- AVANT-PROPOS
- EXAMEN DES ARTICLES
- Article 1er
Interdiction du port de signes religieux ostensibles
dans les compétitions sportives
- Article 2
Interdiction des prières collectives dans les locaux mis à disposition
en vue d'une pratique sportive
- Article 2 bis (nouveau)
Suspension de l'agrément d'une association sportive qui se soustrairait
délibérément à ses obligations en matière de laïcité et de neutralité
- Article 3
Respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines
- Article 3 bis (nouveau)
Extension du criblage aux éducateurs sportifs
- Article 1er
- EXAMEN EN COMMISSION
- LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS
ÉCRITES
- RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE
L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
- LA LOI EN CONSTRUCTION
AVANT-PROPOS
Le principe de laïcité est l'une des clefs de voûte de l'ordre républicain. Il est inscrit à l'article 1er de la Constitution, aux termes duquel « La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale ». La mise en oeuvre du principe de laïcité implique de trouver un équilibre entre la liberté de conscience dans la sphère privée et la neutralité dans la sphère publique. Cet équilibre traduit la primauté de la citoyenneté sur toute autre appartenance, notamment religieuse.
L'apprentissage de la citoyenneté est un processus dont le sport est l'un des vecteurs. En France, 6,3 millions d'enfants de moins de treize ans sont licenciés d'une fédération sportive. Au même titre que l'école, le sport initie à la coopération et au respect de la règle commune. Il est un facteur d'intégration, de mixité sociale et de renforcement de la cohésion nationale. Les valeurs fondamentales du sport sont des valeurs citoyennes, fondées sur un principe d'universalité. C'est pourquoi, afin de préserver les terrains de sport de tout affrontement autre que sportif, la règle 50.2 de la charte olympique énonce un principe de neutralité : « aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique ».
La résonance médiatique du sport doit inciter à une vigilance particulière.
Or, aujourd'hui, la mise en oeuvre du principe de laïcité dans le domaine du sport est hétérogène. Des divergences d'approche sont source d'une confusion de nature à fragiliser les principes fondamentaux de la République.
I. LES ATTEINTES À LA LAÏCITÉ DANS LE SPORT : UNE RÉALITÉ TROP LONGTEMPS OCCULTÉE
A. UN CONSTAT PARTAGÉ
Le constat d'atteintes croissantes à la laïcité est déjà ancien. Il est largement partagé, tant au niveau de l'État qu'au sein de nombreuses collectivités locales et fédérations sportives, même si le phénomène reste difficile à quantifier.
1. Un phénomène connu
La laïcité est l'une des clefs de voûte de l'ordre républicain. Inscrite à l'article 1er de la Constitution, cette notion trouve son fondement juridique dans la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Églises et de l'État, qui repose sur deux grands principes :
- d'une part, la liberté de conscience et le libre exercice des cultes ;
- d'autre part, la séparation des Églises et de l'État, principe impliquant un devoir de stricte neutralité pour tout agent collaborant à un service public.
Le principe de laïcité implique donc de trouver un équilibre entre la liberté dans la sphère privée et la neutralité dans la sphère publique, alors que la séparation des deux espaces n'est pas toujours évidente.
Les atteintes à la laïcité ne sont pas un phénomène nouveau.
Il y a vingt ans, le rapport de Bernard Stasi, au nom de la commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, en constatait déjà la multiplication : « Le principe de laïcité est aujourd'hui mis à mal dans des secteurs plus nombreux qu'il ne paraît. La commission est consciente que les difficultés rencontrées sont aujourd'hui encore minoritaires. Mais elles sont réelles, fortes et annonciatrices de dysfonctionnements, d'autant plus que la diffusion récente et rapide de ces phénomènes est préoccupante »1(*).
Dans le domaine du sport, ce rapport faisait le constat suivant : « Le développement d'équipements sportifs au coeur des quartiers ne permet plus la confrontation des milieux et des cultures sur les terrains. Les équipes communautaires se développent et ne participent plus aux compétitions organisées par les fédérations qui étaient pourtant l'occasion de rencontres. La pratique sportive féminine est en baisse sensible dans ces quartiers. Des femmes sont de facto exclues des stades et des piscines. Des clubs féminins ou mixtes disparaissent ».
Sans utiliser le terme de « séparatisme », utilisé depuis 2020, ce rapport en constatait déjà l'existence.
En 2015, la presse a dévoilé une note du Service central du renseignement territorial (SCRT) sur « le sport amateur vecteur de communautarisme et de radicalité », révélant que certaines associations sportives refusaient la mixité, que d'autres interrompaient les entraînements pour la prière, ou encore que des éducateurs sportifs étaient fichés par les services de renseignement comme étant des individus radicalisés.
Plus récemment, plusieurs travaux parlementaires ont abordé la question du séparatisme islamiste dans le milieu sportif : en 2017, un rapport de la délégation aux collectivités territoriales2(*) du Sénat soulignait le poids des réseaux amicaux, sportifs ou associatifs locaux dans la constitution de communautés radicalisées. En 2019, le rapport des députés Éric Diard et Éric Poulliat3(*) sur la radicalisation dans les services publics a souligné la difficulté à cerner ce phénomène, compte tenu de la faiblesse des remontées du terrain, de l'émergence de nouvelles pratiques non instituées et de l'existence de salles de sport privées.
En 2020, le rapport de notre collègue Jacqueline Eustache-Brinio, au nom de la commission d'enquête du Sénat sur la radicalisation islamiste, qualifiait le sport de « parent pauvre de la lutte contre le séparatisme »4(*) en raison d'une prise de conscience des instances sportives « à la fois très récente et perfectible ». Le rapport s'interrogeait sur « l'effectivité de la prise en compte de ces phénomènes par le gouvernement, et plus particulièrement par le ministère des sports ».
Le constat était pourtant fait très clairement par le Président de la République dans son discours du 2 octobre 2020 : « Le problème, ce n'est pas la laïcité (...). Ce à quoi nous devons nous attaquer, c'est le séparatisme islamiste. C'est un projet conscient, théorisé, politico-religieux, qui se concrétise par des écarts répétés avec les valeurs de la République, qui se traduit souvent par la constitution d'une contre-société et dont les manifestations sont la déscolarisation des enfants, le développement de pratiques sportives, culturelles communautarisées qui sont le prétexte pour l'enseignement de principes qui ne sont pas conformes aux lois de la République. C'est l'endoctrinement et par celui-ci, la négation de nos principes, l'égalité entre les femmes et les hommes, la dignité humaine. »
2. Un phénomène multiforme
Les atteintes à la laïcité forment un ensemble hétérogène.
Médéric Chapitaux, docteur en sociologie, membre du conseil des sages de la laïcité, auditionné par le rapporteur, distingue cinq niveaux de remise en cause du principe de neutralité dans le domaine du sport5(*) :
- la permissivité ;
- le repli communautaire ;
- le séparatisme ;
- la radicalisation ;
- enfin, le terrorisme.
LES DIVERS NIVEAUX D'ATTEINTES À LA LAÏCITÉ
Source : Médéric Chapitaux, Quand l'islamisme pénètre le sport, PUF, 2023
De nombreux acteurs de terrain témoignent d'atteintes relevant de la « permissivité », voire du « repli communautaire » : par exemple, le port du voile sur les terrains de sport, des prières individuelles ou collectives sur le terrain ou dans les vestiaires, des demandes de modification des horaires d'entraînement ou de match, le refus de la mixité, le refus de s'incliner devant l'adversaire (dans les arts martiaux) ... Les situations sont multiples et traitées de façon hétérogène, faute de règle commune claire, facilement et directement applicable.
Les sports les plus concernés par les atteintes à la laïcité sont le football, les sports de combat, le tir à l'arc ou encore la musculation.
Tous les faits n'ont pas la même gravité : les initiatives individuelles des adhérents n'ont pas la même portée que celles qui proviendraient des encadrants, ou qui excluraient certaines catégories d'adhérents (en raison de leur religion, de leur sexe, de leur orientation sexuelle...). Les transgressions au principe de laïcité sont plus graves dans les clubs encadrant des jeunes, ceux-ci étant particulièrement vulnérables et susceptibles de tomber sous l'emprise d'autres membres ou d'entraîneurs dont l'influence peut être forte.
Dans les cas les plus graves de radicalisation, on peut observer la formation « d'écosystèmes séparatistes » autour d'un lieu de culte, d'écoles religieuses et, éventuellement, de clubs de sport, contribuant ensemble à un processus d'endoctrinement. Ces processus de radicalisation sont particulièrement surveillés par les services de renseignement, notamment pour anticiper d'éventuelles atteintes à la sécurité.
Il n'y a pas nécessairement de continuum entre les différents niveaux d'atteintes à la laïcité. On observe cependant une diffusion générale de comportements remettant en cause le vivre-ensemble et l'universalisme du sport. Cet universalisme veut que les seules distinctions admissibles sur le terrain soient de nature sportive, comme le prévoit la charte olympique.
3. Une quantification difficile
L'ampleur des atteintes à la laïcité est difficile à évaluer, le phénomène étant protéiforme et dispersé au sein d'un réseau de 360 000 associations sportives. Le sport n'échappe toutefois pas aux phénomènes de société. Ces phénomènes peuvent être amplifiés par la résonance collective et médiatique des événements sportifs et par l'utilisation des réseaux sociaux.
Quelques données peuvent être rapportées, s'agissant des faits les plus significatifs :
Ø D'après une enquête du comité national olympique et sportif français (CNOSF)6(*) en date de 2020, 556 clubs affirment avoir été confrontés à des situations de communautarisme.
Ø En 2021, l'Unité de coordination de lutte antiterroriste (UCLAT) a identifié 122 associations comme ayant une relation avec une mouvance séparatiste.
Ø 592 contrôles ont été réalisés sur les cinq dernières années (soit environ un contrôle par an et par département) via des alertes rapportées aux cellules de lutte contre l'islamisme radical et le repli communautaire (CLIR) créées par la circulaire du 27 novembre 2019 et placées sous l'autorité des préfets.
Une circulaire du 8 novembre 2018 sur les phénomènes de radicalisation dans le sport, prise par les ministres respectivement en charge de l'Intérieur et des Sports, demandait aux préfets de programmer des contrôles administratifs ciblés.
Ces contrôles ont abouti à 9 fermetures d'établissements dont 6 en 2020, 2 en 2022 et 1 en 2023.
Ø Une centaine de contrôles ont été réalisés en 2022-2023 par le ministère des sports. Des signes de séparatisme ont été constatés dans 6 cas.
Ø Une vingtaine de clubs sportifs sont suivis par le renseignement territorial, selon des critères rigoureux et de façon évolutive avec un flux significatif d'entrées-sorties, c'est-à-dire que ce ne sont pas toujours les mêmes clubs qui sont suivis. Un club peut faire l'objet d'une surveillance pour différentes raisons : eu égard à ses adhérents ou à ses encadrants ; parce qu'il associe communautarisme et fondamentalisme, qu'il promeut le port du voile, ou la non-mixité, ou encore dans le cas de structures militantes menant un combat d'ordre politique.
En 2021, Roxana Maracineanu, alors ministre déléguée chargée des sports, déclarait à l'Assemblée nationale : « Lors de la création des CLIR, le 27 novembre 2019, 127 des 380 000 associations sportives étaient identifiées comme étant en relation avec une mouvance séparatiste, parmi lesquelles 29 tenues par l'islam radical. Nous avons contrôlé 207 établissements recevant du public et fermé cinq d'entre eux, plutôt pour des raisons administratives mais aussi parce qu'une problématique de radicalisation avait été détectée ».
Cette déclaration confirme que 122 clubs en lien avec la mouvance séparatiste resteraient ouverts.
Sur la base d'une moyenne de 93 adhérents par club, ces associations regrouperaient plus de 11 000 sportifs.
B. DES RÉPONSES INSUFFISANTES
Les réponses aux atteintes à la laïcité sont dispersées, hétérogènes, en fonction de la compréhension du phénomène et du bon-vouloir des acteurs.
1. Le contrat d'engagement républicain : un levier insuffisamment mobilisé
En application de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, complétée par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, toute association sollicitant l'octroi d'une subvention auprès d'une autorité administrative ou d'un organisme chargé de la gestion d'un service public doit souscrire un contrat d'engagement républicain.
Un décret du 31 décembre 2021 détermine le contenu de ce contrat, ses modalités de souscription ainsi que les conditions de retrait des subventions publiques. Ce décret est applicable depuis le 2 janvier 2022.
Le CER comporte sept engagements.
Le contrat d'engagement républicain (CER)
ENGAGEMENT N° 1 : RESPECT DES LOIS DE LA RÉPUBLIQUE
(...) L'association ou la fondation bénéficiaire s'engage à ne pas se prévaloir de convictions politiques, philosophiques ou religieuses pour s'affranchir des règles communes régissant ses relations avec les collectivités publiques. Elle s'engage notamment à ne pas remettre en cause le caractère laïque de la République.
ENGAGEMENT N° 2 : LIBERTÉ DE CONSCIENCE
L'association ou la fondation s'engage à respecter et protéger la liberté de conscience de ses membres et des tiers, notamment des bénéficiaires de ses services, et s'abstient de tout acte de prosélytisme abusif exercé notamment sous la contrainte, la menace ou la pression (...).
ENGAGEMENT N° 3 : LIBERTÉ DES MEMBRES DE L'ASSOCIATION
L'association s'engage à respecter la liberté de ses membres de s'en retirer dans les conditions prévues à l'article 4 de la loi du 1er juillet 1901 et leur droit de ne pas en être arbitrairement exclus.
