votés en LFI.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial

Cette tendance haussière continue malgré la suppression par la loi de finances pour 2021 du doublement des dépenses sous-traitées à des organismes publics17(*) en matière de CIR à compter du 1er janvier 2022.

En remplacement de cette règle, la loi de finances pour 2022 crée un nouveau crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative, codifié à l'article 244 quater B bis du CGI. Ce crédit d'impôt s'applique aux dépenses facturées par des organismes de recherche et de diffusion des connaissances (ORDC) dans le cadre d'un contrat de collaboration conclu entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2025. Ces dépenses sont retenues dans la limite globale de 6 millions d'euros par an et le taux du crédit d'impôt est de 40 % (ou 50 % pour les PME). En 2024, ce crédit d'impôt est estimé à 146 millions d'euros, stable par rapport à 2023.

À cet égard, il est important de souligner que les entreprises ne peuvent pas, au titre des mêmes dépenses, bénéficier à la fois du crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative et du CIR.

Les remboursements au titre du crédit d'impôt recherche

En application de l'article 199 ter B du code général des impôts, les entreprises imputent leurs créances de CIR sur leur impôt sur les sociétés de l'année N + 1.

Si, après prise en compte de cette créance, elles sont toujours déficitaires, elles pourront mobiliser à nouveau cette créance pour payer leur impôt en année N + 2 et N + 3, sans donner lieu à une restitution de la part de l'administration fiscale. Le reliquat de créance qui n'aura pas été utilisé en N+ 4 pourra ainsi donner lieu à une restitution.

Plusieurs types d'entreprises peuvent demander le remboursement immédiat des dépenses éligibles au CIR :

- les petites et moyennes entreprises au sens du droit européen18(*) ;

- les entreprises nouvelles durant les cinq années suivant leur création ;

- les entreprises ayant fait l'objet d'une procédure de conciliation ou de sauvegarde, d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire ;

- les jeunes entreprises innovantes.

Source : article 199 ter B du code général des impôts

2. Un dispositif couteux qui doit être mieux ciblé et plus efficace

Créé en 1983, le CIR avait initialement pour objet d'apporter un soutien proportionnel à la croissance de la recherche et développement des entreprises. Depuis la réforme de 2004, le montant du CIR est calculé proportionnellement à celui de l'ensemble des dépenses de recherche et développement éligibles engagées et non plus sur la base des dépenses nouvelles réalisées par les entreprises.

La principale réforme du CIR a été portée par la loi de finances initiale pour 2008 et a consisté à porter le crédit d'impôt à 30 % des dépenses de recherche et développement en deçà de 100 millions d'euros et à 5 % au-delà. Entre 2007 et 2008, l'effort financier en faveur de la recherche privée est ainsi passé de 1,7 milliard d'euros à 4,1 milliards d'euros. Le taux était, de surcroit, doublé lorsque la recherche était confiée par l'entreprise à un organisme public de recherche ou qu'elle correspondait à l'embauche d'un jeune docteur19(*).

Le bénéfice du CIR est aujourd'hui particulièrement concentré sur les grandes entreprises. En particulier, les cinquante premières entreprises bénéficiaires du CIR concentrent à elles seules près de 45 % du bénéfice du dispositif, tandis que les 200 premières entreprises représentent près des deux tiers du coût total. La concentration des montants du CIR s'explique par le volume de dépenses de R&D engagé par certaines entreprises. Aussi, 28 groupes déclarent le tiers des dépenses de R&D et bénéficient de 27 % de créances de CIR. Les petites et moyennes entreprises (PME), représentent 80 % des bénéficiaires mais seulement 27 % des montants de CIR. 

Or d'après les différentes études passées en revue par la Cnepi, l'effet d'additionnalité du CIR sur les PME se situerait entre 0,90 et 1,5 euro de dépenses de recherche et développement par euro de CIR dépensé, soit une dépense de R&D des entreprises qui n'augmenterait qu'à due concurrence du bénéfice que celles-ci tirent du dispositif. La question de l'efficience de l'argent public mis dans cette politique doit donc être posée.

Autrement dit, l'effet du CIR sur l'effort supplémentaire de recherche fourni par les entreprises se limite à un réinvestissement égal au bénéfice du dispositif. L'indicateur 2.2 du programme 172 « Recherche scientifique et technologies pluridisciplinaires » arrive d'ailleurs à la même conclusion puisque la réalisation 2023 (égale à la cible), comme celle des années précédentes, atteint le ratio de 1 concernant les dépenses de recherche et développement privées supplémentaires par euro de CIR. Comme chaque année, la cible pour les années suivantes est indiquée comme devant être supérieure à 1. Cet indicateur affiche aussi un indice de rotation en baisse en 2023 (18,9 %) par rapport à 2022 (19,5 %), sous la cible affichée de 20 %, montrant une stabilité des bénéficiaires de ce crédit d'impôt.

Enfin, le CIR est un crédit d'impôt particulièrement difficile à contrôler qui nécessite une coordination entre les services de la DGFIP et ceux du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Il est, par ailleurs, générateur de nombreux contentieux relatifs au caractère éligible ou non des dépenses d'innovation.

Il apparait donc nécessaire au rapporteur spécial, d'engager une réforme du CIR qui viserait a minima à établir une véritable différenciation par type d'entreprise et par secteur d'activité. Le CIR ne peut être une baisse d'impôt comme les autres sans effet de levier manifestes sur des investissements additionnels suscités par le dispositif.

Cette réforme parait d'autant plus nécessaire que l'une des justifications du CIR était, notamment le taux nominal de l'impôt sur les sociétés, considéré pour certains comme particulièrement élevé. Or, depuis plusieurs années les entreprises bénéficient de la trajectoire de baisse de l'impôt sur les sociétés décidée par le Gouvernement et votée en 2019 par le Parlement. Le taux normal d'imposition est ainsi passé de 33,3 % en 2018 à 25 % en 2022. Cette baisse de l'impôt sur les sociétés a, par ailleurs, été accompagnée par celle des impôts dits « de production » (cf. infra).

IV. APRÈS UNE ANNÉE 2024 MARQUÉE PAR D'IMPORTANTES RÉVISIONS À LA HAUSSE, LES DÉGRÈVEMENTS LIÉS À LA GESTION DES PRODUITS DE L'ÉTAT SONT PRÉVUS À LA BAISSE EN 2025

Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État

(en millions d'euros)

Sous Action

2023

LFI 2024

2024 à date

PLF 2025

01

Impôts sur le revenu - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues

2 390

2 300

2 600

2 600

02

Impôts sur les sociétés - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues

860

1 524

1 300

1 300

03

Autres impôts directs et taxes assimilées - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues

2 136

2 983

3 600

2 018

04

Taxe sur la valeur ajoutée - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues

3 596

4 126

3 300

3 363

05

Enregistrement, timbre, autres contributions et taxes indirectes - Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues

653

680

700

700

06

Autres remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État

1 388

716

1 200

900

07

Autres remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État - Admissions en non valeur - Créances liées aux impôts

2 249

1 968

3 000

2 271

08

Autres remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État - Dations en paiement, intérêts moratoires, remises de débets

606

630

500

487

09

Prélèvement à la source (PAS) : dégrèvements et restitutions

116

100

100

100

Total 13 - Remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État

13 995

15 027

16 300

13 739

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits de l'action 13 « remboursements et restitutions liés à la gestion des produits de l'État » retracent l'ensemble des restitutions consécutives à une correction du calcul de l'impôt en raison d'une erreur matérielle, de l'application d'une convention internationale en matière fiscale ou d'une réclamation gracieuse ou contentieuse.

Ils enregistrent une baisse de 9 % entre la LFI 2024 et le PLF 2025 soit 1,3 milliard d'euros. Rapportée aux crédits évalués à date pour l'année 2024, cette baisse s'élève à 2,6 milliards d'euros (- 16 %). Elle ramène ces crédits aux niveaux observés en 2023.

Cette diminution n'est que partiellement expliquée, s'agissant notamment des contentieux de série (suivis au sein des sous actions 13-01, 13-02 et 13-03), dont on peut noter qu'ils ont suscité une révision à la hausse de 700 millions d'euros dans la dernière estimation à date pour 2024. Les écarts sont constitués additionnellement des admissions en non-valeur, pour un peu plus de 700 millions d'euros, et des autres remboursements et dégrèvements (suivis au sein de la sous-action 13-06) pour un peu plus de 300 millions d'euros.

Les autres sous actions sont stables et n'appellent pas de remarques particulières.

