EXPOSÉ GÉNÉRAL
I. UN ACCORD POLITIQUE CONSTAMMENT RENOUVELÉ : LE PRINCIPE D'UN CORPS ÉLECTORAL RESTREINT EN NOUVELLE-CALÉDONIE
A. UN PRINCIPE INSCRIT DE LONGUE DATE DANS LES ÉQUILIBRES POLITIQUES CALÉDONIENS
1. De Matignon à Nouméa : le principe d'un corps électoral restreint en Nouvelle-Calédonie et le lien avec la citoyenneté calédonienne
a) Les accords de Matignon-Oudinot : l'introduction d'un principe de « populations intéressées à l'avenir du territoire »
Alors que les revendications politiques d'indépendance se radicalisent après l'accession au statut de territoire d'outre-mer de la Nouvelle-Calédonie en 1988, les tensions entre les différentes communautés s'accentuent jusqu'à culminer lors de l'embuscade de Hienghène le 5 décembre 1984 et de la prise d'otages d'Ouvéa le 22 avril 1988.
Si les accords de Matignon ont vu la question des restrictions au corps électoral traitée au travers de la définition de populations intéressées à l'avenir du territoire, il convient de rappeler que, dès juillet 1983, lors de la table ronde de Nainville-les-Roches, organisée par le secrétaire d'État chargé des départements et territoires d'outre-mer d'alors, Georges Lemoine, la question du corps électoral avait été mise à l'ordre du jour par les indépendantistes.
Cette table ronde n'avait toutefois pas permis de pacifier durablement la Nouvelle-Calédonie. En 1988, afin d'éviter que la Nouvelle-Calédonie ne sombre dans la guerre civile, le Premier ministre, Michel Rocard, dépêche une mission chargée de renouer le dialogue entre le FLNKS et le RPCR. Ces négociations aboutissent le 26 juin 1988 à une déclaration signée à l'hôtel Matignon par le Premier ministre, huit représentants du RPCR et cinq représentants du FLNKS : la paix civile a été restaurée et un nouveau statut, - le onzième depuis 1946 -, a été élaboré pour la Nouvelle-Calédonie.
Le 20 août 1988 intervient l'accord Oudinot, qui fixe le principe d'une consultation sur l'autodétermination à échéance de dix ans et organise un nouvel équilibre institutionnel.
Comme l'a rappelé l'article 1er de la loi référendaire du 9 novembre 1988, traduction juridique des accords de Matignon-Oudinot en vue d'en permettre l'approbation par un référendum, les dispositions de cette loi avaient « pour objet de créer, par une nouvelle organisation des pouvoirs publics, les conditions dans lesquelles les populations de Nouvelle-Calédonie, éclairées sur les perspectives d'avenir qui leur sont ouvertes par le rétablissement et le maintien de la paix civile et par le développement économique, social et culturel du territoire, pourront librement choisir leur destin »11(*).
Lors des négociations de l'accord de Matignon, la question du corps électoral a été de nouveau, comme en 1983, au centre des discussions. Les accords ont ainsi prévu que « les électeurs et électrices de Nouvelle-Calédonie qui seront appelés à se prononcer sur ce projet de loi référendaire ainsi que leurs descendants accédant à la majorité constituent les populations intéressées à l'avenir du territoire. Ils seront donc seuls autorisés à participer jusqu'en 1998 aux scrutins qui détermineront cet avenir : scrutin pour les élections aux conseils de province et scrutin d'accession à la pleine souveraineté. ». Ainsi, dès l'introduction du principe d'un corps électoral restreint en Nouvelle-Calédonie, ce dernier a été conçu comme s'appliquant au-delà des seules consultations référendaires, en incluant les scrutins aux institutions locales qui se résumaient alors aux provinces calédoniennes, considérant que ces scrutins étaient « déterminants pour l'avenir du territoire ». Conséquence logique de cette évolution institutionnelle, il était alors prévu par l'accord que « ces élections se dérouleront après une refonte des listes électorales ».
Pour traduire le point 6 de l'accord de Matignon qui prévoyait qu'« un scrutin d'autodétermination serait organisé en Nouvelle-Calédonie en 1998 », l'article 2 de la loi référendaire précitée prévoyait la tenue d'un scrutin d'autodétermination entre le 1er mars et le 31 décembre 199812(*). La loi référendaire a repris le point d'équilibre précédemment trouvé : elle disposait que, pour ce scrutin, seuls seraient admis à voter les électeurs inscrits sur les listes électorales en 198813(*). Il fallait donc avoir résidé au moins dix ans en Nouvelle-Calédonie pour y prendre part.
Il était prévu, en outre, qu'étaient réputées avoir leur domicile sur le territoire, alors même qu'elles accomplissaient leur service national ou poursuivaient un cycle d'études ou de formation continue hors du territoire, les personnes qui avaient antérieurement leur domicile dans le territoire14(*).
Il faut toutefois attendre le décret n° 90-1163 du 24 décembre 1990 pris pour l'application de ces dispositions, pour qu'émerge la notion de « tableau annexe » alors construite par opposition à la liste électorale dite « spéciale » soit celle regroupant les seules personnes admises à participer aux scrutins calédoniens. Ainsi, dans son article 1er, le décret confiait à la commission de révision des listes électorales le soin de déterminer, pour chaque bureau de vote, « sur un tableau annexe ceux des électeurs inscrits sur la liste électorale dont elle constate qu'ils ne remplissent pas les conditions de domicile » prévues par l'article 2 de la loi de 1988 précitée15(*).