ENGAGEMENT N° 4 : ÉGALITÉ ET NON-DISCRIMINATION
L'association ou la fondation s'engage à respecter l'égalité de tous devant la loi.
Elle s'engage, dans son fonctionnement interne comme dans ses rapports avec les tiers, à ne pas opérer de différences de traitement fondées sur le sexe, l'orientation sexuelle, l'identité de genre, l'appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une Nation, une prétendue race ou une religion (...).
ENGAGEMENT N° 5 : FRATERNITÉ ET PREVENTION DE LA VIOLENCE
L'association ou la fondation s'engage à agir dans un esprit de fraternité et de civisme (...).
ENGAGEMENT N° 6 : RESPECT DE LA DIGNITÉ DE LA PERSONNE HUMAINE
(...) Elle s'engage à ne pas créer, maintenir ou exploiter la vulnérabilité psychologique ou physique de ses membres et des personnes qui participent à ses activités à quelque titre que ce soit, notamment des personnes en situation de handicap, que ce soit par des pressions ou des tentatives d'endoctrinement.
Elle s'engage en particulier à n'entreprendre aucune action de nature à compromettre le développement physique, affectif, intellectuel et social des mineurs, ainsi que leur santé et leur sécurité.
ENGAGEMENT N° 7 : RESPECT DES SYMBOLES DE LA RÉPUBLIQUE
L'association s'engage à respecter le drapeau tricolore, l'hymne national et la devise de la République.
Dans un rapport7(*) récent, nos collègues Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien ont réalisé un bilan de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Selon les rapporteures, « force est de constater que le CER est loin de s'être imposé comme l'instrument de référence qu'il était censé devenir pour la lutte contre le séparatisme dans la sphère associative ».
D'après nos collègues, cet échec a deux causes principales :
- d'une part, la signature du CER relève davantage d'une formalité administrative que d'un réel engagement ;
- d'autre part, les services de l'État se sont insuffisamment emparés de ce nouvel outil. La loi a abouti à un nombre très réduit de cas de refus ou de retrait de subventions.
Les auditions du rapporteur de la présente proposition de loi ont confirmé ce constat mitigé, s'agissant du milieu sportif. La loi du 24 août 2021 n'a permis à ce jour qu'un seul retrait d'agrément d'une association sportive.
La mise en oeuvre du CER est très hétérogène sur le territoire, en fonction du degré d'appropriation de la loi par les acteurs. Ce dispositif n'est bien souvent qu'une simple formalité, une case à cocher sur un formulaire.
Le CER pourrait toutefois se révéler un outil puissant s'il était pleinement mobilisé par l'État et par les collectivités locales pour exercer un contrôle accru des associations sportives dès lors que des atteintes à la laïcité sont relevées, afin de protéger les adhérents et notamment les mineurs et personnes vulnérables. La loi de 2021 permet en effet de suspendre ou retirer l'agrément d'une association sportive qui méconnaîtrait le contrat d'engagement républicain (article L121-4 du code du sport).
Cependant, certaines collectivités sont particulièrement engagées. Le Conseil régional d'Ile-de-France conditionne par exemple, depuis 2016, l'octroi des subventions régionales aux associations sportives au respect d'une charte de la laïcité et des valeurs de la République.
2. Des moyens de prévention et de contrôle très insuffisants
Les moyens de prévention et de contrôle sont insuffisants, tant au niveau des préfectures que du ministère des sports. Ces moyens sont donc concentrés sur les situations les plus graves. Ils ne permettent pas d'agir dès les premiers signes de dérive, mais tout au plus de réagir à des situations déjà installées, grâce au bon-vouloir de « lanceurs d'alerte » dont la démarche n'est ni facile ni évidente.
Si des moyens importants sont consacrés à juste titre à la protection de la sécurité des personnes et de l'État, les dérives émergentes, les « zones grises » ne sont pas traitées suffisamment en amont.
Cette situation résulte d'une insuffisance de moyens et notamment de personnels.
Entre 2010 et 2020, les effectifs des préfectures ont baissé de 14 %. Dans un rapport publié en 2022 sur les effectifs de l'administration territoriale de l'État, la Cour des comptes a dénoncé le caractère non réaliste de cette diminution des effectifs, qui conduit à multiplier les contrats courts et à désorganiser les services préfectoraux8(*).
S'agissant du ministère des sports, celui-ci a été profondément réformé depuis 2019. L'administration de la Jeunesse et des Sports a été rapprochée de l'Éducation nationale. Cette réforme a conduit à la création d'une délégation régionale académique à la jeunesse, à l'engagement et au sport (DRAJES) au sein de chaque rectorat. Au niveau départemental, un service jeunesse, engagement et sport est constitué au sein de chaque direction des services départementaux de l'Éducation nationale (DSDEN).
En conséquence, depuis le 1er janvier 2021, c'est le programme 214 « Soutien de la politique de l'éducation nationale », de la mission interministérielle « enseignement scolaire », qui concourt au soutien des politiques sportives au titre de dépenses de fonctionnement et de dépenses de personnels qui mettent en oeuvre les politiques du sport dans les services centraux et déconcentrés ou qui concourent, par leurs fonctions transversales, à la mise en oeuvre de ces politiques (à l'exception des dépenses relatives aux conseillers techniques sportifs, budgétées sur le programme 219 « Sport » depuis 2020). Or le ministère de l'Éducation nationale et de la jeunesse (MENJ) ne dispose pas à ce jour d'outils lui permettant de distinguer avec précision les emplois consacrés à la politique du sport.
Avant cette réforme, entre 2016 et 2020, l'effectif des personnels mettant en oeuvre les politiques du sport, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de vie associative était passé de 3 693 à 2 032 ETPT9(*). Quant aux effectifs de conseillers techniques sportifs, leur nombre est passé de 1 600 ETPT en 2016 à 1 442 en 2024.
Or le réseau associatif sportif doit être accompagné, comme l'a souligné Marie-George Buffet, ancienne ministre de la jeunesse et des sports, lors de son audition par le rapporteur. La situation actuelle des services déconcentrés de l'État ne lui permet pas d'assumer pleinement ses responsabilités à l'égard du réseau associatif sportif, notamment dans les domaines de la prévention et du contrôle en matière d'atteintes à la laïcité.
Depuis l'an dernier toutefois, le ministère chargé des sports a bénéficié de 56 ETPT supplémentaires (+ 20 ETPT en 2023 et + 36 ETPT en 2024) afin d'intensifier les contrôles et de renforcer la prévention des phénomènes de radicalisation ou de séparatisme et la lutte contre les violences sexistes et sexuelles. Au total, ce sont 220 ETPT qui sont dédiés au contrôle des établissements d'activités physiques et sportives.
Par ailleurs, les lacunes de la stratégie de formation ont été mises en évidence par le rapport précité de nos collègues Jacqueline Eustache-Brinio et Dominique Vérien. Cette stratégie a permis de former 500 000 agents publics dont 380 000 au ministère de l'éducation nationale. Le nombre d'agents publics locaux formés n'est pas connu. Selon ce rapport, au rythme actuel de montée en puissance du dispositif, l'objectif de 100 % des agents publics formés fin 2025 est hors de portée. Sur le plan qualitatif, ces formations suscitent aussi un certain nombre d'interrogations, notamment car elles sont trop peu adaptées à chaque public.
II. UNE INITIATIVE LÉGISLATIVE POUR CONFORTER LES ACTEURS EN CLARIFIANT LE CADRE JURIDIQUE
La neutralité des agents du service public est un principe ancien. Il apparaît aujourd'hui nécessaire d'étendre ce principe de manière ciblée.
A. L'OBLIGATION DE NEUTRALITÉ, UN PRINCIPE FONDAMENTAL
1. La neutralité des agents du service public
Le principe de laïcité impose une obligation de neutralité aux personnes publiques et aux personnes privées en charge d'un service public. Ainsi, il implique la neutralité des collectivités publiques et des fédérations sportives délégataires d'une mission de service public.
Quant aux fédérations agréées, mais non délégataires, elles sont également concernées puisque le code du sport dispose qu'elles participent à l'exécution d'une mission de service public (article L131-8).
L'article 1 de la loi du 24 août 2021 a énoncé clairement le droit :
« Lorsque la loi ou le règlement confie directement l'exécution d'un service public à un organisme de droit public ou de droit privé, celui-ci est tenu d'assurer l'égalité des usagers devant le service public et de veiller au respect des principes de laïcité et de neutralité du service public. Il prend les mesures nécessaires à cet effet et, en particulier, il veille à ce que ses salariés ou les personnes sur lesquelles il exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de direction, lorsqu'ils participent à l'exécution du service public, s'abstiennent notamment de manifester leurs opinions politiques ou religieuses, traitent de façon égale toutes les personnes et respectent leur liberté de conscience et leur dignité.
« Cet organisme veille également à ce que toute autre personne à laquelle il confie, en tout ou partie, l'exécution du service public s'assure du respect de ces obligations ».
Dès lors, comme l'indique le Conseil des sages de la laïcité10(*), une obligation de neutralité s'applique aux agents des fédérations sportives.
Cette obligation s'applique également aux dirigeants, éducateurs et encadrants (salariés et bénévoles) des associations sportives affiliées à une fédération, dès lors qu'elles participent à l'exécution du service public, donc notamment lors des compétitions organisées dans le cadre fédéral.
Les arbitres sont aussi astreints à cette obligation de neutralité, en application de l'article L223-2 du code du sport qui dispose que « les arbitres et les juges sont considérés comme chargés d'une mission de service public ».
S'agissant des sportifs de haut niveau, le code du sport dispose qu'ils « concourent, par leur activité, au rayonnement de la Nation et à la promotion des valeurs du sport. Ils participent au développement de la pratique sportive pour toutes et tous » (article L221-1).
Les sportifs de haut niveau directement salariés par une fédération sont sous le même régime que les autres salariés et donc soumis au principe de neutralité. Les sportifs inscrits sur les différentes listes relatives aux sportifs de haut niveau ont un devoir de neutralité lorsqu'ils participent à des compétitions ou manifestations sportives en tant que représentant de l'équipe de France. De façon générale, les athlètes sélectionnés en équipes de France participent à l'exécution du service public confié à la fédération qui les a sélectionnés. À ce titre, ils doivent respecter le principe de neutralité, ce que le Conseil d'État a confirmé dans sa décision du 29 juin 202311(*).
Cette décision du Conseil d'État conforte, d'un point de vue juridique, l'interdiction du port du voile pour les athlètes de l'Équipe de France lors des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, annoncée par Amélie Oudéa-Castéra, ministre des sports et des JOP, à l'automne dernier.
Cette interdiction ne vaut pas pour les athlètes des délégations étrangères, de nombreuses fédérations étrangères et internationales, ainsi que le comité international olympique, ayant une interprétation différente de la règle 50.2 de la charte olympique.
2. Des extensions validées par la jurisprudence
Le principe de laïcité impose le respect de la liberté de conscience. En l'état du droit, l'opposabilité du principe de neutralité aux usagers du service public demeure l'exception. La jurisprudence tend toutefois à admettre des extensions ciblées du principe de neutralité.
La liberté d'expression n'est pas sans limite : en vertu de l'article 10 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». La sauvegarde de l'ordre public, défini comme « le bon ordre, la sécurité, la salubrité et la tranquillité publique », est un objectif de valeur constitutionnelle qu'il revient au législateur de concilier avec l'exercice des libertés.
Par ailleurs, les fédérations sportives se sont vu confier par la loi une mission d'organisation de la pratique sportive. Elles peuvent, à ce titre, se doter de règles visant à promouvoir les idéaux du sport dont le principe d'universalité, l'absence de distinction entre participants, et par conséquent le principe de neutralité, tel qu'inscrit à la règle 50.2 de la charte olympique (« aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique »).
Depuis 2016, la Fédération française de football (FFF) a inscrit dans ses statuts des dispositions en ce sens. Son article 1er dispose en effet :
« Le respect de la tenue règlementaire et la règle 50 de la Charte olympique assurent la neutralité du sport sur les lieux de pratique.
« À ce double titre, sont interdits, à l'occasion de compétitions ou de manifestations organisées sur le territoire de la Fédération ou en lien avec celles-ci :
- tout discours ou affichage à caractère politique, idéologique, religieux ou syndical,
- tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale,
- tout acte de prosélytisme ou manoeuvre de propagande,
- toute forme d'incivilité.
« Toute personne contrevenant à ces dispositions fera l'objet de poursuites disciplinaires et/ou pénales.
« Les officiels doivent veiller au respect des dispositions susvisées ».
Dans sa décision du 29 juin 2023, le Conseil d'État a validé ces dispositions limitant la liberté d'expression pour garantir le bon fonctionnement du service public ou la protection des droits et libertés d'autrui. La mise en place de telles limitations constitue une faculté et non une obligation. Les mesures prises doivent être adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi.
D'après le Conseil d'État, les règles établies par la FFF « peuvent légalement avoir pour objet et pour effet de limiter la liberté de ceux des licenciés qui ne sont pas légalement tenus au respect du principe de neutralité du service public, d'exprimer leurs opinions et convictions si cela est nécessaire au bon fonctionnement du service public ou à la protection des droits et libertés d'autrui, et adapté et proportionné à ces objectifs (...). Par ailleurs, l'interdiction du « port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale », limitée aux temps et lieux des matchs de football, apparaît nécessaire pour assurer leur bon déroulement en prévenant notamment tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport. Dès lors, la Fédération française de football pouvait légalement, au titre du pouvoir réglementaire qui lui est délégué pour le bon déroulement des compétitions dont elle a la charge, édicter une telle interdiction, qui est adaptée et proportionnée ».
