N° 580
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 mai 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur
le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après
engagement de la procédure accélérée, ratifiant
l'ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant
extension et adaptation
à la Polynésie française,
à la Nouvelle-Calédonie et aux
îles Wallis et Futuna
de diverses dispositions législatives
relatives à la
santé,
Par Mme Marie-Do AESCHLIMANN,
Sénatrice
(1) Cette commission est composée de : M. Philippe Mouiller, président ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; Mme Pascale Gruny, M. Jean Sol, Mme Annie Le Houerou, MM. Bernard Jomier, Olivier Henno, Xavier Iacovelli, Mmes Cathy Apourceau-Poly, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Viviane Malet, Annick Petrus, Corinne Imbert, Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mmes Marie-Do Aeschlimann, Christine Bonfanti-Dossat, Corinne Bourcier, Céline Brulin, M. Laurent Burgoa, Mmes Marion Canalès, Maryse Carrère, Catherine Conconne, Patricia Demas, Chantal Deseyne, Brigitte Devésa, M. Jean-Luc Fichet, Mme Frédérique Gerbaud, M. Khalifé Khalifé, Mmes Florence Lassarade, Marie-Claude Lermytte, Monique Lubin, Brigitte Micouleau, M. Alain Milon, Mmes Laurence Muller-Bronn, Solanges Nadille, Anne-Marie Nédélec, Guylène Pantel, M. François Patriat, Mmes Émilienne Poumirol, Frédérique Puissat, Marie-Pierre Richer, Anne-Sophie Romagny, Laurence Rossignol, Silvana Silvani, Nadia Sollogoub, Anne Souyris, MM. Dominique Théophile, Jean-Marie Vanlerenberghe.
Voir les numéros :
Première lecture : 140, 396, 397 et T.A. 89 (2023-2024)
Deuxième lecture : 528 et 581 (2023-2024) |
||
Assemblée nationale (16ème législ.) : |
Première lecture : 2349, 2427 et T.A. 280 |
L'ESSENTIEL
L'ordonnance du 19 avril 2023 a étendu et adapté dans les collectivités du Pacifique l'application de dispositions relatives aux recherches impliquant la personne humaine ou aux délais de recours à l'interruption volontaire de grossesse.
Le présent projet de loi procède à la ratification nécessaire de cette ordonnance prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution et coordonne ou corrige la rédaction de différentes dispositions applicables dans ces territoires.
· Lors de son examen du texte en première lecture, l'Assemblée nationale a adopté conforme l'article 1er procédant à la ratification de l'ordonnance du 19 avril 2023. Elle a également, en commission puis en séance publique, complété ce texte par deux articles nouveaux.
L'article 2 entend notamment répondre aux demandes à de la Nouvelle-Calédonie et de la Polynésie française d'adaptations complémentaires ou de corrections de malfaçons législatives, principalement concernant la déclinaison territoriale de dispositions relatives à l'organisation des soins, à l'assistance médicale à la procréation ou aux recherches impliquant la personne humaine.
Les modifications ainsi apportées au code de la santé publique visent à clarifier les adaptations applicables, ainsi qu'à tirer les conséquences, dans l'application ou non de certaines dispositions, de la compétence dévolue en matière de santé en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française. La commission a souscrit à ces modifications et adaptations attendues et bienvenues, permettant d'améliorer l'intelligibilité et ainsi l'applicabilité du droit dans ces collectivités.
La commission n'a en revanche pas souscrit à l'intention de l'article 3 qui prévoit la remise d'un rapport au Parlement « évaluant le coût de l'allongement de douze à quatorze semaines du délai légal de recours à l'interruption volontaire de grossesse ». Celle-ci, au-delà de sa position systématiquement défavorable aux demandes de rapport, a estimé la formulation de cet article peu lisible. Sous ces réserves, la rapporteure a cependant estimé que le désaccord sur l'article 3 ne justifiait pas de poursuivre la navette parlementaire.
Réunie le mardi 7 mai 2024 sous la présidence de Philippe Mouiller, la commission des affaires sociales a adopté sans modification le présent projet de loi.
EXAMEN DES ARTICLES
Article
1er
Ratification de l'ordonnance n° 2023-285 du 19 avril
2023
Cet article a été adopté conforme par l'Assemblée nationale.
