EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE
En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.
En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 6 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de Mme Vanina Paoli-Gagin et M. Jean-François Rapin, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. Claude Raynal, président. - Nous allons à présent entendre le rapport de Mme Paoli-Gagin et de M. Jean-François Rapin sur la mission « Recherche et enseignement supérieur ».
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - La mission « Recherche et enseignement supérieur » est dédiée à l'avenir de notre pays. Elle pèse d'un poids significatif - le quatrième en importance - dans les crédits du budget général, avec un montant de 31,2 milliards d'euros en 2025.
J'évoquerai le budget proposé pour la recherche.
La politique de recherche fait l'objet depuis 2020 d'une programmation pluriannuelle qui couvre la période 2021-2030. Nous avons été nombreux à saluer l'engagement de cette dynamique de réinvestissement. Les constats que nous avions dressés à l'époque sont encore d'actualité pour beaucoup d'entre eux et je n'ai aucun doute sur le fait que la politique de recherche demeure une politique stratégique, incontournable pour répondre aux quatre défis de la transition numérique, environnementale, énergétique et de santé. Les recommandations du rapport Draghi sur la compétitivité de l'Union européenne confirment la nécessité de ce réinvestissement.
Les acquis de la loi du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur (LPR) doivent donc être conservés. C'est justement ce que permet le budget de la recherche proposé par le Gouvernement pour 2025.
Il faut cependant remarquer que la programmation ne pourra être tenue dans son intégralité. La cible fixée par le programme 172, qui est le principal financeur de la recherche publique, serait sous-exécutée à hauteur de 136 millions d'euros. Si cette sous-exécution doit appeler notre attention, elle doit aussi être mise en perspective dès lors qu'elle représente moins de 2 % des crédits du programme. Le budget 2025 permet de ce point de vue d'exécuter la LPR à hauteur de 98 % pour le programme 172 ; il ne remet pas en cause le mouvement de fond de réinvestissement dans la recherche publique.
Entre 2020 et 2025, l'enveloppe annuelle du programme 172 aura augmenté de 1,4 milliard d'euros. Il semble difficile dans ces conditions de parler « d'austérité budgétaire » dans le domaine de la recherche.
L'analyse détaillée du budget de la recherche proposé en 2025 fait apparaître un prolongement de la dynamique engagée depuis plusieurs années. La hausse des crédits dédiés à la recherche permettra de poursuivre en priorité les mesures de renforcement de l'attractivité des métiers de la recherche. À ce titre, les opérateurs de la recherche publique continueront de voir augmenter leur subvention annuelle versée par le programme 172, en dépit d'un contexte budgétaire contraint. Le Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ou le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) bénéficieront ainsi de hausses de plus de 10 millions d'euros.
Le réarmement budgétaire de l'Agence nationale de la recherche (ANR) opéré depuis 2020 n'est pas non plus remis en cause. Alors que le montant annuel dédié à la recherche sur projets financée par l'ANR a augmenté de près de 70 % entre 2019 et 2024, l'intention du Gouvernement consiste à poursuivre cette dynamique. Nous avions nous-mêmes, au sein de cette commission, plaidé en ce sens. Les niveaux de financement atteints s'avèrent même supérieurs à ceux que nous réclamions pour l'efficacité de l'ANR.
Dans le domaine de la recherche spatiale, marqué cette année par le succès remarquable du vol inaugural d'Ariane 6 le 9 juillet dernier, le projet de budget 2025 est conforme à la programmation pluriannuelle fixée dans la loi.
Le bilan global de ce projet de budget pour la recherche marque donc la volonté de préserver le financement d'une politique prioritaire. Dans un contexte de contrainte générale pesant sur les finances publiques, le fait significatif est bien que la trajectoire ambitieuse de la LPR ait été respectée à hauteur de 98 % pour le programme 172.
Je conclus en attirant votre attention sur l'existence dans les fonds européens d'une marge inexploitée de financement pour la recherche publique française. En effet, l'Union européenne appuie de nombreux projets de recherche au travers du programme-cadre Horizon Europe créé en 2021.
