B. LES PROBLÈMES POSÉS PAR LA CRÉATION D'UN NOUVEAU DÉLIT DE « NÉGATIONNISME »
La proposition de loi entend également créer une nouvelle infraction calquée sur le délit de « négationnisme » prévu par l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et qui viendrait réprimer la contestation, la négation, la minoration ou la banalisation de la déportation des homosexuels depuis la France pendant la Seconde Guerre mondiale. La peine encourue serait identique à celle de l'article 24 bis, soit un an d'emprisonnement et 45 000 € d'amende.
L'article 24 bis précité couvre d'ores et déjà les crimes contre l'humanité commis par les nazis, leurs alliés et leurs collaborateurs (premier alinéa), ainsi que les crimes de génocide, les autres crimes contre l'humanité, la réduction en esclavage et autres les crimes de guerre (deuxième alinéa) : la déportation des homosexuels paraît donc entrer dans son champ. C'est en tout cas l'analyse faite par les avocats chargés d'assister plusieurs associations de défense des droits des personnes homosexuelles qui ont récemment formé un contentieux, sur le fondement de l'article 24 bis, contre une personnalité publique ayant qualifié cette déportation de « légende ». Modifier la loi du 29 juillet 1881 dans ce contexte reviendrait à préempter l'issue d'une affaire judiciaire en cours - et, en l'occurrence, à donner tort aux associations requérantes en reconnaissant, implicitement mais nécessairement, que la contestation de la déportation des homosexuels n'est pas pénalisée à ce jour.
Par ailleurs, au vu du libellé retenu par les auteurs, et à supposer que le raisonnement selon lequel la déportation des homosexuels est d'ores et déjà incluse dans le périmètre de l'actuel article 24 bis soit infondé, la création d'un nouveau délit exposerait le législateur au risque d'une censure constitutionnelle : le rapporteur rappelle ainsi que le Conseil constitutionnel a déjà censuré un texte au motif qu'il entendait « [réprimer] la contestation de l'existence et de la qualification juridique de crimes [que le législateur] aurait lui-même reconnus et qualifiés comme tels »10(*).
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Réunie le mercredi 15 novembre 2023, la commission n'a pas adopté la proposition de loi.
En conséquence, en application du premier alinéa de l'article 42 de la Constitution, la discussion portera sur le texte initial de la proposition de loi, lors de son examen en séance publique prévu le 22 novembre 2023.
* 10 Décision n° 2012-647 DC du 28 février 2012, « Loi visant à réprimer la contestation de l'existence des génocides reconnus par la loi », considérant 6.