LES MODIFICATIONS CONSIDÉRÉES COMME ADOPTÉES
PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN APPLICATION DE L'ARTICLE 49, ALINÉA 3 DE LA CONSTITUTION

Dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité en application de l'article 49, alinéa 3 de la Constitution, le Gouvernement n'a retenu aucun amendement relatif aux crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 8 novembre 2023, sous la présidence de M. Thierry Cozic, vice-président, la commission a examiné le rapport de M. Claude Raynal, rapporteur spécial, sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

M. Thierry Cozic, président. - Mes chers collègues, nous examinons, cet après-midi, le rapport consacré au compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » (CAS PFE).

M. Claude Raynal, rapporteur spécial du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ». - Je souhaiterais développer trois idées principales, en commençant par une analyse de la situation du compte, puis en effectuant un retour sur la situation du portefeuille de l'État actionnaire et, enfin, en présentant une projection sur les priorités que l'État actionnaire devrait se fixer pour les exercices à venir.

Marqué depuis 2020 du sceau des conséquences économiques de la crise sanitaire, le compte subit désormais les contrecoups du contexte international, tant pour ses dépenses, avec d'importants moyens mobilisés pour aider les entreprises du portefeuille, que pour ses recettes, du fait de l'interruption des cessions d'actifs. Il a ainsi fallu recourir à des versements du budget général pour l'alimenter.

Cette logique se poursuit en 2024, dans la mesure où les recettes du budget général représenteront environ 98 % des recettes du compte. Sur près de 10 milliards d'euros de recettes envisagées, les recettes de cession du compte, soit les recettes « normales » - si tant est que ce terme ait encore un sens - s'élèveront à 45 millions d'euros, soit 0,5 % pour une opération qui reste, à ce stade, confidentielle.

La confidentialité limite d'ailleurs très largement l'analyse prévisionnelle des crédits : à ce jour, sur 1,9 milliard d'euros dédiés aux opérations relevant du périmètre de l'État actionnaire, 97,4 % des crédits envisagés à ce titre ne peuvent être détaillés, au motif que « le caractère de ces opérations reste confidentiel, afin de ne pas porter préjudice aux intérêts patrimoniaux de l'État ». Si nous pouvons comprendre l'argument de la confidentialité des opérations, il limite très nettement la capacité d'appréciation du Parlement sur le compte pour l'année à venir.

Par ailleurs, l'inscription de 6,5 milliards d'euros au titre de la contribution au désendettement de l'État s'avère une mesure d'affichage budgétaire, dont personne n'est dupe : la contribution au désendettement vient, en réalité, nourrir d'autant le déficit prévu pour l'an prochain.

J'en arrive à la situation du portefeuille de l'État actionnaire, caractérisé par son dynamisme depuis la fin de la crise sanitaire. Le commissaire aux participations de l'État a indiqué publiquement que le portefeuille avait ainsi augmenté de 27,4 % entre le 31 décembre 2021 et le 30 juin 2023, alors que le CAC 40 avait progressé de 3,5 % sur la même période.

Les dates de référence sont cependant savamment choisies : cette différence illustre principalement une moindre reprise du portefeuille de l'État actionnaire à la fin décembre 2021, à la différence du CAC 40, qui, lui, a connu un pic de valorisation à cette période. Sur une échelle plus courte, entre juin 2022 et juin 2023, le portefeuille coté a dégagé un rendement actionnarial de 31,5 %, soit un niveau légèrement supérieur à celui du CAC 40, qui s'est élevé à 28,9 % sur la même période.

Concernant EDF, la nationalisation a été menée à son terme, aboutissant au retrait de la cote le 8 juin dernier. L'opération, d'un montant de 9,7 milliards d'euros, laisse néanmoins entièrement ouverte la question de la situation financière du groupe, dont la dette avoisine 65 milliards d'euros et dont les besoins d'investissements sont évalués entre 20 milliards d'euros et 25 milliards d'euros par an.

Par ailleurs, je tiens à évoquer une opération concernant les titres super-subordonnés souscrits par l'Agence des participations de l'État (APE) au profit d'Air France-KLM : l'entreprise a remboursé les titres et en a souscrit de nouveaux, pour un montant d'environ 700 millions d'euros. Cette opération, autorisée par la Commission européenne, a permis de lever un certain nombre de contraintes opérationnelles qui pesaient sur le groupe.

