N° 128

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2023-2024

Enregistré à la Présidence du Sénat le 23 novembre 2023

RAPPORT SPÉCIAL

FAIT

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2024,

Par M. Jean-François HUSSON, 

Rapporteur général,

Sénateur

TOME III

LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

(seconde partie de la loi de finances)

ANNEXE N° 12

ÉCONOMIE

COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS : PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS

Rapporteur spécial et Rapporteure spéciale : M. Thierry COZIC
et Mme Frédérique ESPAGNAC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16ème législ.) : 1680, 1715, 1719, 1723, 1745, 1778, 1781, 1805, 1808, 1820 et T.A. 178

Sénat : 127 et 128 à 134 (2023-2024)

L'ESSENTIEL

La mission « Économie » rassemble une partie des instruments budgétaires et des moyens des administrations et des opérateurs déployés en faveur de l'emploi, la croissance, la compétitivité des entreprises, les exportations, la concurrence et la protection des consommateurs.

Globalement, les crédits demandés pour 2024 pour la mission baissent fortement en autorisations d'engagement (AE), de 3,37 milliards d'euros par rapport à 2023 (- 45 %), et en crédits de paiement (CP), de 3,63 milliards d'euros (- 46 %). Néanmoins, cette évolution générale est attribuable au fait que la mission a porté, en 2023, 4 milliards d'euros de crédits dédiés au guichet temporaire d'aide au paiement des factures d'électricité et de gaz des entreprises très consommatrices en énergie. Or, en 2024, aucun crédit n'est prévu à ce titre. En neutralisant cette évolution ponctuelle, les crédits sont en hausse, de 17,8 % en AE (+ 630 millions d'euros) et de 9,6 % en CP (+ 375 millions d'euros).

Évolution des crédits de la mission- hors guichet d'aide temporaire

(en millions d'euros et en %)

La hausse est concentrée sur quatre dispositifs du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » :

deux d'entre eux connaissent une évolution mécanique ou ponctuelle, à savoir la « compensation carbone » (+ 218 millions d'euros en AE=CP), du fait de la hausse du prix du quota carbone en Europe, et la rémunération de Bpifrance Assurance Export (Bpifrance AE), en augmentation de 246 millions d'euros en AE, compte tenu de l'engagement en 2024 de toutes les AE prévues dans la nouvelle convention avec l'État, applicable jusqu'en 2028 ;

pour les deux autres dispositifs, la hausse est volontaire : une ligne de financement de diverses missions de Bpifrance est rétablie, pour 100 millions d'euros en AE=CP, et un fonds territorial d'accessibilité est créé, pour 50 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP.

Les autres programmes connaissent des évolutions plus modestes, à l'exception du programme 343 « Plan France très haut débit », dont les crédits diminuent de 69 millions d'euros en AE (- 93 %) et de 14 millions d'euros en CP (- 3,3 %), hors mesures de périmètre. Les crédits du programme 220 « Statistiques et études économiques » sont en hausse de 5,9 % en AE (+ 27 millions d'euros) et de 4,1 % en CP (+ 19 millions d'euros) et ceux du programme 305 « Stratégies économiques », en baisse de 1,5 % en AE (- 11 millions d'euros) et de 2,4 % en CP (- 17 millions d'euros). Enfin, le programme 367 « Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2024 sur le CAS PFE » n'est pas doté en crédits en 2024.

I. POUR 2024, LES EMPLOIS ET LES MOYENS DES ADMINISTRATIONS ET OPÉRATEURS DE LA MISSION SONT EN MOYENNE EN LÉGÈRE HAUSSE

Alors que les crédits de fonctionnement de la mission sont globalement stables, les dépenses de personnel sont en hausse de 3,9 % par rapport à 2023, soit d'environ 35 millions d'euros. Le plafond d'emplois de l'État est quant à lui en hausse de 104 ETPT, dont 51 ETPT résultent néanmoins de transferts entrants. Hors transferts, la hausse d'effectifs concerne principalement la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et, dans une moindre mesure, la Direction générale du Trésor (DG Trésor), alors que la Direction générale des entreprises (DGE) et l'INSEE connaissent une certaine stabilité.

