- L'ESSENTIEL
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité
- Article 1er bis
Correction d'une erreur rédactionnelle
- Article 1er ter
Droits des salariés sous contrat de travail à temps partagé en cas d'embauche par une entreprise utilisatrice
- Article 2 (suppression maintenue)
Sanctions en cas de manquement aux dispositions relatives au contrat de travail à temps partagé à des fins d'employabilité
- Article 3 (suppression maintenue)
Gage financier de la proposition de loi
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
- CONTRIBUTIONS ÉCRITES
- LA LOI EN CONSTRUCTION
N° 89
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025
Enregistré à la Présidence du Sénat le 29 octobre 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur
la proposition de loi,
adoptée par l'Assemblée nationale
après engagement de la procédure accélérée,
visant à poursuivre
l'expérimentation
relative au travail
à temps partagé
aux
fins
d'employabilité,
Par Mme Frédérique PUISSAT,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de :
M. Philippe Mouiller, président ;
Mme Élisabeth Doineau,
rapporteure
générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol,
Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno,
Xavier
Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin,
M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge,
vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne
Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ;
Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne
Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa,
Mmes Marion
Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas,
Chantal Deseyne, Brigitte Devésa,
M. Jean-Luc Fichet,
Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé
Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte,
Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence
Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec,
Guylène Pantel, M. François Patriat,
Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat,
Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani,
Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie
Vanlerenberghe.
Voir les numéros :
Assemblée nationale (16ème législ.) : |
1972, 2015 et T.A. 226 |
|
Sénat : |
265 (2023-2024) et 90 (2024-2025) |
L'ESSENTIEL
Parvenue à échéance le 1er janvier 2024, l'expérimentation d'un contrat de travail à temps partagé aux fins d'employabilité (CDIE) serait reconduite pour quatre nouvelles années par cette proposition de loi. Le texte transmis au Sénat resserre toutefois les conditions d'éligibilité de ce dispositif à destination d'un public éloigné de l'emploi.
La commission a adopté sans modification la proposition de loi.
*
**
I. UNE EXPÉRIMENTATION DÉBUTÉE EN 2018 D'UN CADRE ASSOUPLI DE MISE À DISPOSITION DE SALARIÉS ÉLOIGNÉS DE L'EMPLOI
A. LE TRAVAIL À TEMPS PARTAGÉ ET LE CDIE
La loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises a créé le dispositif du travail à temps partagé (TTP). Dans ce cadre, des entrepreneurs de travail à temps partagé (ETTP) recrutent du personnel qualifié qu'ils mettent ensuite à disposition d'une entreprise utilisatrice pour l'exécution d'une mission. Il s'agit donc de mutualiser la main d'oeuvre qualifiée que les PME ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a pris appui sur ce régime pour créer, à titre expérimental, le CDIE. Ce dispositif s'adresse cependant à un public spécifique rencontrant « des difficultés particulières d'insertion professionnelle appréciées selon des critères alternatifs relativement souples. Peuvent ainsi bénéficier d'un CDIE :
- les personnes inscrites sur les listes de Pôle emploi depuis au moins six mois ;
- les personnes âgées de plus de cinquante ans.
- les personnes dont le niveau de formation est inférieur au bac ;
- les bénéficiaires d'un des minima sociaux ;
- les personnes en situation de handicap.
L'expérimentation assouplit également les conditions de mise à disposition puisque le client utilisateur n'est plus nécessairement une entreprise limitée dans son recrutement par sa taille ou ses moyens. De même, le CDIE est, à certains égards, plus flexible que le contrat de travail à durée indéterminée (CDI) intérimaire. L'entreprise utilisatrice peut y avoir recours sans avoir à démontrer le caractère temporaire du besoin de main d'oeuvre et sans que la durée de la mission accomplie, ni les renouvellements ne soient limités dans le temps.
La finalité du CDIE est toutefois de s'adresser à un public plus éloigné de l'emploi que la moyenne. Dès lors, l'ETTP est tenue de mettre en place les conditions d'une montée en qualification du salarié pour faciliter son insertion pérenne dans l'emploi. Il doit, d'une part, leur proposer des actions de formation conduisant à une certification professionnelle. D'autre part, il doit abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié à hauteur de 500 € supplémentaires par salarié à temps complet et par année de présence.
Initialement caduque au 1er janvier 2022, cette expérimentation a été reconduite jusqu'au 31 décembre 2023 par la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée » pour tenir compte de la crise sanitaire. Aucun nouveau CDIE n'a pu être conclu depuis le 1er janvier 2024.
S'agissant du bilan de cette expérimentation, le législateur avait prévu que le Gouvernement remettrait au Parlement deux rapports. Le premier rapport intermédiaire a bien été remis en avril 2022 mais manque de données pour dresser une évaluation convaincante. Le second rapport n'a, quant à lui, jamais fait l'objet d'une transmission au Parlement. Le rapport datant de juillet 2023 de la mission confiée à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) n'a, quant à lui, été rendu public que le 25 octobre 2024, ne permettant pas de confronter ses conclusions avec les personnes entendues en audition par la rapporteure.
En conséquence, les données chiffrées sur la mise en oeuvre de cette expérimentation demeurent parcellaires et sont déclaratives. Selon les informations à la connaissance de l'Igas, environ 5 000 CDIE auraient été conclus de 2018 à la fin de l'expérimentation.
B. LE DISPOSITIF DE LA PROPOSITION DE LOI
L'article 1er de la proposition de loi, tel que transmis au Sénat, prévoit une relance de l'expérimentation pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de ce texte. Le texte initial prévoyait une inscription pérenne du dispositif dans le code du travail. En commission, les députés ont cependant jugé qu'il convenait encore de mieux évaluer le dispositif avant d'envisager sa généralisation.
Cet article 1er prévoit également de mieux cibler les publics éloignés de l'emploi en resserrant les conditions d'éligibilité. Les nouvelles conditions proposées pour l'accès au CDIE rendraient éligibles :
- les demandeurs d'emploi inscrits sur les listes de France Travail depuis au moins douze mois - contre six mois actuellement ;
- les personnes âgées de plus de 55 ans - et non plus 50 ans - inscrites sur les listes de France Travail depuis aux moins six mois.
- les jeunes de moins de 26 ans ayant une formation infra bac et inscrites sur les listes de France Travail ;
- les bénéficiaires des minima sociaux ;
- les personnes en situation de handicap.
Enfin, cet article sécurise juridiquement le régime applicable en prévoyant que les contrats conclus avant le 31 décembre 2023 resteront régis par la loi dans sa version antérieure à ce texte.
Des salariés en CDIE seraient recrutés par leur entreprise utilisatrice1(*) |
L'article 1er ter propose de renforcer les droits de tous les salariés mis à disposition dans le cadre d'un contrat de travail à temps partagé - CDIE ou non - et finalement embauchés par leur entreprise utilisatrice. Cette situation n'est pas hypothétique dans le cadre du CDIE puisqu'environ la moitié de ces salariés, selon les entreprises du secteur entendues en audition, seraient embauchés par l'entreprise utilisatrice à la suite de leur contrat de mission.
Premièrement, les salariés pourraient rompre leur contrat de travail à temps partagé sans préavis si l'embauche dans l'entreprise se fait à l'issue d'une mission.
