DEUXIÈME PARTIE :
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS DES
RAPPORTEURS SPÉCIAUX
I. UN PARTENARIAT ÉTAT-DÉPARTEMENTS À CONSOLIDER
Les rapporteurs spéciaux avaient consacré une partie de leur rapport sur le PLF 202311(*) à la contractualisation entre l'État et les départements dans le cadre de la Stratégie pauvreté. En conclusion de leurs travaux, ils relevaient, malgré des moyens limités, de premiers résultats encourageants. Ils recommandaient également de tirer les enseignements de la première génération de conventions d'appui à la lutte contre la pauvreté et d'accès à l'emploi (Calpae) en cas de poursuite de cette démarche. Ils préconisaient ainsi :
- de mieux anticiper afin de laisser toute sa place à la concertation sur les modalités concrètes d mise en oeuvre des contrats.
- d'assouplir la gestion des contrats à partir d'un engagement pluriannuel sur les montants financiers faisant l'objet de la contractualisation ;
- de laisser plus de place aux initiatives locales, qui ne représentaient que 26 % des crédits dédiés au Calpae ;
- de rationnaliser le paysage contractuel, l'exécution des Calpae ayant été marquée par la multiplication des dispositifs intervenant dans un champ similaire, en harmonisant des calendriers et des clauses administratives et financières, et en articulant entre eux les contrats passés avec d'autres collectivités.
A. UN PARTENARIAT RENOUVELÉ ENTRE L'ÉTAT ET LES DÉPARTEMENTS DANS LE CADRE DU « PACTE DES SOLIDARITÉS » ?
1. De la « Stratégie pauvreté » au « Pacte des solidarités »
La Stratégie nationale de prévention et de lutte contre la pauvreté engagée depuis 2018 a, selon l'Association des Départements de France (ADF), impulsé une nouvelle démarche partenariale au plan national, régional et départemental. Le Pacte des solidarités qui en prend aujourd'hui le relai entend approfondir la dynamique d'investissement social impulsée depuis cinq ans.
Selon la direction générale de la cohésion sociale (DGCS), le Pacte des Solidarités « incarne une approche interministérielle de la lutte contre la pauvreté en s'inscrivant sur la durée, via l'engagement du gouvernement sur la période 2024-2027. »
Le « Pacte des solidarités »
Quatre orientations ont été affirmées dès le lancement de la concertation en 2022. Elles sont déclinées en 25 mesures, qui s'inscrivent dans les grandes réformes du quinquennat :
- Axe 1 « Prévenir la pauvreté et lutter contre les inégalités dès l'enfance » : poursuivre et amplifier la politique de prévention de la pauvreté en s'appuyant notamment sur le service public de la petite enfance et en agissant aux âges clés pour prévenir les inégalités touchant les personnes précaires et modestes ;
- Axe 2 « Amplifier la politique d'accès à l'emploi pour tous » : garantir le dernier kilomètre de France travail en touchant les personnes les plus éloignées de l'emploi et développer un choc d'offre pour lever les freins périphériques à l'emploi ;
- Axe 3 « Lutter contre la grande exclusion grâce à l'accès aux droits » : compléter le chantier de la Solidarité à la source, en déployant massivement les démarches d'aller vers et les accueils sociaux pour lutter contre le nonrecours, et du Logement d'abord pour prévenir les expulsion ;
- Axe 4 « Construire une transition écologique solidaire » : lutter contre les dépenses contraintes en matière de logement, de mobilité, d'eau et d'énergie en facilitant l'accès aux aides et permettre l'accès à une alimentation de qualité. Cet axe s'inscrit en cohérence avec la mise en place du fonds vert, le développement de MaPrimeRénov' ou encore le relèvement des obligations du Certificat d'économies d'énergie-précarité.
Source : réponses de la DGCS, entendue par les rapporteurs spéciaux
Toujours selon la direction général de la cohésion sociale (DGCS), le « Pacte » engage une augmentation de 50 % des crédits dédiés à la lutte contre la pauvreté d'ici 2027 par rapport à la stratégie pauvreté en 2023, finançant 25 mesures. Il mobilise des crédits de la Sécurité Sociale et des crédits de l'État sur plusieurs programmes budgétaires12(*), dont le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Le Pacte des Solidarités représenterait ainsi 190 millions d'euros sur le programme 304 au titre du Pacte des Solidarités en 2024.