Le Conseil d'État s'est également prononcé en faveur d'une extension du principe de neutralité, s'agissant du port du « burkini » dans les piscines.
Son ordonnance du 21 juin 2022, prise au titre du « déféré-laïcité » institué par la loi du 24 août 2021, a confirmé la suspension du règlement intérieur des piscines de la ville de Grenoble autorisant le port du « burkini ».
Le Conseil d'État a estimé que la dérogation apportée, pour satisfaire une revendication religieuse, était de nature à affecter le bon fonctionnement du service public et l'égalité de traitement des usagers dans des conditions portant atteinte au principe de neutralité des services publics.
« Le gestionnaire d'un service public est tenu, lorsqu'il définit ou redéfinit les règles d'organisation et de fonctionnement de ce service, de veiller au respect de la neutralité du service et notamment de l'égalité de traitement des usagers (...) le gestionnaire de ce service ne peut procéder à des adaptations qui porteraient atteinte à l'ordre public ou qui nuiraient au bon fonctionnement du service, notamment en ce que, par leur caractère fortement dérogatoire par rapport aux règles de droit commun et sans réelle justification, elles rendraient plus difficile le respect de ces règles par les usagers ne bénéficiant pas de la dérogation ou se traduiraient par une rupture caractérisée de l'égalité de traitement des usagers, et donc méconnaîtraient l'obligation de neutralité du service public. »12(*)
3. Des questionnements qui subsistent
La jurisprudence n'a pas suffi à éteindre les contestations.
Le port du voile lors des compétitions sportives a été autorisé par plusieurs fédérations sportives internationales. C'est le cas notamment de la Fédération internationale de football (FIFA) depuis 2014, ou encore de la Fédération internationale de basket-ball (FIBA) depuis 2017. Le port de couvre-chefs s'est répandu dans plusieurs disciplines dans les compétitions internationales. Des équipementiers, tels que Nike, profitent de ce nouveau marché en commercialisant des produits de plus en plus sophistiqués à l'intention des femmes musulmanes voilées.
Le positionnement des fédérations internationales a incité plusieurs fédérations à réagir, les questionnements en provenance du terrain s'étant multipliés. Des directives claires s'imposaient, à l'intention des joueurs et des arbitres, placés dans des situations parfois délicates et soumis à de multiples pressions.
Pour sortir de l'ambiguïté, la Fédération française de basket-ball (FFBB) a adopté à compter du 1er juillet 2023 un dispositif similaire à celui de la FFF. Désormais, d'après les règlements sportifs généraux de la FFB13(*) :
« Le port de tout équipement à connotation religieuse ou politique est strictement interdit à l'ensemble des joueurs et acteurs de la rencontre (entraineurs, arbitres, officiels), lors de l'ensemble des compétitions départementales, régionales et nationales 5x5 et 3x3, sur l'ensemble du territoire.
« Le cas échéant, l'arbitre ne doit pas faire débuter la rencontre.
« Les sanctions sont prévues à l'annexe 1 du présent règlement ».
Ces sanctions consistent en la perte par pénalité de la rencontre et l'ouverture d'un dossier disciplinaire, à l'encontre des personnes ayant permis le déroulement de la rencontre, devant la Commission Fédérale de Discipline.
D'après la FFBB, auditionnée par le rapporteur, ces dispositions ont pour objet d'éviter les tensions sur le terrain dans un climat où les actes discriminatoires et racistes sont en forte progression sur le territoire national et donc dans le sport. Il s'agit également de lutter contre le prosélytisme, sur le terrain ou sur les réseaux sociaux, à travers la diffusion de vidéos. La position de la FFBB est de privilégier l'intérêt général en faisant du basket un lieu d'échanges, où doivent primer les valeurs du sport que sont l'égalité, la fraternité et l'impartialité.
Cette décision de la FFBB a été et demeure très contestée, notamment par une pétition de 70 clubs franciliens et par des campagnes sur les réseaux sociaux.
La Fédération française de volley interdit elle aussi le voile en compétition depuis l'an dernier, tandis que la Fédération française de handball n'a pour le moment pas modifié son règlement à ce sujet, malgré de nombreux questionnements.
En dépit de la décision du Conseil d'État, les réglementations des fédérations ayant décidé d'interdire le voile en compétition demeurent contestées, comme le sont celles des fédérations n'ayant pas pris de mesure d'interdiction. De nombreuses tensions ou, a minima, des interrogations et demandes d'éclaircissement demeurent.
Un cadre légal est nécessaire afin de protéger les fédérations sportives et de conforter les acteurs locaux confrontés à de multiples pressions.
B. UN CADRE LÉGISLATIF NÉCESSAIRE
1. Liberté individuelle ou entrisme islamiste ?
Comme l'école, le sport doit être un terrain par excellence de neutralité politique et religieuse, où les seules règles et appartenances sont de nature sportive, sans autres sources de différenciations.
Le Conseil d'État a souligné, dans son avis sur le projet de loi confortant le respect des principes de la République, la relation entre sport et citoyenneté :
« Comme d'autres domaines de la vie sociale, le sport est affecté par des phénomènes de repli communautaire, de prosélytisme religieux et de radicalisation, ainsi que cela résulte de plusieurs rapports parlementaires récents. Comme le Conseil d'État l'avait souligné dans son étude de 2019, « Le sport : quelle politique publique ? » : ces phénomènes sont étrangers aux valeurs fondamentales du sport » « ... le sport constitue un fait social complet, qui ouvre sur l'ensemble des questions de la société contemporaine, telles que l'égalité des sexes, la laïcité, l'intégration, le vivre-ensemble... », « ... il peut agir comme un facteur de cohésion nationale. En cela, il entretient un rapport direct avec la citoyenneté »14(*).
Le port du voile soulève des interrogations particulières. Certains ont vu dans l'autorisation du port du voile, au niveau des fédérations internationales, un moyen d'inciter des femmes de toutes origines à se tourner vers la pratique sportive. Pour d'autres, il s'agit d'une forme de légitimation accordée à une conception inégalitaire des rapports entre sexes. Si certaines jeunes filles revendiquent le port du voile, son autorisation sur les terrains de sport risque d'être synonyme, pour d'autres, d'une obligation, sous la pression de l'entourage.
Par ailleurs, rendre la religion plus visible dans l'espace public fait partie des stratégies de l'entrisme islamiste, qui se manifeste dans le sport comme dans d'autres secteurs de la société.
D'après Gilles Kepel, politologue spécialiste de l'islam et du monde arabe contemporain, « après l'écrasement de Daech au printemps 2019, la tactique utilisée par les entrepreneurs culturels de l'islamisme, agissant en ordre assez dispersé à la suite des revers subis, a consisté à faire front en adoptant une posture de victimisation (...). Aujourd'hui, les salafistes font du contrôle des femmes, de leur nuptialité intracommunautaire, la clé de la logique séparatiste visant à fragmenter la société, à établir des enclaves culturalo-sociales qu'ils veulent dominer, en se référant à la hchouma, le sentiment de honte dû à la transgression de la norme (...) »15(*).
2. Une réponse nécessaire
Le passé montre qu'une réponse législative ou réglementaire ferme est un facteur d'apaisement.
On l'a vu dans le domaine de l'enseignement avec la loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 qui dispose que « dans les écoles, les collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit. »
C'est également l'un des enseignements de la circulaire du 31 août 2023 sur le respect des valeurs de la République qui a répondu à la multiplication des abayas et des qamis dans les établissements d'enseignement, en établissant que « le port de telles tenues, qui manifeste ostensiblement en milieu scolaire une appartenance religieuse, ne peut y être toléré ».
Ces dispositions ont conforté les acteurs de terrain dans leurs décisions, alors qu'ils étaient confrontés à des contestations et à des dérives, qui se prolongent sur les réseaux sociaux. Dans ce contexte, l'appui indéfectible de l'État est nécessaire.
Avec l'école, le sport est un autre espace d'apprentissage des valeurs de la République. Dans l'exercice de leurs missions de service public, les fédérations sportives ont, elles aussi, un rôle éducatif auprès de publics jeunes : 58 % des licenciés ont moins de vingt ans.
Sur 15,4 millions de licenciés en 2022, 6,3 millions ont entre 1 et 13 ans (41 %) et 2,6 millions (17 %) ont entre 14 et 20 ans.
Des dispositions claires et unifiées sont donc nécessaires.
Le Sénat a déjà proposé, à plusieurs reprises, d'avancer en ce sens.
Ainsi, l'article 1er de la proposition de loi reprend une disposition déjà adoptée au Sénat en 2021 puis en 2022 - avant les deux décisions précitées du Conseil d'État.
Lors de l'examen de la future loi du 24 août 2021 confortant les principes de la République, le Sénat a en effet adopté plusieurs amendements allant dans le sens de la présente proposition de loi, notamment :
- un amendement de notre collègue Michel Savin disposant que « le port de signes religieux ostensibles est interdit pour la participation aux événements sportifs et aux compétitions sportives organisés par les fédérations sportives et les associations affiliées » ;
- un amendement du même auteur disposant que « le règlement d'utilisation d'une piscine ou baignade artificielle publique à usage collectif garantit le respect des principes de neutralité des services publics et de laïcité » ;
- un amendement du rapporteur de la présente proposition de loi, sous-amendé en commission, prévoyant que « toute activité cultuelle, politique ou syndicale est interdite dans un équipement sportif public, sauf accord du maire, du président de la collectivité territoriale ou du président de l'établissement public de coopération intercommunale propriétaire de cet équipement ».
Des dispositions du même type ont été de nouveau discutées lors de l'examen de la future loi du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France, s'agissant de l'interdiction du port de signes religieux ostensibles en compétition et du respect des principes de neutralité et de laïcité.
3. Des mesures bienvenues
Les dispositions précitées sont devenues plus nécessaires encore, depuis deux ans, pour clarifier le cadre juridique alors que les fédérations sportives ont mis en place des règles divergentes, ce qui est source de confusion.
L'interprétation des principes de la République ne saurait différer d'une discipline à l'autre sans susciter de l'incompréhension et des contestations récurrentes.
Pour les jeunes d'âge scolaire, l'existence de règles différentes dans les établissements scolaires et dans les clubs de sport est difficilement compréhensible, d'autant plus que les activités sportives scolaires et extrascolaires sont souvent pratiquées dans les mêmes locaux ou sur les mêmes terrains.
La jurisprudence du Conseil d'État est, par ailleurs, venue confirmer que des extensions au principe de neutralité sont possibles en direction des usagers du service public, dans le souci d'assurer le bon fonctionnement du service public, d'éviter toute tension sans lien avec le sport et de garantir l'égalité de traitement.
Dans ce contexte, la proposition de loi comporte des mesures bienvenues :
Ø L'article 1er vise à interdire le port de signes religieux dans les compétitions organisées par les fédérations sportives et leurs associations affiliées.
Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté cet article en apportant des précisions quant aux entités et aux compétitions concernées par l'interdiction.
Ø L'article 2 interdit tout détournement de l'usage d'un équipement sportif mis à disposition par une collectivité territoriale, en vue de la pratique sportive.
Ø Sur proposition du rapporteur, afin de prévenir plus efficacement les atteintes à la laïcité, la commission a adopté un article additionnel prévoyant la possibilité pour le préfet de suspendre l'agrément d'une association sportive qui se soustrairait délibérément aux obligations mises en place par les articles 1er et 2.
Ø L'article 3 impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines.
La commission a précisé la formulation de cet article afin d'éviter toute ambiguïté sur la notion « d'égalité de traitement ». Cette notion implique, en l'espèce, qu'aucune adaptation aux règles communes ne puisse résulter de revendications de nature politique ou religieuse. Elle signifie, en particulier, que le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse est prohibé.
Ø Enfin, sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un article additionnel visant à permettre la réalisation d'enquêtes administratives préalables à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif.
Il s'agit de compléter le droit existant, en matière de contrôle de l'honorabilité, afin de traiter de façon plus adaptée les problématiques de radicalisation.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Interdiction du port de signes
religieux ostensibles
dans les compétitions sportives
Cet article prohibe le port de signes religieux ostensibles dans les compétitions sportives.
Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement tendant à préciser le champ de cette interdiction.
L'article 1er reprend une disposition adoptée par le Sénat en 2021, puis à nouveau en 2022. Il s'agit d'interdire le port de signes religieux ostensibles dans les compétitions sportives.
Plusieurs fédérations sportives ont déjà pris des dispositions en ce sens : la Fédération française de football, la Fédération française de basket-ball et la Fédération française de volley.
Le Conseil d'État a validé cette approche dans sa décision précitée du 29 juin 2023 Association Alliance citoyenne et a. Cette décision permet aux fédérations d'interdire le port ostensible de signes religieux pour garantir le bon fonctionnement du service public ou la protection des droits et libertés d'autrui. Les mesures prises doivent être adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi, condition que le Conseil d'État juge remplie par la Fédération française de football lorsqu'elle interdit, à l'occasion de compétitions ou de manifestations « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale ».
Les fédérations sportives ont donc la faculté de mettre en place de telles limitations mais elles n'en ont pas l'obligation.