Avant la fin de l'application des accords de Matignon, les parties locales se sont accordées sur la nécessité d'éviter ce qu'elles ont alors dénommé, le « référendum couperet », prévu par l'article 2 de la loi référendaire jugeant qu'il avait toutes les chances d'aboutir à une impasse politique et qu'une solution consensuelle négociée entre les parties lui serait, en tout état de cause, préférable16(*).
b) L'accord de Nouméa : la reconduction du principe de restrictions au corps électoral indissociable de la nouvelle citoyenneté calédonienne
(i) La reconduction d'un corps électoral restreint
Si le referendum ainsi prévu a été repoussé, l'ensemble des parties locales calédoniennes se sont accordées, dès 1995, sur la nécessité de préserver les autres acquis des accords de Matignon-Oudinot, au premier titre desquels, le principe d'un corps électoral restreint.
Les discussions alors engagées entre les parties locales et l'État afin de reporter l'échéance définie par les accords de Matignon-Oudinot voient alors se confronter les projets institutionnels divergents du FLNKS et du RPCR. Fruits de ces discussions, les parties s'accordent par deux fois en moins de quatre mois, sur deux sujets politiques majeurs à l'échelle du territoire :
- une première fois le 1er février 1998 avec les accords de Bercy, en réponse au « préalable minier » souhaité par le FLNKS, permettant la construction d'une usine de nickel dans la province Nord accompagnée d'un échange de massifs miniers entre les entreprises engagées dans l'exploitation du nickel, matérialisant ainsi la promesse nouvelle d'un rééquilibrage économique entre les parties ;
- une seconde fois le 5 mai 1998, lors de la visite du Premier ministre, alors Lionel Jospin, à Nouméa, en signant l'Accord de Nouméa qui fixe une nouvelle organisation institutionnelle transitoire initialement prévue pour quinze à vingt ans à l'issue de laquelle une à trois consultations locales sur l'accession à la pleine souveraineté du territoire seraient organisées.
La problématique de la restriction du corps électoral a, comme auparavant, acquis une place cardinale lors des discussions : le FLNKS souhaitait reconduire le dispositif adopté lors des accords de Matignon, le RPCR préférant, quant à lui, une définition plus large du corps électoral17(*).
Dans la continuité des débats ayant conduit à la signature des accords de Matignon-Oudinot, la question des restrictions au corps électoral s'est posée tant pour les consultations d'accession à la pleine souveraineté que pour les élections provinciales.
Ainsi, la restriction du corps électoral pour les élections provinciales et au congrès constitue un point essentiel de l'accord de Nouméa, sur lequel se fonde la définition de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie - innovation juridique et politique de l'Accord de Nouméa.
L'accord signé le 5 mai 1998 stipule en effet que :
« L'un des principes de l'accord politique est la reconnaissance d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci traduit la communauté de destin choisie et s'organiserait, après la fin de la période d'application de l'accord, en nationalité, s'il en était décidé ainsi.
« Pour cette période, la notion de citoyenneté fonde les restrictions apportées au corps électoral pour les élections aux institutions du pays et pour la consultation finale. Elle sera ainsi une référence pour la mise au point des dispositions qui seront définies pour préserver l'emploi local. »18(*)
Toutefois, fait nouveau, une révision constitutionnelle étant nécessaire pour mettre en oeuvre certains pans de l'accord de Nouméa, s'est posée la question du corps électoral pour la consultation des électeurs de Nouvelle-Calédonie sur l'accord de Nouméa lui-même, par opposition au referendum national organisé dix ans auparavant pour l'approbation de l'accord de Matignon.
Pour la consultation sur l'accord lui-même, ce dernier, dans son point 6.3, prévoyait qu'« un scrutin sera organisé avant la fin de l'année 1998 sur l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie, objet du présent accord. La loi constitutionnelle pour la Nouvelle-Calédonie permettra que ne se prononcent que les électeurs admis à participer au scrutin prévu à l'article 2 de la loi du 9 novembre 1988. »
Pour les consultations finales prévues dans son point 5, l'accord de Nouméa, dans son point 2.2.1., stipule que « le corps électoral (...) comprendra exclusivement : les électeurs inscrits sur les listes électorales aux dates des consultations électorales prévues au 5 et qui ont été admis à participer au scrutin prévu à l'article 2 de la loi référendaire, ou qui remplissaient les conditions pour y participer, ainsi que ceux qui pourront justifier que les interruptions dans la continuité de leur domicile en Nouvelle-Calédonie étaient dues à des raisons professionnelles ou familiales, ceux qui, de statut coutumier ou nés en Nouvelle-Calédonie, y ont eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux et ceux qui ne sont pas nés en Nouvelle-Calédonie mais dont l'un des parents y est né et qui y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux ».
Il est ajouté que : « pourront également voter pour ces consultations les jeunes atteignant la majorité électorale, inscrits sur les listes électorales, et qui, s'ils sont nés avant 1988, auront eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ou, s'ils sont nés après 1988, ont eu un de leurs parents qui remplissait ou aurait pu remplir les conditions pour voter au scrutin de la fin de 1998 » et « pourront également voter à ces consultations les personnes qui pourront justifier, en 2013, de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie ».