Article 2
(nouveau)
Adaptations et coordinations au sein du code de la santé
publique
Cet article prévoit différentes adaptations au code de la santé publique en vue de garantir une application cohérente dans les territoires du Pacifique. Il procède en outre à différentes coordinations légistiques.
La commission a adopté cet article sans modification.
I°- Le dispositif adopté par l'Assemblée nationale
A. En commission
À l'initiative de la rapporteure Charlotte Parmentier-Lecocq, présidente de la commission des affaires sociales, la commission a adopté en première lecture différentes adaptations du code de la santé publique, rassemblées en un même article 2, nouveau, dans ce projet de loi.
Celles-ci visent principalement à prendre en compte la compétence sanitaire dévolue en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française et ainsi, en matière d'organisation des soins ou de garanties apportées aux patients dans ce cadre, à :
- confier à l'autorité locale la définition des modes d'exercice et de coopération entre professionnels de santé autorisés en Polynésie française ;
- donner la possibilité à ce même territoire de décider de l'organisation des professionnels ou organismes concourant à la prévention ou aux soins ;
- adapter les dispositions ou références applicables en Polynésie française concernant l'assistance médicale à la procréation qui relève de sa compétence ;
- renvoyer à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française les modalités d'agrément des laboratoires concernant les procédures liées aux examens des caractéristiques génétiques ;
- tirer les conséquences, pour les collectivités du Pacifique, de la modification de l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) intervenue en loi de finances pour 2023.
En matière de recherche impliquant la personne humaine, suivant la même logique de respect des compétences dévolues, l'article 2 prévoit de :
- faire bénéficier à la Polynésie française du régime d'exception qui veut que l'État, et donc ici le pays, ne soit pas tenu de souscrire à l'obligation d'assurance mais soit soumis aux obligations incombant à l'assureur ;
- tirer les conséquences pour la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française de la compétence locale en matière d'organisation d'un établissement de transfusion sanguine ;
- pour ces deux collectivités, prévoir l'application dans le cadre d'essais cliniques de la réglementation pharmaceutique applicable dans le territoire plutôt que des dispositions nationales ;
- dans ce même champ, adapter les rédactions pouvant, pour les substances vénéneuses, relever soit de la réglementation polynésienne, soit de la réglementation nationale.
Enfin, différentes adaptations entendent en outre corriger des malfaçons législatives obérant la lisibilité des dispositions applicables en Polynésie française ou adaptant des références ayant en réalité disparu du droit commun, ou encore des erreurs de référence.
La députée Mereana Reid Arbelot, également auteure d'une partie des modifications précédemment énumérées, a en outre été à l'initiative d'une correction rédactionnelle à l'article L. 1541-4 du code de la santé publique.
B. En séance publique
En séance publique, à l'initiative de la rapporteure Charlotte Parmentier-Lecocq et de la députée Mereana Reid Arbelot, une précision a été apportée quant à l'application en Nouvelle-Calédonie d'une disposition devenue inopérante en Polynésie française.
En outre, un amendement adopté à l'initiative de la rapporteure a procédé à une réécriture visant à simplifier la rédaction d'adaptation de l'article L.1131-1-3 du code de la santé publique et ainsi en clarifier la lecture.
Enfin, à l'initiative du Gouvernement, l'article 2 prévoit l'application en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française de l'article L. 1243-6 du même code, lequel définit les établissements de santé dans lesquels peuvent être pratiquées les greffes de tissus et les administrations de préparations de thérapie cellulaire.
II - La position de la commission
Comme l'avait souligné la rapporteure au stade de la première lecture, les différentes extensions et adaptations du code de la santé publique prévues par l'ordonnance du 19 avril 2023 appelaient à être précisées, complétées ou corrigées sur différents champs.
Différentes demandes émanant du congrès de la Nouvelle-Calédonie et du gouvernement de la Polynésie française avaient ainsi été adressées à la rapporteure et transmises au Gouvernement. Malgré les sollicitations de la rapporteure auprès du ministère chargé de la santé, aucun avis du Gouvernement n'a cependant été adressé à la commission sur ces demandes au stade de l'examen en première lecture au Sénat.
À l'occasion de l'examen du texte en séance publique, la rapporteure avait d'ailleurs regretté1(*) l'impossibilité de procéder à ces modifications au Sénat et, partant, d'ouvrir la voie à une adoption conforme par l'Assemblée nationale. En réponse, Fadila Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, avait alors indiqué que ces demandes seraient prises en compte ultérieurement.