J'en viens, enfin, au rôle que pourrait jouer l'État actionnaire à l'avenir et aux défis auxquels il sera confronté. Je considère, à l'instar de mon prédécesseur Victorin Lurel, que la formalisation d'une nouvelle doctrine d'intervention par l'APE est indispensable. En effet, alors que la doctrine de 2017 est depuis longtemps dépassée, ce travail ne saurait être de nouveau reporté.

Certes, des éléments de doctrine épars apparaissent dans le rapport annuel de l'APE, mais il importe désormais qu'ils soient présentés de façon cohérente et hiérarchisée. Dans le rapport annuel, le commissaire aux participations de l'État dresse ainsi un inventaire à la Prévert des priorités de l'Agence : « responsabilité sociale et environnementale, transition énergétique, innovation, disruption, réindustralisation verte, résilience, achat responsable et local », etc. Si ces objectifs peuvent tous paraître légitimes, il est temps que l'APE et le Gouvernement clarifient la feuille de route de l'État actionnaire.

Les participations financières de l'État doivent aujourd'hui être mobilisées comme un outil de politique économique à part entière. Je considère que l'État doit être clair et déterminé pour faire face, notamment, aux défis des transitions écologique et numérique.

Avant de conclure mon propos, je souhaite revenir rapidement sur le vote, en commission des finances de l'Assemblée nationale, d'un amendement visant à nationaliser temporairement certains actifs stratégiques de l'entreprise Atos, en particulier ceux qui sont liés aux supercalculateurs et à la cybersécurité, même s'il n'est pas retenu après l'utilisation du troisième alinéa de l'article 49 de la Constitution.

Je considère que le maintien, dans le giron français, d'activités contribuant à notre souveraineté doit être défendu, et que la réorganisation comme le rachat d'une partie de l'entreprise méritent la plus grande attention. Je propose donc que nous suivions tout particulièrement ce sujet dans la perspective de la séance publique, afin d'en tirer les conséquences si une intervention en capital publique s'avérait nécessaire pour défendre notre souveraineté.

Enfin, concernant le programme 732 dédié au désendettement de l'État, nous n'avons que trop dénoncé, dans notre commission, un pur effet d'affichage. Par ailleurs, le remboursement qui apparaît sur le CAS PFE creuse le déficit. Je propose, en cohérence avec l'amendement qui sera ensuite présenté par notre collègue Albéric de Montgolfier sur la mission « Engagements financiers de l'État », de supprimer ces crédits.

Sous cette dernière réserve, je vous propose d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État ».

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le rapport dresse le constat, déjà évoqué à l'occasion de l'examen d'autres missions, d'une absence de priorités clairement établies. L'État ne définit pas sa stratégie en tant qu'État actionnaire, ce qui n'est pas satisfaisant. De la même manière, je m'inscris dans les pas du rapporteur au sujet de la « dette covid ».

Concernant l'entreprise Atos, le ministre délégué chargé du numérique ne m'a pas semblé très à l'aise lorsqu'il a été interrogé en séance sur le sujet. Soyons particulièrement attentifs et prudents quant au devenir de cette entreprise à caractère stratégique.

M. Albéric de Montgolfier. - Je soutiens l'amendement du rapporteur spécial, qui converge avec le mien pour relever le caractère artificiel du programme 732.

Par ailleurs, pensez-vous que l'État peut être un bon actionnaire dès lors qu'il cherche à atteindre des objectifs contradictoires ? Il peut, en effet, demander à une entreprise telle qu'EDF de dégager un maximum de dividendes, tout en limitant en même temps, pour des raisons sociales, le prix de l'énergie.

N'existe-t-il donc pas un problème de doctrine par rapport à l'actionnaire d'une entreprise privée, qui cherche en premier lieu à la développer et éventuellement à percevoir des dividendes ? Dépourvu d'une véritable doctrine, l'État cherche à la fois à atteindre des objectifs d'intérêt général et des objectifs plus politiques, l'entreprise publique jouant le rôle de variable d'ajustement.

M. Grégory Blanc. - Comment l'État actionnaire peut-il bâtir une doctrine s'agissant des entreprises impliquées dans la transition environnementale ? Surtout, de quelle manière ces entreprises peuvent-elles s'inscrire dans une trajectoire de développement des filières économiques ?

Certes, des outils ont été déployés afin d'accompagner les conversions des structures existantes, notamment dans le cadre de la transition vers une industrie verte, mais il faudrait aussi et surtout accompagner les entreprises en vue de leur permettre de devenir des géants dans leurs secteurs respectifs. Cet enjeu de politique économique renvoie à la problématique de l'adéquation entre une stratégie de gouvernance - au travers des participations prises dans certaines firmes - et la politique de développement de véritables filières.

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - Le premier problème du CAS PFE est qu'il ne fonctionne pas comme un compte d'affectation spéciale. Dans le cadre du CAS PFE, l'État est censé vendre des participations - dont la valorisation est censée, en dehors des périodes de crise, croître avec le temps - et utiliser le produit de ces ventes pour racheter des parts dans d'autres entreprises, en adéquation avec des politiques données. Or nous nous sommes éloignés de ce principe, dans la mesure où le CAS PFE ne procède à aucune vente, à l'exception d'une cession aussi modeste que confidentielle, qui devrait dégager un produit de 45 millions d'euros.

Dans le même temps, le rachat intégral d'EDF fait écho à l'interrogation de M. Blanc, puisqu'il lui est à la fois demandé de développer de nouveau la filière nucléaire et de devenir un acteur majeur dans le secteur des énergies renouvelables. Si cette opération vise à refaire d'EDF un outil d'intérêt national, elle est réalisée non pas par le biais des recettes du CAS, mais au moyen d'un abondement des crédits de ce dernier par l'État.

L'État ne s'arrête d'ailleurs pas en chemin en affichant une politique de remboursements de la dette covid par l'intermédiaire du CAS : il recourt ainsi à un artifice peu glorieux, d'où la présentation d'un amendement que je vous invite à reprendre, puisqu'il avait été adopté dans des termes identiques l'année dernière.

J'en viens à la question, très ouverte, de la capacité de l'État à être un bon actionnaire : peut-il l'être ? Doit-il l'être ? S'il venait à investir dans des entreprises aussi stables et rentables que Total ou LVMH, il en retirerait à l'évidence des bénéfices, mais son rôle consiste davantage, me semble-t-il, à soutenir des projets comportant une part de risque, dont les activités appuyant la transition énergétique ou présentant un caractère stratégique. Sous cette réserve, rien ne s'oppose à ce que l'État joue un rôle d'actionnaire.

Il n'en reste pas moins qu'un manque de clarté persiste quant à la cohérence des actions de l'APE, de Bpifrance et de la Caisse des dépôts et consignations, elle-même actionnaire dans un certain nombre d'entreprises. S'il nous est répété, chaque année, que ces trois structures discutent entre elles sous l'égide du ministre de l'économie, la répartition des compétences et des priorités entre ces acteurs reste peu lisible, malgré l'apport de quelques clarifications au sujet de Bpifrance.

Cette impression d'une absence de doctrine s'illustre par l'utilisation de l'APE comme un outil d'intervention de confort, manié plutôt en fonction des politiques du moment qu'en application d'une véritable stratégie. Le rachat d'EDF constitue un cas à part, la participation à 100 % lui permettant de bénéficier de la garantie de l'État et donc de taux d'emprunt moins élevés.

L'État pourrait, en théorie, être un bon actionnaire, mais il est aujourd'hui dépourvu des moyens qui lui permettraient de l'être, dans la mesure où toutes les opérations sont effectuées par le biais de son budget, et non de la vente de participations.

En contrepoint, un élément positif mérite d'être signalé : après une période morose, le portefeuille de l'État renoue avec le dynamisme et permet d'abonder le budget général d'environ 2,2 milliards d'euros, même si, de l'autre côté, 9,7 milliards d'euros ont été mobilisés pour le rachat d'EDF.

En conclusion, la doctrine de l'État mériterait d'être clarifiée afin d'élaborer une véritable stratégie qui prendrait le pas sur des décisions par à-coups.

Article 37 (État D)

M. Claude Raynal, rapporteur spécial. - L'amendement n°  II-6 (FINC.1) vise à annuler 6,5 milliards d'euros de crédits de paiement du programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État » du CAS PFE, qui sont affectés à la Caisse de la dette publique. Il s'agit avant tout de montrer que nous ne sommes pas dupes du procédé consistant à faire apparaître un remboursement de la dette covid et tout en créant une autre dette pour l'État.

L'amendement n°  II-6 (FINC.1) a été adopté.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État », sous réserve de l'adoption de son amendement.

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Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.

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