À propos des élections provinciales et territoriales, l'accord de Nouméa dans son préambule prévoit que « le corps électoral pour les élections aux assemblées locales propres à la Nouvelle-Calédonie sera restreint aux personnes établies depuis une certaine durée ». Dans le point 2.2.1. de son document d'orientation, il est précisé : « Comme il avait été prévu dans le texte signé des accords de Matignon, le corps électoral aux assemblées des provinces et au congrès sera restreint : il sera réservé aux électeurs qui remplissaient les conditions pour voter au scrutin de 1998, à ceux qui, inscrits au tableau annexe, rempliront une condition de domicile de dix ans à la date de l'élection, ainsi qu'aux électeurs at teignant l'âge de la majorité pour la première fois après 1998 et qui, soit justifieront de dix ans de domicile en 1998, soit auront eu un parent remplissant les conditions pour être électeur au scrutin de la fin de 1998, soit, ayant eu un parent inscrit sur un tableau annexe justifieront d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection. »
Plus précisément, sur ce point, le texte n° 2 de la déclaration de Matignon, relatif aux dispositions institutionnelles et structurelles préparatoires au scrutin d'autodétermination, prévoit que constituent les populations intéressées à l'avenir du territoire les électeurs et électrices appelés à se prononcer sur le projet de loi référendaire définissant le nouveau statut, à savoir les électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire en 1988 et y maintenant leur domicile.
Ce point de la déclaration n'a pu être mis en oeuvre, le Gouvernement ayant fait face a posteriori un obstacle constitutionnel à une telle restriction du corps électoral. La restriction du corps électoral aux assemblées de province et au congrès ne figurait donc pas au sein de l'accord d'Oudinot - second accord politique et juridique parachevant la construction des accords de Matignon-Oudinot - définissant l'organisation institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie, soumise à referendum le 6 novembre 1988.
Reprenant ce qui avait été initialement envisagé en 1988, le point 2.2.1. du document d'orientation de l'accord de Nouméa stipule que, « comme il avait été prévu dans le texte signé des accords de Matignon, le corps électoral aux assemblées des provinces et au congrès sera restreint ».
Ce dernier point, comme l'a rappelé Lucien Lanier, rapporteur au nom de la commission des lois du Sénat, « a suscité d'âpres et longues négociations entre les partenaires concernés, lesquels ne sont parvenus à un accord sur la rédaction des dispositions correspondantes qu'à la veille de leur examen par l'Assemblée nationale », illustrant la sensibilité du sujet des restrictions au corps électoral pour les élections provinciales19(*).
En conclusion, trois catégories d'électeurs aux élections provinciales et territoriales sont alors déterminées : la première est constituée des électeurs inscrits, ou qui pouvaient l'être, pour participer à la consultation du 8 novembre 1998 destinée à approuver ou à rejeter l'accord de Nouméa ; pour les deux autres catégories d'électeurs, le texte offre la possibilité de devenir ultérieurement électeur à certaines personnes, sous réserve de leur inscription ou de celle d'un de leurs parents sur le « tableau annexe ».
(ii) Un lien nouveau entre corps électoral et citoyenneté calédonienne
La réponse à la question du corps électoral appelé à voter aux élections des assemblées de province et du congrès présente un intérêt double : celui, évident, de déterminer ceux des citoyens qui sont susceptibles de désigner leurs représentants aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie, mais aussi celui de déterminer le contenu de la citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie, notion nouvellement introduite par l'accord de Nouméa.
Le document d'orientation, prévu par le point 2, prévoit que « l'un des principes de l'accord politique est la reconnaissance d'une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie. Celle-ci traduit la communauté de destin choisie et s'organiserait, après la fin de la période d'application de l'accord, en nationalité, s'il en était décidé ainsi.
« Pour cette période, la notion de citoyenneté fonde les restrictions apportées au corps électoral pour les élections aux institutions du pays et pour la consultation finale. Elle sera aussi une référence pour la mise au point des dispositions qui seront définies pour préserver l'emploi local. »
Or, la référence au corps électoral restreint constitue non seulement le moyen de lier attachement particulier à la Nouvelle-Calédonie et désignation des institutions qui lui sont propres - dont les pouvoirs sont particulièrement étendus du fait des importants transferts de compétence de l'État vers les collectivités calédoniennes prévus par l'Accord de Nouméa -, mais aussi le critère permettant de définir la citoyenneté calédonienne, créée par l'article 4 de la loi organique du 19 mars 1999 et fondant, pour partie, d'autres les restrictions, cette-fois ci en matière d'accès à l'emploi prévues à l'article 24 de la loi précitée.
2. Une mise en oeuvre juridique heurtée : les incertitudes quant à la définition du corps électoral restreint aux provinciales
a) La révision constitutionnelle du 20 juillet 1998 : la consécration des restrictions au corps électoral en Nouvelle-Calédonie
Pour en garantir la traduction juridique du principe d'un corps électoral restreint, la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 a rétabli dans la Constitution un titre XIII intitulé « Dispositions transitoires relatives à la Nouvelle-Calédonie », comprenant les articles 76 et 77.