Deuxièmement, la durée des missions préalablement accomplies dans cette entreprise seraient prise en compte, dans une limite de trois mois, pour le calcul de l'ancienneté du salarié et pour celle de la période d'essai prévue par le nouveau contrat de travail. Il s'agit ici d'aligner le régime de mise à disposition dans le cadre du TTP sur le droit applicable au CDI intérimaire.
II. UNE RELANCE NÉCESSAIRE DE L'EXPÉRIMENTATION SANS PLUS TARDER
A. UN DISPOSITIF COMPLÉMENTAIRE AUX CONTRATS DE TRAVAIL, EN FAVEUR DES PERSONNES LES PLUS ÉLOIGNÉES DE L'EMPLOI
La spécificité du CDIE tient au public qu'il vise, les personnes « rencontrant des difficultés particulières d'insertion professionnelle », auxquelles il offre un contrat à durée indéterminée. La modification des critères d'éligibilité au CDIE qu'opère le présente texte doit permettre de renforcer la philosophie sociale du dispositif, au moment où le marché de l'emploi connait de nouvelles tensions.
D'après les chiffres communiqués par la direction générale du travail (DGT), établis sur une base déclarative, près de 80% des salariés en CDIE y étaient éligibles au titre de leur inscription sur les listes de Pôle emploi depuis plus de six mois ou de leur niveau de diplôme inférieur au baccalauréat.
Le CDIE constitue également une souplesse de gestion pour les entreprises utilisatrices, puisque contrairement aux autres contrats à temps partagé, elles ne doivent pas justifier d'une taille ou de moyens de nature à leur empêcher de recourir à une mission. Cela limite par ailleurs les risques de requalification en CDI de droit commun par le juge.
En outre, le risque d'une concurrence déloyale, notamment avec les entreprises du secteur intérimaire, ne paraît pas avéré. Les ETTP, comme les entreprises intérimaires, assurent une garantie de rémunération lors des périodes d'intermission. La seule différence réside dans le fait que cette garantie est mutualisée via une contribution à hauteur de 10% de la masse salariale pour les entreprises intérimaires, là où il est assumé directement par l'ETTP.
B. RÉUNIR LES CONDITIONS D'UNE EXPÉRIMENTATION RÉUSSIE
Pour que le dispositif du CDIE, interrompu depuis dix mois, soit de nouveau opérant le plus tôt possible, la rapporteure n'a pas souhaité proposer de modifications au présent texte. Toutefois, afin que la nouvelle expérimentation du CDIE soit concluante, deux points d'attention doivent être respectés.
Le suivi statistique des CDIE conclus doit être assuré avec précision afin de pouvoir évaluer le dispositif de manière indiscutable pour l'ensemble des parties. Les auditions ont permis de constater que les services déconcentrés de l'État n'ont pas toujours su comment traiter et faire remonter les données fournies par les ETTP. Un circuit d'information doit donc être créé, d'autant que la déclaration sociale nominative (DSN) ne peut remplir cette fonction compte tenu du coût et de la charge administrative que cela représenterait. Six mois avant le terme de l'expérimentation, un nouveau rapport d'évaluation devra apprécier si les conditions de pérennisation sont réunies.
L'accompagnement des services de l'administration doit également permettre de rattacher les ETTP à une convention collective de branche professionnelle. Ce rattachement permettrait de renforcer l'homogénéité des actions en matière de prévoyance ou d'abondements supplémentaires en faveur de la formation qui, pour le moment, restent portés par des accords d'entreprise.
Réunie le mardi 29 octobre 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté sans modification la présente proposition de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article
1er
Expérimentation relative au travail à temps partagé
aux fins d'employabilité
Cet article propose de relancer, pour une durée de quatre ans, l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité initialement portée par l'article 115 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
La commission a adopté cet article sans modification.
I°- Le dispositif proposé
A. Le CDIE : un dispositif de travail à temps partagé à destination des plus éloignés de l'emploi
1. Un dispositif de travail partagé pour les plus précaires
a) Le travail à temps partagé, un contrat spécifique visant à la flexibilité
Les entreprises de travail à temps partagé (ETTP) ont été créées par le législateur dès 20052(*), dans le but de permettre aux « entreprises utilisatrices » de bénéficier avec plus de flexibilité de personnel qualifié pour l'exécution d'une mission lorsqu'elles ne peuvent les embaucher elles-mêmes faute de moyen ou du fait de leur taille3(*). De fait, le travail à temps partagé vise également à répondre à la problématique de la multiplication des contrats courts.
Pour proposer du travail à temps partagé, les ETTP doivent se consacrer exclusivement à cette activités4(*), bien qu'elles puissent également être des entreprises de travail temporaire5(*). Elles sont amenées à conclure deux contrats6(*) en vue d'une mission : l'un avec le salarié et l'autre avec l'entreprise utilisatrice.
Le régime du travail à temps partagé est relativement protecteur pour le salarié, dans la mesure où il dispose par défaut d'un contrat à durée indéterminée (CDI)7(*), et où le principe d'équité leur assure lors de leur mission une rémunération qui ne peut être inférieure à celle d'un salarié de l'entreprise utilisatrice à emploi ou qualification équivalente8(*). De même, ils bénéficient dans les mêmes conditions que les salariés de l'entreprise utilisatrice des moyens de transport collectifs et des installations collectives9(*), notamment en ce qui concerne la restauration. Par ailleurs, l'ETTP est tenue de justifier d'une garantie financière assurant le paiement des salaires et des cotisations obligatoires en cas de défaillance10(*).
Le contrat de mise à disposition du salarié, passé entre l'ETTP et l'entreprise utilisatrice, précise la mission, sa durée ainsi que le besoin de qualification et la rémunération correspondante11(*). En revanche toute clause de non-concurrence visant à limiter le recrutement du salarié par l'entreprise utilisatrice est proscrite12(*).
b) Le CDIE, un dispositif expérimental à destination des personnes rencontrant des difficultés d'employabilité
Introduit par l'Assemblée nationale via l'adoption en séance publique d'un amendement de la députée Fadila Khattabi, l'article 115 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel13(*) a prévu l'expérimentation d'un contrat de travail à temps partagé à fin d'employabilité (CDIE). Afin de prendre en compte l'interruption liée à la crise sanitaire, cette expérimentation a été prolongée jusqu'au 31 décembre 2023 par la loi relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique14(*).
· Le CDIE relève du même mécanisme que le travail à temps partagé porté par les ETTP, mais s'adresse à un public spécifique rencontrant « des difficultés particulières d'insertion professionnelle ». Ces difficultés d'insertion sont définies selon des critères alternatifs relativement larges : bénéfice d'un minimum social, inscription à Pôle emploi depuis au moins six mois, situation de handicap, âge de plus de cinquante ans ou niveau de formation inférieur au bac15(*).
Les difficultés particulières
d'insertion dans l'emploi
au sens de l'insertion par l'activité
économique (IAE)
Dans le champ de l'insertion par l'activité économique (IAE), la prescription d'un parcours suppose le constat par le prescripteur habilité des « difficultés sociales et professionnelles » de la personne. Le décret du 30 août 2021 relatif à l'insertion par l'activité économique16(*) fixe les critères qui conditionnent cette éligibilité17(*) :
- être bénéficiaire de certaines allocations de solidarité ;
- être demandeur d'emploi depuis vingt-quatre mois au moins ;
- répondre à plusieurs critères appréciés par une structure IAE en fonction de sa situation au regarde de l'accès à l'emploi, du niveau de diplôme, de la situation familiale, de son éligibilité à d'autres dispositifs de politique publique, etc.
