N° 2224


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

N° 349


SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 15 février 2024

 

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 février 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales,

PAR Mme Isabelle SANTIAGO,
Rapporteure,

Députée

PAR Mme Marie MERCIER,
Rapporteur,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, sénateur, président ; M. Sacha Houlié, député, vice-président ; Mme Marie Mercier, sénateur, Mme Isabelle Santiago, députée, rapporteurs.

Membres titulaires : M. Francis Szpiner, Mmes Dominique Vérien, Corinne Narassiguin, MM. Claude Raynal, Thani Mohamed Soilihi, sénateurs ; M. Guillaume Gouffier Valente, Mme Béatrice Roullaud, MM. Andy Kerbrat, Aurélien Pradié, Erwan Balanant, députés.

Membres suppléants : Mmes Jacqueline Eustache-Brinio, Elsa Schalck, M. Hervé Marseille, Mme  Marie-Pierre de La Gontrie, M. Ian Brossat, Mmes Corinne Bourcier, Mélanie Vogel, sénateurs ; Mmes  Émilie Chandler, Marie-France Lorho, Caroline Yadan, Marie-Agnès Poussier-Winsback, M. Jean-Félix Acquaviva, députés.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16e législ.) :

Première lecture : 658 rect. bis, 800 et T.A. 79

Deuxième lecture : 1001, 1697 et T.A. 180

Sénat :

Première lecture : 344, 400, 401 et T.A. 82 (2022-2023)

Deuxième lecture : 98, 297, 298 et T.A. 63 (2023-2024)
Commission mixte paritaire : 350 (2023-2024)

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, une commission mixte paritaire chargée d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales s'est réunie au Sénat le jeudi 15 février 2024.

Elle a procédé tout d'abord à la désignation de son Bureau, constitué de :

- M. François-Noël Buffet, sénateur, président ;

- M. Sacha Houlié, député, vice-président.

Elle a également désigné :

- Mme Marie Mercier, sénateur, rapporteur pour le Sénat ;

- Mme Isabelle Santiago, députée, rapporteure pour l'Assemblée nationale.

*

* *

M. François-Noël Buffet, sénateur, président. - Un seul article reste en discussion.

Article 1er
Élargissement du dispositif de suspension provisoire de plein droit
de l'exercice de l'autorité parentale aux cas de crime ou
d'agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Monsieur le président, mes chers collègues, je me félicite que nous parvenions au stade de cette commission mixte paritaire (CMP) avec un texte qui reflète les pas qu'ont fait nos deux assemblées l'une vers l'autre.

Pour rappel, ce texte essentiel pour protéger les enfants porte sur deux mesures principales. L'article 1er prévoit la suspension provisoire, de plein droit, de l'exercice de l'autorité parentale et des droits de visite et d'hébergement, dès le stade des poursuites, pour le parent poursuivi pour crime contre l'autre parent ou pour crime ou agression sexuelle sur son enfant. L'article 2 pose le principe d'un retrait total de l'autorité parentale en cas de condamnation pour ces mêmes infractions.

Après deux lectures dans nos deux assemblées, quasiment toutes les dispositions du texte ont été votées conformes, ce qui illustre le caractère transpartisan de ce travail. Je me félicite particulièrement du vote par le Sénat, en deuxième lecture, de la disposition prévoyant la suspension provisoire que j'ai évoquée. Je remercie chaleureusement les sénateurs et sénatrices qui ont porté des amendements de rétablissement de l'alinéa dans sa version issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Il subsistait une discussion sur l'alinéa 3 de l'article 1er : dans sa version adoptée par l'Assemblée nationale, cet alinéa prévoyait qu'en cas de condamnation pour violences conjugales sur l'autre parent ayant entraîné une incapacité temporaire de travail (ITT) supérieure à huit jours, et lorsque l'enfant avait assisté aux faits, l'exercice de l'autorité parentale et les droits de visite et d'hébergement étaient suspendus jusqu'à la décision du juge aux affaires familiales (JAF). Je rappelle que cet alinéa concerne environ 400 parents condamnés chaque année pour de tels faits.

L'article 2 vise à inciter le juge à se prononcer dans le cas de délits commis contre l'enfant, considéré comme covictime des violences conjugales lorsqu'il a assisté aux faits. La disposition de l'alinéa 3 permettait de couvrir le cas dans lequel le juge pénal aurait oublié de se prononcer sur les modalités d'exercice l'autorité parentale. Cette précision sera envisagée dans le cadre d'une circulaire, le Gouvernement s'étant engagé à couvrir ce vide juridique.

Marie Mercier et moi-même vous proposons ainsi un texte de compromis sur l'article 1er, qui ne reprend pas l'alinéa adopté par l'Assemblée nationale. Par ailleurs, nous vous proposons quelques modifications techniques et légistiques de l'alinéa 2 afin d'assurer l'articulation du dispositif avec l'article 2 de la proposition de loi. Lesdites modifications n'ont aucun impact sur le fond et la portée du texte.

Je vous propose donc d'adopter l'article 1er ainsi modifié.

Ce texte est, une fois encore, le résultat d'un important travail transpartisan et du respect de chaque sensibilité au sein de nos assemblées. Depuis le dépôt du texte, j'ai souhaité oeuvrer au changement de paradigme que représente cette législation plus impérative pour les enfants victimes.

Je tiens d'ailleurs à remercier tous les parlementaires pour leurs ajouts au texte initial : Nicole Dubré-Chirat, qui a créé un nouveau cas de délégation forcée de l'autorité parentale à l'article 2 bis ; Laurence Rossignol, qui a introduit l'article 2 quater prévoyant l'exonération de toute obligation d'informer préalablement l'autre parent d'un changement de résidence en cas d'ordonnance de protection ; Dominique Vérien, à l'origine de l'article 3 bis, qui pose le principe de la suspension du droit de visite et d'hébergement de l'enfant mineur dans le cadre d'un contrôle judiciaire avec interdiction d'entrer en relation ou interdiction de paraître ; Marie Mercier, enfin, qui a introduit l'article 2 ter prévoyant qu'un parent privé de l'exercice de l'autorité parentale par le juge ne peut pas en demander la restitution avant l'expiration d'un délai de six mois après que ce jugement est devenu irrévocable.

Fruit de nos compromis, ce texte répond à de fortes attentes de la société et met en oeuvre plusieurs recommandations de la commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) et des associations. En cas d'accord, nous pourrons être fiers d'un texte essentiel pour les victimes et pour les enfants.

Mme Marie Mercier, rapporteur pour le Sénat. - Nos discussions se sont concentrées sur l'article 1er. Le champ réduit de notre réunion de commission mixte paritaire est déjà le résultat d'un important travail de compromis entre nos deux chambres. Je ne reviens pas sur les divergences que nous avions sur les articles 2, 3, 2 ter et 4 que le Sénat a adoptés conformes en deuxième lecture.

L'article 1er est un article très important et il méritait que l'on s'y attarde. Je remercie Isabelle Santiago d'avoir eu l'initiative d'étendre le mécanisme de suspension provisoire avant tout jugement aux cas de crime ou d'agression sexuelle incestueuse commis sur l'enfant. Il y avait là un véritable manque de l'article 378-2 du code civil qu'il convenait de combler.

Nous avions un désaccord sur le régime de cette suspension : du côté de la commission des lois du Sénat, il nous semblait important de maintenir le principe d'une saisine du JAF par le procureur de la République dans les huit jours pour qu'un juge examine la situation de l'enfant in concreto et que la suspension ne puisse se prolonger au-delà de six mois sans cet examen. Dans notre esprit, c'était une sécurité pour l'enfant et une manière de vérifier que la mesure était bien appropriée.

En séance, le Sénat a finalement accepté la disposition dans la version de l'Assemblée nationale à la suite de l'adoption de quatre amendements émanant des groupes Union Centriste, Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants et Rassemblement Démocratique et Social Européen. La pratique démontrera, je l'espère, que nos craintes étaient infondées et que les JAF auront à se prononcer rapidement sur ces suspensions lorsqu'elles ne sont pas dans l'intérêt de l'enfant. C'est notre priorité, je crois, à toutes les deux.

Avec Isabelle Santiago, nous vous proposons d'apporter une modification à cet alinéa afin de coordonner la disposition avec le nouvel article 378 du code civil que nous avons adopté à l'article 2. Les juridictions pénales seraient désormais tenues d'ordonner le retrait de l'autorité parentale ou de l'exercice de l'autorité parentale, sauf décision contraire spécialement motivée, en cas de condamnation d'un parent comme auteur d'un crime ou d'une agression sexuelle incestueuse commis sur la personne de son enfant ou d'un crime commis sur la personne de l'autre parent.

Il est donc inutile de prévoir une suspension automatique en cas de condamnation pour ces infractions. C'est la juridiction pénale elle-même qui prononcerait le retrait et si par extraordinaire, elle ne le faisait pas, il n'y a aucune raison de remettre en cause cette décision prise en considération de l'intérêt de l'enfant par une suspension automatique.

Enfin, je remercie Isabelle Santiago d'avoir bien voulu renoncer à l'alinéa 3 de l'article 1er. Cette disposition nous semblait en effet inutile compte tenu de l'obligation qui serait désormais faite aux juridictions pénales qui condamnent un parent pour un délit commis sur la personne de son enfant, autre qu'une agression sexuelle incestueuse, de se prononcer sur le retrait total ou partiel de l'autorité parentale ou sur le retrait de l'exercice de cette autorité. Là encore, il n'est pas nécessaire de prévoir une suspension automatique puisque la juridiction pénale elle-même aurait à décider de la mesure.

Je me réjouis que nous soyons parvenus à un accord sur un texte juridiquement robuste et je remercie encore une fois Isabelle Santiago d'avoir accepté ces derniers ajustements.

Je crois réellement que le travail de nos deux assemblées changera la manière dont les juridictions pénales se saisiront de la question de l'autorité parentale. Elles étaient réticentes à le faire s'agissant d'une problématique de nature civile : nous leur donnons tous les outils pour qu'elles se saisissent de cette question fondamentale et protègent mieux les enfants.

Mme Béatrice Roullaud, députée. - Dans la version proposée de l'article 1er, il n'est donc plus question des violences volontaires ayant entraîné une ITT de plus de huit jours.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - En effet.

Mme Béatrice Roullaud, députée. - Je tiens à préciser que j'aurais souhaité voir cette disposition maintenue.

Mme Isabelle Santiago, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Si cela peut vous rassurer, la disposition est couverte par l'article 2.

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La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à mieux protéger et accompagner les enfants victimes et covictimes de violences intrafamiliales.

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