B. L'ABSENCE DE LOI QUINQUENNALE SUR L'ÉNERGIE POSE UNE DIFFICULTÉ POLITIQUE ET JURIDIQUE

Le renoncement à légiférer pose problème au regard des engagements pris. La loi quinquennale sur l'énergie est issue du compromis de commission mixte paritaire (CMP) de la loi « Énergie-Climat » de 2019. C'est l'Assemblée nationale qui, saisie du texte en premier, l'a proposée. De son côté, le Sénat l'a fortement soutenue, en prévoyant l'intégration à son champ de la rénovation énergétique des bâtiments et de l'autonomie énergétique dans les Outre-mer, dès 2019, puis de l'hydroélectricité et de l'hydrogène, en 2021, et du stockage, en 2023.

Le renoncement à légiférer pose problème au regard de l'application de la loi. L'article L. 100-1 A du code de l'énergie prévoit qu'une loi de programmation intervienne « à compter du 1er juillet 2023 puis tous les cinq ans » et que les documents réglementaires soient « compatibles avec ses objectifs ». Par ailleurs, les articles L. 141-1 du code de l'énergie et L. 222-1 C du code de l'environnement prévoient que la PPE et la SNBC soient pris « dans les six mois suivant l'adoption de la loi ». Des outils très concrets - les appels d'offres, les comités régionaux, les zones d'accélération - doivent contribuer à l'atteinte des objectifs fixés par la loi de programmation. Sans ce texte, c'est toute la mécanique administrative qui est grippée.

Le renoncement à légiférer pose problème au regard du cadre européen. Actualisés lors de la loi « Énergie-Climat » de 2019, nos objectifs énergétiques sont à jour du paquet « d'hiver », de 2016, et non du paquet « Ajustement à l'objectif 55 », de 2021. Il faut donc intégrer les règlements (Loi européenne sur le climat, ReFuel Aviation, FuelEU Maritime notamment) et les directives (Énergies renouvelables, Efficacité énergétique notamment). Ces directives, qui proposent des objectifs en matière d'énergies renouvelables, de carburants durables ou de consommation d'énergie, doivent être transposées, respectivement, d'ici mai et octobre 2025.

Le renoncement à légiférer pose problème au regard des attentes soulevées. Depuis 2021, le Gouvernement a lancé une concertation publique, une concertation nationale, des groupes de travail. 30 000 contributions ont été reçues et 200 jeunes consultés. Les entreprises, les collectivités et les citoyens sont donc dans l'expectative. Dans sa délibération du 19 janvier, sur l'ancien projet de loi, le Conseil national de la transition écologique (CNTE) « demande la présentation d'un calendrier de travail sur l'élaboration de la programmation Énergie-Climat ». Dans son avis du 25 janvier, le Conseil supérieur de l'énergie (CSE) « regrette la suppression du titre programmatique qui aurait permis de fixer un cap indispensable à la réussite de la transition énergétique et climatique ». Quels que soient les acteurs, économiques ou environnementaux, il existe une forte attente pour légiférer.

Autre point, le renoncement à légiférer pose problème au regard des besoins identifiés. Afin de réussir la transition énergétique, les filières économiques ont besoin d'un cap stratégique clair, prévisible et légitime, pour réaliser leurs investissements et mobiliser leurs financements. La filière nucléaire est demandeuse d'une assise législative, actant la construction de nouveaux réacteurs. C'est un point crucial pour la commission, qui estime que seule la loi peut offrir à la relance du nucléaire l'ambition politique et la protection juridique dont elle a besoin. Les filières renouvelables sont aussi demandeuses d'une loi, pour diversifier la production ou modérer la consommation. La commission partage aussi ce point de vue : les objectifs proposés en matière d'hydroélectricité, de chaleur, de biogaz ou de biocarburants, souvent mésestimés, sont utiles pour diffuser la transition énergétique jusque dans les territoires ruraux. Quel que soit le secteur, nucléaire comme renouvelable, on constate une forte attente pour légiférer.

Enfin et surtout, le renoncement à légiférer pose un problème sur le plan des principes démocratiques. Dans quelle démocratie les grands choix de la Nation en matière d'énergie ne sont-ils pas débattus au Parlement ? Au moment même où la Nation doit procéder à une transition énergétique majeure, qui va impacter le quotidien de tous nos concitoyens, c'est une anomalie ! Même au Parlement européen, un débat légitime a bien eu lieu sur ces sujets, dans le cadre de l'examen du paquet « Ajustement à l'objectif 55 » ! Comment justifier, dans ce contexte, un tel dessaisissement de la représentation parlementaire nationale ?

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