L'article 76 a, ainsi, permis l'organisation de la consultation tendant à l'approbation des dispositions de l'accord de Nouméa du 5 mai 1998 par un corps électoral restreint défini par référence à la loi référendaire du 9 novembre 1988.
Comme la question qui devait être posée n'était pas celle de l'autodétermination, comme cela avait initialement été prévu par les accords de Matignon, il n'était pas possible d'utiliser l'article 53 de la Constitution pour restreindre le corps électoral et une disposition constitutionnelle spéciale devait être adoptée : « Les populations de la Nouvelle-Calédonie sont appelées à se prononcer avant le 31 décembre 1998 sur les dispositions de l'accord signé à Nouméa le 5 mai 1998 et publié le 27 mai 1998 au Journal officiel de la République française. Sont admises à participer au scrutin les personnes remplissant les conditions fixées à l'article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988. » Ainsi l'accord de Nouméa a fait son entrée dans le texte constitutionnel, l'article 76 validant le corps électoral restreint prévu en 1988.
Par suite, conformément au second alinéa de l'article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988, ont pu participer à la consultation du 8 novembre 1998 les personnes inscrites sur les listes électorales du territoire à la date de la consultation et qui y avaient leur domicile depuis la date du référendum approuvant la loi statutaire de 1988.
Prenant également place dans ce nouveau titre XIII, l'article 77 de la Constitution détermine les matières dans lesquelles une loi organique doit intervenir pour fixer le statut de ce territoire. Il règle la situation après le référendum d'approbation en Nouvelle-Calédonie de l'accord de Nouméa.
En conséquence, il autorise le Parlement à prendre, par une loi organique, les mesures de l'accord de Nouméa qui nécessitaient une autorisation préalable du pouvoir constituant, parce qu'elles n'auraient pas été conformes à la Constitution avant sa révision, ce qui inclut la notion de transfert définitif de compétences, le régime particulier des lois du pays, la citoyenneté de Nouvelle-Calédonie et ses conséquences en matière électorale et d'emploi, la possibilité de revenir du statut de droit commun au statut civil particulier et l'organisation de la consultation à l'issue du processus de Nouméa.
Le dernier alinéa de l'article 77, dans sa rédaction initiale, dispose que les autres mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa sont définies par la loi.
Cette révision constitutionnelle, si elle dépasse largement la seule question des restrictions au corps électoral, n'en demeure pas moins centrale sur ce point. En effet, si la question du tableau annexe n'a pas été directement posée, les propos tenus par Lionel Jospin, alors Premier ministre, devant le Parlement réuni en Congrès, le 6 juillet 1998, réaffirment la continuité entre les accords de Matignon et l'accord de Nouméa sur ce point matriciel du consensus néocalédonien :
« Selon les accords de Matignon, seuls les électeurs appelés à participer au référendum de novembre 1988 seraient autorisés à participer également au scrutin d'autodétermination et aux élections des conseils de province et du congrès. Les accords n'ont pu être appliqués sur ce dernier point.
« Les signataires de l'accord de Nouméa ont donc souhaité que l'engagement pris s'applique pour la période qui s'ouvre. Bien entendu, tous les citoyens français vivant en Nouvelle-Calédonie conserveront le droit de voter pour les scrutins nationaux. Les restrictions ne s'appliqueront que pour les élections aux institutions locales. En raison des particularismes néo-calédoniens, il n'apparaît pas contraire aux principes démocratiques que des citoyens qui ne passent que quelques années seulement sur le territoire ne déterminent pas les décisions qui concernent celui-ci spécifiquement. »
b) La loi organique du 19 mars 1999 : la définition du corps électoral et la coexistence de listes électorales multiples
En application des nouvelles dispositions constitutionnelles, le Parlement a été saisi en décembre 1998 de deux projets de loi, organique et ordinaire, relatifs à la Nouvelle-Calédonie.
Conformément aux orientations définies par l'accord de Nouméa, la loi organique du 19 mars 1999 prévoit trois types de corps électoral pouvant être désormais distingués en Nouvelle-Calédonie, comme le montre le tableau ci-dessous.
Tableau schématique des trois listes électorales calédoniennes
Liste électorale |
Fondement |
Scrutins |
Liste électorale générale |
Code électoral |
Référendums nationaux |
Élections présidentielles |
||
Élections législatives |
||
Élections européennes |
||
Élections municipales |
||
Liste électorale spéciale pour les provinciales |
Articles 188 et 189 de la loi organique du 19 mars 1999 |
Élections du congrès et des assemblées de province de Nouvelle-Calédonie depuis 1999 |
Liste électorale spéciale pour les consultations |
Article 218 de la loi organique du 19 mars 1999 |
Consultations sur l'accession à la pleine souveraineté en 2018, 2019 et 2021 |
(i) La liste électorale pour les scrutins européens, nationaux et municipaux
La loi organique ne comporte aucune disposition spécifique à ces scrutins qui sont, dès lors, soumis au régime de droit commun.
L'ensemble des citoyens français inscrits sur les listes électorales de droit commun en Nouvelle-Calédonie peuvent donc participer aux référendums nationaux, à l'élection présidentielle et aux élections législatives.
Par ailleurs, tous les citoyens de l'Union européenne installés en Nouvelle-Calédonie et inscrits sur les listes électorales de droit commun sont admis à participer aux élections municipales ainsi qu'à l'élection des représentants français au Parlement européen.