A. UNE BAISSE NOTABLE DES CRÉDITS PRÉVUS POUR LES CONTENTIEUX DE SÉRIE EST PRÉVUE EN 2025

1. Une baisse anticipée qui interroge alors que des révisions à la hausse de ces crédits sont fréquentes

À la fin juin 2024, près de 140 000 affaires de contentieux fiscal étaient en traitement au niveau national, en baisse de 2 % par rapport à 2023. 121 000 affaires étaient au stade de la réclamation pré-juridictionnelle et 26 000 ont fait l'objet d'une instance juridictionnelle.

Pour l'ensemble des contentieux de série (hors contentieux Messer20(*)), les montants des réclamations pré-juridictionnelles restant à traiter et des instances juridictionnelles non traitées pourraient néanmoins atteindre un total, hors intérêts moratoires, de 3,9 milliards d'euros en 2025 contre 3,4 milliards d'euros en 2024 (soit une hausse de 15 %). Le tableau ci-après recense les contentieux fiscaux de série présentant des enjeux contestés à fin juin 2024 supérieurs à 100 millions d'euros :

Situation des contentieux de série en cours du programme 200 à fin juin 2024

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

La sous-action 13.03 « Dégrèvements et restitution de sommes indûment perçues » retrace une large part des droits liés aux contentieux de série : notamment les droits dégrevés dans le cadre des contentieux « OPCVM » et de certains contentieux « Précompte » (cf. ci-dessous). Après une dépense de 2,1 milliards d'euros en 2023, les dernières estimations à date la place en forte hausse, à 3,6 milliards d'euros (dont 1,9 milliards d'euros au titre des contentieux de série, parmi lesquels 1,0 milliard d'euros sont en attente de décisions de justice).

Le rapporteur spécial note, qu'une fois de plus les crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2024 (2,9 milliards d'euros) se sont révélés largement insuffisants par rapport aux dernières estimations à date (3,6 milliards d'euros).

Alors que le rapporteur spécial avait l'an dernier souligné les progrès réalisés en matière de transparence et de sincérité des prévisions, il ne peut que constater en 2024 le dépassement en cours d'année des sous actions relatives aux contentieux fiscaux, contraires à l'esprit de la mission. De nouveau, il en appelle donc à une fiabilisation des estimations et à une plus grande prudence dans les hypothèses budgétaires retenues.

2. Les principaux contentieux de série

Le budget de l'État reste grevé par des contentieux de série dont les plus importants sont souvent anciens.

Le contentieux européen relatif aux organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) est le principal en termes de volume et devrait continuer à peser sur la mission à hauteur de 2,2 milliards d'euros en 2024 (comme en 2023), 2,7 milliards avec les intérêts moratoires. Entre janvier et juin 2024, 500 millions d'euros ont été décaissés pour des crédits inscrits en LFI 2024 à hauteur de 0,9 milliard d'euros (droits et intérêts moratoires). Les prévisions de décaissements pour 2025 s'élèvent également à 0,9 milliard d'euros.

Son coût final devrait dépasser 13 milliards d'euros. À la date du 30 juin 2024, 11 milliards d'euros ont été dégrevés pour plus de 33 000 dossiers.

Le contentieux « OPCVM »

Le contentieux « OPCVM » résulte de la décision Santander du 10 mai 2012 de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Cette dernière a jugé contraire à la libre circulation des capitaux l'imposition des dividendes de source française payés à des OPCVM résidents dans d'autres États alors qu'ils étaient exonérés pour les OPCVM établis en France. L'article 6 de la loi n° 2012-958 du 16 août 201221(*) met en conformité le droit national avec le droit européen. En ce qui concerne les États non membres de l'Union européenne, l'exonération est désormais conditionnée à la coopération fiscale des États concernés.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur

Le contentieux relatif au « précompte mobilier » est ancien et il n'est pas complètement terminé devant la juridiction interne. Sa durée atypique découle de l'insatisfaction des sociétés requérantes vis-à-vis du règlement juridictionnel fixé par le Conseil d'État en 2012 et des montants élevés en jeu, notamment pour des banques qui ont racheté à des entreprises des « créances de précompte » sur l'État en faisant l'hypothèse que le précompte était une imposition irrégulière dont elles obtiendraient le dégrèvement (cf. encadré).

En 2024, 7 dossiers étaient encore en instance juridictionnelle pour un montant d'environ 200 millions d'euros (300 millions avec les intérêts moratoires). Aucun décaissement n'a été réalisé entre janvier et juin 2024. Les dossiers déjà traités, au nombre de 154, représentent, quant à eux, plus de 4,6 milliards d'euros (droits et intérêts).

S'agissant du volet indemnitaire, des recours pour excès de pouvoir avaient été déposés dès 2020, reprochant au Conseil d'État de ne pas avoir posé de question préjudicielle à la CJUE. Les dossiers sont traités par les tribunaux administratifs, et, compte-tenu de leur complexité, les jugements devraient faire l'objet d'appels voire de recours en cassation : aucun décaissement n'a été constaté en 2023 et à ce stade, tous ont été reportés sur 2024, portant sur des droit et intérêts à hauteur d'1,1 milliard d'euros.

Le contentieux « précompte mobilier »

Le coût du contentieux « précompte mobilier » résulte d'une décision du 4 octobre 2018 de la Cour de justice de l'Union européenne qui met un terme à une série de jurisprudences sur le dispositif. Ici, le « précompte mobilier » désigne l'ancien régime fiscal de distributions créé en 1965 et supprimé au 1er janvier 2005. Ce dispositif conduisait à verser un précompte à l'État sur les produits distribués sur des sommes non soumises à l'impôt sur les sociétés et permettait aux entreprises bénéficiaires de ces remontées de dividendes de réduire en conséquence leur assiette d'imposition. Ce dispositif ne s'appliquant qu'aux remontées de filiales françaises, il est entré en contradiction avec le droit européen.

Comme le souligne la Cour des comptes, « la suppression de l'avoir fiscal et du précompte pour les entreprises aura permis de circonscrire l'ampleur de ce contentieux en arrêtant la perception de l'impôt et en limitant, de fait, les délais de réclamation au 31 décembre 2006. »22(*) Après un arrêt du Conseil d'État du 10 décembre 2012 rétablissant une part substantielle des impositions au profit du Trésor, la CJUE, dans un arrêt retentissant, a conclu le litige en donnant raison aux entreprises sur les points les plus importants, et en relevant le manquement du Conseil d'État à son obligation de transmettre une question préjudicielle à la CJUE.

Le contentieux précompte comporte un volet fiscal et un volet indemnitaire. Le volet fiscal correspond aux contestations des contribuables sur le dispositif fiscal en lui-même. Le volet indemnitaire résulte de la responsabilité pour faute de l'État.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur

Le contentieux « retenues à la source d'assurance vie », pourrait quant à lui représenter, en 2025 et 2026, environ 600 millions d'euros et 700 millions d'euros avec les intérêts moratoires, répartis entre 17 dossiers. Entre janvier et juin 2024, aucun décaissement n'est intervenu.

Le contentieux « retenues à la source - sociétés d'assurance vie »

Le contentieux « retenue à la source, sociétés d'assurance vie » a été jugé par le Conseil d'État au printemps 2021 (CE, 11 mai 2021, UBS Asset Management Life Ltd). D'après l'arrêt du Conseil d'État, le dispositif de retenues à la source crée une discrimination entre les sociétés d'assurance-vie non résidentes et résidentes. En effet, alors que la retenue à la source est assise sur le montant brut des dividendes pour les non-résidentes, les sociétés résidentes peuvent déduire des provisions techniques de leur résultat soumis à imposition. D'après les réponses au questionnaire du rapporteur spécial « ce contentieux fait l'objet d'un suivi eu égard au risque budgétaire dont il est porteur. »

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur

Le contentieux relatif à l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER) des stations radioélectriques est lui plus récent. S'il ne concerne que 3 réclamations préjuridictionelles et une instance juridictionnelle, sans décaissement à date, il porte néanmoins sur des enjeux à hauteur de 645 millions d'euros.

Le contentieux IFER - droit communautaire

Des opérateurs intervenant dans le secteur des communications électroniques ont contesté la légalité de l'imposition forfaitaire des entreprises de réseau (IFER) appliquée aux stations radioélectriques aux motifs qu'elle serait contraire au droit de l'Union européenne (UE). Dans le cadre de l'instance juridictionnelle ouverte, la société requérante estime que l'IFER relève de la directive (UE) 2002/20 du 7 mars 2002 (dite directive « Autorisation »), laquelle n'autorise la perception par les États membres (ou collectivités publiques) que des taxes dites « administratives » (art. 12 de la directive) et des redevances pour les droits d'utilisation des radios fréquences, l'IFER des stations radioélectriques n'étant pas au nombre de ces deux exceptions.