Malgré la jurisprudence, des contestations subsistent. Les fédérations sont soumises à de multiples pressions. Les divergences d'approche entre elles suscitent l'incompréhension et la confusion.
Les principes fondamentaux de la République ne sauraient être interprétés différemment et donc s'appliquer de façon hétérogène sur le territoire, en fonction de la discipline pratiquée.
De nombreuses fédérations sont aujourd'hui demandeuses d'un cadre législatif qui les protège et conforte leurs décisions et celles de leurs intervenants, confrontés à de multiples pressions sur le terrain. Cette situation appelle une intervention du législateur.
Le rapporteur a proposé à la commission d'adopter cet article en le précisant.
L'amendement COM-2 précise le champ de l'interdiction, en s'inspirant des formulations retenues par les fédérations françaises de football et de basket-ball. La mesure s'appliquera lors des compétitions départementales, régionales et nationales. Il s'agit, ainsi, d'inclure tous les niveaux de compétition se déroulant sur le territoire national, tout en excluant les compétitions inscrites au calendrier des fédérations internationales, afin de ne pas nuire à l'attractivité de la France pour l'accueil d'événements sportifs internationaux.
Le même amendement précise que les fédérations concernées sont les 120 fédérations agréées. Ces fédérations participent en effet à l'exécution d'une mission de service public et à la mise en oeuvre de la politique publique du sport (article L131-8 du code du sport), ce qui justifie pleinement qu'elles appliquent le dispositif.
La mesure s'appliquera, en outre, aux organes déconcentrés de ces fédérations (comités départementaux ou régionaux, ligues, districts etc.), aux ligues professionnelles et aux associations affiliées.
Enfin, cet amendement étend l'interdiction au port de « tenues » (en plus des « signes ») de nature non seulement « religieuse » mais aussi « politique ».
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 2
Interdiction des
prières collectives dans les locaux mis à disposition
en vue
d'une pratique sportive
Cet article interdit les prières collectives dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d'une pratique sportive.
Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement qui précise :
- que les locaux attenant à l'équipement sportif sont également concernés ;
- qu'au-delà de la seule prière, tout usage de type religieux est interdit.
En application de l'article L2144-3 du code général des collectivités territoriales, « des locaux communaux peuvent être utilisés par les associations ou partis politiques qui en font la demande.
Le maire détermine les conditions dans lesquelles ces locaux peuvent être utilisés, compte tenu des nécessités de l'administration des propriétés communales, du fonctionnement des services et du maintien de l'ordre public ».
La collectivité territoriale mettant des locaux à disposition fixe les conditions de leur utilisation.
Des locaux peuvent être mis à disposition d'une association à des fins cultuelles. Cette possibilité est maintenue par l'alinéa 3 de l'article 2.
Mais lorsque des locaux sont mis à disposition pour la pratique sportive, leur usage à des fins religieuses relève d'un détournement de finalité.
Un tel usage exclurait par définition un certain nombre d'adhérents.
Il est susceptible de heurter la conscience d'autrui. Il peut relever du prosélytisme, problématique en cas de fréquentation des locaux par des personnes vulnérables et notamment par un public jeune.
C'est pourquoi l'article 2 dispose que lorsqu'un équipement est mis à disposition d'une association pour la pratique sportive, il n'est pas possible d'y tenir des prières collectives.
Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement COM-4 apportant deux précisions :
- d'une part, les locaux concernés sont non seulement l'équipement sportif lui-même mais aussi tous les locaux attenants, c'est-à-dire notamment les vestiaires, la buvette etc. ;
- d'autre part, au-delà de la seule prière, tout usage religieux et donc toute cérémonie de nature religieuse sont interdits.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 2 bis (nouveau)
Suspension de
l'agrément d'une association sportive qui se
soustrairait
délibérément à ses obligations en
matière de laïcité et de neutralité
Sur proposition du rapporteur, cet article additionnel prévoit la possibilité pour le préfet de suspendre l'agrément d'une association sportive qui se soustrairait délibérément aux obligations mises en place par les articles 1er et 2 de la proposition de loi.
L'article 63 de la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a précisé les modalités d'octroi, de suspension et de retrait de l'agrément des associations sportives.
Aux termes de cette loi, les associations sportives agréées sont tenues de souscrire un contrat d'engagement républicain. Si elles méconnaissent ce contrat, le préfet suspend ou retire leur agrément (article L121-4 du code du sport).
Un décret du 31 décembre 2021 détermine le contenu de ce contrat d'engagement républicain (CER) qui comporte sept engagements. La mise en oeuvre de ce dispositif est toutefois très hétérogène. Elle dépend du bon-vouloir des acteurs et se heurte à une insuffisance des moyens de prévention et de contrôle des atteintes à la laïcité. En pratique, la souscription du CER est trop souvent une simple formalité. L'une des mesures phare de la loi confortant le respect des principes de la République est ainsi dénuée d'une grande partie de sa portée.
Sur proposition du rapporteur, l'amendement COM-1 propose d'écrire explicitement que le préfet pourra suspendre ou retirer l'agrément d'une association sportive qui se soustrairait délibérément aux obligations instituées par les articles 1er et 2 de la présente proposition de loi.
Cette disposition permettra de conforter la position des fédérations sportives face à d'éventuelles associations contestataires.
Le retrait de l'agrément signifie, en outre, que l'association sportive ne pourra plus bénéficier de l'aide de l'État.
La commission a adopté l'article 2 bis ainsi rédigé.
Article 3
Respect des principes de neutralité et de
laïcité dans les piscines
Cet article impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines et les espaces de baignade artificiels publics.
Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté un amendement précisant la portée de cet article.
En mai 2022, le conseil municipal de la ville Grenoble a adopté une délibération autorisant de facto le port du « burkini » dans les piscines municipales. Le « burkini » est une tenue longue dont le haut est ample et qui couvre la totalité du corps, à l'exception du visage.
Suite à cette délibération, le préfet de l'Isère a introduit un déféré-suspension, dit aussi déféré-laïcité, conformément à la procédure mise en place par la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Le Conseil d'État lui a donné raison dans une ordonnance du 21 juin 2022. Auparavant, la haute juridiction administrative avait annulé un arrêté municipal interdisant le port du « burkini » sur les plages (dans une ordonnance du 26 août 2016).
Dans le cadre de l'examen de la future loi confortant le respect des principes de la République, le Sénat a adopté une disposition proposée par notre collègue Michel Savin afin d'interdire le port du « burkini » dans les piscines. Le gouvernement s'était alors opposé à cette disposition. Sa position a, depuis lors, changé. En effet, suite à l'ordonnance du Conseil d'État, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a déclaré à la presse : « C'est une victoire de la République, de la laïcité et du droit ».
Le présent article propose d'inscrire dans la loi le nécessaire respect des principes de laïcité et de neutralité par les usagers des piscines et des espaces de baignade artificiels publics.
Sur proposition du rapporteur, la commission a adopté l'amendement COM-5 précisant la portée de cet article, afin de clarifier la notion d'égalité de traitement des usagers qui, en l'espèce, peut paraître ambiguë.
L'égalité de traitement des usagers implique en effet que le règlement d'une piscine ou baignade artificielle publique ne puisse pas prévoir d'adaptation susceptible de nuire au bon fonctionnement du service ou de porter atteinte à l'ordre public. Le gestionnaire d'un service public ne peut pas procéder à des adaptations tenant compte des convictions religieuses de certains usagers si, par leur caractère fortement dérogatoire, ces dérogations rendraient plus difficile le respect des règles de droit commun par les autres usagers.
Cet amendement se fonde sur la jurisprudence du Conseil d'État, dans son ordonnance du 21 juin 2022 Commune de Grenoble, aux termes de laquelle :
« Le gestionnaire d'un service public est tenu, lorsqu'il définit ou redéfinit les règles d'organisation et de fonctionnement de ce service, de veiller au respect de la neutralité du service et notamment de l'égalité de traitement des usagers (...) le gestionnaire de ce service ne peut procéder à des adaptations qui porteraient atteinte à l'ordre public ou qui nuiraient au bon fonctionnement du service, notamment en ce que, par leur caractère fortement dérogatoire par rapport aux règles de droit commun et sans réelle justification, elles rendraient plus difficile le respect de ces règles par les usagers ne bénéficiant pas de la dérogation ou se traduiraient par une rupture caractérisée de l'égalité de traitement des usagers, et donc méconnaîtraient l'obligation de neutralité du service public. »
Le même amendement précise qu'il s'agit, en particulier, de prohiber le port de tout signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique ou religieuse.
La commission a adopté cet article ainsi modifié.
Article 3 bis (nouveau)
Extension du
criblage aux éducateurs sportifs
Sur proposition du rapporteur, cet article additionnel vise à permettre la réalisation d'enquêtes administratives préalables à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif.
Le décret du 27 avril 2017 a créé un service à compétence nationale dénommé « service national des enquêtes administratives de sécurité » (SNEAS), qui est le service interministériel chargé des enquêtes administratives.
Ce service a pour mission de prévenir le terrorisme, les atteintes à la sécurité, à l'ordre public et à la sûreté de l'État par la réalisation d'enquêtes administratives destinées à vérifier que le comportement de personnes physiques ou morales n'est pas incompatible avec l'autorisation d'accès à des sites sensibles ou l'exercice de missions ou fonctions sensibles.
Ce service exerce une mission de criblage pour le recrutement aux emplois dans les domaines de la sécurité et de la souveraineté ou pour l'accès à des sites et événements particulièrement sensibles. Il traite environ un million d'enquêtes de sécurité par an.
L'amendement COM-6, proposé par le rapporteur, vise à permettre la réalisation d'enquêtes administratives, confiées au SNEAS, sur des candidats à la fonction d'éducateur sportif, avant délivrance de la carte professionnelle.
Le contrôle de l'honorabilité a progressé, notamment grâce à la loi du 8 mars 2024 visant à renforcer la protection des mineurs et l'honorabilité dans le sport. Issue d'une proposition de notre collègue Sébastien Pla, cette loi renforce le contrôle de l'honorabilité des éducateurs sportifs. Elle transpose dans le champ sportif les dispositions applicables aux acteurs du secteur social et médico-social. Le contrôle consiste dans la consultation systématique, par les autorités administratives, du bulletin n° 2 du casier judiciaire (B2) et du fichier des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais), fichier qui recense les personnes condamnées ou mises en cause pour certaines infractions sexuelles ou violentes.
Si le contrôle de l'honorabilité a progressé en matière de lutte contre les violences sexistes et sexuelles, il demeure insuffisant dans le domaine de la lutte contre la radicalisation.
Il s'agit ici de remédier à une faille inacceptable : aujourd'hui, en effet, un individu fiché par les services de renseignement au titre des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) peut tout à fait se voir délivrer une carte professionnelle d'éducateur sportif.
Cet article additionnel reprend une proposition du rapport précité des députés Éric Diard et Éric Poulliat sur les services publics face à la radicalisation en date du 27 juin 2019. D'après ce rapport, Laurent Nuñez, alors secrétaire d'État auprès du ministre de l'Intérieur, s'était déclaré favorable à une extension du criblage vers les personnels en contact avec les publics jeunes ou vulnérables.
La commission a adopté l'article 3 bis ainsi rédigé.
*
* *
La commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a adopté la proposition de loi ainsi modifiée.
EXAMEN EN COMMISSION
MERCREDI 5 JUIN 2024
_________
M. Laurent Lafon, président. - Nous nous réunissons ce matin pour l'examen de deux propositions de loi d'initiative sénatoriale. Nous débutons par le rapport de notre collègue Stéphane Piednoir sur la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport, déposée par Michel Savin et plusieurs de ses collègues.
Je vous rappelle que l'examen de ce texte est programmé en séance publique lundi prochain après l'examen de la proposition de loi consacrée à la prise en charge des maladies évolutives graves.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - La proposition de loi de notre collègue Michel Savin traite d'un sujet essentiel, celui de la laïcité - souvent évoqué au sein de notre commission -, qui est l'un des fondements de la République, inscrit à l'article 1er de la Constitution.
La laïcité implique de trouver un équilibre entre la liberté de conscience dans la sphère privée et la neutralité dans la sphère publique. Ce principe a toute sa place dans le domaine du sport, qui est l'un des vecteurs de l'apprentissage de la citoyenneté.
Il faut savoir que 58 % des sportifs licenciés ont moins de 20 ans ; 6,3 millions d'entre eux ont moins de 13 ans. Au même titre que l'école, le sport les initie à la coopération et au respect des règles communes. Les valeurs fondamentales du sport sont des valeurs citoyennes. Les seules règles, les seules différences admissibles sur le terrain sont celles qui sont induites par le sport lui-même. Les revendications politiques ou religieuses n'y ont pas leur place. C'est la raison pour laquelle la charte olympique énonce un principe de neutralité, dans sa règle 50.2 : « Aucune sorte de démonstration ou de propagande politique, religieuse ou raciale n'est autorisée dans un lieu, site ou autre emplacement olympique. »
Les atteintes à la laïcité dans le sport sont une réalité trop longtemps occultée.
Il y a vingt ans, le rapport de M. Bernard Stasi sur l'application du principe de laïcité dans la République faisait déjà le constat inquiétant de la formation d'« équipes communautaires » et du déclin de la pratique sportive féminine dans certains quartiers.
La loi du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics a réglé la question de la laïcité pour les établissements scolaires publics. Mais le sport est resté un terrain de ce que l'on appelle aujourd'hui le « séparatisme ».