Toutefois, s'agissant des élections municipales, le document d'orientation de l'accord de Nouméa précise que « le corps électoral restreint s'appliquerait aux élections communales si les communes avaient une organisation propre à la Nouvelle-Calédonie »20(*).
(ii) La liste électorale spéciale pour les élections du congrès et des assemblées de province
En deuxième lieu, pour les élections des assemblées de province et du congrès, la loi organique, dans son article 188, limite le droit de vote à trois catégories de citoyens qui doivent répondre à l'un des critères suivants :
- remplir les conditions pour être inscrits sur les listes électorales de la Nouvelle-Calédonie établies en vue de la consultation du 8 novembre 1998, ce qui inclut ceux qui étaient effectivement inscrits et ceux qui auraient pu l'être, mais qui ne l'ont pas été, par exemple, parce qu'ils ne l'avaient pas demandé ;
- être inscrits sur le tableau annexe et être domiciliés depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection au congrès et aux assemblées de province ;
- être devenus majeurs après le 31 octobre 1998 et :
o soit justifier de dix ans de domicile en Nouvelle-Calédonie en 1998,
o soit avoir eu un de leurs parents remplissant les conditions pour être électeur au scrutin du 8 novembre 1998,
o soit avoir un de leurs parents inscrit au tableau annexe et justifier d'une durée de domicile de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection.
Il est précisé, par ailleurs, que « les périodes passées en dehors de la Nouvelle-Calédonie pour accomplir le service national, pour suivre des études ou une formation ou pour des raisons familiales, professionnelles ou médicales », ne sont pas interruptives, pour les personnes qui y étaient antérieurement domiciliées, du délai pris en considération pour apprécier la condition de domicile. Les raisons familiales, professionnelles ou médicales étant des conditions nouvelles par rapport aux conditions définies pour la consultation du 8 novembre 1998, première consultation à avoir ainsi fixé un délai de résidence et des motifs non-interruptifs de celui-ci.
S'agissant de l'établissement de la liste, l'article 189, de la loi organique précise que « les électeurs remplissant les conditions fixées à l'article 188 sont inscrits sur la liste électorale spéciale à l'élection du congrès et des assemblées de province. Cette liste est dressée à partir de la liste électorale en vigueur et du tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin ».
Il revient à une commission administrative spéciale d'établir, dans chaque bureau de vote, la liste électorale spéciale et le tableau annexe des électeurs non admis à participer au scrutin.
Cette commission administrative spéciale est présidée par un magistrat de l'ordre judiciaire désigné par le premier président de la Cour de cassation et comprend un délégué désigné par le haut-commissaire et deux électeurs de la commune désignés par le haut-commissaire après avis du gouvernement de la Nouvelle-Calédonie.
Il lui incombe d'inscrire, à leur demande, sur la liste électorale spéciale, les électeurs remplissant les conditions exigées par l'article 188. Ceux-ci doivent, à cette fin, produire tous les éléments de nature à prouver qu'ils remplissent ces conditions.
La commission est par ailleurs, aux termes du même article, tenue de procéder à l'inscription d'office sur la liste électorale spéciale des personnes âgées de dix-huit ans à la date de clôture et remplissant les conditions d'ascendance et de domicile. Tout électeur faisant l'objet d'une radiation ou d'un refus d'inscription, ou dont l'inscription est contestée, est averti sans frais et peut présenter ses observations.
En outre, l'article 189 de la loi organique du 19 mars 1999 dispose que la liste électorale spéciale et le tableau annexe sont « permanents » et « font l'objet d'une révision annuelle ».
Par conséquent, chaque année, sont retirées du tableau annexe les personnes accédant à la qualité d'électeur, tandis qu'y sont ajoutées les personnes plus récemment arrivées en Nouvelle-Calédonie et qui ne peuvent participer aux élections au congrès et aux assemblées de province.
(iii) La liste électorale spéciale pour la consultation d'accession à la pleine souveraineté
En troisième lieu, la loi organique organise un cycle de consultations sur la question de l'accession à la pleine souveraineté qui doit clore l'application de l'accord de Nouméa.
Le point 2.2.1 du document d'orientation de l'accord de Nouméa prévoit une restriction du corps électoral pour les consultations sur l'accession à la pleine souveraineté qui doivent être organisées, ainsi il, prévoit que :
« Le corps électoral pour les consultations relatives à l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie intervenant à l'issue du délai d'application du présent accord (point 5) comprendra exclusivement : les électeurs inscrits sur les listes électorales aux dates des consultations électorales prévues au 5 et qui ont été admis à participer au scrutin prévu à l'article 2 de la loi référendaire, ou qui remplissaient les conditions pour y participer, ainsi que ceux qui pourront justifier que les interruptions dans la continuité de leur domicile en Nouvelle-Calédonie étaient dues à des raisons professionnelles ou familiales, ceux qui, de statut coutumier ou nés en Nouvelle-Calédonie, y ont eu le centre de leurs intérêts matériels et moraux et ceux qui ne sont pas nés en Nouvelle-Calédonie mais dont l'un des parents y est né et qui y ont le centre de leurs intérêts matériels et moraux.