Dans ce dernier cas, un arrêté du ministre chargé de l'emploi précise le nombre de critères exigé par catégorie de structure d'IAE ainsi que les pièces justificatives de cette situation.
· Compte tenu des difficultés que connaissent, en termes d'employabilité, les publics éligibles au CDIE, l'ETTP est tenue de mettre en place les conditions d'une montée en qualification du salarié, afin de lui assurer une insertion pérenne dans l'emploi. Pour cela l'article 115 de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel dispose :
- d'une part que l'ETTP doit effectuer des actions de formation en direction des salariés afin de leur donner une certification professionnelle ou un bloc de compétences au sens du droit du travail18(*) ;
- d'autre part que l'ETTP est tenue d'abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié à hauteur de 500 € supplémentaires par salarié à temps complet et par année de présence.
· Parallèlement à l'objet spécifique du CDIE, les conditions de recours à ce dispositif de temps partagé pour les entreprises utilisatrices sont particulièrement souples. Contrairement au contrat de travail à durée indéterminée (CDI) intérimaire, le CDIE peut être choisi par l'entreprise utilisatrice en dehors de cas limitatifs, et ni la durée de la mission accomplie, ni les renouvellements ne sont limités dans le temps19(*). Ce régime spécifique limite de fait les risques d'une requalification par le juge.
Les cas de recours au travail temporaire dans le cadre du CDI intérimaire
L'article L. 1251-6 du code du travail dispose qu'il ne peut être fait appel à un salarié temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire, la « mission », uniquement lorsqu'il s'agit de :
- remplacer un salarié à la condition qu'il soit absent, qu'il ait décidé de passer provisoirement à temps partiel ou de suspendre son contrat de travail, qu'il quitte son poste en prévision d'une suppression notifiée au comité social et économique, ou que l'entreprise soit dans l'attente de l'entrée en service d'un salarié recruté en CDI pour le remplacer ;
- répondre à un accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise ;
- pourvoir un emploi à caractère saisonnier20(*) ;
- remplacer un chef d'entreprise ou d'exploitation agricole.
Cependant, l'article 7 de la loi du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relative au fonctionnement du travail en vue du plein emploi est venu supprimer la limitation à 36 mois de la durée des missions pouvant faire l'objet d'un CDI intérimaire. En revanche le risque de requalification demeure si le juge estime qu'un salarié intérimaire occupe de fait un poste permanent dans l'entreprise21(*).
2. Des expérimentations dont l'évaluation laisse à désirer
Dès la mise en place de la première expérimentation du CDIE en 2018, le dispositif prévoyait une obligation pour les ETTP de communiquer à l'autorité administrative les contrats signés, les missions effectuées, les formations suivies ainsi que les taux de sortie dans l'emploi des salariés en CDIE. Ces données ainsi récoltées devaient permettre l'établissement d'un rapport à destination du Parlement afin d'éclairer ce dernier sur l'opportunité de pérenniser le dispositif.
· Concernant l'appréciation quantitative du nombre de CDIE signés, et du profil des salariés concernés, la rapporteure fait le constat d'une défaillance réelle. L'absence de déclaration des CDIE dans la déclaration sociale nominative (DSN) fait obstacle à une analyse indiscutable, et les services du ministère du travail et de l'emploi ont indiqué ne pas avoir pu collecter les informations remontées faute d'une diligence adéquate de la part des ETTP. Cependant, elle a pu constater lors de ses auditions que des ETTP ont fait remonter leurs statistiques relatives au CDIE auprès des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DREETS), sans que ces services ne se soient efficacement organisés pour traiter et faire remonter les informations.
La DSN : un outil inadapté à l'évaluation d'expérimentation
La déclaration sociale nominative (DSN) correspond à une déclaration en ligne produite tous les mois par les employeurs via les logiciels de paie, qui contient l'ensemble des informations qui ont une conséquence sur la paie de chacun des salariés. Généralisée à l'ensemble du secteur privé en 2017, la DSN a permis de remplacer 45 formalités déclaratives par une déclaration unique. Cette transformation est gérée par le groupement d'intérêt public (GIP) modernisation des déclarations sociales.
Initialement destinée aux seules informations ayant un impact sur les cotisations sociales, la DSN a pu susciter de nombreux espoirs en matière d'évaluation des politiques publiques du fait de la robustesse des données collectées.
Cependant la DSN n'est pas adaptée à l'évaluation des expérimentations telles que le CDIE. Le temps de développement d'un changement de la norme DSN est en moyenne de deux ans, et est incompressible puisque les évolutions se font sur l'année N-1, et qu'un temps d'échange suffisant avec les éditeurs de logiciel doit permettre d'assurer la mise en oeuvre en amont des évolutions de la norme. Compte tenu de ce temps de développement et du coût afférent, mais également de la complexification administrative pour les employeurs, les expérimentations ne font pas l'objet d'une modification de la DSN.
· Un rapport intermédiaire, rendu au Parlement le 22 avril 2022, notait que « l'estimation du nombre de contrats à temps partagé aux fins d'employabilité conclus s'avèr[ait] à ce jour impossible ». Toutefois, le rapport final d'évaluation n'a jamais fait l'objet d'une transmission au Parlement, ce qui ne permet pas d'évaluer avec précision le risque de concurrence entre le CDIE et le CDI intérimaire. Lors de l'audition des services de l'administration, les chiffres de 80 % des salariés en CDIE éligibles au titre de l'inscription sur les listes de France Travail ou de leur niveau de qualification ont été évoqués, ce qui justifie le renforcement des conditions d'éligibilité proposés par le présent article.
Par ailleurs, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) a produit en juillet 2023 un rapport d'évaluation du contrat à durée indéterminée aux fins d'employabilité. Ce rapport n'a été publié que le 25 octobre 2024, soit postérieurement à l'adoption du présent texte par l'Assemblée nationale, et dans des délais ne permettant pas d'informer utilement les travaux de la commission.
B. Une proposition de pérennisation du CDIE
Dans sa rédaction initiale, le présent article visait à pérenniser le dispositif du CDIE en créant une section 4 au sein du chapitre II du titre V du livre II de la première partie du code du travail, composée d'un article unique L. 1252-14, reprenant pour l'essentiel les dispositions de l'article 115 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
A. En commission :
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques de rédaction globale, respectivement proposés par Mme Fanta Berete et M. Stéphane Viry et par Mme Anne Bergantz, ainsi qu'un sous-amendement du rapporteur, M. Nicolas Turquois.
Le a du 1° du II de l'article ainsi modifié procède à la prolongation de la durée d'expérimentation permise par l'article 115 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation de la présente loi relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité.
Le b du même 1° soumet le CDIE au cadre juridique du travail à temps partagé, à l'exception du premier alinéa de l'article L. 1252-2 du code du travail qui oblige les entreprises utilisatrices à justifier de leur incapacité de recruter en direct des salariés « en raison de leur taille ou de leurs moyens ».
Le c dudit 1° renforce les critères d'éligibilité des salariés au CDIE, en portant à 12 mois la condition d'inscription sur les listes de Pôle emploi.