Par jugement du 23 avril 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté la requête aux motifs que l'IFER en litige n'entrait ni dans le champ de la directive Autorisation, ni dans celui de la directive établissant le code des communications électroniques européen. La société s'est pourvue en cassation contre cette décision le 24 juin 2024.

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur

Enfin, une dernière décision contentieuse récente pourrait, à terme, susciter un nouveau contentieux de série pour des montants significatifs. Un contentieux important opposait en effet l'administration fiscale à la Fédération bancaire française (FBF) sur le traitement fiscal des montages d'ingénierie financière constitutifs de « CumCum» ayant pour conséquence une perte de recette de retenue à la source pour l'État.

Si la décision récente défavorable du Conseil d'État n'entraine aucune conséquence financière immédiate pour l'État, l'administration a toutefois procédé à des rappels notifiés sur le fondement de l'analyse contestée qui s'élèvent à 2,5 milliards d'euros au total (1,7 milliard de droits, 0,7 milliard d'euros de pénalités et 0,1 milliard d'euros d'intérêts de retard).

La décision indique clairement que les contrôles en cause ne peuvent être poursuivis que sur le fondement de l'abus de droit, ce que l'administration tentera fiscale tentera de démontrer dans les contentieux en cours.

Le contentieux « CumCum »

Dans un but de sécurité juridique, la Fédération bancaire française (FBF) a demandé à l'administration de lui confirmer par écrit que certaines opérations ne se situaient jamais, par nature, dans le champ de la retenue à la source. En particulier, la confirmation sollicitée concernait le cas où l'opération comporte un partage du gain d'économie d'impôt entre la banque et le non-résident.

Les réponses de l'administration ont été publiées au BOFiP. Ne corroborant pas l'analyse de la FBF, elles ont fait l'objet d'un recours pour excès de pourvoir transmis à l'administration le 30 avril 2023.

Dans une décision du 8 décembre 2023 rendue en formation plénière, le Conseil d'État a fait droit aux prétentions de la FBF et annulé l'essentiel des commentaires administratifs attaqués au motif « qu'en énonçant que la retenue à la source prévue au 2 de l'article 119 bis du code général des impôts « s'applique y compris lorsque le récipiendaire a son domicile fiscal ou son siège en France, dès lors que le bénéficiaire effectif des revenus en cause, c'est-à-dire la personne qui a le droit d'en disposer librement, a son domicile fiscal ou son siège hors de France », les commentaires attaqués ajoutent incompétemment aux dispositions législatives qu'ils ont pour objet d'éclairer ».

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire du rapporteur

3. Les difficiles prévisions en matière de contentieux de série

Une grande partie des contentieux de série à forts enjeux ont en commun de remettre en cause une règle fiscale nationale sur le terrain de la non-conformité de la loi et de la jurisprudence françaises avec le droit de l'Union européenne (UE).

De même, les requérants contestent souvent la légalité de la norme en droit interne au regard de la Constitution, grâce à la procédure des questions prioritaires de constitutionnalité (QPC).

La combinaison de ces deux sources de contestation de la loi fiscale peut aller jusqu'à imposer la suppression d'un impôt, comme cela a été le cas avec la contribution sur les revenus distribués23(*).

Il en résulte que l'établissement de prévisions en matière de contentieux fiscaux (nombre de litiges opposant les contribuables à l'administration et conséquences budgétaires) se heurte à la difficulté d'anticiper le sens des décisions de justice et leur calendrier ainsi que le réexamen et l'abandon d'impositions par l'administration en conséquence de l'évolution de la jurisprudence.

Cette difficulté est d'autant plus marquée que l'issue de ces contentieux dépend de l'articulation de plusieurs niveaux de normes - législatif, constitutionnel, conventionnel et européen - et de différents acteurs juridictionnels - juridictions administratives et judiciaires, Conseil constitutionnel, Cour de justice de l'Union européenne, Cour européenne des droits de l'homme.

Enfin, la prévision chiffrée des dégrèvements consécutifs à des décisions de justice est d'autant plus sujette à incertitude que les dossiers en cause concernent des problématiques et des situations diverses.

4. La nécessité de s'interroger sur les règles européennes applicables en matière de fiscalité des entreprises

Les reversements d'impôts au profit des entreprises sont réalisés en application des principes de libre circulation des capitaux et d'égalité de traitement issus du droit de l'Union européenne. Les différents contentieux énumérés ci-dessus en témoignent : les juges nationaux ou européens tranchent les grands litiges fiscaux en condamnant les États à reverser aux entreprises les impôts perçus au titre des dispositifs contestés.

Les restitutions opérées au profit des entreprises s'alignent sur les dispositifs fiscaux les plus favorables aux entreprises. Le rapporteur spécial considère que ces montants témoignent du caractère ultralibéral des fondements de l'Union européenne. Celle-ci, fondée sur une vision économique, grève sans difficulté les finances de l'État de plusieurs milliards d'euros pour favoriser la circulation des capitaux et l'égalité de traitement entre les entreprises de l'Union.

De plus, les règles de libre circulation des capitaux fixées par le droit de l'Union européenne favorisent la concurrence fiscale entre les États membres qui ont fait du taux d'impôt sur les sociétés un instrument au service de leur attractivité économique. À ce titre, il convient de rappeler que le taux moyen implicite d'impôt sur les sociétés n'a cessé de diminuer depuis plusieurs années dans les États membres de l'Union européenne.

Le rapporteur spécial considère donc qu'il est nécessaire de repenser en profondeur les règles applicables à la libre circulation des capitaux et qu'il est indispensable de trouver des solutions pour limiter la concurrence fiscale entre les États ce qui permettrait, subséquemment, de limiter les contentieux fiscaux.

B. MALGRÉ LA TENDANCE HAUSSIÈRE OBSERVÉE, LES CRÉDITS RETENUS POUR LES ADMISSIONS EN NON-VALEUR ET LES AUTRES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS SONT REVUS À LA BAISSE POUR 2025

Les admissions en non-valeur se sont élevées à 2,2 milliards d'euros en 2023. Une fois de plus, alors que leurs crédits étaient revus à la baisse à un peu moins de 2 milliards d'euros en loi de finances initiale pour 2024, la dernière prévision à date pour 2024 les place à un niveau bien supérieur. Si cette hausse est pour partie exceptionnelle, reflétant la prise en compte d'une non-valeur à hauteur de 700 millions d'euros, qui pourrait faire suite à une décision de justice attendue24(*), la loi de finances intégrait une baisse des admissions en non-valeur de 300 millions d'euros qui ne s'est pas matérialisée.

Or cette hausse apparaît structurelle, au moins pour partie, faisant suite à l'entrée en vigueur au 1er janvier 2023 de la réforme de la responsabilité des gestionnaires publiques qui modifie les modalités d'admission en non-valeur. Aux termes de cette réforme, la suppression de la responsabilité de plein droit des comptables publics est remplacée par une plus grande liberté personnelle de l'admission en non-valeur, sous le contrôle direct des juridictions financières. Ainsi, aux termes de l'article R. 276-1 du livre des procédures fiscales, « Le comptable public admet [désormais] en non-valeur les créances fiscales dont il est chargé du recouvrement, lorsqu'il constate leur irrécouvrabilité ». Si une part est conjoncturelle, des orientations stratégiques ayant été diffusées aux services de la DGFiP afin d'apurer et de rajeunir le stock des créances les plus anciennes, ce nouveau pouvoir du comptable peut conduire à une hausse du niveau des ANV. C'est du moins ce qui est observé pour l'année 2024.

Enfin, s'agissant des autres remboursements et dégrèvements suivis à la sous-action 200-13-0625(*), comme pour d'autres crédits, la loi de finances initiale prévoyait initialement une baisse significative, de 1,4 milliard d'euros en 2023 à 716 millions d'euros en 2024, pour refléter, l'année 2023 étant dopée par des remboursements d'amende exceptionnelles. La dernière révision à date pour 2024 est toutefois bien supérieure, de l'ordre de 1,2 milliard d'euros, du fait principalement d'un surcoût d'annulation de crédits de fonds de concours.