Concernant les opérateurs, les moyens de l'Agence nationale des fréquences (ANFR), de Bpifrance AE et de l'Autorité de la concurrence sont en hausse temporaire ou ponctuelle, alors que les autres opérateurs connaissent globalement une stabilité de leurs moyens. Le plafond d'emplois des opérateurs augmente de 46 ETPT, essentiellement au bénéfice de l'ANFR.

A. CONFORMÉMENT À L'ALERTE DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX, LES EFFECTIFS DE LA DGGCRF ONT ÉTÉ RÉAUGMENTÉS DE 49 ETPT EN DEUX ANS

Les effectifs de la DGCCRF avaient baissé de près d'un quart entre 2007 et 2022, soit plus de 900 postes transférés ou supprimés. Dans leur rapport de contrôle réalisé en 2022 sur la DGCCRF1(*), les rapporteurs spéciaux avaient alerté sur les conséquences de ces baisses d'effectif sur le bon accomplissement des missions, en particulier dans certains départements peu dotés en personnel. Ils avaient recommandé de rétablir 49 ETPT, au bénéficie de tous les territoires.

Cette recommandation a été entendue : hors mesures de périmètre, 49 ETPT ont été créés sur deux ans, en 2023 (+ 15 ETPT) et en 2024 (+ 34 ETPT). Cette hausse serait pérennisée au-delà des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) de 2024.

B. LES EFFECTIFS DE LA DG TRÉSOR SONT EN LÉGÈRE HAUSSE, TANDIS QUE CEUX DE SES SERVICES ÉCONOMIQUES À L'ÉTRANGER SONT PRÉSERVÉS

En 2023, les effectifs de la DG Trésor étaient renforcés pour la première fois depuis 2015, hors présidence française de l'Union européenne. C'est également le cas en 2024, le plafond d'emplois étant rehaussé de 19 ETPT, dont 10 ETPT résultent toutefois d'un transfert entrant dans le contexte de la création de la nouvelle sous-direction en charge de l'analyse économique et du conseil sur les politiques publiques relatives à la transition écologique et énergétique.

Concernant son réseau de services économiques à l'étranger, le rapport de contrôle réalisé par les rapporteurs spéciaux en 20212(*) avait montré les limites de la rationalisation opérée. Entre 2009 et 2022, l'effectif des services économiques à l'étranger s'était ainsi réduit d'environ 840 agents. Les rapporteurs spéciaux avaient appelé de leurs voeux la stabilisation de ces effectifs afin de préserver la qualité de la diplomatie économique française. En 2024, pour la troisième année consécutive, les effectifs restent identiques, à 495 ETPT.

C. LES MOYENS DES OPÉRATEURS CONNAISSENT DES DYNAMIQUES VARIABLES

En 2024, c'est l'ANFR qui bénéficie de la plus importante hausse de ses moyens. Son plafond d'emploi augmente de 49 ETPT, tandis que sa dotation est en hausse de près de 10 millions d'euros. Cette dynamique s'explique par la très forte sollicitation de l'ANFR à l'occasion des JOP de 2024 pour l'attribution et le contrôle de l'utilisation de l'ensemble des fréquences, qui emporte de forts enjeux économiques (retransmission des épreuves), de sécurité et techniques. Les moyens supplémentaires de l'ANFR ont vocation à être retirés après les JOP.

D'autres hausses de moyens des opérateurs sont plus ponctuelles, parmi lesquelles l'augmentation en AE de la rémunération de Bpifrance AE susmentionnée. Il en va de même de la hausse de 18,5 millions d'euros en AE des crédits de l'Autorité de la concurrence, dédiée au renouvellement de baux. L'Institut national de la propriété intellectuelle (INPI), Business France et l'ARCEP connaissent globalement une stabilité de leurs moyens, de même que la Banque de France, la baisse apparente de sa rémunération résultant d'un trop-perçu en 2022. Seul Atout France connait une légère baisse des crédits du Plan Destination France en AE, de 2 millions d'euros, et une réduction de ses effectifs de 5 ETPT.