Plusieurs rapports parlementaires récents l'ont montré, notamment le rapport de la commission d'enquête du Sénat de 2020 sur la radicalisation islamiste.
Toutes les atteintes à la laïcité ne sont évidemment pas du même ordre. Mais tous les acteurs que nous avons auditionnés, de l'ancienne ministre des sports Marie-George Buffet aux représentants des collectivités territoriales et des fédérations sportives, font le même constat : celui d'une diffusion générale de comportements remettant en cause le vivre-ensemble et l'universalisme du sport.
Ces phénomènes sont dispersés, au sein d'un réseau de 360 000 associations sportives, et extrêmement difficiles à quantifier. Quelques chiffres permettent toutefois d'illustrer les phénomènes les plus graves.
En cinq ans, 592 alertes ont été rapportées aux cellules de lutte contre l'islamisme radical et le repli communautaire (Clir). Ces contrôles ont abouti à neuf fermetures d'établissements.
En 2022-2023, 100 contrôles ont été effectués par le ministère des sports. Ces contrôles ont permis d'identifier six cas de séparatisme.
En 2021, Mme Roxana Maracineanu, alors ministre déléguée chargée des sports, déclarait que 127 associations sportives avaient été identifiées comme étant en relation avec une mouvance séparatiste, parmi lesquelles 29 étaient tenues par l'islam radical. Seulement cinq de ces clubs ont été fermés, et souvent pour d'autres raisons, de santé publique notamment. Donc, 122 clubs resteraient ouverts. Cela représente, potentiellement, 11 000 sportifs pratiquant dans des clubs en lien avec la mouvance séparatiste.
Un seul retrait d'agrément a été effectué en application de la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République, au titre du non-respect du contrat d'engagement républicain (CER).
Ces chiffres sont évidemment très partiels. De nombreux acteurs de terrain témoignent d'atteintes à la laïcité, telles que l'extension du port du voile, des prières collectives dans les vestiaires et sur les terrains, des demandes de modification d'horaires, un refus de la mixité, le refus de saluer l'adversaire, etc. Les sports les plus concernés sont le football, les sports de combat, le tir à l'arc ou encore la musculation.
Dans ce contexte, cette proposition de loi est bienvenue.
En effet, les mesures prises à ce jour sont insuffisantes. Le contrat d'engagement républicain est un outil qui est intéressant, mais trop peu mobilisé. Loin d'être un véritable engagement, il est trop souvent une simple formalité, une case à cocher sur un formulaire administratif.
Par ailleurs, l'État est affaibli, par manque de moyens, que ce soit dans les préfectures ou au sein des services déconcentrés du ministère des sports.
Ces services ont subi de fortes réductions d'effectifs. Ils ont été rapprochés des services de l'éducation nationale, ce qui ne permet plus d'avoir une vision claire de leurs moyens. En tout état de cause, 220 emplois sont aujourd'hui consacrés par le ministère des sports au contrôle des établissements d'activités physiques et sportives, toutes problématiques confondues - hygiène, sécurité, assurance, etc. Une prise de conscience a lieu, puisque ces effectifs ont été augmentés de 56 en deux ans, pour la prévention de la radicalisation et des violences sexistes et sexuelles. Mais ces moyens restent limités.
D'un point de vue juridique, la jurisprudence a validé des extensions ciblées du principe de neutralité, désormais opposable dans certains cas aux usagers du service public, pour permettre le bon fonctionnement du service, prévenir toute confrontation sans lien avec le sport et garantir l'égalité de traitement des usagers.
Le Conseil d'État a validé cette approche à deux reprises.
D'une part, il a confirmé l'interdiction par la fédération française de football (FFF) de « tout port de signe ou tenue manifestant ostensiblement une appartenance politique, philosophique, religieuse ou syndicale » en compétition : le Conseil d'État affirme dans sa décision du 29 juin 2023 que des limitations à la liberté des licenciés sont possibles « si cela est nécessaire au bon fonctionnement du service public ou à la protection des droits et libertés d'autrui ».
D'autre part, dans une ordonnance du 21 juin 2022, le Conseil d'État a validé la suspension du règlement intérieur des piscines de la ville de Grenoble, qui autorisait le port du « burkini ».
Par la suite, plusieurs fédérations sportives ont pris des mesures d'interdiction du port de signes ou tenues manifestant ostensiblement une appartenance religieuse lors des compétitions : c'est le cas, outre la FFF, des fédérations françaises de basket-ball (FFBB) et de volley.
D'autres fédérations ont entamé une réflexion, sans prendre de mesures à ce stade. Les pressions sont multiples. Par exemple, 70 clubs de basket franciliens ont adressé une pétition à la fédération française de basket-ball. Des campagnes sont menées sur les réseaux sociaux.
Aujourd'hui, si les fédérations sportives ont la faculté de mettre en place des limitations, elles n'en ont pas l'obligation. Or rien ne peut justifier qu'un principe aussi fondamental que la laïcité s'applique différemment d'une discipline à l'autre.
C'est pourquoi de nombreuses fédérations sont demandeuses d'un cadre législatif clair qui les protège. Rappelons que ces fédérations sont la plupart du temps délégataire d'une mission de service public et que l'extension de la loi de 2004 est envisagée et a été souhaitée par plusieurs acteurs, dont Marie-George Buffet.
Je vous propose donc d'adopter la proposition de loi de notre collègue Michel Savin en y apportant quelques compléments.
L'article 1er reprend quasiment à l'identique une disposition qui a déjà été adoptée par le Sénat à deux reprises, en 2021 puis en 2022.
Il s'agit d'interdire le port de signes religieux ostensibles dans les compétitions sportives. Je vous propose de préciser le champ de l'interdiction afin qu'elle s'applique aux 120 fédérations agréées, et qu'elle porte non seulement sur les signes et tenues d'ordre religieux, mais aussi sur ceux d'ordre politique.
Je vous propose, par ailleurs, de prévoir la possibilité d'une sanction, afin de rendre la mesure plus effective, mais aussi pour disposer d'un instrument de comptabilisation des atteintes relevées.
L'article 2 interdit les prières collectives dans les locaux mis à disposition par les collectivités territoriales en vue d'une pratique sportive. Un tel usage constitue en effet un détournement de finalité. Je vous proposerai, là aussi, d'adopter cet article, en précisant qu'il s'applique non seulement à l'équipement sportif, mais aussi à tous les locaux attenants.
L'article 3 impose le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines et les espaces de baignade artificiels publics. Je vous proposerai, ici, de préciser la portée du principe d'égalité de traitement des usagers afin d'être plus explicite et de ne prêter à aucune ambiguïté.
Enfin, je vous propose de compléter cette proposition de loi afin de permettre la réalisation d'enquêtes administratives préalables à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif. En l'état actuel du droit, un individu fiché dans le cadre de la prévention de la radicalisation à caractère terroriste peut se voir délivrer une carte professionnelle d'éducateur sportif. Aucun recoupement n'est effectué puisque le fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste (FSPRT) n'est pas un fichier de personnes condamnées, contrairement au fichier judiciaire national automatisé des auteurs d'infractions sexuelles ou violentes (Fijais). En revanche, il existe une procédure de criblage préalable au recrutement dans certains emplois de souveraineté ou de sécurité, ou pour l'accès à des sites sensibles, tels que ceux des prochains jeux Olympiques.
Je propose, par conséquent, qu'une enquête administrative puisse être demandée préalablement à la délivrance de la carte professionnelle d'éducateur sportif.
Pour l'application des irrecevabilités prévues par l'article 45 de la Constitution, je vous propose un périmètre incluant les dispositions relatives à la prévention, à l'interdiction et au contrôle des atteintes à la laïcité dans le sport.
M. Pierre Ouzoulias. - Je trouve le périmètre un peu restreint. Il aurait été intéressant de mettre à profit ce texte pour travailler sur la notion de service public, tel que les fédérations en sont délégataires par l'État. J'évoquerai ce point en séance publique.
M. Laurent Lafon, président. - Je prends acte de votre remarque.
Le périmètre est adopté.
Mme Agnès Evren. - Je tiens tout d'abord à remercier le président Retailleau d'avoir versé au débat cette proposition de loi fondamentale. Le groupe Les Républicains salue Michel Savin, auteur de ce texte, pour la qualité de ses travaux, ainsi que le rapporteur Stéphane Piednoir pour les auditions qu'il a menées et qui, nous l'espérons tous, réussiront à convaincre de l'absolue nécessité de défendre le principe de laïcité dans le sport.
Cette proposition de loi se fonde sur un constat issu de différents rapports et d'enquêtes qui ont souligné la faiblesse du sport face à la radicalisation et aux dérives contre les principes de la République. Si la laïcité garantit la liberté de conscience et la liberté religieuse de chacun, elle pose un cadre à l'exercice de ces libertés, qui est de ne pas troubler l'ordre public. Cette condition sine qua non n'étant pas toujours respectée, les acteurs du sport s'accordent sur l'urgence de renforcer certains dispositifs afin d'assurer à tous une pratique sereine et pacifiée. Les valeurs de dépassement de soi, d'intégration, d'émancipation et d'universalité inhérentes au sport permettent d'étendre son accès à tous, quelles que soient l'origine, la religion ou les convictions politiques de chacun.
Certains préfèrent encore éluder le problème de l'ingérence religieuse dans le sport. Pourtant, le communautarisme est un péril qui menace la République dans son ensemble. Cette proposition de loi a le mérite de regarder les choses de façon lucide. Le sport est un terrain de jeu privilégié de ceux qui souhaitent voir appliquer une loi religieuse diamétralement opposée aux valeurs d'émancipation et d'universalité portées par le sport. C'est à l'État qu'il revient d'affirmer son soutien inconditionnel aux acteurs des milieux sportifs pour qu'ils puissent, enfin ! faire respecter le principe de laïcité. Cette proposition vise donc à lutter contre la progression rampante de ce phénomène contraire à la sanctuarisation du domaine sportif et à la neutralité.
Je rappelle brièvement les trois objectifs poursuivis au travers de cette proposition de loi : interdire le port de signes religieux ostentatoires lors des compétitions organisées par les fédérations sportives et les associations affiliées ; préserver l'utilisation des équipements sportifs d'un dévoiement cultuel contraire à leurs objectifs ; enfin, consacrer le principe de neutralité dans les règlements d'utilisation des piscines ou des espaces de baignades artificiels publics à usage collectif.
Naturellement, les propositions d'amendements qui s'inscrivent dans cet état d'esprit seront les bienvenues.
Mme Sylvie Robert. - Je remercie le rapporteur pour son rapport.
La France est une République laïque. Comment répondre au défi d'une société pluriculturelle sans renoncer à la neutralité de l'État et des services publics, au respect des principes d'égalité des cultes et des personnes et à la consécration de la liberté de croire ou de ne pas croire ? Je pense intimement que le concept français de laïcité reste encore pleinement opérant.
Par cette proposition de loi, vous rompez les équilibres des grandes lois de 1905 et de 2004. Mais vous entamez aussi l'État de droit. Cela fait sept fois que nous légiférons sur la question du voile, pour les accompagnatrices de sorties scolaires ou dans le cadre de l'examen de la loi visant à démocratiser le sport en France. Je reconnais là de la constance - pour ne pas dire de l'obsession. Depuis, nombre d'évolutions législatives et jurisprudentielles ont eu lieu ; la question du Conseil d'État sera évoquée en séance.
À entendre les fédérations, les personnes auditionnées, j'estime que cette proposition de loi ne répondra pas à ces défis, car elle déplace plusieurs curseurs. La dernière audition était intéressante, car on a parlé, pour la première fois, du sport comme vecteur d'intégration. Ici, l'équilibre entre intégration et exclusion n'est plus assuré.
Par ailleurs, vous avez fermement défendu le CER.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - C'est le moment des reproches !
Mme Sylvie Robert. - Pas du tout, mais vous l'avez voté. Or vous dites aujourd'hui qu'il n'est pas suffisamment puissant. J'aimerais simplement qu'il soit appliqué. Les municipalités ont passé des contrats avec les associations. Le principe de laïcité figure dans le CER. Je fais confiance aux maires pour que les choses aillent dans le bon sens.
Qui plus est, les fédérations disposent d'un pouvoir réglementaire qui leur permet d'interdire le port de signes religieux, selon une jurisprudence du Conseil d'État. Il aurait été beaucoup plus intéressant de renforcer les contrôles, de permettre l'application du CER, de favoriser la formation et l'accompagnement des acteurs, notamment les éducateurs sportifs.
J'ai l'impression que cette proposition de loi a d'autres visées politiques. Or, en l'espèce, il faut légiférer avec beaucoup de prudence : rompre les équilibres de grands principes comme celui de laïcité peut nous faire perdre beaucoup.
M. Pierre-Antoine Levi. - À mon tour de féliciter Michel Savin, auteur de cette proposition de loi, et Stéphane Piednoir, rapporteur, pour la qualité de leur travail.
La laïcité est l'un des piliers de notre République, qui garantit la neutralité de l'État et assure l'égalité de tous les citoyens, quelles que soient leurs croyances. Pourtant, nous ne comptons plus les atteintes envers ce principe. Certains promoteurs d'une vision radicale et politique de la religion tentent d'imposer des pratiques incompatibles avec notre société.
Le sport en tant qu'espace public de rassemblement et de cohésion sociale doit être le reflet de cette neutralité. Je salue donc Michel Savin pour son initiative visant à remettre sur le devant de la scène cette problématique cruciale. Cette proposition de loi est donc la bienvenue.