Le 3° prévoit que le rapport final d'évaluation du dispositif, lequel devait initialement être rendu au Parlement avant le 31 décembre 2023, devra être communiqué six mois avant la fin de l'expérimentation.
B. En séance :
L'Assemblée nationale a adopté deux amendements identiques du rapporteur et de Mme Bergantz visant à modifier les conditions d'éligibilité au CDIE. Ces derniers conservent les critères alternatifs liés au bénéfice de minima sociaux, à la situation de handicap et l'inscription sur les listes de France Travail depuis douze mois. En revanche ils adaptent la condition d'inscription sur les listes de France Travail à six mois pour les personnes de plus de cinquante-cinq ans et restreignent l'éligibilité des personnes de diplôme inférieur au bac aux seuls personnes de moins de vingt-six ans.
Un autre amendement du rapporteur adopté par les députés se borne à rappeler le principe de non-rétroactivité de la loi nouvelle sur les CDIE conclus avant le 31 décembre 2023.
L'Assemblée nationale a adopté cet article ainsi modifié.
III - La position de la commission
La rapporteure constate que les services de l'État n'ont pas été en mesure d'effectuer une évaluation pertinente des expérimentations passées du CDIE. Elle déplore par ailleurs la publication tardive d'un rapport de l'Igas au sujet du même dispositif, qui n'a pas permis d'en confronter les conclusions aux organismes auditionnés. La rapporteure entend néanmoins les craintes formulées le secteur du travail intérimaire quant au risque de prédation que constituerait le CDIE.
Cependant il lui semble que l'objet initial du CDIE, c'est-à-dire l'inscription durable dans l'emploi de personnes rencontrant des difficultés d'employabilité, est utile, et peut constituer un débouché en second temps pour une personne passée par l'insertion par l'activité économique (IAE). Plus encore, face à une conjoncture incertaine du marché du travail, les créations d'emplois consécutives au relancement du CDIE ne lui semblent pouvoir être négligées.
Cependant, la rapporteure note également que, mis bout à bout, la durée de l'expérimentation du CDIE atteindra les 9 ans au terme de la période prévue par le présent article. Aussi invite-t-elle l'ensemble des parties prenantes à la vigilance afin de ne pas se retrouver une nouvelle fois face à une expérimentation inaboutie dans quatre ans. Pour cela, le problème de la remontée des informations des ETTP via les services de l'État doit faire l'objet d'un travail conjoint, de même que leur rattachement à une convention collective qui permettrait d'assurer des avantages sociaux plus homogènes et comparables avec le secteur de l'intérim. Enfin, l'abondement des ETTP au CPF gagnerait à faire l'objet d'un accord avec un Opco de référence afin de sécuriser ces transferts pour l'employeur.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 1er
bis
Correction d'une erreur rédactionnelle
Le présent article, inséré par un amendement du rapporteur en séance publique à l'Assemblée nationale, corrige une faute d'orthographe à l'article L. 1252-7 du code du travail.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 1er
ter
Droits des salariés sous contrat de travail à temps
partagé en cas d'embauche par une entreprise utilisatrice
Cet article propose de renforcer les droits des salariés mis à disposition dans le cadre d'un contrat de travail à temps partagé et finalement embauché par l'entreprise utilisatrice.
La commission a adopté cet article sans modification.
I - Le dispositif proposé
A. En l'état du droit, l'embauche par l'entreprise utilisatrice se fait selon le droit commun applicable au CDI ou CDD
1. Le calcul de l'ancienneté et de la période d'essai
Les dispositions régissant les contrats de travail à temps partagé (CTTP) sont silencieuses quant à une dérogation au droit commun applicable au salarié sous CTTP finalement embauché par l'entreprise utilisatrice. Le législateur a toutefois voulu encourager ce débouché puisque l'article L. 1252-11 du code du travail dispose qu'aucune clause du CTTP ne peut interdire le recrutement du salarié mis à disposition par l'entreprise utilisatrice à l'issue de sa mission.
Dès lors, lorsque ce recrutement a lieu, l'entreprise utilisatrice n'est pas tenue par la loi de prendre en compte la mission comme de l'ancienneté. La convention collective de la branche peut toutefois contenir certaines garanties pour le salarié. De même, le nouvel employeur peut fixer une période d'essai dans le respect des dispositions légales ou de la convention collective applicables au CDI ou au CDD.
La période d'essai pour les contrats à durée indéterminée et à durée déterminée
La durée de la période d'essai, laquelle permet à « l'employeur d'évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d'apprécier si les fonctions occupées lui conviennent »22(*), varie en fonction de la qualification du salarié. L'article L. 1221-19 du code du travail fixe ainsi la durée maximale de la période d'essai, pouvant être déterminée pour un CDI, à :
- deux mois pour les ouvriers et les employés ;
- trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;
- quatre mois pour les cadres.
La durée maximale peut toutefois être moindre si une convention collective signée après la loi de 2008 portant modernisation du marché du travail23(*) en dispose ainsi. Enfin, l'article L. 1221-21 du code du travail permet à un accord de branche étendu de prévoir si la période d'essai peut être renouvelée, dans la limite d'une seule fois.
S'agissant des contrats à durée déterminée (CDD), l'article L. 1242-10 du code du travail fixe comme plafond légal à la période d'essai - susceptible d'être amoindri par les usages ou des stipulations conventionnelles - une durée calculée à raison d'un jour par semaine prévue pour la durée du contrat, dans la limite de deux semaines lorsque la durée initiale du contrat est au plus égale à six mois et d'un mois dans les autres cas.
À titre de comparaison, certaines catégories de salariés disposent d'une reprise d'ancienneté prévue par la loi et d'un décompte de leur période d'essai. Tel est le cas, en premier lieu, des salariés qui avaient réalisé une mission sous le régime du CDI intérimaire. En vertu de l'article L. 1251-38 du code du travail, ces salariés bénéficient d'une prise en compte de la durée des missions accomplies au sein de l'entreprise utilisatrice au cours des trois mois précédant le recrutement pour le calcul de leur ancienneté.
De même, bénéficient d'une prise en compte de leur temps passé dans l'entreprise pour leur période d'essai ou le calcul de leur ancienneté :
- les salariés ayant signé leurs contrats de travail après un contrat d'apprentissage24(*) ;
- les salariés, préalablement stagiaires ayant réalisé dans l'entreprise un stage d'une durée de plus de deux mois25(*).
2. Le préavis pour rupture du contrat de travail en raison d'une embauche
Aux termes de l'article L. 1252-9 du code du travail, le régime applicable à la rupture du contrat de travail à temps partagé (CTTP) est identique au régime de droit commun des contrats à durée indéterminée (CDI) prévu au titre III du livre II de la première partie du code du travail.
En particulier, l'article L. 1237-1 du code du travail se borne à indiquer qu'en cas de démission du salarié en CDI, l'existence et la durée sont fixées par la loi, ou par une convention ou un accord collectif de travail. En l'absence de telles dispositions, les « usages pratiqués dans la localité et dans la profession » s'appliquent.
Aucune disposition légale ne fixe une durée précise de ce préavis si bien qu'en pratique ce sont souvent les conventions collectives de branche professionnelle qui y pourvoit.
En outre, si, à l'initiative de l'employeur, le salarié est dispensé de préavis, ce dernier a droit au versement d'une indemnité compensatrice.
B. Le dispositif proposé : renforcer les droits des salariés embauchés à l'issue d'une mission de temps partagé
Le présent article, inséré en séance publique par deux amendements identiques des députés Stéphane Viry et Fanta Berete, vise à compléter les droits et garanties du salarié, en travail à temps partagé, et notamment en CDIE, lorsqu'il est embauché par l'entreprise utilisatrice. Il propose ainsi de créer une nouvelle section au sein du chapitre du code du travail consacré au temps partagé.
• Le nouvel article L. 1252-15 du code du travail prévoirait que le salarié mis à disposition dans une entreprise utilisatrice pourrait rompre sans préavis son CTTP en raison de son embauche par cette entreprise et à l'issue d'une mission. Dans ce cas, aucune indemnité compensatrice ne serait versée par l'ETTP.
• En vertu du nouvel article L. 1252-14 du code du travail, dans cette situation, le salarié bénéficierait d'une reprise d'ancienneté au titre des missions effectuées dans l'entreprise utilisatrice au cours des trois mois précédent le recrutement. Cette même période serait prise en compte pour le calcul de la période d'essai prévue par le contrat de travail.
Ces conditions de prise en compte de l'ancienneté seraient dès lors alignées sur le régime légal applicable au CDI intérimaire26(*).
II - La position de la commission : un renforcement des droits bienvenu
La rapporteure note en premier lieu que ces dispositions s'appliquent aussi bien au CDIE qu'aux salariés recrutés par un contrat à temps partagé de droit commun. Cet article contribue donc à compléter et à améliorer le régime juridique du TTP issu tant en 2005 qu'en 2018 d'une initiative parlementaire.
Les garanties et droits apportés par le présent article sont bienvenus et renforcent la volonté du législateur d'encourager les embauches par les entreprises utilisatrices. Pour les salariés en CDIE, ce débouché à l'issue de leur mission est naturel puisque l'expérimentation a précisément vocation à renforcer leur employabilité et à les insérer sur le marché du travail. La rapporteure relève que, selon les informations transmises par le Syndicat des entreprises d'emploi durable (Seed), 46 % des salariés en CDIE sont embauchés par l'entreprise utilisatrice auprès de laquelle ils ont travaillé en mission.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 2
(suppression maintenue)
Sanctions en cas de manquement aux dispositions
relatives au contrat de travail à temps partagé à des fins
d'employabilité
Cet article propose de créer un régime de sanctions pénales à l'encontre des entreprises de travail à temps partagé et des clients utilisateurs ne respectant pas les dispositions du code du travail.
La commission a maintenu la suppression de cet article.
I - Le dispositif proposé : sanctionner les violations du code du travail s'agissant du CDIE
L'article 2 du texte initial de la proposition de loi prévoyait de créer deux nouveaux articles au sein du code du travail.
• L'article L. 1255-19 proposait de punir de 3 750 euros d'amendes le fait de conclure un CDIE en méconnaissance des conditions légales d'éligibilité à ce contrat.
• L'article L. 1255-20 prévoyait de sanctionner de la même amende l'entreprise qui emploierait un salarié sous CDIE sans avoir conclu un contrat écrit de mise à disposition dans un délai de deux jours ouvrables27(*). La récidive eût été punie de 7 500 euros d'amende.
II - Les modifications apportées par l'Assemblée nationale
Le présent article a été supprimé en commission par trois amendements des députés Stéphane Viry, Fanta Berete et Anne Bergantz au motif que ces sanctions, corollaire de la généralisation du dispositif, étaient devenues sans objet dès lors que le dispositif du CDIE restait expérimental.
II - La position de la commission
La rapporteure partage les motivations ayant conduit la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a supprimé le présent article ; dès lors que la proposition de loi prévoit une reconduction de l'expérimentation, il n'est pas pertinent de prévoir au sein du code du travail un régime de sanctions pénales.
La rapporteure note cependant que le respect des conditions légales du dispositif, tant par les ETTP que par les entreprises utilisatrices, est primordial pour apprécier du bien-fondé de cette expérimentation et de son éventuelle pérennisation à l'issue des quatre années d'application. Par ailleurs, ces entreprises ne sauraient, bien entendu, échapper au contrôle de l'inspection du travail et, plus généralement, des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets).
La commission a maintenu la suppression de cet article.
Article 3
(suppression maintenue)
Gage financier de la proposition de loi
Cet article gage les conséquences financières pour l'Etat de l'adoption de la présente proposition de loi.
La commission a maintenu la suppression de cet article.
I - Le dispositif proposé
L'article 3 gageait la charge pour l'Etat résultant de cette proposition de loi par la création à due concurrence d'une taxe additionnelle à l'accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.
II - Les modifications adoptées par l'Assemblée nationale
Un amendement gouvernemental visant à supprimer le présent article a été adopté en séance publique par l'Assemblée nationale.
III - La position de la commission
La commission a maintenu la suppression de cet article.
*
Enfin, tirant les conséquences de la substitution de la pérennisation du dispositif par une reconduction de l'expérimentation, un amendement du rapporteur Nicolas Turquois, adopté en commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, a rédigé l'intitulé du texte ainsi : proposition de loi visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 29 octobre 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Frédérique Puissat, rapporteure, sur la proposition de loi (n° 265, 2023-2024) visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité
M. Philippe Mouiller, président. - Nous en venons à l'examen du rapport et du texte de la commission sur la proposition de loi visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité.
Cette proposition de loi, déposée par le député Nicolas Turquois, a été adoptée par l'Assemblée nationale le 18 janvier 2024. Malgré le délai d'examen, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée sur ce texte, qui sera examiné en séance mercredi 6 novembre.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - Nous examinons cet après-midi la proposition de loi du député Nicolas Turquois au terme de travaux d'instruction et d'auditions menés dans des délais très resserrés. Ce texte a été adopté par l'Assemblée nationale le 18 janvier 2024, mais la dissolution et la formation du Gouvernement ont retardé sa discussion au Sénat. Finalement, le Gouvernement a inscrit ce texte à l'ordre du jour de nos travaux le 6 novembre prochain.
Ce texte et l'expérimentation d'un contrat de travail à temps partagé aux fins d'employabilité (CDIE) qu'il porte sont au coeur d'une querelle assez vive, le secteur de l'intérim mettant en doute son utilité et dénonçant une situation inéquitable.
La loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises (PME) a créé le dispositif du travail à temps partagé : des entreprises de travail à temps partagé (ETTP) recrutent du personnel qualifié qu'elles mettent ensuite à disposition d'entreprises utilisatrices pour l'exécution d'une mission. Il s'agit de mutualiser une main d'oeuvre qualifiée que les PME ne peuvent recruter elles-mêmes en raison de leur taille ou de leurs moyens.
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel s'est adossée à ce régime pour créer, à titre expérimental, le CDIE, qui s'adresse à un public spécifique rencontrant « des difficultés particulières d'insertion professionnelle », appréciées selon des critères alternatifs relativement larges : perception d'un minimum social, inscription à Pôle emploi depuis au moins six mois, situation de handicap, âgé de plus de cinquante ans ou niveau de formation inférieur au bac.
L'expérimentation assouplit également les conditions de mise à disposition, puisque l'entreprise utilisatrice n'est plus nécessairement limitée dans son recrutement par sa taille ou ses moyens. De même, le CDIE est, à certains égards, plus flexible que le contrat de travail à durée indéterminée intérimaire (CDII). L'entreprise utilisatrice peut y avoir recours sans avoir à démontrer le caractère temporaire du besoin de main-d'oeuvre et sans que la durée de la mission ni les renouvellements soient limités dans le temps.
Le CDIE s'adresse toutefois à un public plus éloigné de l'emploi que la moyenne et l'ETTP est tenue de mettre en place les conditions d'une montée en qualification du salarié pour faciliter son insertion pérenne dans l'emploi - actions de formation conduisant à une certification professionnelle, abondement de son compte personnel de formation (CPF) à hauteur de 500 euros par salarié à temps complet et par an.
Initialement caduque au 1er janvier 2022, l'expérimentation a été reconduite jusqu'au 31 décembre 2023 par la loi du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée », pour tenir compte de la crise sanitaire. Cela fait donc maintenant dix mois que l'expérimentation est arrivée à échéance et qu'aucun nouveau CDIE ne peut être conclu.
Les données chiffrées relatives à cette expérimentation sont parcellaires. Selon les informations dont la direction générale du travail (DGT) a connaissance, quelque 5 000 CDIE auraient été conclus depuis 2018.
L'article 1er prévoit une relance de l'expérimentation pour une durée de quatre ans à compter de la promulgation du texte. La rédaction initiale prévoyait une inscription pérenne du dispositif dans le code du travail, mais la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale a jugé, à juste titre, qu'il convenait de mieux évaluer le dispositif avant d'envisager son inscription définitive dans notre droit.
Cet article prévoit également de mieux cibler les publics éloignés de l'emploi en resserrant les conditions d'éligibilité. Le bénéfice du CDIE pour les bénéficiaires des minima sociaux ou les personnes en situation de handicap est inchangé. En revanche, les demandeurs d'emploi doivent être inscrits sur les listes de France Travail depuis au moins douze mois, contre six mois auparavant. Le CDIE serait également ouvert aux personnes âgées de plus de 55 ans - et non 50 ans -, ainsi qu'aux jeunes de moins de 26 ans ayant une formation infra-baccalauréat, à condition que ces salariés aient été inscrits auprès de France Travail depuis au moins six mois.
Enfin, cet article sécurise juridiquement le régime applicable en prévoyant que les contrats conclus avant le 31 décembre 2023 resteront régis par la loi dans sa version antérieure.
L'article 1er ter renforce les droits des salariés mis à disposition dans le cadre d'un CDIE et finalement embauchés par l'entreprise utilisatrice : ces salariés pourront rompre leur CDI sans préavis si l'embauche dans l'entreprise se fait à l'issue d'une mission ; la durée des missions préalablement accomplies dans cette entreprise sera prise en compte, dans une limite de trois mois, pour le calcul de l'ancienneté du salarié et pour celle de la période d'essai prévue par le nouveau contrat de travail. Il s'agit d'aligner le régime du CDIE sur celui du CDII. C'est loin d'être une simple hypothèse juridique : selon les ETTP entendues, environ la moitié des salariés seraient embauchés par l'entreprise utilisatrice à l'issue de leur contrat de mission.
Enfin, l'article 1er bis est rédactionnel et l'article 2, qui prévoyait des sanctions au sein du code du travail en cas de non-respect des conditions, a été supprimé en commission à l'Assemblée nationale - la transformation d'un dispositif pérenne en poursuite d'expérimentation ne le rendait plus pertinent.
Les appréciations portées sur le CDIE par les ETTP, les entreprises du secteur de l'intérim et l'administration ont été divergentes, voire totalement opposées, sur la philosophie du CDIE comme sur le bilan de l'expérimentation. De surcroît, le rapport que l'inspection générale des affaires sociales (Igas) a consacré au CDIE, pourtant rédigé en juillet 2023, n'a été publié que vendredi dernier - je ne l'ai pas obtenu avant, en dépit de mes multiples relances. Nous n'avons donc pas pu recueillir l'avis des personnes auditionnées sur ses conclusions.
Pour vous permettre de vous positionner en toute connaissance de cause, je vous livre ici l'ensemble des critiques suscitées par le CDIE.
Le premier reproche fait au CDIE concerne le public qu'il vise : est-il fondamentalement différent de celui des salariés de l'intérim ? Ce point est important parce qu'il justifie à la fois la souplesse offerte aux entreprises utilisatrices, et les obligations supplémentaires en matière de formation pour les ETTP. D'après les chiffres communiqués par la DGT - elle admet elle-même qu'ils ne sont que déclaratifs -, près de 80 % des salariés en CDIE y étaient éligibles au titre de leur inscription sur les listes de France Travail depuis plus de six mois ou de leur niveau de diplôme inférieur au baccalauréat. Bien que rencontrant de réelles difficultés d'insertion, ce public est relativement large. C'est pourquoi le resserrement des critères opéré par la proposition de loi me semble pertinent. L'éligibilité au CDIE serait désormais conditionnée à douze mois d'inscription sur les listes de France Travail, sauf pour les plus de 55 ans dont nous connaissons les difficultés spécifiques sur le marché de l'emploi ; et la condition de diplôme infra-baccalauréat ne vaudrait désormais que pour les moins de 26 ans.
Ensuite, la concurrence entre ETTP et entreprises du secteur de l'intérim serait déloyale, ces dernières devant consacrer au moins 10 % de leur masse salariale au financement de la rémunération mensuelle minimale garantie d'intermission, obligation qui n'existe pas pour les ETTP. Pour autant, il ne me semble pas que l'on puisse parler de concurrence déloyale puisque les ETTP sont tenues d'assurer lors des intermissions le salaire horaire de la dernière mission du salarié, soit dans la majorité des cas plus que le salaire minimum applicable en intérim.
En revanche, une réelle différence entre le secteur de l'intérim et les ETTP réside dans l'existence d'une convention collective en matière de travail temporaire. Cela ne signifie pas que les salariés en CDIE ne bénéficient pas d'actions en matière de prévoyance ou d'abondements supplémentaires pour la formation, mais ceux-ci passent par des accords d'entreprise et sont moins visibles. Pour cette raison, le rattachement des ETTP à une convention collective existante me semble souhaitable, et devrait faire l'objet d'un travail des services de l'État.
Enfin, on peut regretter l'absence de suivi statistique robuste, qui serait dû à une « négligence » des ETTP qui ne respectent pas leurs obligations de remontée du nombre de contrats signés aux services déconcentrés de l'État. Si je déplore l'absence de données fiables, je réfute le procès en négligence : plusieurs ETTP m'ont rapporté s'être vu répondre par les services des directions régionales de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (Dreets) que leurs remontées statistiques ne les intéressaient pas. Il reste donc un circuit d'information à créer, car la déclaration sociale nominative (DSN) ne peut remplir cette fonction compte tenu du coût et de la charge administrative que cela représente.
Le CDIE me semble donc être un outil contractuel novateur pour les personnes les plus éloignées de l'emploi. Il demeure perfectible, mais modifier le dispositif, et refuser un vote conforme, le condamnerait à n'être jamais relancé après déjà un an d'interruption.
Je suis convaincue qu'il faut prendre le risque d'une expérimentation, tout en restant vigilants quant à son déploiement par les ETTP et à son accompagnement par les services de l'État. Oser simplifier et offrir plus de souplesse aux entreprises face à un environnement économique incertain, mais oser aussi sécuriser le parcours des personnes les plus éloignées de l'emploi, et leur éviter le risque de la permittence.
Ce choix me paraît d'autant plus simple que contrairement à d'autres expérimentations coûteuses pour les finances publiques - je pense aux territoires zéro chômeur de longue durée -, le CDIE ne coûte rien à la collectivité.
Je vous invite donc à adopter ce texte sans modification.
Enfin, il m'appartient de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Cette proposition de loi comprend des dispositions relatives au CDIE, notamment les droits auxquels il ouvre et ses conditions d'éligibilité. En revanche, ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte, des amendements relatifs au travail temporaire, notamment au CDII, ainsi qu'à l'insertion par l'activité économique (IAE).
M. Philippe Mouiller, président. - Merci à notre rapporteur, pour ce travail réalisé dans des délais très courts.
Mme Jocelyne Guidez. - Le sujet est complexe... L'Igas préconise de ne pas pérenniser l'expérimentation du CDIE. Peut-on imaginer une évolution du dispositif évalué, qui offrirait un cadre plus protecteur aux salariés ? L'Igas pointe aussi un risque de substitution au CDII ainsi qu'un risque d'externalisation non maîtrisée de l'emploi, qui risqueraient de remettre en cause le CDI comme la forme normale et générale de la relation de travail. Merci pour ce rapport éclairant.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. - À mon tour de remercier Frédérique Puissat pour cette présentation très claire. J'ai rencontré en début d'année l'association qui promeut le CDIE. Ce dispositif m'a paru intéressant, même s'il peut sembler concurrent du CDII. Son resserrement sur les publics les plus en difficultés dans leur insertion professionnelle est donc une bonne chose. De surcroît, cette expérimentation ne coûte rien à l'État, ce qui est rare. Elle ne concerne à ce stade que 5 000 personnes, mais elle peut se développer. Je suis favorable à la poursuite de l'expérimentation, que j'espère concluante, notamment pour les seniors.
Mme Monique Lubin. - Merci à Mme la rapporteure pour ses auditions très intéressantes, organisées dans un temps record.
Les ETTP, créées en 2005, devaient permettre de mettre du personnel qualifié à disposition d'entreprises qui ne pouvaient pas recruter en raison de leur taille ou de leurs moyens. Il ne s'agissait pas initialement de cibler les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Hier matin, j'ai entendu des représentants du Syndicat des entreprises d'emploi durable (Seed), ils s'expriment clairement. L'un d'entre eux m'a confié : « Je suis gérant d'une ETTP. Avant, je gérais une entreprise de travail intérimaire, mais j'ai trouvé une bonne fenêtre de tir. » Tout est dit : on est dans l'opportunité. Un autre : « Les modifications apportées à l'Assemblée nationale ne nous arrangent pas. » Le rapport de l'Igas comme les propos de notre rapporteure font bien apparaître que le dispositif n'a absolument pas démontré son utilité : très peu de contrats ont été signés et la plupart ne concernent pas les personnes les plus éloignées de l'emploi.
Les deux entreprises citées en exemple sont Renault et La Poste. Or La Poste a déjà été condamnée à plusieurs reprises pour avoir usé et abusé des CDD. Et que dire de Renault ? Selon l'une des personnes entendues, l'intérêt du CDIE résiderait dans le fait que les entreprises utilisatrices ne peuvent pas être condamnées aux prud'hommes... Je ne remets pas en cause le principe des ETTP, mais le CDIE et l'utilisation qui en est faite par certaines entreprises pour contourner le droit du travail.
Bien sûr il s'agit de CDI, mais cela reste de l'emploi atypique, et donc précaire.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre.
Mme Silvana Silvani. - Bravo pour ce compte rendu d'une précision chirurgicale.
Nous ne disposons pas de données suffisantes pour évaluer l'expérimentation, pourtant en cours depuis 2018 ! Deux hypothèses peuvent expliquer le manque de données : soit cela n'a pas marché, car les entreprises n'ont pas joué le jeu ; soit les données ne sont pas remontées faute d'outil fiable - la DSN ne pouvait pas être modifiée pour une simple expérimentation. Nous avons donc expérimenté pendant six ans sans outil de mesure !
Nous avons reçu le rapport de l'Igas qui date de 2023... ce vendredi. C'est un document clair, qui analyse bien la situation, les données et les résultats. Il préconise l'arrêt de l'expérimentation et d'assouplir plutôt les contrats d'intérim en vigueur.
Certes, le dispositif ne coûte rien, financièrement parlant. Mais il a un coût en termes de conditions de travail : celles du CDIE ne sont pas à la hauteur de celles du CDI.
Faut-il prolonger cette expérimentation ? Qu'est-ce que ça changera ? En l'état, il ne me semble pas raisonnable d'envisager la généralisation.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Nous avons dû faire vite, ce qui pose la question du respect du travail parlementaire.
Le CDIE est un cas d'école. Tout est parti d'un amendement. Après un report d'un an, nous avons eu quatre ans d'expérimentation. Il n'y a pas eu de remontées d'informations, mais on sait que cela a touché peu de monde et que les informations sont de piètre qualité.
La communication du rapport de la mission de l'IGAS est bloquée depuis un an. Nous venons juste d'avoir le rapport et on nous demande de pérenniser le dispositif sans avoir eu le temps d'examiner son application dans le détail.
Certes, par rapport au texte initial, la version transmise au Sénat prévoit un léger retour en arrière avec une limitation de l'expérimentation à quatre ans, mais votre empressement à faire voter ce texte conforme montre que vous approuvez le Gouvernement dans sa précipitation. Nous aurions pu mener un travail un peu plus sérieux pour améliorer le dispositif par amendements, d'autant que vous ne pouvez ignorer que les syndicats sont montés au créneau.
Quel est l'avantage pour les employeurs ? Il n'y a aucun risque de requalification du contrat, c'est-à-dire qu'il peut maintenir un employé en CDIE pendant des années sans aucun motif à fournir, au contraire de ce qui est prévu pour le CDII. Ce dernier est ainsi totalement vampirisé. Dès lors, autant supprimer le code du travail !
Vous nous parlez de la protection des branches, mais celles-ci protègent les entreprises régulent la concurrence dans chaque secteur d'activité. C'est pour cette raison que Prism'emploi est monté au créneau, regrettant la mise en concurrence avec le CDII, et ce pour une valeur ajoutée très faible.
Le dispositif se réclame participer de l'insertion dans l'emploi de public éloigné mais le critère d'inscription sur les listes de France Travail est beaucoup plus large que la seule catégorie A des demandeurs d'emploi. D'ailleurs, le concept d'employabilité n'existe pas dans le code du travail, au contraire de l'insertion par l'activité économique qui va, elle aussi, être fragilisée, de même que l'expérimentation des territoires zéro chômeur. Ces deux dispositifs reposent sur des vrais critères permettant de cibler les personnes éloignées de l'emploi. C'est vraiment le stade ultime de la dérégulation.
Madame la rapporteure, il faut absolument resserrer les critères du dispositif.
Je vous rappelle que la CFDT y est opposée, faute d'avoir eu connaissance assez tôt du rapport de l'Igas. Enfin, si nous votons le texte conforme, songez que l'Assemblée nationale se sera exprimée à l'aveugle, en quelque sorte.