La dépense est prévue pour 900 millions d'euros en 2025, « en supposant un retour des annulations de fonds de concours à leur niveau usuel ». Au vu des montants constatés ces deux dernières années, où l'exceptionnel semble être la norme, le montant des crédits retenus présente de sérieux risque de sous-budgétisation.

DEUXIÈME PARTIE
REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS
D'IMPÔTS LOCAUX

I. PRÉSENTATION DES DÉPENSES PRÉVUES AU PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2025

Le programme 201 « remboursements et dégrèvements d'impôts locaux » retrace les dépenses résultant de l'application des règles fiscales conduisant à la mise en oeuvre de dégrèvements d'impôts locaux. Il enregistre, de surcroit, un certain nombre d'opérations comptables liées aux remises gracieuses, annulations, admissions en non-valeur de recettes.

Il se compose de quatre actions :

l'action 1 « Taxe professionnelle et contribution économique territoriale et autres impôts économiques » retrace les dégrèvements et crédits d'impôts effectués sur la contribution économique territoriale et les reliquats de dégrèvements de taxe professionnelle. Ces dégrèvements, accordés sur demande des contribuables ou d'office lors de l'établissement du rôle, constituent donc des mesures de correction ou d'incitation par rapport à un contexte économique particulier, que doivent cependant justifier les redevables ;

l'action 2 « Taxes foncières » regroupe les dégrèvements de taxes foncières (d'office, pour jeunes agriculteurs, vacances d'un bien...) tels que prévus par le code général des impôts ainsi que les dégrèvements destinés à rectifier une erreur ou à la suite d'une procédure contentieuse non directement liée à un des dispositifs règlementaires de dégrèvements ;

l'action 3 « Taxes d'habitation » retrace notamment les dégrèvements de taxes d'habitation. À l'issu de la réforme relative à la suppression de cette taxe, les dégrèvements ne concerneront plus que la taxe sur les résidences secondaires ;

l'action 4 « Admissions en non-valeur » retrace les dépenses consécutives aux constats d'irrécouvrabilité des impôts locaux en raison de la disparition des redevables ou de l'absence de gage et concerne les trois taxes locales (CET, TH, et TF).

En PLF 2025, les crédits évalués au titre du programme 201 s'élèvent à 4,4 milliards d'euros, soit une baisse marquée de près de 15 % par rapport aux 5,2 milliards d'euros estimés pour 2024 à date.

Les crédits sont néanmoins stables par rapport à ceux votés en loi de finances initiale pour 2024 (4,3 milliards d'euros) : le sursaut observé sur l'année 2024 est expliqué par une forte hausse des dégrèvements de taxe d'habitation sur les résidences secondaires, à la suite de la mise en oeuvre d'un nouveau processus déclaratif qui a pu ponctuellement occasionner de nombreuses défaillances ou erreurs déclaratives.

Répartitions par action des crédits du programme 201

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette stabilisation fait suite à une succession de baisses sur les crédits du programme 201, avec notamment des baisses consécutives de 70 % enregistrées entre la LFI 2020 et la LFI 2021, de 3,8 % entre la LFI 2021 et la LFI 2022, de 30,8 % entre la LFI 2022 et la LFI 2023 et de 6,5 % entre la LFI 2023 et la LFI 2024 qui s'expliquaient, pour l'essentiel, par la réforme de la taxe d'habitation sur les résidences principales et, dans une moindre proportion, par la réforme des impôts de production.

En effet, entre la LFI 2020 et la LFI 2024, les remboursements et dégrèvements sur la taxe d'habitation sont passés de 14,8 milliards d'euros à 311 millions d'euros, soit une contraction de 98 %.

Parallèlement, sur la même période, les remboursements et dégrèvements liés à la taxe professionnelle, contribution économique et autres impôts économiques ont diminué de 74 % passant de 6,3 milliards d'euros à 1,6 milliard d'euros.

Évolution des crédits des actions du programme 201 entre 2018 et 2024

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires (projets annuels de performances)

II. UNE STABILISATION DES DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS LOCAUX ÉCONOMIQUES

A. UNE ACTION QUI ÉVOLUE AVEC LE NIVEAU DE LA CONTRIBUTION ÉCONOMIQUE TERRITORIALE

L'action 1 porte les remboursements et dégrèvements des impôts économiques : essentiellement la contribution économique territoriale (CET) composée de la cotisation foncière des entreprises (CFE) et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) mais également la taxe sur les surfaces commerciales et les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseau (IFER).

En PLF 2025, les crédits évalués au titre de l'action « Contribution économique territoriale et autres impôts économiques » s'établissent à 1,4 milliard d'euros. Ils enregistrent une baisse de 12,1 % par rapport aux crédits votés en loi de finance pour 2024, soit 190 millions d'euros, mais sont stables par rapport aux dernières estimations à date pour l'année 2024.

Les remboursements et dégrèvements de cette action résultent principalement de trois dispositifs :

- le plafonnement26(*) de la contribution économique territoriale (CET) en fonction de la valeur ajoutée des entreprises, applicable lorsque la somme de la cotisation foncière (CFE) et de la cotisation sur valeur ajoutée (CVAE) de l'entreprise excède 1,625 % de sa valeur ajoutée27(*). Ce taux a été ramené à 1,25 % en 2024 ;

les restitutions de Cotisation sur la Valeur Ajoutée des Entreprises (CVAE) et de Taxe Additionnelle à la CVAE (TA-CVAE). À compter de 2023, de même que les restitutions de TA-CVAE, l'ensemble des restitutions de CVAE transite par le programme 201, corrélativement à la budgétisation de la CVAE ;

les dégrèvements en matière de CET destinés à rectifier une erreur ou suite à une procédure contentieuse non directement liée à l'un des dispositifs susmentionnés.

B. L'ISSUE D'UNE BAISSE CONTINUE DES CRÉDITS QUI S'EXPLIQUE PAR LES EFFETS DE LA RÉFORME DES IMPÔTS DE PRODUCTION ET LA PERTE D'AUTONOMIE FISCALE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES

1. L'impact du premier volet de la réforme des impôts de production en 2021 et 2022

La contraction du montant des crédits en 2020 et 2021 s'expliquait principalement par les effets de la réforme des impôts de production découlant des articles 3 et 4 de la loi de finances initiale pour 2021.

En premier lieu, l'article 3 a abaissé, à compter de 2021, le taux de CVAE (division par deux de ce taux qui passe de 1,5 % à 0,75 %) en supprimant la part de CVAE (50 %) affectée à l'échelon régional. Corrélativement, le schéma de financement des régions a été revu en substituant à la CVAE une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée.

La conséquence de cette mesure est ainsi une division par deux du montant de l'imposition due par les entreprises au titre de la CVAE, soit une baisse d'environ 7,2 milliards d'euros.

En second lieu, l'article 4 procède à une réforme des modalités d'établissement de la valeur locative cadastrale des locaux industriels qui intervient dans l'établissement de la taxe foncière sur les propriétés bâties et sur la cotisation foncière des entreprises. L'allègement d'impôt est estimé à 1,75 milliard d'euros pour la taxe foncière sur les propriétés bâties et à 1,54 milliard d'euros pour la cotisation foncière, soit un total de 3,3 milliards d'euros. Elle correspond à une diminution des taux applicables de 8 % à 4 % pour les sols et terrains et de 12 % à 6 % pour les constructions et installations foncières.

La baisse de recettes pour les communes et EPCI impactés par cette réforme a été compensée par l'institution d'un prélèvement sur recettes de l'État.

2. Le PLF 2025 prévoit un report de la suppression de la CVAE à 2029 et une dégradation de la compensation accordée aux collectivités

Après la suppression de la part de CVAE affectée aux régions en loi de finances initiale pour 2021, la loi de finances pour 2023 a prévu la suppression totale de la CVAE sur deux ans (2023 et 2024).

Cet impôt local a généré 9,7 milliards de produit fiscal en 2021 et 9,4 milliards d'euros en 2022 pour les collectivités, soit 11 % de leurs recettes fiscales. Il était perçu par l'État qui en dégrevait environ un quart, territorialisait le produit à hauteur de 60 % pour le bloc communal et de 40 % pour les départements et le répartissait selon le nombre d'établissements des entreprises concernées sur chaque territoire, mais aussi en fonction d'une clé de répartition basée sur les deux tiers selon les équivalents temps plein (ETP) déclarés par les entreprises et sur un tiers selon les bâtiments sur les bases foncières de la CFE.