La France est certes, derrière l'Allemagne, le deuxième pays pour la captation des aides à la recherche du programme, avec plus de 1 milliard d'euros obtenus en 2023, soit un taux de retour de 11,8 %. Mais si ce taux peut paraître important, il doit être comparé à la contribution française au budget de l'Union européenne, qui se situe en 2023 à un niveau de 17,4 %. Il ne permet donc pas de capter un niveau de financement équivalent à la contribution de notre pays au budget européen de la recherche. Chaque année, la France contribue plus au budget de recherche de l'Union européenne qu'elle n'en bénéficie. En 2023, ce solde de contribution s'est élevé à 553 millions d'euros, soit un montant largement supérieur à la sous-exécution de la LPR que j'ai évoquée.
Il faut en conclure que, dans un contexte budgétaire contraint, notre priorité commune doit être de mobiliser cette marge de financement en renforçant la capacité des chercheurs français à obtenir des fonds auprès de la Commission européenne. La mobilisation de ce levier pourrait permettre de rehausser de plusieurs centaines de millions d'euros le financement public de la recherche sans peser sur notre budget national.
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». - Avant de vous présenter les deux programmes qui concernent l'enseignement supérieur, je veux saluer les propos de M. Rapin. L'investissement européen, tel que le préconise le rapport de Mario Draghi, est impératif si l'on veut éviter le décrochage de la recherche et de l'enseignement supérieur de notre pays.
Le PLF pour 2025 ne prévoit pas d'économies apparentes pour les établissements d'enseignement supérieur. Ceux-ci sont cependant mis à contribution. En effet, cela fait plusieurs années qu'ils sont appelés à mobiliser leurs réserves. Les mesures salariales de 2022 et 2023, en particulier les hausses du point d'indice, n'ont été que partiellement compensées. Le manque à gagner est estimé par le ministère à 150 millions d'euros. Les surcoûts énergétiques ont également largement pesé sur les établissements, dont le parc immobilier est encore trop souvent très énergivore. Je vous renvoie, à cet égard, à mon rapport d'information intitulé Optimisation de la gestion de l'immobilier universitaire à l'heure de la nécessaire transition écologique et du déploiement de l'enseignement à distance, qui soulignait que le coût le plus lourd, en la matière, est avant tout celui de l'inaction.
La hausse de 4 points en 2025 des cotisations employeur de l'État, destinée à équilibrer le compte d'affectation spéciale (CAS) « Pensions », aura un impact sur le programme 150 de près de 200 millions d'euros. Le coût pour les seules universités est estimé à 180 millions d'euros. Le ministère de l'enseignement supérieur évalue à 500 millions d'euros le total des surcoûts non compensés pour les établissements d'enseignement supérieur en 2025.
Il est légitime que les universités prennent leur part des efforts généraux d'économies. Il serait cependant difficile d'aller plus loin à court terme. Comme l'a indiqué Jean-François Rapin, la marche prévue en 2025 par la loi de programmation de la recherche ne sera pas atteinte. Les mesures financées en 2025 à hauteur de 95 millions d'euros concernent les mesures de revalorisation prévues par la LPR.
J'ai choisi, dans ce rapport, de prêter une attention particulière aux instituts d'études politiques (IEP). En effet, ces établissements ont pour particularité de moduler leurs droits d'inscription en fonction du revenu des étudiants ou de leur famille. Ce système me paraît in fine plus juste. Il permet d'adapter les frais de scolarité aux facultés de chacun, alors que les instituts d'études politiques accueillent en moyenne un tiers d'étudiants boursiers, qui sont exonérés de frais de scolarité. Nous ne pourrons pas longtemps échapper à une réflexion sur la modulation des droits d'inscription à l'université.
Je voudrais également dire quelques mots de l'apprentissage, qui ne relève pas à proprement parler de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». En effet, près d'un quart des étudiants dans l'enseignement supérieur sont aujourd'hui en apprentissage, dont une proportion toujours plus élevée d'étudiants issus des filières générales. Alors que l'apprentissage dans l'enseignement supérieur coûte 4 milliards d'euros par an à l'État, nous ne devons pas perdre de vue qu'il n'est pas pertinent dans toutes les formations et tous les secteurs.
Les moyens consacrés à la vie étudiante diminuent de 77 millions d'euros. On peut toutefois s'interroger sur la réalité de cette trajectoire. En effet, l'intégralité de la diminution serait supportée par la baisse des montants prévus pour 2025 au titre des bourses sur critères sociaux.