« Pourront également voter pour ces consultations les jeunes atteignant la majorité électorale, inscrits sur les listes électorales, et qui, s'ils sont nés avant 1988 auront eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ou, s'ils sont nés après 1988, ont eu un de leurs parents qui remplissait ou aurait pu remplir les conditions pour voter au scrutin de la fin de 1998.
« Pourront également voter à ces consultations les personnes qui pourront justifier, en 2013, de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie. »
Conditions d'inscription sur les listes
électorales
pour la consultation à l'accession à la
pleine souveraineté
Conformément aux orientations définies par l'accord de Nouméa, l'article 218 de la loi organique dispose que « sont admis à participer à la consultation les électeurs inscrits sur la liste électorale à la date de celle-ci et qui remplissent l'une des conditions suivantes :
« a) Avoir été admis à participer à la consultation du 8 novembre 1998 ;
« b) N'étant pas inscrits sur la liste électorale pour la consultation du 8 novembre 1998, remplir néanmoins la condition de domicile requise pour être électeur à cette consultation ;
« c) N'ayant pas pu être inscrits sur la liste électorale de la consultation du 8 novembre 1998 en raison du non-respect de la condition de domicile, justifier que leur absence était due à des raisons familiales, professionnelles ou médicales ;
« d) Avoir eu le statut civil coutumier ou, nés en Nouvelle-Calédonie, y avoir eu le centre de leurs intérêts matériaux et moraux ;
« e) Avoir l'un de leurs parents né en Nouvelle-Calédonie et y avoir le centre de leurs intérêts matériels et moraux ;
« f) Pouvoir justifier d'une durée de vingt ans de domicile continu en Nouvelle-Calédonie à la date de la consultation et au plus tard au 31 décembre 2014 ;
« g) Être nés avant le 1er janvier 1989 et avoir eu son domicile en Nouvelle-Calédonie de 1988 à 1998 ;
« h) Être nés à compter du 1 er janvier 1989 et avoir atteint l'âge de la majorité à la date de la consultation et avoir eu un de leurs parents qui satisfaisait aux conditions pour participer à la consultation du 8 novembre 1998. »
Le corps électoral ainsi défini s'avère - théoriquement - plus restreint que celui défini pour les élections du congrès et des assemblées de province, dès lors que le citoyen qui souhaite participer au scrutin d'accession à la pleine souveraineté doit, notamment, justifier d'une durée de vingt ans de domicile à la date de la consultation et au plus tard au 31 décembre 2014.
c) La décision du Conseil constitutionnel du 15 mars 1999 sur la loi organique : le choix d'une interprétation divergente du Constituant
Saisi de la loi organique relative à la Nouvelle-Calédonie, le Conseil constitutionnel devait en examiner la conformité non seulement au regard de la Constitution, mais aussi au regard des orientations définies par l'accord de Nouméa, y compris lorsqu'elles dérogent aux règles ou principes de valeur constitutionnelle.
Dans sa décision n° 99-410 DC du 15 mars 1999, le juge constitutionnel estime cependant que de telles dérogations « ne sauraient intervenir que dans la mesure strictement nécessaire à la mise en oeuvre de l'accord ». Par conséquent, dans l'hypothèse où l'accord de Nouméa admettrait deux lectures possibles, le Conseil constitutionnel devait retenir la moins éloignée des principes constitutionnels. Comme énoncé dans le commentaire de la décision, « toute dérogation à un principe ou règle de valeur constitutionnelle ne peut en effet qu'être d'interprétation stricte : c'est la raison pour laquelle, dans le cas où l'accord de Nouméa peut admettre deux interprétations, la lecture la moins dérogatoire est seule susceptible d'être retenue. »
Ainsi, il juge qu'il ressort des dispositions combinées des articles 188 et 189 que doivent notamment participer à l'élection des assemblées de province et du congrès les personnes qui, à la date de l'élection, figurent au tableau annexe mentionné au I de l'article 189 et sont domiciliées depuis dix ans en Nouvelle-Calédonie, quelle que soit la date de leur établissement en Nouvelle-Calédonie, même postérieure au 8 novembre 1998.
Le juge constitutionnel fait donc prévaloir la théorie du corps électoral « glissant ». En l'absence de stipulation expresse de l'accord de Nouméa excluant la participation des Français installés en Nouvelle-Calédonie après le 8 novembre 1998 aux élections aux assemblées de province et au congrès, il a retenu l'interprétation la moins restrictive du corps électoral. Pourtant, les travaux préparatoires de la loi organique mettent en évidence une interprétation inverse, celle du corps électoral « gelé », selon laquelle le corps électoral restreint pour les élections au congrès et aux assemblées de province, prévu par l'article 77 de la Constitution, ne doit prendre en compte, pour l'application de la condition de dix ans de résidence, que les personnes arrivées en Nouvelle-Calédonie entre 1989 et 1998.
Si l'on se reporte, en effet, à leur rapport respectif, les deux rapporteurs du projet de loi organique, d'une part, pour l'Assemblée nationale, René Dosière, et, d'autre part, pour le Sénat, notre collègue Jean-Jacques Hyest, se sont exprimés sans ambiguïté sur ce point.