Le PLF 2024 prévoyait cependant un étalement jusqu'en 2027 pour la suppression de la deuxième moitié de la CVAE. Dans un contexte budgétaire contraint, l'article 15 du PLF 2025 reporte de trois ans la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises.

Cette suppression partielle en 2023, éventuellement totale en 2029 était initialement compensée à l'euro près par une fraction de TVA.

Cette fraction de TVA est divisée chaque année en deux parts :

- une part fixe correspondant à la moyenne de leurs recettes de CVAE des années précédentes. La CVAE étant variable d'une année sur l'autre, il était effectivement nécessaire de se baser sur une moyenne pluriannuelle ;

- une seconde part correspondant à la dynamique, si elle est positive, de la fraction de TVA calculée au niveau national. Cette fraction sera affectée à un fonds national d'attractivité économique des territoires (FNAET) dont les modalités de répartition ont été arrêtées par décret. Ce mécanisme doit permettre de maintenir l'incitation pour ces collectivités et groupements de communes à attirer de nouvelles activités économiques sur leur territoire.

Le rapporteur spécial ne peut toutefois que constater que le gouvernement est revenu sur ses engagements, en proposant dans le PLF 2025 une stabilisation en valeur au titre de 2025 des fractions de TVA affectées aux collectivités locales. Sur les gains d'1,5 milliard d'euros annoncés par le gouvernement, ce gel représente un manque à gagner sur la compensation de la CVAE de l'ordre de 635 millions d'euros.

3. L'impact prévisible de la perte d'autonomie financière des collectivités territoriales

Les mesures de compensation de cette réforme génèrent - comme celles relatives à la réforme de la taxe d'habitation - une perte d'autonomie financière pour les collectivités territoriales.

Face à l'incertitude sur les recettes fiscales locales, des effets de bord se matérialisent déjà avec le relèvement des taux des taxes foncières décidés par les collectivités locales.

Ainsi, en 2023, la part de TVA était la première recette des départements (40 %) et des régions (63 %). Elle pèse par ailleurs pour 18 % dans les recettes du bloc communal.

Composition des recettes fiscales des départements (à gauche)
et des régions (à droite) en 2023

   

Source : Direction du budget - Annexe sur la situation des finances publiques locales

La question de l'autonomie fiscale des collectivités se pose donc désormais avec une acuité particulière. En effet, les récentes réformes de la fiscalité locale ont détérioré l'autonomie fiscale des collectivités territoriales, cette dernière s'établissant désormais, après le remplacement de la CVAE par une part d'impôt national partagé (TVA), à 40,7 % pour le bloc communal, 24,8 % pour les départements et 31,8 % pour les régions.

Pour autant, leur autonomie financière a augmenté ces dernières années. En effet, d'après les données issues du dernier rapport pris en application de l'article 5 de la loi organique n° 2004-758 du 29 juillet 2004 et relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales, le ratio d'autonomie financière s'élève à 71,3 % pour le bloc communal, 75,6 % pour les départements et 73,6 % pour les régions en 2022 (dernières données disponibles).

Ce delta réside dans le fait que la loi ne reconnait que l'autonomie financière des collectivités et non celui d'autonomie fiscale. Or, l'autonomie financière est définie en se basant sur une acception large de la notion de ressources propres incluant non seulement les ressources fiscales sur lesquelles les collectivités ont un certain pouvoir, mais aussi celles sur lesquelles elles n'ont aucune prise.

Il en résulte que l'ensemble des impôts (locaux et nationaux) affectés aux collectivités sont considérés comme des ressources propres.

Or, cette définition est antérieure aux réformes de la fiscalité locale intervenue depuis 2010 (suppression de la taxe professionnelle, suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales, suppression de la CVAE).

Aussi, il en résulte que même si le ratio d'autonomie financière a augmenté depuis 2003, cette progression, comme le souligne la Cour des comptes28(*), ne rend pas compte de la perception des élus locaux d'une perte de maitrise de leurs ressources en raison de la part croissante de la fiscalité nationale au sein de leurs ressources propres.

Surtout, le rapporteur spécial constate avec ce projet de loi de finances que les risques d'une perte d'autonomie sont tout sauf théoriques, les collectivités ne pouvant plus se projeter et s'appuyer sur des ressources propres prévisibles, étant désormais à la merci de transferts de fiscalité accordés par le gouvernement.

III. UNE STABILISATION DES REMBOURSEMENTS ET DÉGRÈVEMENTS DE TAXES FONCIÈRES EN L'ABSENCE DE CHANGEMENT DE LA RÈGLEMENTATION FISCALE

A. UNE STABILITÉ ENTRE 2024 ET 2025...

L'action 2 du programme 201 retrace les dégrèvements de taxes foncières. Elle concerne pour l'essentiel des remboursements consécutifs à des réclamations contentieuses ou gracieuses et, à titre subsidiaire, à des dégrèvements correspondant à des politiques publiques (facilitation de l'accessibilité pour personnes handicapées, travaux dans le cadre de la prévention de risques technologiques, travaux d'économie d'énergie pour les organismes HLM et les SEM, pertes de récoltes s'agissant du non bâti...).

En l'absence de nouvelles mesures législatives susceptibles d'avoir un impact significatif sur le niveau des dépenses de cette action, la prévision de la dépense en PLF 2025 est stable par rapport à la LFI 2024. En effet, l'action enregistre une hausse de 144 millions d'euros par rapport à la LFI 2023 pour s'établir à 2,1 milliards d'euros. Le montant évalué pour 2025 correspond au montant observé en 2023 et aux dernières estimations à date pour 2024.

B. ...QUI NE DOIT PAS MASQUER UNE FORTE HAUSSE DEPUIS 2018 ET DES RESTES À CHARGE CROISSANTS POUR LES COLLECTIVITÉS

Si la hausse des crédits au titre des remboursements et dégrèvements des taxes foncières n'est que de 144 millions d'euros entre la LFI 2024 et le PLF 2025, le rapporteur spécial souligne qu'elle est bien plus conséquente sur les 6 dernières années.

En effet, entre 2018 et 2025, les remboursements et dégrèvements de taxes foncières enregistrent une hausse de 909 millions d'euros, soit 78 % passant de 1,16 milliard d'euros à 1,92 milliard d'euros.

Évolution des remboursements et dégrèvements de taxes foncières
entre 2018 et 2025

(en euros)

Source : commission des finances du Sénat à partir des documents budgétaires

Cette hausse continue s'explique par la progression des montants de taxes foncières au fil du temps en raison de l'augmentation des taux appliqués par les collectivités d'une part, et de la revalorisation des valeurs locatives cadastrales d'autre part.

Le rapporteur spécial observe par ailleurs que le nombre de dispositifs d'exonérations et de dégrèvements est important avec un reste à charge des collectivités de plus en plus élevé.

En matière de taxe foncière, le montant de la valeur locative peut, avant application du taux et de manière permanente ou temporaire, être totalement ou partiellement réduit, par trois mécanismes dont l'origine ou les modalités de mises en oeuvre sont différentes : l'abattement, l'exonération et le dégrèvement

Les abattements et exonérations sont décidés, soit en application de dispositions législatives, soit par les collectivités territoriales. Lorsqu'ils résultent de délibérations des collectivités, ils restent à leur charge. A contrario, lorsqu'ils résultent de dispositions législatives, ils peuvent faire l'objet d'une compensation totale ou partielle par l'État.

D'après les réponses transmises au rapporteur spécial, en 2023, le coût total de ces dispositifs s'élève à 5,3 milliards d'euros dont 3,0 milliards d'euros pris en charge par l'État et 2,3 milliards d'euros laissés à la charge des collectivités. Ce reste à charge a augmenté de 15 % depuis l'année précédente.

Ces exonérations et dégrèvements ne pourront qu'augmenter, dans un contexte où les taxes foncières sont le dernier levier fiscal du bloc communal. La suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales a notamment eu comme effet de bord une hausse des taux de taxes foncières, les communes activant ce dernier levier fiscal pour augmenter leurs ressources. Or, plus le montant de taxes foncières sera important, plus les remboursements et dégrèvements de ces taxes seront élevés.

IV. DES DÉGRÈVEMENTS D'IMPÔTS CONCERNANT DÉSORMAIS LES SEULES TAXES D'HABITATION SUR LES RÉSIDENCES SECONDAIRES ET SUR LES LOGEMENT VACANTS QUI DEVRAIENT RETROUVER LEUR RYTHME DE CROISIÈRE

La loi de finances initiale pour 2018 a introduit un dégrèvement progressif de la taxe d'habitation pour 80 % des ménages les moins favorisés (c'est-à-dire dont le revenu fiscal de référence était inférieur à 25 839 euros pour un célibataire et 46 132 euros pour un couple avec deux enfants). Ainsi, en 2018 et en 2019, les foyers concernés par cette réforme ont payé respectivement 70 % puis 35 % de la taxe d'habitation votée par les collectivités.