La commission déplore une inscription de ce projet de loi à l'ordre du jour réalisée au mois de mars sans que les conditions complètes de son bon examen n'aient été remplies, conduisant aujourd'hui à une deuxième lecture.
Sur le fond, la rapporteure constate que ces nombreuses modifications apportées par l'article 2 ne couvrent pas l'ensemble des demandes formulées par les territoires. Pour autant, il semble que celles-ci représentent un point d'équilibre entre les interprétations des compétences relevant de l'État et du pays dans chacun des territoires.
Surtout, ces modifications et adaptations permettent d'améliorer l'intelligibilité et ainsi l'applicabilité du droit en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, participant de l'effort d'actualisation du droit de la santé et de la recherche, attendu depuis plusieurs années dans ces deux territoires.
La commission a adopté cet article sans modification.
Article 3
(nouveau)
Remise d'un rapport au Parlement
Cet article propose la remise d'un rapport au Parlement sur le coût de l'allongement du délai de recours à l'IVG.
La commission a adopté cet article sans modification.
I°- Le dispositif proposé
À l'initiative de la députée Mereana Reid Arbelot, la commission des affaires sociales a adopté cet article additionnel prévoyant, dans un délai d'un an, la remise par le Gouvernement d'un rapport au Parlement « évaluant le coût de l'allongement de douze à quatorze semaines du délai légal de recours à l'interruption volontaire de grossesse ».
II - La position de la commission
De position constante, la commission des affaires sociales se montre défavorable aux demandes de remise de rapports au Parlement.
D'une part, elle estime que les prérogatives de contrôle du Parlement, et particulièrement de ses commissions financières, permettent à celui-ci de solliciter à tout moment des informations sur les dispositions votées. D'autre part, la commission ne peut que constater, année après année, le très faible taux de remise effective des rapports demandés au Gouvernement, comme le soulignent les rapports annuels du Sénat sur l'application des lois. C'est pourquoi, en règle générale, la commission procède à la suppression de telles dispositions.
En outre, la rapporteure constate que la demande ici formulée se révèle peu précise, ne ciblant pas spécifiquement les territoires du Pacifique qui sont le seul périmètre de ce projet de loi.
Surtout, il apparaît peu pertinent d'évaluer cette mesure sous le seul angle de son coût, quand l'allongement du délai de recours suppose, pour rendre ce droit effectif, des aménagements de structures, de compétences et de formation, comme de prise en charge, lesquels ont pour les collectivités responsables certes un impact financier mais aussi juridique et organisationnel.
Cependant, alors que la suppression de cet article entraînerait une poursuite de la navette parlementaire sans enjeu, la commission, sur proposition de la rapporteure, a malgré ces réserves privilégié le maintien de l'article 3.
La commission a adopté cet article sans modification.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mardi 7 mai 2024, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, président, la commission examine le rapport de Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure, sur le projet de loi (n° 528, 2023-2024) ratifiant l'ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé.
M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons, en deuxième lecture, le projet de loi ratifiant l'ordonnance n° 2023-285 du 19 avril 2023 portant extension et adaptation à la Polynésie française, à la Nouvelle-Calédonie et aux îles Wallis et Futuna de diverses dispositions législatives relatives à la santé. L'Assemblée nationale a apporté quelques modifications à ce texte, que nous avions examiné il y a un mois et demi et qui sera discuté en séance le 15 mai prochain.
Mme Marie-Do Aeschlimann, rapporteure. - Le Sénat avait été la première assemblée saisie sur ce texte, qu'il avait examiné au mois de mars dernier. Le projet de loi comptait alors un article unique, qui prévoyait la ratification nécessaire de l'ordonnance précitée, prise sur le fondement de l'article 74-1 de la Constitution, et qui avait été adopté en séance publique sans modification.
Lors de son examen du texte en première lecture, l'Assemblée nationale a adopté conforme l'article unique, devenu article 1er, procédant ainsi à la ratification de l'ordonnance du 19 avril 2023. En commission, puis en séance publique, les députés ont complété le texte par deux articles, qui nous conduisent à cette deuxième lecture.