L'article 1er introduit une nouvelle disposition dans le code du sport, interdisant le port de signes religieux ostensibles lors des compétitions sportives organisées par les fédérations et associations affiliées. Cette mesure, inspirée par la réglementation en vigueur dans l'éducation, vise à garantir que les terrains de sport demeurent des espaces de neutralité et de respect mutuel. Les récents incidents, tels que ceux qui sont survenus au Sète Olympique Football Club, montrent que cette question est loin d'être théorique. Des maillots arborant des symboles religieux ont suscité des sanctions et des débats intenses, révélant des tensions sous-jacentes.
La FFF a pris des mesures depuis 2016 pour interdire ces signes. Elle cherche à prévenir toute instrumentalisation du sport à des fins religieuses, garantissant ainsi que le terrain de jeu reste un espace neutre et inclusif. Ces bonnes pratiques sont aujourd'hui au bon vouloir des fédérations avec le risque d'interprétations différentes. Inscrire ce principe dans la loi permettra la stricte application par l'ensemble des acteurs du sport de notre pays.
L'amendement COM-3 concernant les sanctions financières est difficile à mettre en oeuvre. Je proposerai plutôt une suspension de licence temporaire de six mois pour l'auteur de l'infraction, avec une gradation dans le temps en cas de récidive.
L'article 2 permet aux collectivités territoriales de déterminer les conditions d'utilisation des équipements sportifs. Il exclut leur usage comme salle de prière collective, sauf disposition temporaire et non préférentielle. Cette mesure est très importante pour éviter que les infrastructures sportives publiques ne deviennent des lieux de culte, ce qui pourrait exacerber les divisions communautaires.
Enfin, l'article 3 renforce le respect des principes de neutralité et de laïcité dans les piscines et les espaces de baignades artificiels publics. L'autorisation à Grenoble du port du « burkini » dans ses piscines municipales démontre l'utilité de telles dispositions.
Garantir l'égalité de traitement des usagers dans cet espace est essentiel pour préserver la cohésion sociale et éviter toute forme de discrimination. Nous devons également considérer les chiffres du ministère des sports qui indiquent que, sur 3 449 contrôles effectués en 2022, plusieurs ont révélé des signes de séparatisme ou de radicalisation nécessitant des mesures correctives.
Ces données illustrent bien la réalité et l'ampleur des défis que nous devons relever. Il est important de comprendre que la laïcité vise non pas à exclure, mais à protéger ; elle garantit que chacun puisse pratiquer son sport librement, sans subir de pression religieuse ou communautaire. Le sport doit rester un lieu de rencontres et de partages au-delà des différences individuelles. Les incidents observés, tels que les annulations de matchs, montrent la nécessité de règles claires et uniformes pour préserver la paix sociale et l'unité nationale.
Vous l'aurez compris, le groupe Union Centriste soutient cette proposition de loi.
Nous croyons fermement que la laïcité est un socle indispensable pour une République unique, unie et solidaire. En renforçant la neutralité dans le sport, nous faisons un pas important pour garantir que cet espace reste un lieu de convivialité, de respect et d'égalité pour tous.
M. Ahmed Laouedj. - Cette proposition de loi, qui semble motivée par une volonté de promouvoir la laïcité, risque en réalité de stigmatiser davantage certaines communautés.
La laïcité ne signifie pas l'exclusion du fait religieux de notre société, surtout dans le domaine du sport. Elle ne peut être interprétée comme la stigmatisation des pratiques religieuses des individus ni brandie comme un prétexte pour réduire les libertés individuelles.
D'abord, au nom de la liberté de conscience, on ne peut interdire le port d'une tenue vestimentaire en raison de son caractère religieux. Une interdiction ne peut être prononcée qu'en cas de trouble à l'ordre public manifeste. Elle doit être adaptée et proportionnée.
Par ailleurs, le principe de neutralité ne s'applique pas de la même manière aux agents et aux usagers du service public. Ainsi, si les obligations de neutralité concernent les personnes exerçant une mission de service public dans le sport, comme les dirigeants ou les salariés d'une fédération, les bénévoles et les sportifs non salariés, bien qu'ils jouent un rôle essentiel, ne peuvent y être directement soumis.
Enfin, je m'interroge sur la pertinence de cette proposition de loi, étant donné que les maires et les fédérations sportives disposent déjà des outils nécessaires pour intervenir en cas de trouble avéré à l'ordre public.
La laïcité est un principe fondamental de notre République. Toutefois, celle-ci ne cesse pas d'exister parce que les individus sont différents. Aussi, ne cédons en aucun cas à la tentation de son instrumentalisation.
Pour toutes ces raisons, je vous invite à reconsidérer cette proposition de loi et toutes les implications qu'elle aurait sur la cohésion sociale. Réfléchissons à d'autres solutions pour garantir la laïcité dans le sport sans porter atteinte aux libertés individuelles de nos concitoyens.
M. Pierre Ouzoulias. - En France comme ailleurs dans le monde, nos sociétés manquent d'universalisme.
L'alinéa 2 de l'article 50 de la charte olympique veille précisément à garantir ce principe dans le domaine du sport. La République islamique d'Iran est la première à avoir combattu cet article, en négociant des dérogations auprès du Comité international olympique (CIO) après avoir refusé d'envoyer des athlètes féminines aux jeux Olympiques (JO). À ce titre, je regrette vivement que l'olympisme mondial ait cédé aux pressions financières des États du Golfe pour oublier une partie de la charte. Je ne supporte pas que la France ait accepté que ce texte soit ainsi foulé aux pieds à l'occasion des jeux Olympiques de Paris. Nous aurions dû nous battre bien davantage pour veiller à son application...
Nous avons entendu Marie-George Buffet en audition, et nous voterons l'article 1er. Je m'interroge néanmoins sur son champ d'application, qui se limite aux compétitions. J'aurais préféré qu'il s'applique à toute la pratique sportive, en ce qu'elle représente une mission de service public d'ordre éducatif auprès des jeunes. Il est désormais clair pour tous que la loi de 2004 a pour objet la protection des mineurs envers toute forme de prosélytisme. Nous pourrions donc voter un texte équivalent à destination des clubs sportifs. Cet article ne me satisfait donc pas totalement.
Concernant les articles 2 et 3, si j'en comprends l'objectif, leur formulation légistique ne me convient pas, pour différentes raisons.
Je vous mets en garde : la loi française ne reconnaît que les cultes. Le mot « prière » n'apparaît dans aucun texte, à l'exception du code pénitentiaire. Il serait dommage de l'utiliser dans une proposition de loi relative au sport !
L'expression « port de signes religieux », à l'article 1er, est un peu limitée. Je suis offusqué qu'un joueur fasse un signe de croix avant d'entrer sur le terrain. Or il s'agit d'une manifestation religieuse - et non d'un signe religieux -, laquelle devrait également être proscrite.
L'article 3 est une transposition de la décision du Conseil d'État à propos des piscines municipales de Grenoble autorisant le port du burkini. Je salue cette juste décision, qui précise qu'on ne peut changer le règlement d'une piscine, celui-ci étant motivé par des règles d'hygiène, en fonction de desiderata religieux. Mais là aussi, la rédaction pose problème.
Mme Mathilde Ollivier. - Votre rapport évoque à de multiples reprises le séparatisme. Nous devrions plutôt parler de la discrimination et de la stigmatisation d'une partie de la communauté française, particulièrement visée par cette proposition de loi, à laquelle nous nous opposons.
Ce texte est révélateur d'une incompréhension - que je pense délibérée - envers le principe de laïcité. La neutralité s'applique avant tout aux agents du service public, et non à ses usagers. Le Conseil d'État, saisi par les hijabeuses qui contestaient le règlement de la FFF, a redéfini les contours de la laïcité dans le sport. Or sa décision précise que le principe de neutralité s'applique lorsque la fédération exerce une autorité hiérarchique ou un pouvoir de décision sur les joueurs et joueuses - et non à tous les autres licenciés. Toutefois, les fédérations sont libres d'édicter des règles internes, tant que celles-ci sont proportionnées et adaptées. La restriction du port des signes religieux peut être décidée pour le bon fonctionnement du service public et contre les troubles à l'ordre public. Par cette proposition de loi, vous souhaitez étendre le principe de laïcité à des usagers qui ne sont actuellement pas concernés.
Lors de leur audition, certains représentants de fédérations sportives ont fait part de leur inquiétude, à quelques semaines de l'ouverture des jeux Olympiques et Paralympiques, à propos de cette proposition de loi qui envoie un signal d'exclusion à l'égard d'une partie des citoyens et citoyennes français. Pourtant, leur accès à la pratique du sport devrait être garanti. Il est d'ailleurs dommage que les associations qui oeuvrent dans ce domaine n'aient pu être entendues.
Nous nous opposons fortement à cette proposition de loi. Nous avons déposé des amendements de suppression sur les trois articles. Il est important, dans un climat de stigmatisation de certaines communautés, de ne pas porter atteinte aux libertés individuelles.
M. Martin Lévrier. - Je n'avais pas prévu de m'exprimer aujourd'hui, tant il est difficile de porter une parole qui ne soit pas enfermée dans le discours d'un parti politique, dès lors qu'il est question de laïcité.
D'un côté, les tentatives d'utiliser le sport à des fins de prosélytisme sont une réalité dont je fais régulièrement l'expérience dans mon département. De l'autre, en France, la laïcité est, selon moi, davantage une valeur qu'un principe : c'est l'accumulation des lois qui fait les principes grâce auxquels cette valeur s'applique. Or cette situation donne lieu à une course à l'échalote : ne sachant pas comment résoudre le problème, nous multiplions les textes pour remettre le sujet à l'ordre du jour.
Pourtant, si nous appliquions fermement le droit existant, nous éviterions une telle situation. Ne vous y trompez pas : si cette loi est adoptée et qu'elle est appliquée, ceux qui sont à l'origine de ce prosélytisme trouveront de nouveaux chemins d'attaque et nous rédigerons une nouvelle loi ! À la fin, nous perdrons l'idée même de ce qu'est la valeur de laïcité. Je sais que nous ne sommes pas tous d'accord sur la définition de celle-ci, mais c'est de cette manière que je la conçois.
Concernant le texte, l'article 1er mériterait d'être repensé. Je m'interroge sur sa constitutionnalité. Quant aux articles suivants, contentons-nous d'appliquer et d'évaluer le droit existant : nous porterions ainsi une parole politique bien plus forte qu'en adoptant une nouvelle proposition de loi, qui sera rapidement battue en brèche pour laisser place à un autre texte.
M. Jacques Grosperrin. - Je remercie l'auteur de cette proposition de loi pour son courage, car le sujet est important.
À ceux qui doutent de la portée politique de cette proposition de loi, je le redis : si, pour vous, le port du hijab est une marque d'émancipation, ce n'est pas notre point de vue. Accepter que les pratiquantes le portent sur un terrain de sport est en totale contradiction avec notre vision de la liberté des femmes.
S'agissant des hommes, un sociologue a raconté lors d'une audition qu'un match de football a été retardé pour permettre aux joueurs de faire leur prière. La maire a prétexté une coupure d'électricité pour justifier la situation. Les choses sont graves. Pourtant, certains sont dans le déni. J'entends dire que cette proposition de loi favoriserait un système d'exclusion et de différenciation. Vous oubliez que les femmes que vous mentionnez sont précisément exclues par ceux qui les placent dans une telle situation. En aucun cas, le sport ne doit être le lieu d'expression et de revendication religieuses.
Monsieur le rapporteur, pourquoi les 120 fédérations agréées par le ministère font-elles appliquer 120 règles différentes ? Dans un tel contexte, il est très complexe de veiller au respect du principe de laïcité sur notre territoire : alors que le football interdit le port de signes religieux, le rugby l'autorise. Pourtant, les deux fédérations bénéficient du même agrément ministériel. Nous faisons face à une incohérence républicaine. Il revient au Sénat de la résoudre.
M. Patrick Kanner. - Vous avez évoqué à plusieurs reprises l'audition de Mme Buffet, ancienne ministre très respectable - comme d'autres ministres des sports (Rires.) qui, contrairement à elle, ont été confrontés à la salafisation de certains clubs. C'était le cas à l'époque où j'occupais ce poste. Nous n'y avons alors pas répondu par une caporalisation, mais par une intervention des services de l'État - ils sont malheureusement dans une piètre situation aujourd'hui - pour enquêter, avec une équipe dédiée, sur d'éventuels phénomènes de radicalisation.
Il ne faut pas uniformiser la réponse de l'État aux sujets qui concernent l'intime. N'oublions jamais cette phrase d'Aristide Briand, que le président du Sénat rappelle régulièrement : « La loi doit protéger la foi, aussi longtemps que la foi ne prétendra pas dire la loi. »
C'est cela qui fait l'originalité du système laïc français, qui n'a rien à voir avec le système des pays anglo-saxons. Tant que la menace à l'ordre public n'existe pas, il ne faut pas imaginer une réponse uniforme qui risquerait d'exclure, de stigmatiser, tout en empêchant l'inclusion des femmes françaises de confession musulmane - car, arrêtons de tourner autour du pot, c'est bien de cela qu'il s'agit.
La laïcité n'est pas la caporalisation : c'est une liberté organisée pour chacun de nos concitoyens.
