III. UN MESSAGE ADRESSÉ À L'UNION EUROPÉENNE ET AU GOUVERNEMENT QUI NE DOIT PAS ÊTRE INTERPRÉTÉ COMME UN REJET DU CANADA
A. DES CONDITIONS DE RATIFICATION QUI ONT SAPÉ LA LÉGITIMITÉ DÉMOCRATIQUE DE L'ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL
Si juridiquement, l'application provisoire de l'accord ne soulève pas d'objection, d'un point de vue démocratique, cette décision de recourir au régime d'application provisoire apparaît cependant contestable, les Parlements nationaux n'étant appelés à se prononcer qu'a posteriori, alors que la majeure partie de l'accord est déjà entrée en vigueur. Au regard de la sensibilité des domaines couverts, il eut été préférable d'attendre une éventuelle ratification par l'ensemble des États-membres avant que celui-ci ne puisse commencer à produire des effets.
La stratégie du « fait accompli » retenue par la Commission européenne, tendant à privilégier la rapidité de mise en oeuvre en plaçant les Parlements nationaux au pied du mur, ne saurait être regardée favorablement par le Sénat.
Par ailleurs, il n'est pas acceptable que le présent projet de loi n'ait jamais été inscrit à l'ordre du jour du Sénat, en dépit des promesses gouvernementales réitérées, et que l'examen de ce texte ait lieu près de 7 ans après l'entrée en vigueur provisoire de l'accord.
Le Gouvernement français porte une grande responsabilité dans la fragilisation de l'assise démocratique de la procédure de ratification de l'AECG.
B. UN ACCORD ANACHRONIQUE QU'IL CONVIENT DE REJETER
L'économie globale de l'AECG est fortement marquée par le contexte dans lequel il a été négocié puis signé. Or force est de constater que l'époque de la « mondialisation heureuse » est désormais derrière nous, qu'il s'agisse i) de la montée des préoccupations sociales, environnementales, sanitaires et relatives au bien-être animal, ii) de la nécessité, rappelée par la pandémie de COVID-19 puis la guerre en Ukraine, de renforcer notre souveraineté alimentaire et iii) de la question de l'avenir de l'agriculture européenne qui est de plus en plus prégnante comme en témoigne la récente mobilisation des agriculteurs européens pour dénoncer leur situation.
Ce changement de contexte ne semble cependant pas avoir été intégré par la Commission européenne qui continue de négocier des accords de libre-échange dont les stipulations se heurtent aux attentes des peuples européens.
Ignorer les évolutions intervenues depuis les négociations de l'AECG conduira à un renforcement de la défiance vis-à-vis de l'Union européenne.