Or le ministère a d'ores et déjà annoncé qu'il aurait besoin d'ouvrir des crédits en fin de gestion 2024, dans la mesure où les annulations de février dernier ne laissent plus de marge de manoeuvre pour mobiliser la réserve de précaution. Il est probable que cette situation se représente l'an prochain et que les économies de ce PLF sur les bourses ne soient pas appelées à durer.
Par ailleurs, nous entrons dans la deuxième année du déploiement de la première étape de la réforme des bourses sur critères sociaux. La deuxième étape de cette réforme, qui devait consister en la linéarisation du mode de calcul de ces bourses, a été repoussée du fait de la situation budgétaire actuelle.
Le premier bilan de cette réforme est positif. Les modes de calcul antérieurs étaient obsolètes et, selon le ministère, les évolutions de 2023 ont permis d'accorder une bourse à 30 000 étudiants supplémentaires. Le montant moyen accordé a également cru de 50 euros par mois en moyenne, soit 500 euros en plus sur une année. Par conséquent, les montants consommés pour les bourses sur critères sociaux auront augmenté de 162 millions d'euros entre 2023 et 2024, soit une hausse de 7,2 %.
Par ailleurs, le nombre de boursiers est également en diminution du fait du développement de l'apprentissage. En effet, les apprentis ne peuvent être boursiers.
Au-delà de la question des bourses, les crédits au réseau des centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires (Crous) augmentent légèrement. Les Crous sont en effet sous grande tension, à la fois sur leur activité de restauration et sur celle d'hébergement.
Entre 2023 et 2024, ils ont servi 6 millions de repas à tarifs sociaux, dans un contexte de forte augmentation du prix des denrées alimentaires.
Concernant le logement, la priorité doit être la réhabilitation de résidences étudiantes. Les Crous disposent en moyenne, chaque année, de 2 000 nouveaux logements et de près de 3 000 logements réhabilités. Ce n'est pas suffisant, alors que près de 75 000 étudiants n'ont pas eu accès à un logement de Crous à la dernière rentrée.
Les ressources propres des Crous devraient cependant augmenter en 2025, du fait de la fin des cinq années de gel des loyers dans les résidences. La recette attendue en année pleine devrait être de 15 millions d'euros.
Je reviens enfin sur le recours aux résidences des Crous pendant les jeux Olympiques, qui a fait tant de bruit. Sur les douze résidences d'Île-de-France mobilisées, seuls 978 étudiants au total ont été relogés durant l'été. Environ 300 d'entre eux n'ont finalement pas souhaité revenir dans leur résidence initiale et tous ont reçu une compensation de 100 euros. L'ensemble de cette opération est un succès et donne à réfléchir sur l'optimisation de l'utilisation des logements tout au long de l'année.
Pour conclure, je vous propose d'adopter les crédits des programmes concernant l'enseignement supérieur.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. -La mission « Recherche et enseignement supérieur » concentre 218 opérateurs. Vous le savez, la question de la trésorerie des opérateurs est un sujet d'attention particulier, ne serait-ce que pour garantir le bon usage de chaque euro de dépense publique.
Dans ce contexte, j'avais eu l'occasion de déposer un amendement au PLF pour 2024, visant à réduire l'excédent de trésorerie du CNRS, qui avait suscité un certain émoi. Les contradictions apparues entre les membres du Gouvernement m'avaient toutefois conduit à le retirer.
Dans la revue de dépenses qu'elle avait consacrée à ce sujet l'année dernière, l'inspection générale des finances (IGF) estimait qu'il existait un excédent de trésorerie de plus de deux milliards d'euros sur l'ensemble des opérateurs de l'État. Vous êtes-vous penchés sur cette question ?
Par ailleurs, vous avez évoqué le coût de l'apprentissage et rappelé que la pertinence de ce dispositif dépendait du niveau et de la filière de formation des élèves. Je partage votre point de vue.
M. Jean-Marie Mizzon. - La France est contributrice nette au budget de l'Union européenne, notamment en raison de la politique de cohésion.