M. Max Brisson. - Notre débat dépasse largement le texte proposé par M. Savin. L'intervention de M. Kanner montre bien que le coeur de la discussion porte sur la loi de 1905, sur laquelle nous avons une approche différente.
C'est sans doute une nouveauté dans notre République : le large consensus sur la loi de 1905 est en train de vaciller sous les coups de boutoir d'un projet politique totalitaire. Nous pensons qu'il faut au contraire le défendre, dans l'esprit de la citation d'Aristide Briand qui vient d'être rappelée. Mais certains voudraient que la religion passe avant la loi de la République, et tentent d'imposer leur vision à chaque fois qu'ils en ont l'occasion.
C'est pourquoi il est nécessaire de conforter ceux qui, au quotidien, sur le terrain, défendent la laïcité. C'est ce qui nous sépare profondément : nous ne pensons pas que la loi de 1905 discrimine ou stigmatise qui que ce soit. Au contraire, elle protège les libertés et préserve les mineurs du prosélytisme.
Nous avons aussi entendu le discours du représentant du parti présidentiel, qui était un summum de « en même temps », de « pas de vague » - et de déni absolu !
M. Martin Lévrier. - Et voilà !
M. Max Brisson. - Surtout, ne rien faire, par peur que quelque chose ne bouge !
J'ai d'ailleurs entendu une affirmation surprenante. La laïcité est un principe constitutionnel, et non une valeur. La loi de 1905 ne se débat pas, elle s'applique. Pour cela, nous devons armer celles et ceux qui, au quotidien, ont sa défense pour mission.
Comparons la situation à celle de l'éducation il y a quelques années. Combien de personnes nous ont dit que la loi de 2004 sur le port de signes religieux ostensibles - mais c'était bien le voile qui était en cause - ne serait pas applicable ? Nous avons alors fait preuve de fermeté, et la question a été réglée. Il en ira de même pour le sport. Mais si nous restons dans une discussion permanente, ceux qui veulent remettre en cause la laïcité gagneront.
Le rôle du législateur est d'apporter aux dirigeants sportifs les outils qui leur manquent. Madame Robert, ce n'est pas une obsession de notre part. J'y vois au contraire la marque d'un problème permanent que la loi actuelle ne suffit pas à résoudre. Nous devons - et c'est l'objet du texte de Michel Savin - aider les éducateurs et tous ceux qui cherchent à faire du sport ce qu'il est - un lieu de vivre-ensemble, où l'on va vers l'autre, en le respectant. C'est aussi ce qu'est la laïcité - et c'est aussi ce qu'est notre pays.
Je remercie le rapporteur d'avoir défendu ce texte important, et son auteur de l'avoir porté avec force et conviction.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - La diversité d'opinions est bien normale au sein d'une assemblée. Je constate que c'est le retour des clivages. Notre différence d'appréciation est manifeste.
Je remercie tous ceux qui ont salué le travail qui a été réalisé en un temps très réduit. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous n'avons pas pu auditionner certaines associations ni l'ensemble des ministres des sports, qui sont très nombreux !
Je salue les sénateurs qui soutiennent ce texte et en ont compris les enjeux. Je veux néanmoins répondre à ceux qui ont un avis différent.
En 2004, j'étais enseignant quand la loi encadrant le port de signes religieux a été adoptée. On nous disait alors qu'elle serait inapplicable, que la neutralité des agents du service public devait se cantonner là, et qu'on ne pourrait jamais contrôler celle de ses usagers - dans ce cas précis, des élèves. Cela ne s'est pas fait en un coup de baguette magique, madame Robert, ni en une seule loi. Il a fallu quinze ans, après l'affaire des foulards de Creil, en 1989, pour arriver à un consensus sur cette loi. Quinze années, et combien de propositions en ce sens, avant qu'un gouvernement ne finisse par faire adopter ce texte ! Et aujourd'hui, nul ne le conteste ni dans les établissements ni au niveau du Conseil constitutionnel, alors qu'il est régulièrement attaqué par des hijabeuses qui voudraient réinvestir le champ de l'école. Le Conseil constitutionnel le dit : la pratique individuelle de sa propre religion n'est pas menacée par la loi de 2004.
Depuis quelques années, nous vous proposons de faire de même dans le sport. La pratique de la religion relève de la sphère privée. Les fédérations qui chapeautent les compétitions visées par l'article 1er de la proposition de loi participent à l'exécution d'une mission de service public. À ce titre, monsieur Ouzoulias, je ne suis pas opposé à l'extension du champ de cet article à l'ensemble des activités sportives encadrées par une fédération, en vue de la discussion en séance publique.
À ceux qui estiment qu'on légifère avec répétition, je réponds que c'est précisément l'art de la pédagogie. À titre personnel comme au nom de mon groupe, je continuerai à porter cette parole pour qu'on ne puisse pas distinguer la religion des pratiquants sur un terrain de sport.
Quant à la discrimination, que certains ont invoquée, elle a lieu quand, dans un club de basket féminin, petit à petit, les foulards deviennent la norme, et que ce sont celles qui ne le portent pas qui finissent par considérer qu'elles doivent quitter le club ! Face à ces situations, la fédération française de basket a appelé à l'instauration d'un cadre législatif.
Enfin, dans un récent débat sur un tout autre sujet, on nous a dit qu'il était plus important d'inscrire un principe dans la loi que de se fier à la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Nous vous proposons aujourd'hui une rédaction qui s'appuie sur celle du Conseil d'État. Je trouve donc vos positions bien contradictoires !
Mme Mathilde Ollivier. - On ne parle pas de la même chose !
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Bien sûr, mais je fais quand même le parallèle. En inscrivant ce principe dans la loi, nous aiderons chacun à prendre les mesures nécessaires.
Les troubles à l'ordre public ne peuvent être un motif d'interdiction a priori. Par définition, le trouble à l'ordre public se constate une fois qu'il s'est manifesté.
Enfin, je rappelle à tous ceux qui considèrent que la loi de 2004 a mis du temps à aboutir qu'elle a fini par régler un problème qui paraissait insurmontable. Vingt ans après, il ne l'est plus. Je vous propose donc de faire la même chose dans le domaine du sport.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Mme Mathilde Ollivier. - Nous nous opposons à l'interdiction générale et absolue du port de signes qui manifestent ostensiblement une appartenance religieuse pour l'ensemble des pratiquants et pratiquantes lors des compétitions sportives. La loi de 1905 de séparation des Églises et de l'État, interprétée par le juge administratif depuis plusieurs décennies, fournit une boussole claire : le principe de neutralité et de laïcité des services publics s'impose aux agents du service public, et non à ses usagers.
Attachés à l'équilibre centenaire de l'application du principe de laïcité à l'action publique et au service public en France, nous proposons, par l'amendement COM-7, la suppression de cet article.
Enfin, concernant le parallèle avec la loi de 2004 qui vise à protéger la liberté de conscience des enfants, je rappelle que ceux-ci sont des citoyens en construction. Ils doivent développer leur propre jugement dans le sanctuaire républicain de l'école. Ce n'est pas l'objet de cette loi, qui vise à interdire le port de signes religieux à des adultes. Cette extension n'est donc pas nécessaire.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Chacune des 120 fédérations applique des règles différentes. Elles réclament désormais un cadre unique. C'est l'objet de ce texte.
La loi de 2004 s'applique à beaucoup de majeurs. Les étudiants des classes préparatoires ou des BTS, dans les lycées, doivent respecter cette loi, quand bien même ils sont majeurs. De même, sur un terrain de sport, on trouve des mineurs et des majeurs. Cet argument ne tient donc pas.
Nous voulons donner un cadre universel à tous les sports. Il s'agit aussi de répondre à une forme de dichotomie entre la situation à l'école et celle au sein des associations sportives. En effet, il arrive qu'un jeune pratique un sport dans le cadre des cours d'éducation physique et sportive au sein de son collège, puis, deux heures plus tard, dans un contexte associatif, parfois avec le même enseignant ! Et pourtant, la règle n'est pas la même. Comment voulez-vous qu'il puisse identifier un cadre de référence, dans de telles conditions ?
Avis défavorable à cet amendement.
M. Michel Savin, auteur de la proposition de loi. - Je n'ai pas souhaité intervenir plus tôt pour laisser mes collègues s'exprimer. Néanmoins, concernant cet amendement, le Conseil d'État a précisé que l'interdiction du port de signes religieux apparaît nécessaire pour prévenir tout affrontement ou confrontation sans lien avec le sport, montrant là sa sensibilité à l'égard des difficultés rencontrées sur le terrain. Même si certaines fédérations mettent en place des règlements, leur application par les clubs et les éducateurs est très complexe.
Par ailleurs, la suppression de l'article 1er alimenterait les divergences entre les fédérations sur la réglementation en la matière. M. Ouzoulias l'a dit, l'esprit de la charte olympique, qui défend la neutralité, serait complètement remis en cause. Il faut donc s'opposer à cet amendement.
M. Max Brisson. - Nous aurions sans doute intérêt, en vue de l'examen du texte en séance, à élargir le champ de l'interdiction à toutes les activités pratiquées dans le cadre des clubs et associations sportives, au lieu de la restreindre aux seules compétitions.
L'amendement COM-7 n'est pas adopté.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - L'amendement COM-2 réécrit l'alinéa 2 de l'article 1er en s'inspirant de la rédaction de la FFF.
M. Pierre Ouzoulias. - J'aurais aimé que l'alinéa 2 fasse référence à l'article 50 de la charte olympique, car ce texte n'est pas reconnu par le droit français. L'inclure dans le dispositif par l'ajout d'une simple phrase - « dans l'esprit de l'article 50 de la charte olympique » - donnerait de la valeur aux dispositions législatives que nous examinons.
Mme Mathilde Ollivier. - L'extension de l'interdiction à des signes d'appartenance politique est problématique et liberticide. Le sport est souvent l'occasion d'exprimer des revendications politiques : c'était le cas des footballeurs iraniens, qui ont protesté contre le régime des mollahs à l'occasion de la dernière Coupe du monde.
Cette interdiction n'a rien à voir avec la laïcité dans le sport, qui est l'objet même de cette proposition de loi - il n'y a qu'à regarder son titre.
Mme Sylvie Robert. - La mention de signes politiques me semble problématique au regard du périmètre de la proposition de loi, qui traite de laïcité et de sport. Sur quels fondements peut-on étendre cette interdiction ?
Mme Monique de Marco. - Quelle est la définition d'un signe politique ? Les joueurs du club de football de Saint-Étienne pourront-ils continuer à porter le maillot vert, qui ressemble fortement à la couleur du groupe politique écologiste ? C'est une boutade, mais la question mérite d'être posée !
M. Michel Savin. - L'alinéa 2 de l'article 50 de la charte olympique mentionne bien toute « sorte de démonstration ou de propagande politique ou religieuse » : le rapporteur fait donc référence à ce texte.
M. Max Brisson. - D'où la proposition de M. Ouzoulias.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Je répondrais bien à Mme de Marco que tout ce qui est excessif est insignifiant ! Nous n'avons pas inventé cette formulation : c'est celle de la charte olympique.
Mme Mathilde Ollivier. - Donc on élargit le périmètre.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Non, on reste dans le cadre de la neutralité, qui figure bien dans le périmètre.
La formulation retenue dans la charte olympique a été rédigée après les JO de 1968 et les attentats survenus lors des JO de Munich en 1972. Voilà son origine : n'est-elle pas politique ?
Désormais, nous voulons faire appliquer cette charte en France, car la laïcité y fait l'objet d'une conception un peu particulière.
Monsieur Ouzoulias, cet amendement pourrait en effet être complété en vue de la séance.
L'amendement COM-2 est adopté.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Il nous a plusieurs fois été demandé comment nous comptions veiller au respect de l'interdiction imposée par la proposition de loi.
Les contrats d'engagements réciproques sont insuffisamment contrôlés. D'ailleurs, ils ne sont pas systématiquement mis en place. Je propose donc de punir par l'amende prévue pour les contraventions de la deuxième classe tout manquement aux dispositions prévues par l'alinéa 2 de l'article 1er.
L'amendement COM-3 vise surtout à engager une réflexion sur une mesure de sanction individuelle à l'encontre de ceux qui contreviendraient à l'article 1er. Pierre-Antoine Levi a formulé une autre proposition, que je n'avais pas envisagée au cours des auditions. Un débat en commission serait donc utile.
Mme Sylvie Robert. - Une fois que les outils sont instaurés, il faut contrôler leur application, et il est bien normal de prononcer une sanction lorsqu'ils ne sont pas respectés.
Mais pour que le régime de sanction s'applique, encore faut-il qu'il y ait un contrôle ! Or vous évoquez un contrôle insuffisant des CER. J'identifie dans vos propos un paradoxe que je ne m'explique pas.
M. Pierre-Antoine Levi. - Les clubs attendent des mesures fortes. En raison des recours, l'amende financière met beaucoup de temps à produire ses effets.
Des équipes du ministère ou des éducateurs pourraient s'engager à contrôler les manquements à la loi. C'est ensuite l'efficacité de la mesure qui est en question.
En revanche, une suspension de six mois, par exemple, de la pratique du sport me paraîtrait plus dissuasive qu'une sanction financière.
M. Max Brisson. - Le rapporteur indique à raison qu'il n'y a pas d'interdiction sans sanction. Sans cela, nous restons dans une posture de principe. Pour autant, la sanction doit être efficace et dissuasive, et entrer dans le cadre de la pratique sportive. Je suis donc assez sensible à la proposition de M. Levi. Nous avons encore quelques jours pour faire évoluer le texte en ce sens.