Le premier précise ainsi : « À quel tableau annexe fait-on référence dans l'accord de Nouméa ? Il est clair qu'il s'agit du tableau qui a été constitué en vue de la consultation référendaire de 1998. Figurent sur ce tableau - et sont donc exclues de la liste électorale spéciale - les personnes qui ne respectent pas la condition fixée par l'article 2 de la loi référendaire du 9 novembre (1988), c'est-à-dire celles qui n'ont pas eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie de la date du référendum du 6 novembre 1988 jusqu'à la date de la consultation, qui aurait dû être celle relative à l'autodétermination, de 1998. (...) Les personnes installées en Nouvelle-Calédonie, après le référendum de 1988 jusqu'à la consultation de 1998, pourront donc voter aux élections provinciales dès qu'elles auront rempli la condition de domicile. Les premières retrouveront ce droit de suffrage en 1999, les dernières à la fin de 2008. »21(*)
Le second détaille une interprétation identique : « l'intention sous-jacente à l'accord de Nouméa n'est pas d'instaurer un corps électoral “ glissant ”, s'enrichissant au fil du temps des personnes dont l'inscription serait progressivement portée au tableau annexe et qui en sortiraient pour devenir des électeurs au moment où elles pourraient justifier de dix ans de résidence »22(*).
Ainsi, selon les deux rapporteurs précités, le tableau annexe visé dans la deuxième catégorie d'électeurs admis à participer aux élections provinciales correspond à la liste des personnes qui n'étaient pas admises à participer au scrutin d'autodétermination de 1998. Il a été obtenu par différence entre la liste électorale générale qui comprend les personnes qui ont pu participer à toutes les élections et la liste électorale spéciale qui comprend les seules personnes autorisées à voter à la consultation de 1998. Ainsi, si la nature et l'objet du scrutin - la consultation sur l'accord de Nouméa ayant été substituée au référendum d'autodétermination - ont changé, le corps électoral devait rester fixé dans sa composition arrêtée dix ans plus tôt. Il en va donc de même pour le tableau annexe.
Comme le montre le tableau ci-après, le hiatus créé par cette divergence d'interprétation induite par une décision du juge constitutionnel n'est pas sans conséquence sur le nombre de personnes admises à participer aux élections provinciales et pour le congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Tableau résumant les divergences
d'interprétation
des conditions requises pour participer aux
élections provinciales
Conditions alternatives requises pour participer aux élections des assemblées de province et du congrès |
Soit une entrée sur le territoire |
|
Selon le législateur organique |
Selon le Conseil constitutionnel |
|
Être électeur en 1998 |
En 1988 au plus tard |
|
Être inscrit au tableau annexe et avoir dix ans de résidence à la date de l'élection |
De 1989 à 1998 |
À partir de 1989 |
Être majeur après 1998 et avoir dix ans de résidence en 1998 |
En 1988 au plus tard |
|
Être majeur après 1998 et avoir un parent électeur en 1998 |
En 1988 au plus tard pour le parent |
|
Être majeur après 1998 et avoir dix ans de résidence à la date de l'élection et avoir un parent non électeur en 1998 (inscrit au tableau annexe de 1998) |
De 1989 à 1998 pour le parent |
À partir de 1989 pour le parent |
d) La révision constitutionnelle interrompue du 26 mai 1999 : un accord des deux chambres sur la nécessité d'une disposition constitutionnelle interprétative pour rétablir la volonté du Constituant
Fait inédit, en moins d'un an, la Nouvelle-Calédonie fut l'objet, après la révision constitutionnelle de juillet 1998 et l'examen du nouveau statut en 1999, d'un troisième débat parlementaire, à l'occasion de l'examen du projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie et à la Nouvelle-Calédonie, déposé le 26 mai 1999 à l'Assemblée nationale, comme une réponse à l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel.
Comme l'a souligné le rapporteur de ce texte au nom de la commission des lois du Sénat, Lucien Lanier, « cette disposition, tout en réglant une question controversée [était] étrangère au coeur du projet de loi constitutionnelle qui [visait] à doter la Polynésie française d'un statut constitutionnel »23(*).
Dans son article 1er, le projet de loi constitutionnelle prévoyait ainsi l'insertion d'un alinéa à l'article 77 de la Constitution, article rétabli par la loi constitutionnelle du 20 juillet 1998 précitée relative à la Nouvelle-Calédonie :
« Le tableau auquel se réfère, pour la définition du corps électoral aux assemblées de province et au congrès de Nouvelle-Calédonie, l'accord mentionné au premier alinéa de l'article 76 est le tableau des personnes non admises à participer à la consultation prévue à cet article. »
La disposition a été adoptée en termes identiques par l'Assemblée nationale, le 10 juin 1999, et par le Sénat, le 12 octobre 1999. Mais la suite du projet de loi constitutionnelle qui le portait, dont il faut rappeler que l'essentiel concernait la Polynésie française, a été lié au projet de loi constitutionnelle relatif au Conseil supérieur de la magistrature. Convoquée par décret du 3 novembre 1999, la réunion du Congrès du Parlement chargé d'examiner les deux projets de loi constitutionnelle a été annulée par un décret du 19 janvier 2000, au motif que les conditions d'adoption du second projet de loi constitutionnelle n'apparaissaient pas réunies. En conséquence, la disposition relative à la Nouvelle-Calédonie n'a pas pu être examinée par le Congrès.
e) La révision constitutionnelle de 2007 : le gel transitoire du corps électoral calédonien pour les élections du congrès et des assemblées de province
Par la suite, la Polynésie française a fait l'objet d'un nouveau statut, dans des dispositions différentes, le texte constitutionnel adopté par les deux assemblées en 1999, comprenant à titre principale des dispositions relatives à la seule Polynésie française désormais obsolètes.