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - J'ai mené ce travail avec beaucoup d'humilité. Au début de ma mission, j'avais quelques certitudes, qui ont laissé place à des doutes au fil des auditions. Cependant, il faut bien décider à un moment donné, d'autant que sont en jeu 5 000 emplois qui ne coûtent rien à l'État.
Je vous l'accorde, adosser cette proposition de loi au texte de 2005 est quelque peu baroque. En revanche, nous sommes totalement dans l'esprit de la loi de 2018, qui avait pérennisé le CDII, en ce que nous nous efforçons de lutter contre la permittence.
Il n'y a pas que La Poste et Renault qui recourent au CDIE. France Travail l'utilise aussi. Nous fixons un cadre légal et il y aura des contrôles des Dreets et de l'Urssaf. Tout ne sera pas permis.
Par ailleurs, il faut savoir que 50 % des CDIE se terminent par un CDI classique. C'est aussi un débouché pour l'insertion par l'activité économique.
Le Mouvement des entreprises de France (Medef), c'est vrai, est mitigé. En revanche, si la CFDT ne nous a pas répondu, Nicole Notat, figure historique de ce syndicat, est administratrice de l'entreprise qui emploie le plus de CDIE.
L'Igas indique seulement qu'il ne faut pas pérenniser l'expérimentation dans le cadre actuel, ce que nous ne proposons pas, puisque la durée d'application est réduite à quatre ans et le public resserré pour éviter la concurrence avec le CDII. Elle souligne également qu'il faut simplifier le CDII et mettre fin à la sédimentation des contrats. Aussi, pourquoi ne pas imaginer un futur texte visant à faire converger le CDIE et le CDII ?
Mme Pascale Gruny. - Je suis exactement sur la même longueur que Mme le rapporteur.
J'ai longtemps travaillé sur la flexisécurité au niveau européen. Force est de constater que, en France, nous avons la sécurité, mais nous manquons de flexibilité.
Avec ce texte, nous nous adressons à des publics très éloignés de l'emploi. Pour avoir été rapporteur de la loi sur le plein emploi, je suis bien placée pour vous dire qu'il nous faut faire tout notre possible en la matière. Insérer les personnes éloignées de l'emploi, c'est un vrai travail, long et difficile. Le CDIE permet un accompagnement efficace.
En ce qui concerne les statistiques et les données, il y a aussi un effort de simplification à mener. France Travail est par exemple submergée par ces tâches de collecte. Ce sont autant de ressources humaines dont ne bénéficient pas les personnes qui en ont le plus besoin.
EXAMEN DES ARTICLES
Mme Frédérique Puissat, rapporteur. - L'amendement COM-1 est un amendement de suppression. Comme cet article constitue l'essentiel de la proposition de loi, j'y suis défavorable.
Mme Raymonde Poncet Monge. - Je tiens à préciser que les 5 000 emplois qu'a évoqués Mme la rapporteure auraient pu être pourvus sous CDII.
L'amendement COM-1 n'est pas adopté.
L'article 1er est adopté sans modification.
Article 1er bis (nouveau)
L'article 1er bis est adopté sans modification.
Article 1er ter (nouveau)
L'article 1er ter est adopté sans modification.
Articles 2 et 3 (supprimés)
Les articles 2 et 3 demeurent supprimés.
La proposition de loi est adoptée sans modification.
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE
45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3,
DU
RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 28(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie29(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte30(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial31(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mardi 29 octobre 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 265 (2023-2024) visant à poursuivre l'expérimentation relative au travail à temps partagé aux fins d'employabilité.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives au contrat de travail à temps partagé à des fins d'employabilité, notamment les droits auxquels il ouvre et les conditions d'éligibilité au dispositif.
En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs :
- à l'activité de travail temporaire, y compris au dispositif du contrat de travail à durée indéterminée intérimaire ;
- au dispositif de l'insertion par l'activité économique (IAE).
LISTE DES
PERSONNES ENTENDUES
Nicolas Turquois, député, auteur de la proposition de loi
Prism'emploi
Gilles Lafon, président
Isabelle Eynaud-Chevalier, déléguée générale
Franck Bodikian, DRH Manpower Group France et négociateur de la branche
François Moreau, Secrétaire général Randstad France
François Pinte, secrétaire général Groupe Actual Leader et vice-président de l'OIR
Direction générale du travail (DGT)
Eva Jallabert, adjointe à la sous directrice des relations du travail
Theo Albarracin, chef du bureau des relations individuelles du travail
Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)
Cécile Charbaut, sous-directrice en charge des parcours d'accès à l'emploi
Syndicat des entreprises d'emploi durable (Seed)
Yves Ruellan, coprésident
Laurent Robert, vice-président du Seed et directeur général de Proman
Mon CDI
Philippe Bazin cofondateur de Mon CDI et coprésident du Seed
Actual leader groupe En présentiel
Vanessa Vial directrice offre CDI
Vincent Punelle, directeur général opérationnel
ACE Accompagnement de Chercheurs d'Emploi
Caroline Malerba, présidente du groupe Ace (ACE emploi, CDI FLEX')
Patrick Feaud, directeur et associé de CDI FLEX',
Jacques Malerba, associé de CDI FLEX' et fondateur de ACE Emploi
CONTRIBUTIONS ÉCRITES
Force ouvrière (FO)
Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)
Union des entreprises de proximité (U2P)
Mouvement des entreprises de France (Medef)
Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-265.html
* 1 Selon le Syndicat des entreprises d'emploi durable (Seed) regroupant les ETTP.
* 2 Loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, art. 20.
* 3 Article L. 1252-1 du code du travail.
* 4 Article L. 1252-2 du code du travail.
* 5 Article L. 1252-3 du code du travail.
* 6 Article L. 1252-1 du code du travail.
* 7 Article L. 1252-4 du code du travail.
* 8 Article L. 1252-6 du code du travail.
* 9 Article L. 1252-8 du code du travail.
* 10 Article L. 1252-13 du code du travail.
* 11 Article L. 1252-10 du code du travail.
* 12 Article L. 1252-11 du code du travail.
* 13 Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.
* 14 Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l'inclusion dans l'emploi par l'activité économique et à l'expérimentation « territoire zéro chômeur de longue durée ».
* 15 Niveaux de formation V, V bis et VI.
* 16 Décret n° 2021-1128 du 30 août 2021 relatif à l'insertion par l'activité économique.
* 17 Art. R. 5132-1-7 du code du travail.
* 18 Article L. 6113-1 du code du travail.
* 19 Jusqu'à l'entrée en vigueur de la loi n° 2022-1598 du 21 décembre 2022 portant mesures d'urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, une durée maximale de trente-six mois était applicable aux missions d'intérim.
* 20 Article L.1242-2 du code du travail.
* 21 Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 février 2024, 22-20.258 22-20.321.
* 22 Article L. 1221-20 du code du travail.
* 23 Loi n° 2008-596 du 25 juin 2008.
* 24 Article L. 6222-16 du code du travail.
* 25 Article L. 1221-24 du code du travail.
* 26 Article L. 1251-38 du code du travail.
* 27 Ce délai eût été identique au délai prévu à l'article L. 1251-42 du code du travail pour la conclusion d'un contrat de mise à dispositions de salarié par une entreprise de travail temporaire.
* 28 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 29 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 30 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 31 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.