Cette première étape échelonnée entre 2018 et 2019 avait conduit à un accroissement tendanciel des crédits du programme qui ont atteint 14,7 milliards d'euros dont 13,6 milliards en raison du dégrèvement des 80 % des ménages les moins favorisés.

L'article 16 de la loi de finances pour 2020 est venu modifier l'ampleur et la nature de cet allègement tout en induisant plusieurs conséquences tant pour les collectivités territoriales que pour la dynamique budgétaire du programme.

En effet, en 2020, pour les 80 % de ménages concernés par la première étape de sa disparition, la taxe d'habitation a fait l'objet d'un dégrèvement de 100 % sur la cotisation due.

En 2021, les dégrèvements ont été transformés en exonérations. Cette exonération était totale pour les 80 % de ménages les moins aisés et de 30 % pour les autres. À compter de cette même année, l'État a reçu l'intégralité du produit de la taxe d'habitation qui subsistait et a attribué une dotation globale de compensation aux collectivités.

En 2022, l'exonération a été de 65 % pour les 20 % les plus aisés.

En 2023, la taxe d'habitation sur les résidences principales a été définitivement supprimée.

Ne subsiste que la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et autres locaux meublés non affectés à l'habitation principale (THRS) pour lesquels communes et groupements peuvent fixer librement les taux.

Ainsi, après la hausse constatée entre 2018 et 2020 des crédits de l'action 3 du programme 201, le niveau de crédits en 2021 (778 millions d'euros), 2022 (740 millions d'euros) et en 2023 (231 millions d'euros) a connu une forte baisse, correspondant aux seules réclamations contentieuses et gracieuses résiduelles de la taxe d'habitation et à celles relatives à la taxe d'habitation sur les résidences secondaires et les logements vacants.

En loi de finances pour 2024, ces crédits devaient connaître une évolution modeste, s'élevant à 311 millions d'euros pour tenir compte des dernières remontées comptables.

C'était sans compter sur la réforme des traitements de taxation de sur les résidences secondaires. Ainsi aux termes de l'article 16 de la loi de finances pour 2020, codifié à l'article 1418 du code général des impôt, une nouvelle obligation incombe aux propriétaires de locaux d'habitation, celle d'en déclarer leurs conditions d'occupation. La taxation des résidences secondaires s'est appuyée pour une large part sur cette déclaration, rendue obligatoire pour la première fois sur l'année 2023.

À la suite de cette mise en oeuvre, qui a suscité de multiples défaillances ou erreurs déclaratives, la direction générale des Finances publiques a été amenée à dégrever un montant important de taxation sur les résidences secondaires, avec un montant estimé à date d'1,2 milliard d'euros pour l'année 2024. Passée cette première année difficile, l'administration fiscale s'attend néanmoins à un retour à la normale dès 2025, avec un niveau de crédits estimé à 441 millions d'euros.

V. DES ADMISSIONS EN NON VALEUR PARTICULIÈREMENT STABLES

Les admissions en non-valeur (ANV) sont constituées des créances irrécouvrables, celles dont le paiement effectif n'a pu être obtenu en raison notamment :

- de l'insolvabilité ;

- de la disparition du redevable.

Elles ont pour but de relever le comptable public de sa responsabilité mais n'éteignent pas pour autant la créance du redevable qui pourra à tout moment être recouvrée en cas de retour à meilleure fortune du redevable insolvable.

L'enregistrement des ANV sur le programme 201 concerne les trois taxes locales (contribution économique territoriale, taxe d'habitation et taxe foncière), avec la répartition suivante (dernières données disponibles) :

Répartition par impôt des admissions en non-valeur d'impôts locaux

(en millions d'euros)

Admissions en non-valeur

467

dont taxe d'habitation

140

dont taxes foncières

194

dont TP ou de CFE

3

dont autres

130

Source : commission des finances du Sénat à partir des réponses au questionnaire budgétaire

En 2025, les ANV sont estimées à 467 millions d'euros soit un montant presqu'identique à celui exécuté en 2023 et aux dernières estimations à date pour l'année 2024.

EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial, sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».

M. Claude Raynal, président. - Nous terminons par l'examen du rapport spécial sur la mission « Remboursements et dégrèvements ».

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial de la mission « Remboursements et dégrèvements ». - La mission « Remboursements et dégrèvements » retrace les dépenses budgétaires qui résultent mécaniquement de l'application de dispositions prévoyant des dégrèvements, des remboursements ou des restitutions d'impôt. Le caractère mécanique de ces dépenses implique que les crédits de la présente mission sont évaluatifs et ne sont pas soumis à un plafond de dépense pour le Gouvernement.

Cette mission est la plus importante en volume de crédits, tous budgets confondus. Ses crédits s'élèvent désormais à plus de 147 milliards d'euros et ont augmenté de 86 milliards d'euros depuis 2001, soit une hausse de 142 %.

Une telle progression procède de deux phénomènes : d'une part, des modifications des politiques fiscales qui, au gré de la multiplication des exonérations, contribuent à la perte de recettes fiscales, et, d'autre part, la hausse des recettes fiscales brutes de l'État, qui engendre une augmentation corrélative des remboursements et des dégrèvements. En ce qui concerne les remboursements et dégrèvements, les dépenses sont évaluées, pour le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 à 142,7 milliards d'euros, soit une hausse notable de 6,5 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2024.

Les crédits votés en 2024 étaient manifestement sous-estimés, puisque les dernières estimations à ce jour pour l'année 2024 les envisagent à la hausse de 9 milliards d'euros, et à 2,5 milliards de plus que les crédits proposés pour 2025. La baisse effective de ces crédits pour 2025 nous amène à nous interroger : devons-nous notamment considérer le résultat des dernières estimations comme la conséquence de la politique récessive du Gouvernement, laquelle déboucherait sur une diminution des recettes fiscales brutes ?

Les restitutions liées à la mécanique de l'impôt enregistrent une augmentation importante, de près de 7 milliards d'euros, par rapport à la loi de finances pour 2024. Les restitutions de TVA en sont la composante prédominante. Elles s'élèvent à 80,3 milliards d'euros dans le PLF 2025. Si leur hausse est légère en comparaison de la LFI de 2024, de l'ordre de 1 milliard d'euros, celle-ci s'inscrit dans une tendance longue et prononcée : de 2014 à 2025, la progression des remboursements de TVA atteint 68,6 %, avec 32,7 milliards d'euros.

Certes, le contexte inflationniste a pu expliquer en partie cette hausse, mais ce niveau historiquement haut pose également la question du niveau de fraude puisque les remboursements de TVA augmentent plus rapidement que la TVA collectée.

Par définition, il n'est pas aisé de mettre un chiffre sur l'ampleur de la fraude à la TVA. En 2022, l'Insee l'a estimée entre 20 et 25 milliards d'euros. Sa méthodologie a toutefois été affinée, en collaboration avec la direction générale des finances publiques (DGFiP) - dont je salue la disponibilité -, et les dernières estimations évaluent désormais l'ampleur de la fraude à la TVA autour de 10 milliards d'euros. La typologie de fraudes observées fait ressortir, pour une large part, des transactions internationales, souvent intracommunautaires, réalisées par des sociétés-écrans.

Des avancées sont assurément constatées dans la lutte contre la fraude et les résultats sont plutôt encourageants puisque l'écart entre la TVA attendue et la TVA perçue a baissé de manière significative entre 2020, où elle s'élevait à 14 milliards d'euros, et 2021, où elle s'établissait à 9,6 milliards d'euros. Le défi reste toutefois de taille : à titre indicatif, les rappels faisant suite à des demandes indues de remboursement de TVA se sont élevés à plus de 3 milliards d'euros en 2023, un chiffre en constante augmentation depuis 2019.

Comme vous, je serai particulièrement vigilant à la mise en oeuvre effective de certaines annonces du Gouvernement et, alors que la fraude est souvent internationale, j'insiste en particulier sur la nécessité de maintenir les moyens suffisants pour que la direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) puisse continuer d'exercer cette mission cruciale, toute économie en la matière étant indubitablement contre-productive au vu des montants en jeu. Les hausses d'effectifs annoncées par le gouvernement en 2023 dans certains services d'enquête de la douane tardent notamment toujours à se concrétiser.