Toutefois, le programme-cadre Horizon Europe ne relève pas de la politique de cohésion, mais d'une politique sectorielle. La France n'est pas obligée d'être systématiquement déficitaire ! Dans un pays qui souffre de problèmes d'ordre comptable, il est regrettable, voire fautif, de ne pas se servir de montants qui pourraient être utiles.
Le secrétariat général des affaires européennes (SGAE) a d'ailleurs créé une cellule de mobilisation pour améliorer l'accès à ces programmes, ce que je salue.
M. Thomas Dossus. - Votre relativisme sur la LPR me laisse dubitatif. L'alarme a été sonnée à plusieurs reprises, que ce soit par France Universités ou par des députés, qui estimaient qu'à peine un tiers de la trajectoire prévue cette année - le total s'élevait à 288 millions d'euros - avait été respecté ! Il me paraît donc trompeur de dire que nous devrions atteindre 98 % de la LPR...
Mme Florence Blatrix Contat. - Je partage l'analyse de M. Dossus sur la trajectoire de la LPR. Cette mission est en baisse. C'est la première fois depuis dix ans. Si j'ai bien entendu vos remarques sur les réserves, la diminution des crédits reste regrettable.
Le rapport Draghi a souligné l'importance de l'investissement dans la recherche, ainsi que celle du capital humain, pour notre compétitivité.
Permettez-moi d'exprimer un point de désaccord. Augmenter les droits d'inscription dans les universités pourrait accroître les difficultés à poursuivre leurs études pour les jeunes des classes moyennes. Ces élèves, lorsqu'ils ne sont pas boursiers, sont généralement contraints à travailler, et ils ne bénéficient pas des mêmes avantages en matière de logement. Soyons donc vigilants.
Je suis favorable au développement de l'apprentissage dans l'enseignement supérieur. Pour autant, il est essentiellement le fait de grands groupes privés. Avons-nous progressé sur le contrôle de la qualité des enseignements prodigués ? C'est un enjeu important, au regard des sommes mobilisées.
M. Michel Canévet. - Quelles évolutions pourrions-nous apporter au crédit d'impôt recherche (CIR) pour que ce dispositif cible les entreprises qui en ont réellement besoin - je pense notamment aux PME ?
Les universités, sur le territoire, ont le sentiment de faire face à une disproportion dans l'allocation des moyens de fonctionnement. Une pétition a ainsi été lancée à l'université de Bretagne occidentale, à Brest, pour protester contre les différences de financement entre les facultés sur le territoire, au détriment de celles qui sont le plus excentrées. Des évolutions sont-elles prévues pour garantir une cohérence dans les apports financiers ?
Mme Christine Lavarde. - La création du programme 235 « Sûreté nucléaire et radioprotection » au sein de la mission « Écologie » marque une évolution du périmètre. Aussi, la subvention pour charges de service public attribuée au Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) comprend-elle bien les missions autrefois assurées par l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ?
M. Claude Raynal, président. - Vous suggérez que les universités s'inspirent du modèle de frais d'inscription en vigueur dans les IEP. Mme Blatrix Contat a quant à elle rappelé la diversité des profils des étudiants non boursiers. Plus largement, je m'inquiète davantage de la nécessité de clarifier ce qui relève de l'impôt sur le revenu et du paiement des services publics. Cette distinction est de plus en plus délicate. Les Français qui paient l'impôt sur le revenu participent à l'effort national : il semble difficile de leur demander de contribuer à tous les services auxquels ils ont recours. Cela risque de mettre en difficulté l'acceptation du principe même de l'impôt sur le revenu. Cette réflexion vaut d'ailleurs aussi pour l'impôt local.
M. Jean-FrançoisRapin, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, je vous rappelle que lors de l'examen du PLF pour 2024, la ministre de l'époque s'était scandalisée de votre amendement visant à prélever 100 millions d'euros sur la trésorerie du CNRS, dont le total s'élevait à environ 1 milliard d'euros. Selon elle, vous auriez conduit le CNRS à l'effondrement. Et pourtant, cela n'a pas empêché le Gouvernement de procéder à ce prélèvement en février dernier...
L'exercice sur la trésorerie est difficile. Néanmoins, après avoir échangé avec le ministère, nous disposons de chiffres prévisionnels, qui sont désormais stabilisés, bien qu'ils n'aient pas été confirmés par un commissaire aux comptes.
