II. UNE STABILITÉ EN TROMPE-L'oeIL DE L'AIDE MÉDICALE D'ÉTAT

Le programme 183 « Protection maladie » est quasi-exclusivement constitué des crédits destinés à l'aide médicale d'État (AME).

Les différents dispositifs d'aide médicale d'État

L'aide médicale d'État (AME) recouvre plusieurs dispositifs :

1. L'AME de droit commun est consacrée à la protection de la santé des personnes étrangères vivant en France depuis au moins trois mois consécutifs en situation irrégulière et, de ce fait, non éligibles à la protection universelle maladie (PUMa). Ces personnes ne doivent pas disposer de ressources dépassant un certain plafond annuel (9 571 euros pour une personne seule en métropole en 2022). Elle permet un accès de ce public à des soins préventifs et curatifs et doit permettre de juguler le risque d'extension d'affections contagieuses non soignées au sein de la population. Gérée par l'assurance maladie, elle représente 1 137 millions d'euros dans le présent projet de loi de finances, soit 94,1 % des crédits de l'action n° 2 ;

2. L'AME pour soins urgents concerne les étrangers en situation irrégulière, sans condition de résidence, dès lors que leur pronostic vital est engagé ou qu'ils sont victimes d'une altération grave et durable de leur état de santé. Les soins sont réglés par l'assurance maladie, qui bénéficie d'une subvention forfaitaire versée par l'État. Cette dotation a été portée à 70 millions d'euros en 2022, pour s'ajuster aux dépenses effectivement constatées, et son montant est inchangé pour 2024 ;

3. Enfin, de manière beaucoup plus limitée et pour un montant évalué à 1 million d'euros pour 2023, identique à celui de 2023, sont financées par l'AME :

- L'AME humanitaire, qui vise les prises en charge ponctuelles de soins hospitaliers de personnes françaises ou étrangères ne résidant pas sur le territoire. Cette couverture est accordée au cas par cas par le ministère chargé de l'action sociale et doit permettre, chaque année, à une centaine de personnes disposant de faibles revenus de régler une dette hospitalière ;

L'aide médicale accordée aux personnes gardées à vue qui se limite à la prise en charge des médicaments - si l'intéressé ne dispose pas des moyens nécessaires à leur acquisition - et aux actes infirmiers prescrits, ainsi que l'aide médicale fournie aux personnes placées en rétention administrative pour les soins prodigués à l'extérieur des lieux de rétention.

Ces deux dispositifs donnent lieu à des délégations de crédits aux directions départementales de l'emploi, du travail et des solidarités.

Source : commission des finances du Sénat

Il comporte également une dotation de 8 millions d'euros destinée au Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (FIVA) dont le montant, inchangé depuis 2017, ne représente qu'un très faible part des ressources du fonds (458,5 millions d'euros prévus en 2024), celles-ci étant majoritairement constituées d'une dotation de la branche « accidents du travail - maladies professionnelles » de la sécurité sociale. Cette dotation est versée au titre de la prise en charge, par la solidarité nationale, de l'indemnisation des victimes non professionnelles de l'amiante.

L'aide médicale d'État, pour sa part, semble connaître une stagnation de ses crédits (- 0,33 %) entre 2023 et 2024, passant de 1 212,3 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2023 à 1 208,3 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2024.

Une telle stabilité est cependant illusoire : comme indiqué précédemment, le projet de loi de finances de fin de gestion pour 2023 prévoit en effet d'annuler 65,8 millions d'euros sur le programme 183, portant les crédits ouverts pour 2023 à « seulement » 1 146 millions d'euros. Les crédits demandés pour 2024 sont en hausse de 5,4 % par rapport à l'exécution attendue en 2023.

Évolution des dépenses de l'aide médicale d'État

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires

A. L'AME CONNAÎTRAIT UNE HAUSSE DE SES DÉPENSES ET DU NOMBRE DE SES BÉNÉFICIAIRES

En dépit d'une progression soutenue du nombre moyen de bénéficiaires sur l'année (+ 11,6 %), les dépenses d'AME de droit commun ont reculé en 2020 (- 5,5 %). Inversement, on constate en 2021 une moindre progression du nombre moyen de bénéficiaires (+ 3,3 %) et une nette augmentation des dépenses (+ 9,8 %).

En 2023, l'augmentation du nombre moyen de bénéficiaires sur l'année se poursuivait au même rythme qu'en 2022 (+ 5,2 % en 2022, + 5,6 % au premier trimestre 2023).

De même, après une faible augmentation entre 2021 et 2022 (+ 2 %) et une forte hausse en 2023 (+ 13 %), la progression des dépenses d'AME retrouverait en 2024 son rythme tendanciel d'avant crise, à 5,4 %.

Évolution du nombre moyen de bénéficiaires
et des dépenses d'AME de droit commun

(en millions d'euros et en nombre de bénéficiaires)

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires et les réponses au questionnaire budgétaire

On comptait, fin 2022, 411 364 bénéficiaires de l'AME de droit commun, soit environ 31 000 de plus qu'un an auparavant (380 762). Le nombre de bénéficiaires était en hausse au 1er trimestre 2023 (422 686), soit une hausse de 2,75 % en trois mois.

Le dispositif est significativement concentré sur l'Île-de-France, qui totalise plus de la moitié des bénéficiaires, et la Guyane, qui en représente plus de 10 % ; il n'est pas applicable à Mayotte. Dans ce département, une participation forfaitaire est demandée aux patients en situation irrégulière, dont le nombre est difficile à évaluer14(*). L'essentiel des frais de santé correspondants est financé par l'assurance maladie, sur les crédits du Fonds d'intervention régional15(*) (FIR).

Nombre de bénéficiaires de l'AME de droit commun en fin d'année

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023 (2)

Métropole

286 669

285 365

296 271

339 745

340 282

365 171

376 973

dont Île-de-France

165 612

163 202

168 768

194 183

190 159

201 819

206 115

Outre-mer (1)

29 166

32 741

38 275

43 154

40 480

46 193

45 713

dont Guyane

25 178

29 533

34 510

39 145

36 566

40 870

39 966

Total

315 835

318 106

334 546

382 899

380 762

411 364

422 686

(1) Guadeloupe, Martinique, Guyane et La Réunion. L'AME ne s'applique pas à Mayotte.

(2) Les données après le premier trimestre 2023 ne sont pas disponibles à ce jour.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les réponses au questionnaire budgétaire


* 14 Selon l'Insee, en 2015, la moitié des étrangers non natifs de Mayotte se trouvait en situation administrative irrégulière (Insee analyses La Réunion Mayotte, n° 12, mars 2017), soit sans doute plus de 40 000 personnes compte tenu du nombre d'étrangers nés à l'étranger, évalué à près de 82 000 en 2017 (Insee, « À Mayotte, près d'un habitant sur deux est de nationalité étrangère », Insee Première, n° 1737, février 2019).

* 15 Voir à ce sujet le rapport d'information n° 833 (2021-2022) de la commission des affaires sociales : Mayotte : un système de soins en hypertension - juillet 2022.

Partager cette page