La situation ainsi créée a donc appelée à l'adoption d'un nouveau dispositif.
Comme rappelé ci-avant, l'interprétation du Conseil constitutionnel ne produisait ses premiers effets électoraux utiles qu'à partir de 2009, dès lors que commencerait de se poser, en pratique, la question de l'inscription des ressortissants français arrivés en Nouvelle-Calédonie après 1998 et ayant dix ans de résidence sur le territoire.
Après plusieurs réunions du comité des signataires de l'accord de Nouméa au cours desquelles le FLNKS a rappelé son attachement au règlement de la question du corps électoral, lors du cinquième comité des signataires de l'accord de Nouméa, le 2 février 2006, François Baroin, alors ministre de l'outre-mer, a rappelé « l'engagement pris par le chef de l'État de régler cette question, -pendante depuis 1999-, d'ici à la fin de son mandat »24(*), et indiqué que le projet de loi constitutionnelle complétant l'article 77 de la Constitution, reprenant l'article 1er du texte adopté en termes identiques par l'Assemblée nationale et le Sénat en juin et en octobre 1999, devait être soumis au Parlement.
Déposé le 29 mars 2006 à l'Assemblée nationale, un projet de révision constitutionnelle comportant un article unique a été adopté par les deux chambres dans des termes identiques afin de « lever toute ambiguïté quant à l'identification du tableau annexe constituant un élément de la liste électorale établie pour les élections aux assemblées de province et au congrès de la Nouvelle-Calédonie »25(*).
Ainsi, a été introduit, par la révision constitutionnelle de 2007, un nouvel alinéa à l'article 77 de la Constitution qui prévoit que : « Pour la définition du corps électoral appelé à élire les membres des assemblées délibérantes de la Nouvelle-Calédonie et des provinces, le tableau auquel se réfèrent l'accord mentionné à l'article 76 et les articles 188 et 189 de la loi organique n° 99-209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle-Calédonie est le tableau dressé à l'occasion du scrutin prévu audit article 76 et comprenant les personnes non admises à y participer. »
Si la précision entourant la rédaction de cette disposition apparait étonnante compte tenu du style usuelle employé en matière constitutionnelle, celle-ci s'impose en raison de l'interprétation donnée par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 15 mars 1999 précitée.
Il a ainsi été acté, par une disposition interprétative du pouvoir constituant, le retour à un corps électoral « gelé » à partir de 2009 pour les élections provinciales en Nouvelle-Calédonie.
* 11 Loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998.
* 12 En effet, le premier alinéa de l'article 2 de la loi précitée dispose qu'« entre le 1er mars et le 31 décembre 1998, les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront appelées à se prononcer par un scrutin d'autodétermination, conformément aux dispositions de l'article 53 de la Constitution, sur le maintien du territoire dans la République ou sur son accession à l'indépendance ».
* 13 Sur ce point le second alinéa de l'article 2 de la la loi précitée prévoyait expressément que « seront admis à participer à ce scrutin les électeurs inscrits sur les listes électorales du territoire à la date de cette consultation et qui y ont leur domicile depuis la date du référendum approuvant la présente loi ».
* 14 Voir la dernière phrase du second alinéa de l'article 2 de la loi précitée.
* 15 Décret n° 90-1163 du 24 décembre 1990 pris pour l'application des articles 2 et 3 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988 portant dispositions statutaires et préparatoires à l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998.
* 16 Voir les déclarations de Pierre Frogier en commission des lois lors de l'examen à l'Assemblée nationale de la révision constitutionnelle de 2007 précitée.
* 17 Voir le rapport sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Nouvelle-Calédonie fait par Catherine Tasca, rapporteur de la commission des lois de l'Assemblée nationale, n° 972, 9 juin 1998, p. 42.
* 18 Voir le point 5.3 de l'Accord de Nouméa signé le 5 mai 1998.
* 19 Rapport fait au nom de la commission des Lois du sénat par M. Lucien Lanier sur le projet de loi constitutionnelle relatif à la Polynésie française et à la Nouvelle-Calédonie, n° 2 (1999-2000), p. 19-20.
* 20 Voir le point 2.2.1. de l'Accord de Nouméa précité.
* 21 Rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale sur le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie et sur le projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie par René Dosière, n° 1275 (1998-1999), pp. 190 à 193.
* 22 Rapport fait au nom de la commission des lois du Sénat sur le projet de loi organique relatif à la Nouvelle-Calédonie et le projet de loi relatif à la Nouvelle-Calédonie par Jean-Jacques Hyest, n° 180 (1998-1999), pp. 220 à 223.
* 23 Rapport fait au nom de la commission des Lois du Sénat par Lucien Lanier, précité, p. 12.
* 24 Pour plus de précisions, voir le relevé des conclusions du cinquième comité des signataires de l'accord de Nouméa du 2 février 2006.
* 25 Rapport fait au nom de la commission des lois de l'Assemblée nationale par Didier Quentin, sur le projet de loi constitutionnelle complétant l'article 77 de la Constitution, n° 3506 (2006-2007), p. 41-42.