En matière de trésorerie, l'estimation la plus importante est celle des jours de dépenses de fonctionnement décaissables - autrement dit, le temps que l'opérateur pourrait tenir avec sa trésorerie s'il n'encaissait plus un euro. La trésorerie libre d'emploi du CNRS représente environ trente-neuf jours de charges décaissables. Celle de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) environ quarante-neuf jours de charges décaissables. L'Agence nationale de la recherche dispose de vingt-cinq jours de charges décaissables. Enfin, la trésorerie disponible du CEA serait de moins de dix jours de charges décaissables.
En tout cas, malgré l'émoi suscité par votre amendement, le CNRS ne s'est pas écroulé lorsque l'excédent de trésorerie que vous proposiez de prélever a été ponctionné par le Gouvernement.
Monsieur Mizzon, le programme-cadre Horizon Europe est en effet une politique sectorielle. J'ai échangé avec le SGAE. Avec un peu d'ambition, la France pourrait rattraper, tous ministères confondus, près de 2 milliards d'euros sur les crédits européens.
Le CNRS a créé une cellule de captation des fonds européens. Les plus petits laboratoires doivent, eux aussi, chercher davantage de fonds. C'est l'une des faiblesses de la France, mais précisément parce que nous avons nous-mêmes encouragé l'augmentation des crédits de l'ANR. Nous avons ainsi procuré une forme de confort à nos chercheurs français, qui n'ont plus l'ambition de chercher à obtenir des crédits européens. Et pourtant, 600 millions d'euros sont disponibles. Je vous proposerai donc un amendement de nature à inciter les chercheurs français à solliciter des crédits européens.
Monsieur Dossus, il est vrai que la trajectoire de la LPR est en légère diminution, de 2 %. N'oublions pas que cette programmation s'étale sur une période de dix ans. Il est regrettable que nous n'ayons pas mis en oeuvre la clause de revoyure - ce qui nous met d'ailleurs hors-la-loi ! Il aurait fallu le faire en fin d'année 2023, ou au plus tard au début de cette année.
Les lois de programmation sont toujours délicates. Nous avons consacré d'importants efforts à la LPR les trois premières années. Alors que la situation budgétaire est critique, il ne me paraît pas illégitime d'envisager une diminution des crédits, sans pour autant trahir l'ambition de recherche française - quitte à la rattraper plus tard. La possibilité d'accéder à des financements européens, dans cette perspective, est particulièrement intéressante. Si nous n'allons pas chercher ces crédits, d'autres le feront : les parlementaires allemands, en particulier, l'ont fait savoir.
Monsieur Canévet, le CIR relève davantage de la fiscalité. Je sais seulement qu'une modification à la marge de l'assiette est envisagée. Son principe, en tout cas, n'est pas remis en question. Toutes les entreprises que je rencontre me disent, d'ailleurs, que ce dispositif est essentiel pour préserver la recherche française.
Madame Lavarde, sur le financement du CEA, je vous confirme que cet opérateur va bénéficier d'une hausse de ses moyens en matière de recherche par l'affectation d'une fraction des recettes de la taxe sur les installations nucléaires de base à hauteur de 240 millions d'euros.
Mme Vanina Paoli-Gagin, rapporteur spécial. - Monsieur le rapporteur général, la trésorerie des universités doit déjà être fortement mobilisée pour absorber le choc des réformes. Aujourd'hui, 87 % du fonds de roulement des universités est mobilisé pour des opérations d'ordre pluriannuel.
Concernant l'apprentissage, 61 % des apprentis sont en licence professionnelle, mais 32 % étudient dans des écoles de commerce, et 18 % dans des écoles d'ingénieur. Il est normal que l'effort public soit important pour une partie d'entre eux. Mais pour certains secteurs, et pour les plus hauts niveaux de diplôme, il est légitime de se demander si la contribution des grands groupes ne pourrait pas être plus forte. Par ailleurs, Parcoursup proposait 1 800 formations en apprentissage en 2014, 2 600 en 2018, 9 000 en 2023 et 10 000 en 2024. Cette croissance exponentielle rend difficiles les contrôles que vous appelez de vos voeux.