Par ailleurs, nous devrons évaluer les conséquences de la mise en oeuvre de la généralisation de la facture électronique en France, prévue pour 2026. Il nous faudra être vigilants, car le risque existe que certains de nos concitoyens, des artisans ou des chefs d'entreprise se retrouvent alors dans une situation problématique.

Aujourd'hui, la TVA finance largement les collectivités territoriales, qui ont perçu près de 55 milliards d'euros de TVA transférée en 2024. Elle financera désormais, et de façon pérenne, conformément à la proposition de la majorité sénatoriale, l'audiovisuel public, ce qui, à mon avis, ne garantit ni l'indépendance de ce dernier ni la visibilité pluriannuelle de ses ressources. Le recouvrement de la TVA est donc un enjeu crucial.

Pour le reste, les crédits liés à la mécanique de l'impôt se sont révélés particulièrement imprévisibles. En matière d'impôt sur les sociétés, les crédits seraient de 7,5 milliards d'euros supérieurs aux prévisions et atteindraient 18,5 milliards d'euros.

Lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2024, je vous alertais sur ce niveau que je jugeais faible et susceptible d'une révision à la hausse. L'administration fiscale estime, quant à elle, que l'année 2024 est exceptionnelle : s'appuyant sur les valeurs historiques, elle anticipe une baisse des remboursements en 2025 qui s'élèverait à 15,5 milliards d'euros. Si une telle approche statistique peut s'entendre, elle n'est pas sans risque d'une nouvelle sous-estimation des crédits en 2025.

D'une manière générale, et après un échange très intéressant avec l'administration fiscale, j'estime que le Parlement doit être mieux informé sur les hypothèses retenues par l'administration, afin de pouvoir jouer pleinement son rôle de contrôle.

Nous relevons, d'un côté, la mécanique de l'impôt et, de l'autre, la responsabilité des politiques publiques, la part qui est associée aux secondes s'élevant à 18,8 milliards d'euros pour 2025, soit un peu plus de 13 % de l'ensemble des crédits de la mission.

Les remboursements et dégrèvements liés à l'impôt sur le revenu (IR) progressent, notamment sous l'effet de la montée en charge du crédit d'impôt contemporain pour l'emploi d'un salarié à domicile, qui est en deçà des attentes, mais qui reste très dynamique. Les crédits prévus pour 2025 s'élèvent à 2,4 milliards d'euros, soit une hausse de près de 800 millions d'euros et de 49 % par rapport à 2024.

À partir des derniers travaux de la Cour des comptes et du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO), je m'interroge sur le périmètre d'un dispositif aussi coûteux et peu contrôlable, portant sur des dépenses non contraintes pour certains contribuables. Le risque de travail dissimulé ne peut motiver à lui seul le maintien d'une dépense fiscale aussi significative pour les finances publiques. Il convient donc de mettre en débat la nature des dépenses, le taux de prise en charge et le profil socio-économique des bénéficiaires.

L'autre crédit d'impôt coûteux auquel je prête une grande attention est le crédit d'impôt recherche (CIR), qui continue à croître, pour atteindre 7,7 milliards d'euros en 2025. Alors que son effet sur le niveau d'investissement en France reste à démontrer, il me paraît nécessaire de mener une réforme du CIR qui viserait a minima à établir une véritable différenciation par type d'entreprise et par secteur d'activité ainsi qu'à conditionner le versement de l'argent public au maintien de l'activité et des emplois.

J'en viens maintenant au deuxième programme de cette mission. Il concerne les remboursements et dégrèvements d'impôts locaux. Les crédits évalués pour 2025 s'élèvent à 4,4 milliards d'euros, soit une légère hausse qui met un terme à une tendance à la baisse entamée depuis 2021 en raison de la suppression de la taxe d'habitation, de la réforme des impôts de production et de la suppression progressive de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Premièrement, les remboursements et dégrèvements d'impôts économiques suivent naturellement la pause marquée dans la réforme des impôts de production, qui se confirme dans le PLF, lequel repousse à 2029 la suppression totale de la CVAE.

Si ces réformes ont été interrompues, elles ont néanmoins affecté durablement l'autonomie fiscale des collectivités territoriales. En effet, il était initialement prévu que ces pertes de recettes soient compensées à l'euro près par le transfert d'une fraction de TVA ; à l'issue des réformes fiscales successives menées par le Gouvernement, la part de TVA transférée était la première recette des départements (40 %) et des régions (63 %) en 2023.

Or les risques de cette perte d'autonomie fiscale sont tout sauf théoriques. Ce qui devait arriver arriva et, dès ce PLF 2025, ce gouvernement a proposé une stabilisation en valeur des fractions de TVA affectées aux collectivités locales : sur les gains de 1,5 milliard d'euros annoncés par le Gouvernement, ce gel représente un manque à gagner de l'ordre de 635 millions d'euros au titre de la compensation de la perte de la CVAE.

Deuxièmement, les remboursements et dégrèvements de la taxe foncière augmentent sensiblement chaque année. Entre 2018 et 2024, ils ont enregistré une hausse de 909 millions d'euros, soit près de 78 %. Cette hausse s'explique par l'augmentation des montants de taxes foncières, principalement en raison de la revalorisation des valeurs locatives cadastrales.

Il me paraît donc nécessaire d'avoir une réflexion plus approfondie sur le financement des collectivités et leur levier d'action sur leurs ressources.

Avant de conclure, j'indique que je défendrai des amendements au PLF pour 2025 en faveur de la résorption des risques de fraude, qu'il s'agisse de la fraude à la TVA ou d'autres mécanismes qui génèrent du contentieux fiscal.

Mes chers collègues, je vous invite à voter les crédits de la mission.

Mme Sylvie Vermeillet. - Serait-il possible de limiter le bénéfice du CIR aux entreprises européennes ? Des entreprises américaines font travailler nos chercheurs - et le font très bien -, mais le développement peut très bien s'effectuer aux États-Unis, alors que l'État a apporté son financement.

M. Thierry Cozic. - Le CIR occupe une place toute particulière dans cette mission. Longtemps vanté comme un moteur pour l'innovation, il est de plus en plus remis en cause par un certain nombre d'économistes et d'analystes. Comme l'a rappelé le rapporteur spécial, ce crédit d'impôt coûte près de 7,7 milliards d'euros en 2024 et est l'aide la plus avantageuse des pays de l'OCDE, malgré le fait que la part de l'investissement dans la recherche stagne en France depuis plusieurs années autour de 2,3 % du PIB, loin derrière l'Allemagne - 3,1 % du PIB - et le Japon - 3,3 % du PIB.

En France, l'argent public finance près de 20 % de la recherche et développement, contre 6 % en moyenne dans l'OCDE. Si l'on compare avec les 8,26 milliards d'euros consacrés à la recherche publique dans le budget - montant en diminution de 169 millions d'euros par rapport à l'année précédente -, on attend avec appréhension le prochain croisement des courbes budgétaires, qui pourrait conduire à ce que l'argent public finance davantage la recherche privée que publique.

Initialement conçu pour stimuler la recherche, le CIR ne fait aujourd'hui que gonfler les marges des très grandes entreprises. Les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent 89 % des 16 500 bénéficiaires, ne perçoivent ainsi que 36 % des créances ; à l'inverse, les 500 plus grandes entreprises s'approprient à elles seules 40 % de cette niche. Et, comme le précise un rapport parlementaire de 2021, « ces entreprises, dont la compétitivité au niveau mondial est très dépendante de leur capacité à innover, auraient probablement réalisé ces dépenses sans incitation fiscale ».

Ma question est très simple : le rapporteur spécial considère-t-il que le CIR s'apparente davantage à une aubaine pour les multinationales qu'à un moteur de la recherche et développement pour les PME françaises ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. -

Il ne faut jamais cesser de lutter contre les opérations frauduleuses, encore plus par les temps actuels.

M. Pascal Savoldelli, rapporteur spécial. - Je pense que ce rapport, remis chaque année, gagnerait à être instruit dans le temps.

Concernant la possibilité de limiter le CIR quant au champ de ses bénéficiaires, le rapporteur général m'avait indiqué en 2022 qu'une telle mesure serait contraire au droit européen, ce qui est exact. Thierry Cozic a tout à fait raison sur le montant de ce crédit d'impôt, énorme par rapport à nos partenaires. Il est en effet capté très majoritairement par de très grands groupes et est parfois source de fortes contrariétés, comme l'épisode Sanofi l'a récemment démontré.