M. Michel Savin. - Je suis favorable à la mise en place d'outils de contrôle. Nous constatons un manque de moyens humains au sein du ministère pour contrôler les fédérations. Dans le même temps, les préfets indiquent ignorer les situations en question, en raison de l'absence de sanctions et de règles. Les dirigeants ne savent pas à qui s'adresser. Les maires, qui sont témoins de ce qui se passe dans les équipements sportifs, peinent à effectuer ces contrôles. Ainsi, une obligation de contrôle assortie de sanctions serait pertinente.
Faut-il instaurer une sanction financière ou une suspension de la pratique ? Il serait utile d'en discuter dans les prochains jours. De même, faudra-t-il sanctionner le joueur ou le club qui n'a pas réagi face à l'infraction ? Nous devons prendre en compte les responsabilités de chacun.
M. Pierre Ouzoulias. - Je suis plutôt favorable à la proposition du rapporteur, car il faut faire attention aux possibilités de désaffiliation des associations sportives. Celles-ci pourraient parfaitement sortir du cadre de la fédération pour appliquer les règles qu'elles souhaitent, et, surtout, échapper à la sanction qui serait prévue pour le sportif mis en cause.
Face à cet important danger de contournement, l'amende me paraît plus pertinente.
M. Laurent Lafon, président. - Cet amendement mérite d'être retravaillé d'ici à la séance.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Le temps imparti ne nous a pas permis de mûrir complètement notre réflexion. Pour répondre à ceux qui réclamaient une sanction en contrepartie des interdictions que nous énonçons, mon premier réflexe a été de proposer une amende forfaitaire. Je souhaite en tout cas que l'interdiction soit assortie d'une sanction. Consultons-nous pour réfléchir à la meilleure formulation.
L'amendement COM-3 est retiré.
L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 2
Mme Mathilde Ollivier. - Par l'amendement de suppression COM-8, nous exprimons notre opposition à l'article 2 de la présente proposition de loi.
Son objectif - interdire l'usage exclusif d'un équipement sportif à des fins cultuelles - est déjà satisfait par le droit en vigueur. Le Conseil d'État estime en effet de jurisprudence constante qu'une commune peut autoriser, dans le respect du principe de neutralité à l'égard des cultes et du principe d'égalité, l'utilisation, par une association pour l'exercice d'un culte, d'un local communal, « à l'exclusion de toute mise à disposition exclusive et pérenne ».
Dès lors, en dehors de la volonté de son auteur de réagir à des polémiques, l'objectif d'interdire un usage exclusif des équipements sportifs comme « salle de prière collective » - le terme faisant d'ailleurs référence à une religion en particulier - est déjà satisfait et ne requiert donc pas l'intervention du législateur.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Je pense tout le contraire. On ne peut accepter qu'un match de football soit interrompu pour que les joueurs aillent faire leur prière dans les vestiaires. Au lieu d'attendre que de telles situations se généralisent, prenons dès maintenant des mesures législatives.
L'amendement COM-8 n'est pas adopté.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - L'amendement COM-4 est rédactionnel. Il précise, d'une part, que les locaux attenant à l'équipement sportif sont aussi concernés, et, d'autre part, que tout usage religieux, et non seulement la prière, y est interdit.
L'amendement COM-4 est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 2
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - L'amendement COM-1 appuie la loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Les associations sportives agréées sont tenues de souscrire au contrat d'engagement républicain. Si elles le méconnaissent, le préfet suspend ou retire leur agrément, comme le prévoit l'article 121-4 du code du sport.
Cet amendement prévoit que le préfet puisse suspendre ou retirer l'agrément d'une association sportive qui se soustrairait délibérément aux obligations instituées par les articles 1er et 2 de la présente proposition de loi.
L'amendement COM-1 est adopté et devient article additionnel.
Article 3
Mme Mathilde Ollivier. - L'article 3 méconnaît les principes de neutralité et de laïcité qui s'appliquent aux agents, et non aux usagers du service public.
Le Conseil d'État a déjà indiqué qu'un règlement intérieur ne peut pas déroger aux règles de port de tenues de bain près du corps pour adapter le service à des revendications religieuses, sous peine de méconnaître son obligation de neutralité et d'égalité des usagers devant le service public.
En plus d'être déjà satisfait, le présent article porte atteinte à la libre administration des collectivités territoriales, qui doivent rester libres d'adopter, sous le contrôle du juge, le règlement intérieur des piscines pour organiser le bon fonctionnement du service.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Avis défavorable à l'amendement de suppression COM-9. La libre administration des collectivités territoriales s'exerce dans le cadre fixé par le législateur.
L'amendement COM-9 n'est pas adopté.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - L'amendement COM-5 précise cet article en se fondant sur la jurisprudence du Conseil d'État, dans son ordonnance du 21 juin 2022, aux termes de laquelle « le gestionnaire d'un service public est tenu, lorsqu'il définit ou redéfinit les règles d'organisation et de fonctionnement de ce service, de veiller au respect de la neutralité du service et notamment de l'égalité de traitement des usagers ».
L'amendement COM-5 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Après l'article 3
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - L'amendement COM-6 prévoit que les candidats au métier d'éducateur sportif puissent faire l'objet d'une enquête administrative.
Le code de la sécurité intérieure prévoit le criblage des personnes amenées à exercer certains métiers sensibles. À cette liste serait ajoutée la fonction d'éducateur sportif, chargé notamment de mineurs.
M. Patrick Kanner. - La question du criblage est intéressante. Nous sommes en effet favorables au renforcement des contrôles. Néanmoins, nous devons nous interroger sur le périmètre du texte.
Le criblage se fonde sur trois fichiers différents. Il se pratique notamment pour les éducateurs dans les colonies de vacances. Bien entendu, le risque zéro n'existe jamais. Il arrive, malgré tous les contrôles, qu'un individu commette un acte de déviance sexuelle.
Outre les éducateurs officiels, de nombreux bénévoles sont présents dans les clubs. Il sera difficile de cribler tout le monde. Sur le principe, il est intéressant de renforcer les contrôles en amont, mais jusqu'où pouvons-nous concrètement aller, au regard du fonctionnement actuel des clubs ?
Mme Mathilde Ollivier. - Je m'interroge sur la pertinence de cet amendement qui a davantage trait au domaine sécuritaire et à la prévention du terrorisme, alors que la proposition de loi est relative à la laïcité dans le sport.
M. Stéphane Piednoir, rapporteur. - Madame Ollivier, pour vous éclairer, je vous invite à lire le rapport d'Éric Diard et d'Éric Poulliat de 2019 sur les services publics face à la radicalisation. Celui-ci établit que l'entrisme islamiste s'effectue prioritairement à travers le sport, notamment les sports de combat, où l'on compte quasiment un éducateur par pratiquant.
Monsieur Kanner, l'amendement fait référence à la carte professionnelle d'éducateur sportif. Nous nous sommes demandé comment empêcher un éducateur inscrit au FSPRT ou au fichier des personnes recherchées (FPR) d'exercer sa mission auprès de jeunes. Nous avons déjà évoqué ce sujet. Mme Robert nous dira que c'est une obsession de notre part. En réalité, nous revenons à cette question précisément parce que nous ne trouvons pas de solution. Ces fichiers sont des fichiers de renseignement qui ne sanctionnent pas un délit. Au regard du droit, on ne peut interdire aux personnes fichées d'exercer une activité en tant qu'éducateur sportif. Néanmoins, il est ici question de la délivrance d'une carte professionnelle. Plus de 1 million de contrôles sont réalisés chaque année par le service national des enquêtes administratives de sécurité. Mais nous n'avons pas trouvé de solution pour les bénévoles.
L'amendement COM-6 est adopté et devient article additionnel.
La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
Article 1er |
|||
Mme OLLIVIER |
7 |
Amendement de suppression |
Rejeté |
M. PIEDNOIR, rapporteur |
2 |
Interdiction du port de signes ou tenues manifestant une appartenance politique ou religieuse lors des compétitions |
Adopté |
M. PIEDNOIR, rapporteur |
3 |
Instauration d'un dispositif de sanction |
Retiré |
Article 2 |
|||
Mme OLLIVIER |
8 |
Amendement de suppression |
Rejeté |
M. PIEDNOIR, rapporteur |
4 |
Précisions rédactionnelles |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 2 |
|||
M. PIEDNOIR, rapporteur |
1 |
Permettre la suspension ou le retrait de l'agrément d'une association sportive en cas de non respect des dispositions de la proposition de loi |
Adopté |
Article 3 |
|||
Mme OLLIVIER |
9 |
Amendement de suppression |
Rejeté |
M. PIEDNOIR, rapporteur |
5 |
Préciser la portée du principe d'égalité de traitement des usagers des piscines |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 3 |
|||
M. PIEDNOIR, rapporteur |
6 |
Permettre le criblage des candidats à la fonction d'éducateur sportif |
Adopté |
LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
MARDI 21 MAI 2024
M. Médéric CHAPITAUX, docteur en sociologie, membre du conseil des sages de la laïcité.
JEUDI 23 MAI 2024
M. Sean GANDRILLE, juriste, chef de la mission internationale de l'INSEP.
LUNDI 27 MAI 2024
Mme Marie-George BUFFET, ancienne ministre de la jeunesse et des sports.
MERCREDI 29 MAI 2024
- Ministère des sports et des jeux olympiques et paralympiques - Direction des sports : Mme Fabienne BOURDAIS, directrice des sports, M. Yves RANÇON, adjoint au chef du bureau éthique, intégrité et politiques de prévention.
- Assemblée nationale : M. Éric DIARD, ex-député des Bouches-du-Rhône (12e circonscription).
- Ministère de l'intérieur - Direction nationale du renseignement territorial (DNRT) : M. Jean-Michel AVON, sous-directeur de la prévention du terrorisme, du repli identitaire et des dérives urbaines, M. Benjamin BAUDIS, conseiller stratégique.
- Comité national olympique et sportif français (CNOSF) : M. David LAPPARTIENT, président.
- Audition commune FFF/FFBB :
· Fédération française de football (FFF) : M. Jean-François VILOTTE, directeur général,
· Fédération française de basket-ball (FFBB) : M. Jean-Pierre SIUTAT, président, et Mme Amélie MOINE, directrice du pôle juridique et institutionnel.
JEUDI 30 MAI 2024
- Association des maires de France et des présidents d'intercommunalité : M. David LAZARUS, co-président du groupe de travail Sport, maire de Chambly.
- Conseil régional d'Île-de-France : M. Patrick KARAM, vice-président chargé des Sports, JOP, Loisirs, Citoyenneté, Politique de la Ville et de la Vie associative.
VENDREDI 31 MAI 2024
Association nationale des dirigeants et intervenants des installations des services des sports (ANDIIS) : Luc PUISAIS-HEE, administrateur, directeur général adjoint de la Communauté d'agglomération Val Parisis.
CONTRIBUTION ÉCRITE
Jean-Éric SCHOETTL, constitutionnaliste, conseiller d'État honoraire.
Proposition de loi n° 376 (2023-2024) visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport
RÈGLES RELATIVES
À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE
44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT
(« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 16(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie17(*).
Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte18(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial19(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission de la culture, de l'éducation, de la communication et du sport a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 5 juin 2024, le périmètre indicatif de la proposition de loi visant à assurer le respect du principe de laïcité dans le sport.
Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives à la prévention, à l'interdiction et au contrôle des atteintes à la laïcité dans le sport.
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
http://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl23-376.html
* 1 Rapport au Président de la République de la Commission de réflexion sur l'application du principe de laïcité dans la République, Bernard Stasi, 1er décembre 2003.
* 2 Rapport d'information n° 483 (2016-2017) de MM. Jean-Marie Bockel et Luc Carvounas sur les collectivités locales et la prévention de la radicalisation, fait au nom de la délégation aux collectivités territoriales, déposé le 29 mars 2017.
* 3 Rapport n° 2082 du 27 juin 2019, déposé par la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, en conclusion des travaux d'une mission d'information sur les services publics face à la radicalisation (M. Éric Diard et M. Éric Poulliat).
* 4 Radicalisation islamiste : faire face et lutter ensemble, rapport n° 595 (2019-2020) de Mme Jacqueline Eustache-Brinio, fait au nom de la commission d'enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, déposé le 7 juillet 2020.
* 5 Quand l'islamisme pénètre le sport, Médéric Chapitaux, PUF, 2023.
* 6 CNOSF : « Baromètre des clubs sportifs fédérés ; sujets sociétaux », 7 décembre 2020.
* 7 Rapport d'information n° 383 (2023-2024), déposé le 6 mars 2024.
* 8 Les effectifs de l'administration territoriale de l'État, 2010-2021, rapport de la Cour des comptes du 14 avril 2022.
* 9 Équivalent temps plein annuel travaillé (ETPT).
* 10 Liberté d'expression, neutralité et laïcité dans le champ des activités physiques et sportives, Une proposition du Conseil des sages de la laïcité (mars 2022).
* 11 Conseil d'État, 29 juin 2023, Association Alliance citoyenne et a.
* 12 Conseil d'État, ordonnance du 21 juin 2022.
* 13 Article 9.3 des règlements sportifs généraux de la FFBB.
* 14 Avis du Conseil d'État sur le projet de loi confortant le respect, par tous, des principes de la République (décembre 2020).
* 15 Gilles Kepel, Le Point, 21 septembre 2023.
* 16 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 17 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 18 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 19 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.