Monsieur le président, votre réflexion porte plus généralement sur le contrat social. L'effort fiscal décroît pour les étudiants les plus aisés, en raison d'un plafonnement pour les plus hauts revenus dans les IEP. Notre but n'est pas d'empêcher les étudiants des classes moyennes d'accéder à l'université mais de rendre les droits d'inscription à l'université plus progressifs. Si l'on prend un peu de recul, on voit bien qu'à l'échelle mondiale, les frais de scolarité universitaire en France restent très faibles.
Monsieur Canévet, votre question est légitime, et soulève un problème qu'a fait apparaître la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités, à savoir la difficulté de disposer de chiffres consolidés à l'échelle nationale, ce qui crée une forme d'opacité. Il est donc impossible d'opérer la comparaison territoriale entre les universités que vous demandez. C'est précisément ce que nous soulignions dans notre rapport sur le bilan du financement de la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE. En outre, le tableau est encore troublé par les aides indirectes dont bénéficient certaines universités de la part des collectivités, via la mise à disposition de locaux, par exemple.
M. Claude Raynal, président. - J'invite M. le rapporteur spécial à présenter son amendement sur l'article 42.
M. Jean-François Rapin, rapporteur spécial. - Plusieurs éléments motivent cet amendement. D'abord, nous n'avons pas mis en oeuvre la clause de revoyure prévue dans la LPR. En outre, notre budget est contraint. Beaucoup d'économies conjoncturelles seront proposées. Pour ma part, je vous propose une économie structurelle. Puisque nous parvenons déjà à toucher 1 milliard d'aides européennes, pourquoi ne pas chercher à obtenir 1,5 milliard ? La masse de recherche française le permettrait.
L'ANR a bénéficié d'une augmentation de crédits considérable, à hauteur de 82 %, entre 2020 et 2024, soit près de 600 millions d'euros au total, avec un taux de succès de 25 % - ce qui correspond à notre ambition, même si nous pourrions atteindre 30 % au terme de la LPR. Nous étions bien entendu alors favorables à cette hausse.
Je propose de geler les crédits de l'ANR, et de flécher la moitié des 120 millions d'euros ainsi préservés vers la création d'un bonus européen de 5 % versé par le ministère de la recherche aux chercheurs qui réussissent à capter des financements européens.
Nous réduirions également les crédits de paiement, puisque l'ANR verse d'emblée 20 % d'avance initiale aux lauréats des appels à projets.
Il me semble que nous avons soutenu la recherche ces quatre dernières années. Aujourd'hui, nous défendons une trajectoire légèrement différente, mais qui nous permettra de rapporter plus de crédits.
M. Thomas Dossus. - Nous conditionnerions donc l'obtention de crédits à la recherche de financements européens. Au moment de l'examen de la LPR, nous avions constaté que la communauté scientifique se plaignait de passer beaucoup de temps à répondre à des appels à projets. Votre mesure ne ferait qu'amplifier cette recherche permanente de financements. Nous voterons donc contre cet amendement.
L'amendement II-12 est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », sous réserve de l'adoption de son amendement.
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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a procédé à l'examen définitif de l'équilibre, des missions, des budgets annexes, des comptes spéciaux et des articles rattachés de la seconde partie.
M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Réunie le 6 novembre, la commission des finances a adopté les crédits de la mission tels que modifiés par un amendement.
Je vous propose l'adoption d'un second amendement de crédits visant à réduire la trésorerie excédentaire du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) de 100 millions d'euros.
Cet amendement, qui avait déjà été déposé l'année dernière, tire les conséquences d'une revue de dépenses de l'Inspection générale des finances (IGF), qui avait identifié des niveaux de trésorerie excédentaire chez plusieurs opérateurs de l'État.
Les informations transmises à la commission permettent d'identifier des marges de manoeuvre importantes dans la trésorerie du CNRS, qui est de 1,5 milliard d'euros, dont 490 millions d'euros de trésorerie disponible. La ponction proposée de 100 millions d'euros laisse donc une marge suffisante pour que l'activité de recherche du CNRS ne soit pas affectée en 2025.
L'amendement II-13 (FINC.7) est adopté.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » tels que modifiés par ses amendements.