Lorsque de telles aides publiques sont accordées, j'estime qu'il serait tout à fait envisageable - sans porter atteinte à la liberté d'entreprendre - de définir des priorités et d'encourager la recherche et l'innovation dans certains domaines plus que dans d'autres. Par ailleurs, il me semble essentiel de prendre en compte la taille des entreprises : la solidité économique de la France tient pour beaucoup à son tissu de PME et de TPE, qu'il nous faut soutenir en priorité.

S'agissant de la contribution du CIR à l'activité et à la création d'emplois, il faut faire preuve d'une grande honnêteté intellectuelle et politique en clarifiant une question : considère-t-on que le CIR a un impact sur le maintien et la création d'emplois, à l'instar du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE) ? De la réponse dépend notre capacité d'évaluer correctement l'efficacité de ce dispositif, travail que nous ne pouvons pas mener sans disposer de critères clairs.

J'avais précédemment tenté de calculer le coût d'un emploi financé par le CIR, qui était de huit à dix fois supérieur à un emploi financé par le CICE, mais je ne me livrerai pas à cette opération de nouveau, car je ne tiens pas à faire de la politique pour faire du bruit. La question reste cependant posée et, une fois encore, tout dépend des objectifs et des critères retenus : s'il est question d'évaluer l'efficacité du dispositif pour l'innovation et la recherche, notre esprit critique devra porter sur ce seul aspect.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Remboursements et dégrèvements ».

*

* *

Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES

Direction générale des Finances publiques (DGFiP)

- M. Frédéric IANNUCCI, chef du service de la sécurité juridique et du contrôle fiscal ;

- Mme Carole MAUDET, sous-directrice du contrôle fiscal ;

- M. Nicolas END, chef du département des études et statistiques fiscales ;

- M. Paul LEROY-BEDIER, chef de la section Prévisions DESF, en charge notamment de la mission Remboursements et Dégrèvements.

Direction Générale des Douanes et des Droits Indirects (DGDDI)

- M. Fabrice DEMAISON, chef du bureau comptabilité et recouvrement.

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjlf2025.html


* 1 En application de l'article 10 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, ont un caractère évaluatif les crédits relatifs aux charges de la dette de l'État, aux remboursements, restitutions et dégrèvements et à la mise en jeu des garanties accordées par l'État.

* 2 Ce montant supérieur à 100 % est expliqué par une baisse des remboursements et dégrèvements liés à la gestion des produits de l'État (action 13).

* 3 La simulation de l'INSEE se fondait pour une large part sur les données issues des contrôles sur place qui, par biais de sélection, tendent à surestimer le niveau de fraude. La DGFiP s'est attachée à mieux exploiter les données à sa disposition en matière de contrôle sur place, mais aussi de contrôle sur pièces, où l'importance relative de la fraude est plus réduite, en réalisant par ailleurs des contrôles aléatoires.

* 4 La direction générale des douanes et droits indirects (DGDDI) n'a pas les moyens humains ni matériels de contrôler les sept millions de petits colis soumis à déclaration qui transitent chaque année.

* 5 Le régime 42 est un régime de transit douanier, pouvant être détourné lorsque la marchandise est consommée dans le pays de première importation ou lorsque la TVA n'est ensuite pas réglée dans l'État membre où la marchandise est transférée pour être effectivement consommée.

* 6 Régime dérogatoire réservé aux biens d'occasion permettant de n'imposer une transaction que sur la marge réalisée par le revendeur et non sur sa valeur totale.

* 7 Cour des comptes, « les certificats d'économies d'énergie », juillet 2024.

* 8 Loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude.

* L'article 286-I-3° bis du Code Général des Impôts (CGI) présente l'obligation pour une personne assujettie à la TVA d'utiliser un logiciel ou un système de caisse qui satisfasse aux conditions d'inaliénabilité, de sécurisation, de conservation et d'archivage des données en vue du contrôle de l'administration fiscale. Le respect des quatre conditions précitées (inaliénabilité, sécurisation, conservation et archivage) peut être justifié par un certificat délivré par un organisme accrédité ou par une attestation individuelle de l'éditeur.

* 10 Rapport d'information n° 72 (2022-2023), déposé le 25 octobre 2022, « Fraude et évasion fiscales : faire les comptes et intensifier la lutte »

* 11 Cour des comptes, « la direction des enquêtes fiscales », octobre 2024.

* 12 Le dropshipping ou « livraison directe » est une vente sur internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit. C'est le fournisseur du vendeur qui expédie la marchandise au consommateur final. Le consommateur n'a généralement ni connaissance de l'existence du fournisseur ni de son rôle.

* 13 Article 292 du code général des impôts.

* 14 « Le soutien de l'État aux services à la personne », mars 2024.

* 15 « Conforter l'égalité des citoyens devant l'imposition des revenus », octobre 2024.

* 16 Le CICE a été abrogé par la loi de finances pour 2018 avec effet au 1er janvier 2019. Depuis le 1er janvier 2019, il a été transformé en un allègement pérenne de cotisations sociales, excepté à Mayotte où il est toujours en vigueur. Cependant, les entreprises qui détiennent une créance au titre du CICE peuvent continuer à s'en servir pour le paiement de leur IS pendant cinq ans.

En conséquence, l'année 2023 est la dernière année au cours de laquelle des restitutions d'IS en lien avec le CICE, au titre de l'année 2019, étaient susceptibles d'être inscrites sur les crédits du programme 200 (sauf pour les entreprises domiciliées à Mayotte).

* 17 La règle dite du « doublement de l'assiette » du crédit d'impôt recherche (CIR) qui permet à un donneur d'ordre privé, externalisant une activité de R&D à une entité publique de recherche, de déclarer à l'administration fiscale le double des dépenses facturées par l'entité.

* 18 Entrant dans la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité.

* 19 Règle remplacée en 2022 par la création d'un crédit d'impôt en faveur de la recherche collaborative.

* 20 Le contentieux Messer France est relatif à la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Dans ses conclusions du 25 juillet 2023, la CJUE a considéré que la CSPE, dans sa version d'avant 2016, ne devait pas avoir des finalités de cohésion territoriale et sociale et des finalités administratives. Les contribuables peuvent donc prétendre à un remboursement partiel de CSPE. Son traitement par la commission de régulation de l'énergie ne consiste pas en l'application de décisions de justice, mais en des transactions visant à permettre le désistement de requêtes déposées devant le TA Paris.

* 21 Loi de finances rectificatives pour 2012, n° 2012-958 du 16 août 2012.

* 22 Cour des comptes, référé du 30 mai 2013 sur les contentieux précompte mobilier et OPCVM.

* 23 Cette contribution a été annulée par le Conseil constitutionnel pour rupture d'égalité devant l'impôt, cette rupture d'égalité étant elle-même une conséquence de l'invalidation partielle de la contribution par la CJUE (arrêt C-365/16 du 17 mai 2017).

* 24 Le jugement d'un contentieux individuel est attendu, concernant une fraude de type carrousel. La société incriminée avait formé en 2019 un pourvoi devant le Conseil d'État, qui a renvoyé l'affaire devant la Cour administrative d'appel : elle n'avait toujours pas rendu son jugement fin 2023 et l'impact de l'admission en non-valeur a donc de nouveau été reporté, de 2023 sur 2024.

* 25 Cette sous-action regroupe les opérations de gestion diverse, telles que :

- les remises et annulations de majorations ;

- les restitutions de trop-perçu d'acomptes sur les déclarations relatives aux RCM ;

- les dégrèvements et restitutions de taxe sur les logements vacants ;

- les restitutions d'écotaxe (malus automobile) ;

- les remboursements et rectifications de produits d'État encaissés les années antérieures au titre des administrations financières ;

- des remboursements d'amendes ;

- des annulations de crédits de fonds de concours (opérations d'ordre) ;

- les restitutions d'amendes de prélèvement à la source ;

- les rejets de prélèvements à la source après clôture de l'exercice ;

- les versements aux organismes gestionnaires de titres simplifiés.

* 26 Ce plafonnement ne peut avoir pour effet de ramener la CET à un montant inférieur à la cotisation minimum de la cotisation foncière des entreprises (CFE, article 1647 D du CGI).

* 27 Le taux de 1,625 % a été adopté en loi de finances initiale pour 2023. Il était précédemment de 3 % puis de 2 % à compter de la LFI pour 2021.

* 28 Rapport de la Cour des comptes sur « Les scénarios de financement des collectivités territoriales » - octobre 2022.

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