II. L'ESSENTIEL DES DÉPENSES DE LA MISSION EST TOUJOURS CONCENTRÉ SUR QUELQUES DISPOSITIFS

Le plan France très haut débit, les compensations des missions de service public au groupe La Poste et la compensation carbone des sites très électro-intensifs représentent à eux seuls près de trois quarts (74 %, soit 2,5 milliards d'euros) des dépenses « hors titre 2 » de la mission. S'y ajoutent, en 2024, le rétablissement d'une ligne de financement de Bpifrance et la création du fonds territorial d'accessibilité au sein du programme 134. En sens inverse, il est prévu la fin des aides de guichet au paiement des factures d'électricité et de gaz ; ce dispositif, très utile sur le principe, a été mal calibré par le Gouvernement.

A. LE GUICHET PROVISOIRE D'AIDE POUR LES ENTREPRISES TOUCHÉES PAR LA HAUSSE DU PRIX DE L'ÉNERGIE A ÉTÉ MAL CALIBRÉ ET PRENDRAIT FIN EN 2023

Dans le contexte de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, de fortes tensions sont apparues sur le prix de l'énergie. Différentes aides aux entreprises ont progressivement été déployées. Parmi elles, un guichet d'aide au paiement par les entreprises de leurs factures d'énergie a été ouvert en juillet 2022 ; face au nombre réduit d'entreprises soutenues, les critères d'obtention de l'aide ont été élargis et son application a été prolongée en 2023.

Sont éligibles à l'aide les entreprises dont les dépenses d'électricité ou de gaz représentent plus de 3 % de leur chiffre d'affaires et qui ont subi une augmentation d'au moins 50 % du prix de l'énergie pendant la période de demande d'aide. L'aide est octroyée sous un plafond de 4 millions d'euros, qui peut être majoré à 50 ou 150 millions d'euros, en fonction de différents critères.

Le guichet d'aide n'a pas répondu aux ambitions initiales. Alors que 7 milliards d'euros de crédits ont été ouverts depuis 2022 pour le guichet, les dossiers validés à ce jour représentent moins de 12 % de ce montant. Plus de 4 milliards d'euros de crédits ont déjà été annulés. Alors que les besoins d'aide des entreprises sont aigus, cette sous-exécution des crédits souligne deux écueils majeurs. D'une part, les critères du dispositif mis en place ont peut-être été trop restrictifs. D'autre part, le calibrage budgétaire était probablement exagérément ambitieux.

Principaux chiffres relatifs au guichet d'aide temporaire pour les entreprises très consommatrices en électricité et en gaz

 
 
 

Montant des crédits ouverts, en milliards d'euros

Montant des dossiers validés, en milliards d'euros

Taux d'exécution à ce jour

Alors que le guichet doit fermer au 31 décembre 2023 en raison, selon le Gouvernement, de l'arrivée à échéance de l'encadrement temporaire européen qui en permettent l'application, aucune ouverture de crédit n'est prévue pour 2024. Néanmoins, un travail serait en cours aux échelles européenne et française pour concevoir de nouvelles modalités d'aides aux entreprises en matière énergétique pour 2024.

B. SI LE PLAN FRANCE TRÈS HAUT DÉBIT (PFTHD) A ACCÉLÉRÉ LE DÉPLOIEMENT DE LA FIBRE OPTIQUE, DE FORTS ENJEUX DEMEURENT

Le plan France très haut débit (PFTHD), lancé en 2013, vise, depuis 2020, l'objectif d'un déploiement complet de la fibre optique sur l'ensemble du territoire à l'horizon 2025.