L'article 2 prévoit différentes modifications du code de la santé publique, issues d'amendements déposés par Mme Parmentier-Lecocq, présidente de la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale et rapporteure sur le texte, par le Gouvernement et par Mme Reid Arbelot, députée de Polynésie française.
Cet article entend notamment répondre aux demandes émises en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, en faveur d'adaptations complémentaires du code de la santé publique ou de corrections de malfaçons législatives. Ces demandes concernent principalement la déclinaison territoriale de dispositions relatives à l'organisation des soins, à l'assistance médicale à la procréation ou aux recherches impliquant la personne humaine.
L'article 3, qui a été ajouté sur l'initiative de Mme Reid Arbelot, prévoit une demande de rapport. Ce dernier, qui doit évaluer « le coût de l'allongement de douze à quatorze semaines du délai légal de recours à l'interruption volontaire de grossesse (IVG) », devrait être remis par le Gouvernement dans un délai d'un an.
L'Assemblée nationale ayant adopté conforme l'article 1er, nous devons nous prononcer aujourd'hui sur ces deux nouveaux articles.
En ce qui concerne l'article 2, j'avais regretté que les adaptations complémentaires demandées par les territoires n'aient pu être prises en compte lors de notre première lecture. Avant l'examen du texte en commission, j'avais interpellé le ministère de la santé à ce sujet pour relayer les demandes des collectivités et solliciter l'avis du Gouvernement, mais n'avais pas obtenu de réponse. Faute d'avoir permis le dépôt d'un amendement en temps utile, Mme Khattabi, ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, avait annoncé, en séance publique, que ces dispositions feraient l'objet d'un examen ultérieur.
Les modifications apportées par l'Assemblée nationale montrent bien que le Gouvernement avait inscrit ce texte à l'ordre du jour des travaux du Sénat au mois de mars sans avoir achevé son travail d'échange avec les territoires, alors que la ratification n'était pourtant pas urgente. Au-delà du caractère discutable de cette méthode, que de temps perdu ! En conséquence, nous devons nous résoudre à cette deuxième lecture, quand une seule aurait dû suffire pour mener à bien cet exercice nécessaire et particulièrement encadré.
Pour autant, je vous invite à approuver les modifications apportées au code de la santé publique, qui visent à clarifier les adaptations applicables, ainsi qu'à tirer les conséquences de la compétence dévolue en matière de santé en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Si elles ne répondent pas à l'ensemble des demandes des territoires, ces modifications semblent néanmoins relever d'une interprétation satisfaisante du partage de compétences entre l'État et le pays. L'article 2 participe ainsi de la « mise à jour » attendue en matière de droit de la santé et de recherche.
J'en viens à l'article 3. Notre commission est par principe défavorable aux demandes de rapports. De plus, cette demande semble mal définie. D'abord, son champ territorial n'est pas précisé, puisque l'étude n'est pas limitée aux seules collectivités concernées par le projet de loi. Par ailleurs, son objet paraît partiel, voire mal formulé.
Certes, l'allongement du délai de recours à l'IVG peut avoir un impact financier, mais il ne s'agit pas là du problème principal, qui reste celui des moyens nécessaires pour garantir ce droit dans les territoires. Cet objectif recouvre un ensemble de questions, comme celles des adaptations juridiques, des compétences des professionnels, des règles de prise en charge, des enjeux de formation ou encore des structures et des professionnels de santé disponibles. Lors de la première lecture, j'ai évoqué l'absence d'anticipation des déclinaisons opérationnelles qui seront nécessaires localement, quand ces dispositions seront étendues par le Gouvernement.
Ma lassitude à l'égard de telles pratiques aurait pu me conduire à proposer la suppression de cet article. Cependant, il ne me semble pas opportun de poursuivre la navette parlementaire sur cette seule question. En conséquence, je vous propose d'adopter sans modification les dispositions introduites à l'Assemblée nationale et restant en discussion.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 2 (nouveau)
L'article 2 est adopté sans modification.
Article 3 (nouveau)
L'article 3 est adopté sans modification.
Le projet de loi est adopté sans modification.
LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES
· Direction des affaires juridiques des ministères sociaux (DAJMS)
· Direction générale de la santé (DGS)
· Direction générale des Outre-mer (DGOM)
LA LOI EN CONSTRUCTION
Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :
https://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl23-140.html
* 1 Sénat, compte-rendu intégral de la séance du 14 mars 2024.