La contractualisation avec les conseils départementaux et les métropoles bénéficiera d'un financement à hauteur de 102,5 millions d'euros dès 2024 sur le programme budgétaire 304, soit 53,9 % des crédits dédiés au « Pacte », 90 millions d'euros étant destinés à la contractualisation avec les départements et 12,5 millions d'euros pour les métropoles.
Les rapporteurs spéciaux relèvent que le Pacte des Solidarités ne correspond pas à la nomenclature budgétaire, ses actions étant financées sur sept programmes budgétaires différents, appartenant à trois missions différentes, en plus des crédits de la Sécurité sociale. Des actions déjà financées y sont par ailleurs reprises, dans une perspective de valorisation discutable : ainsi, le programme « Mieux manger pour tous » qui existait avant l'annonce du Pacte des Solidarités et qui s'impute sur une autre action du programme 304, est plusieurs fois mentionné au titre du « Pacte ».
Les rapporteurs spéciaux relèvent enfin, en ce qui les concerne, que les crédits dédiés au Pacte des Solidarités sur le programme 304 est en diminution de 25,8 % par rapport aux crédits qui y étaient budgétés au titre de la Stratégie pauvreté en PLF 2023.
2. Les points de vigilance des rapporteurs spéciaux sur la mise en oeuvre de la deuxième génération de contrats État-départements
a) Un meilleur respect des initiatives locales
La DGCS a indiqué aux rapporteurs spéciaux avoir souhaité tirer les enseignements des précédentes conventions. Une nouvelle génération de contrats est prévue, à travers les « pactes locaux des solidarités » - les contrats avec les régions, déjà peu nombreux, ayant été abandonnés.
Cette nouvelle génération de contrats se veut plus respectueuse des initiatives locales que la précédente. La DGCS a ainsi indiqué « qu'il n'y aura plus de mesures obligatoires, les actions à déployer étant déterminées à la suite du travail de diagnostic territorial qui aura permis d'identifier des besoins prioritaires sur le territoire concerné et en conformité avec les référentiels de cadrage nationaux. »
Cette évolution est accueillie avec satisfaction par les rapporteurs spéciaux, qui seront vigilants à sa mise en oeuvre effective. Elle semble également rejoindre les souhaits des départements, à savoir le caractère volontaire de la contractualisation et son adaptation au plus près des réalités locales, selon les priorités définies par les élus locaux.
b) Des mécanismes de contractualisation qui peuvent être encore assouplis
La DGCS a également indiqué que « chaque action définie localement devra faire l'objet d'indicateurs de réalisation et de performance définis entre les services déconcentrés de l'État et la collectivité cocontractante » ; l'administration maintient que, de manière complémentaire, « quelques indicateurs nationaux obligatoires » sont prévus.
Les rapporteurs spéciaux s'interrogent sur la mise en oeuvre concrète de cette mécanique contractuelle. Ils avaient en effet appelé de leurs voeux des indicateurs « rationnalisés » et faisant l'objet d'un « diagnostic partagé sur les finalités de l'action et les cibles crédibles ». Le maintien, en plus des indicateurs négociés au sein des conventions État-départements, d'indicateurs nationaux, apparaît comme en contradiction avec les objectifs recherchés.
Les rapporteurs sont en revanche satisfaits que les pactes locaux des solidarités soient à l'avenir conclus pour une durée de 4 ans, sur la période 2024-2027, avec un engagement financier pluriannuel qui rejoint leurs recommandations de l'année dernière. De même le suivi annuel de la convention et des actions sera allégé en contrepartie d'une évaluation approfondie faite à mi-parcours et pouvant donner lieu à des reprises de crédits ultérieurs.
* 11 MM. Arnaud Bazin et Éric Bocquet, Annexe n° 30 « Solidarité, insertion et égalité des chances » au Rapport général n° 115 (2022-2023) - 17 novembre 2022.
* 12 D'autres programmes concernés sont les programmes 137 et 124 sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », 102 et 103 sur la mission « Travail et emploi » et 174 et 177 sur la mission « Cohésion des territoires ».