Le déploiement de la fibre optique s'opère dans le cadre d'un zonage, composé de deux grandes zones. D'une part, la zone très dense (schématiquement, les zones urbanisées), qui est réputée rentable pour l'initiative privée des opérateurs, qui y réalisent le déploiement à leurs frais. D'autre part, la zone moins dense, qui correspond au reste du territoire. La zone moins dense (ZMD) se décompose elle-même en une ZMD d'initiative privée et une ZMD d'initiative publique. Dans la ZMD d'initiative privée, le déploiement de la fibre optique est effectué aux frais des opérateurs, notamment sur la base d'engagements pris avec l'État (zones AMII3(*)) ou avec les collectivités territoriales (zones AMEL4(*)). Dans la ZMD d'initiative publique, le déploiement des « réseaux d'initiative publique » (RIP) est pris en charge par les collectivités territoriales.

Le PFTHD subventionne spécifiquement les réseaux d'initiative publique (RIP), pour un montant cumulé à ce jour, via différents vecteurs financiers, de plus de 3,5 milliards d'euros. Le programme 343 porte aujourd'hui la participation de l'État au financement du PFTHD.

En 2024, hors mesures de périmètre, les crédits du programme sont en baisse par rapport à 2023 tant en AE (- 93 %, soit - 69 millions d'euros) qu'en CP (- 3,3 %, soit - 14 millions d'euros). Ils s'établiraient à 5,4 millions d'euros en AE et à 424 millions d'euros en CP. La quasi-disparition des AE sur le programme résulterait du fait que « les projets RIP sont quasiment finalisés » et que le PFTHD est « dans sa phase opérationnelle et de production de lignes sur tout le territoire »5(*).

Néanmoins, les éléments disponibles permettent d'interroger vivement la possibilité de tenir l'objectif du déploiement complet de la fibre optique en 2025, en zone RIP comme ailleurs.

À ce jour, seuls 81 % des locaux recensés en France sont éligibles à la fibre optique, c'est-à-dire raccordables. Si ce taux progresse, la dynamique ralentit fortement : au deuxième trimestre 2023, 870 000 locaux ont été raccordés, contre 1 210 000 au deuxième trimestre 2022. En outre, la situation est très hétérogène sur le territoire, comme l'illustre le tableau suivant :

L'état du déploiement de la fibre optique en France, par zone, au 30 juin 2023

Source : réponse de l'Agence nationale de cohésion des territoires au questionnaire des rapporteurs spéciaux

En outre, pour que le déploiement de la fibre optique soit utile, il ne suffit pas que les locaux soient éligibles, il faut qu'ils puissent matériellement être raccordés. Or, les rapporteurs spéciaux alertent depuis plusieurs années sur le sujet des raccordements finals complexes d'un nombre significatif de locaux. Dans ces cas, des travaux de génie civil sont nécessaires sur le domaine public pour permettre le raccordement. Une enveloppe de 150 millions d'euros d'AE a été ouverte sur le programme à cette fin en 2022 et 2023. Néanmoins, n'est prévu en 2024 le décaissement que de 3 millions d'euros : il faut aller plus vite.

C. LES COMPENSATIONS DU GROUPE LA POSTE POUR SES MISSIONS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL SONT EN LÉGÈRE BAISSE

La mission « Économie » porte les compensations de quatre missions de service public du groupe La Poste, pour un total de 935 millions d'euros :

- la mission d'accessibilité bancaire ; sa compensation est fixée à 287 millions d'euros en 2024, en baisse de 16 millions par rapport à 2023, conformément à la trajectoire pluriannuelle ;

- la mission de transport postal de la presse, dont la compensation est fixée à 43 millions d'euros en 2024 ;

- la mission de service universel postal, dont la compensation est fixée à 500 millions d'euros en 2024, en baisse de 20 millions d'euros par rapport à 2023 ;

la mission d'aménagement du territoire, consistant à maintenir des points de contact sur l'ensemble du territoire. La compensation de cette mission consiste en un allègement de fiscalité locale doublé d'une dotation budgétaire. Dans un contexte de baisse de rendement des abattements de fiscalité locale prévue pour 2023, la dotation avait été rehaussée l'année dernière à 105 millions d'euros. Elle est toutefois maintenue à ce niveau en 2024, en dépit d'une nouvelle baisse de rendement des abattements à prévoir en 2024..

D. LE COÛT DE LA COMPENSATION CARBONE CONTINUE SA FORTE HAUSSE

Le dispositif de compensation carbone permet la prise en charge, pour les sites électro-intensifs exposés au risque de fuite de carbone (sidérurgie, papier/carton, chimie, etc.), d'une partie des coûts liés au système européen des quotas d'émissions (SEQE). Ce dispositif devrait représenter 1,074 milliard d'euros (en AE=CP) en 2024, un niveau supérieur de 218 millions d'euros à celui de 2023. Cette augmentation est notamment liée à la hausse du prix du quota carbone (+ 55 % entre 2023 et 2024).

E. UNE AMÉLIORATION DES MODALITÉS DE FINANCEMENT DE BPIFRANCE ENCORE À PARFAIRE

Alors que les missions confiées à Bpifrance en faveur des entreprises présentant un lien naturel avec les politiques mises en oeuvre par le programme 134 sont plurielles, aucune ligne budgétaire concernant cet établissement n'y était rattachée depuis quelques années. Si cette situation résulte en partie de la transversalité des missions de Bpifrance, elle n'est pas souhaitable, certaines missions étant financées par des circuits financiers trop peu lisibles.

En 2024, une ligne budgétaire dédiée à deux missions de Bpifrance est rétablie au sein du programme 134. Dotée de 100 millions d'euros en AE=CP ; elle financera ses actions d'accompagnement des entreprises (40 millions d'euros) et sa contribution au plan « Quartiers 2030 »6(*) (60 millions d'euros). Néanmoins, le rétablissement de cette ligne budgétaire ne répond pas à tous les besoins de financement en lien avec la mission « Économie », loin de là ; ils seraient de 484 millions d'euros en 2024, dont 350 millions d'euros au titre du financement des fonds de garantie.

Dans leur rapport de contrôle sur ces mêmes fonds de garantie7(*), les rapporteurs spéciaux ont souligné l'efficacité de ce dispositif en faveur du financement - notamment bancaire - des entreprises. Mais ils s'étaient également inquiétés de la débudgétisation partielle, voire totale, de l'abondement par l'État des fonds de garantie, celui-ci s'opérant via des recyclages de dividendes, des transferts de trésorerie ou encore l'utilisation de reliquats de dotations budgétaires antérieures non consommées.

Il conviendra de rebudgétiser, au sein du programme 134, le financement des fonds de garantie, et ce dès 2025. Le rétablissement de la ligne budgétaire dédiée à Bpifrance pourra d'ailleurs servir de support à cette fin. En outre, le « jaune budgétaire » relatif à Bpifrance devra présenter clairement l'ensemble des modalités de financement par l'État des fonds de garantie à l'avenir. Un amendement des rapporteurs spéciaux a été adopté en ce sens, conformément à leur rapport de contrôle.

F. LA CRÉATION D'UN NOUVEAU FONDS TERRITORIAL D'ACCESSIBILITÉ

La Conférence nationale du handicap a acté en avril 2023 la création d'un fonds territorial d'accessibilité. De novembre 2023 au 31 décembre 2028, ce fonds devrait porter une enveloppe totale de 300 millions d'euros. Cette création est portée par le programme 134 : en 2024, sont ouverts 50 millions d'euros en AE et 20 millions d'euros en CP.

L'objet du fonds est de participer au financement des travaux de mise en accessibilité des établissements recevant du public (ERP) privés de 5e catégorie. Sont concernés les TPE et PME et plus précisément, à titre principal, les magasins de vente, les restaurants et débits de boissons, les hôtels ou pensions de famille et les établissements bancaires.

Concrètement, le fonds a vocation à permettre de financer à hauteur de 50 %, dans la limite de 20 000 euros, les dépenses d'équipements (rampes amovibles, vitrophanie, éclairage, etc.) et de travaux (élargissement des couloirs, suppression de marches, adaptation des sanitaires, etc.).

Les rapporteurs spéciaux souscrivent à la création de ce fonds, qui répond à des enjeux d'insertion des personnes en situation de handicap et soutient les établissements de proximité. Néanmoins, ce fonds ne répond qu'à un besoin spécifique, sans apporter un soutien global significatif, comme le permettait par le passé le Fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce (FISAC).

III. LE COMPTE DE CONCOURS FINANCIERS « PRÊTS ET AVANCES À DES PARTICULIERS OU À DES ORGANISMES PRIVÉS » CONNAÎT QUELQUES ÉVOLUTIONS EN RECETTES ET EN CRÉDITS

En 2024, les crédits du compte de concours financiers s'établissent à 375 millions d'euros en AE (en hausse de 36 %, soit + 100 millions d'euros) et à 453 millions d'euros en CP (en baisse de 8,3 %, soit - 41 millions d'euros).

Sur les six programmes, deux ont une importance significative d'un point de vue budgétaire :

- le programmes 862 « Prêts pour le développement économique et social » (doté de 75 millions d'euros en AE=CP en 2024) ;

- le programme et 869 « Prêts à la société concessionnaire de la liaison express entre Paris et l'aéroport Paris-Charles de Gaulle » (300 millions d'euros en AE et 367 millions d'euros en CP).

En 2024, le programme 869 voit ses crédits augmenter de 100 millions d'euros en AE (+ 50 %) et baisser de 21 millions d'euros en CP (- 5,5 %). La hausse des AE est liée à la couverture des conséquences financières du report de la mise en service de la ligne ferroviaire express à 2027, qui était déjà acté.

Réunie le jeudi 9 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission «Économie ». En outre, elle a proposé l'adoption d'un article additionnel rattaché après l'article 52 sexies. Enfin, la commission des finances a proposé l'adoption des crédits du compte de concours financiers "Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés", sans modification.

Réunie à nouveau le jeudi 23 novembre 2023, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a adopté un amendement du rapporteur général réduisant les crédits du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie » de 165 millions d'euros8(*) afin de tirer les conséquences pour 2024 de la sous-exécution prévue du dispositif de la compensation carbone9(*) en 2023. Elle a adopté les crédits de la mission ainsi modifiés. En outre, elle a confirmé l'adoption d'un article additionnel rattaché après l'article 52 sexies, ainsi que des crédits du compte de concours financiers « Prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». Elle a également confirmé l'adoption sans modification de l'article 70.

L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 95 % des réponses étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Économie ».


* 1 La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances - n° 903 (2021-2022) - 28 septembre 2022.

* 2 Le réseau des services économiques de la direction générale du Trésor à l'étranger. Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances n° 659 (2020-2021) - 2 juin 2021.

* 3 Appels à manifestation d'intention d'investissement.

* 4 Appels à manifestation d'engagements locaux.

* 5 Selon le projet annuel de performances.

* 6 Doté de 456 millions d'euros par l'État et la Banque des Territoires, le programme « Entrepreneuriat Quartiers 2030 », porté par Bpifrance, s'inscrit dans les ambitions du plan Quartiers 2030 et doit permettre d'intensifier les actions de soutien menées par Bpifrance envers les entrepreneurs des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV).

* 7 Les fonds de garantie de Bpifrance. Rapport d'information de M. Thierry COZIC et Mme Frédérique ESPAGNAC, fait au nom de la commission des finances - n° 876 (2022-2023) - 12 juillet 2023.

* 8 En autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

* 9 Voir infra.

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