N° 324
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024
Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 février 2024
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur la proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales,
Par M. Hussein BOURGI,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, président ; M. Christophe-André Frassa, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Marc-Philippe Daubresse, Jérôme Durain, Philippe Bonnecarrère, Thani Mohamed Soilihi, Mme Cécile Cukierman, MM. Dany Wattebled, Guy Benarroche, Mme Nathalie Delattre, vice-présidents ; Mmes Agnès Canayer, Muriel Jourda, M. André Reichardt, Mme Isabelle Florennes, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Philippe Bas, Mme Nadine Bellurot, MM. Olivier Bitz, François Bonhomme, Hussein Bourgi, Ian Brossat, Christophe Chaillou, Mathieu Darnaud, Mmes Catherine Di Folco, Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, Françoise Gatel, Laurence Harribey, Lauriane Josende, MM. Éric Kerrouche, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Audrey Linkenheld, MM. Alain Marc, Hervé Marseille, Michel Masset, Mmes Marie Mercier, Corinne Narassiguin, M. Paul Toussaint Parigi, Mme Olivia Richard, M. Pierre-Alain Roiron, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger, M. Francis Szpiner, Mmes Lana Tetuanui, Dominique Vérien, M. Louis Vogel, Mme Mélanie Vogel.
Voir les numéros :
Sénat : |
4 et 325 (2023-2024) |
L'ESSENTIEL
La proposition de loi créant une dérogation à la participation minimale pour la maîtrise d'ouvrage pour les communes rurales, déposée par les sénateurs Dany Wattebled, Marie-Claude Lermytte et plusieurs de leurs collègues, vise à introduire une nouvelle dérogation, à destination des communes rurales, au taux de participation minimale de 20 % exigé des collectivités territoriales pour les projets d'investissement dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage.
L'application de cette règle de participation minimale apparaît en effet disproportionnée pour les communes rurales, dont les budgets sont particulièrement contraints et qui ne peuvent, en conséquence, lancer les projets d'investissement dont elles ont pourtant cruellement besoin.
Face à ces difficultés et afin de soutenir l'investissement des communes rurales, la proposition de loi entend exonérer les communes rurales de l'obligation de participation minimale aux opérations d'investissement dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage.
La commission s'est montrée favorable à la création de cette nouvelle exonération, qui permettra de soutenir l'investissement des communes rurales et a en conséquence adopté la proposition de loi le mercredi 7 février 2024, en la modifiant par deux amendements de son rapporteur, afin notamment de cibler la dérogation sur les communes dont les budgets sont les plus contraints.
I. LES RÈGLES ENCADRANT LA PARTICIPATION MINIMALE DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES MAÎTRES D'OUVRAGES PÉNALISENT L'INVESTISSEMENT DES COMMUNES RURALES
A. LA PARTICIPATION DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AUX PROJETS DONT ELLES ASSURENT LA MAÎTRISE D'OUVRAGE A ÉTÉ ENCADRÉE POUR LIMITER LES FINANCEMENTS CROISÉS
1. Les inconvénients liés au développement des financements croisés
La participation financière des collectivités territoriales aux opérations d'investissement était faiblement encadrée à l'origine. Cet encadrement a eu pour conséquence le développement des financements croisés (ou cofinancements) qui se définissent par la participation financière de plusieurs personnes publiques en vue de la réalisation d'un projet d'investissement commun.
Les financements croisés présentent des avantages indéniables. Ils permettent aux collectivités territoriales disposant de faibles ressources financières de lancer des investissements, grâce au soutien financier des autres strates. Ils favorisent en outre la coopération entre les différents niveaux de collectivités locales et limitent les erreurs dans les dossiers d'investissement, ces derniers étant analysés par plusieurs acteurs.
Toutefois, le développement des cofinancements présente également des inconvénients multiples :
- les cofinancements portent atteinte à la transparence et à la lisibilité de l'action publique, en ce que les citoyens ne parviennent plus à identifier l'auteur d'un investissement ;
- ils allongent les délais de réalisation des opérations d'investissement, le montage des dossiers étant beaucoup plus complexe en raison de la multiplicité des acteurs ;
- ils sont susceptibles d'entraîner, dans les faits, la mise en place d'une tutelle d'une collectivité territoriale sur une autre ;
- enfin, les cofinancements ne favorisent pas la maîtrise de la dépense publique ni la responsabilisation des collectivités territoriales dans le choix de leurs investissements.
2. L'encadrement de la participation minimale des collectivités territoriales aux projets d'investissement dont elles assurent la maîtrise d'ouvrage
Face aux inconvénients posés par le recours aux financements croisés, plusieurs règles ont été introduites afin de limiter leur développement par la loi dite « RCT » de 20101(*), complétée par la loi dite « MAPTAM » de 20142(*).
Désormais, la participation financière des collectivités territoriales aux projets d'investissement est encadrée par le code général des collectivités territoriales.
En premier lieu, l'article L. 1111-10 du code précité prévoit que toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales, maître d'ouvrage d'une opération d'investissement, doit assurer une participation minimale de 20 % au financement de ce projet, ce taux étant apprécié au regard du montant total des financements apportés par des personnes publiques.
En second lieu, l'article L. 1111-9 du même code impose aux collectivités territoriales « chef de file » d'assurer une participation minimale de 30 % au financement des projets dont elles sont maîtres d'ouvrage, ce taux étant également apprécié par rapport au montant total des financements apportés par des personnes publiques.
* 1 Loi n° 2010-1563 du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales.
* 2 Loi n° 2015-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles.