- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
N° 771 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023 |
RAPPORT PRÉSENTÉ au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N°
8 Rapporteurs spéciaux : MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (16ème législ.) : 1095, 1271 et T.A. 125 Sénat : 684 (2022-2023) |
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX
1. La mission Culture agrège quatre programmes :
- le programme 131 « Création », dédié au soutien de la diversité et du renouvellement de l'offre artistique (960,3 millions d'euros de crédits de paiement consommés en 2022) ;
- le programme 175 « Patrimoines » consacré au financement de la politique de préservation et d'enrichissement du patrimoine culturel français (1 096,8 millions d'euros de crédits de paiement consommés en 2022) ;
- le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture », appelé à financer l'action culturelle internationale et des fonctions supports du ministère (784,2 millions d'euros de crédits de paiement consommés en 2022) ;
- le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », créé en 2021, qui rassemble les crédits dédiés aux politiques transversales du ministère et au soutien de la langue française et au plurilinguisme (769,7 millions d'euros de crédits de paiement consommés en 2022).
Les dépenses de la mission « Culture » ont atteint, en 2022, 3,63 milliards d'euros, en autorisations d'engagement (AE) et 3,61 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Le taux d'exécution des crédits de la mission s'établit, dans ces conditions, à 103,9 % en AE et 104,3 % en CP. Cette sur-exécution des crédits reste inférieure à celle constatée lors des exercices précédents : 124 % en AE et 125 % en CP en 2020 puis 119 % (AE=CP) en 2021.
2. Cette surconsommation de crédits affecte tous les programmes. Le report de crédits (programme 175 « Patrimoines »), les mesures de soutien face à la poursuite de la crise sanitaire en début d'exercice (programme 131 « Création ») ou à la progression de l'inflation (programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »), justifient l'écart constaté entre la loi de finances initiale et l'exécution. Certains mouvements intervenus en gestion témoignent d'une sous-budgétisation initiale, à l'image du dégel de la réserve de précaution sur le programme 175 « Patrimoines » aux fins de financement de l'exonération du produit du Loto du patrimoine des prélèvements opérés par l'État (CSG et CRDS). Le Gouvernement s'est en effet engagé depuis 2019 à neutraliser cet effet. 71 millions d'euros ont ainsi pu être obtenus au fil des dégels budgétaires de fin de gestion entre 2018 et 2022. Ces dégels systématiques confortent la nécessité d'une budgétisation, en loi de finances initiale, du montant de la dépense visant à compenser les prélèvements voire d'une exonération complète du produit du jeu.
3. Le montant de l'ensemble des subventions versées aux opérateurs de la mission s'établit en 2022 à 1,42 milliard d'euros en CP, soit une diminution de 342,8 millions d'euros par rapport à l'année 2021. Ce montant représente 39 % des crédits consommés par la mission en 2022. Les rapporteurs spéciaux relèvent une sur-exécution des crédits de l'ordre de 27 % en AE et 28 % en CP en 2022. Les écarts constatés entre la prévision en loi de finances initiale et l'exécution sont principalement imputables aux mesures adoptées en cours d'exercice afin d'aider les opérateurs à accompagner la sortie de la crise sanitaire, à compenser les surcoûts liés à la progression des coûts de l'énergie et à prendre en charge la revalorisation des traitements de 3,5 % des agents des opérateurs à compter du 1er juillet 2022.
4. Le montant de la dépense fiscale rattachée à la mission « Culture » atteint 803 millions d'euros en 2022. Il ne reflète pas la totalité de l'effort fiscal de l'État en faveur de la culture puisqu'il n'intègre pas les dépenses liées au mécénat, rattachées à la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Le montant constaté est plus faible que celui attendu en loi de finances initiale. L'écart est en large partie imputable à une moindre dépense au titre de la TVA applicable aux entrées au sein des lieux culturels, limitées par la poursuite de la crise sanitaire en début d'exercice.
5. Les crédits de la mission « Culture » ont été complétés en 2021 et 2022 par ceux de la mission « Plan de relance », soit 970,7 millions d'euros. Le taux d'exécution des crédits sur la période atteint 99,7 % en AE et 90,8 % en CP. Ces taux d'exécution sont mécaniquement gonflés par la consommation des crédits dédiés aux opérateurs, qui représentaient près de 55 % des crédits de paiement prévus. La sous-exécution concerne principalement les crédits dédiés au Plan cathédrale, au soutien aux équipements patrimoniaux n'appartenant pas à l'État, à la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État ou au fonds de transition écologique pour les institutions de création en région. Tous ces projets sont gérés par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC), qui ne semblent pas disposer de moyens humains suffisants pour accélérer leur mise en oeuvre et donc les décaissements.
6. Au-delà des crédits « Plan de relance », la mission Culture a bénéficié, en 2022, de crédits supplémentaires appelés à compenser les effets de l'inflation. Le collectif budgétaire de fin d'année 2022 a ainsi prévu 38,37 millions d'euros (AE = CP). Ce montant ne reflète pas la totalité de l'effort budgétaire dédié à répondre à cette nouvelle crise. Préalablement, la première loi de finances rectificative pour 2022 était, en effet, revenue sur des annulations de crédits intervenues en cours de gestion, 53,43 millions d'euros (AE=CP) ayant été supprimés quelques semaines plus tôt. L'augmentation des coûts de l'énergie et de personnels ne saurait en outre également occulter les effets de la poursuite de la crise sanitaire au premier semestre en 2022 : 66,7 millions d'euros dont 50,1 millions d'euros fléchés vers le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle (FONPEPS) sont venus soutenir l'emploi artistique et 6 millions d'euros ont été dédiés à la trésorerie de 6 établissements publics.
7. L'analyse de l'exécution 2022 faut apparaître une légère sur-exécution des crédits du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » - 102,6 % des crédits de paiement votés en loi de finances initiale - qui tend à illustrer la fiabilité de la prévision budgétaire. Il convient cependant de noter une sous-exécution des crédits dédiés à la politique territoriale et à la cohésion sociale : 33,9 millions d'euros en CP, contre 47,5 millions d'euros initialement prévus. Elle contraste avec la nécessité de maintenir un niveau d'investissement dans les territoires, indispensable en vue de renforcer la cohérence de l'ensemble de l'action culturelle de l'État. Le déploiement pour l'ensemble des jeunes du Pass Culture ne saurait ainsi être permis que par le développement d'infrastructures ou la tenue d'évènements dans la totalité des territoires, et notamment au sein des territoires prioritaires.
8. Les restes à payer de la mission ont, comme en 2021, dépassé le milliard d'euros (1,03 milliard d'euros). Ce solde a progressé de 48 % depuis 2016, illustrant l'orientation des crédits de la mission vers le financement de grands travaux, tous programmes confondus. Cette ambition s'est cependant inscrite dans un contexte bouleversé par les crises sanitaire et ukrainienne, marqué par la désorganisation des chaines d'approvisionnement en matières premières et l'explosion des prix, liée tout à la fois à l'inflation et à la perspective des Jeux olympiques de Paris en 2024. Le cas est particulièrement patent s'agissant du programme 175 « Patrimoines », qui concentre 73,2 % des restes à payer de la mission. La question des retards est également particulièrement prégnante s'agissant du programme 131 « Création ». Le chantier de la Cité du théâtre a ainsi déjà été décalé de trois ans.
9. Comme en 2020 et en 2021, les fonds de concours dédiés au financement de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris ont été rattachés au programme 175. 63,4 millions d'euros (AE=CP) sont ainsi venus abonder le programme en 2022. Ce rattachement reste cosmétique, l'intégralité des travaux, soit 703 millions d'euros, doit en effet être financée par la souscription nationale instituée en 2019. Les dons financent également l'établissement public créé afin de superviser les travaux, dont le coût de gestion est estimé à 5,9 millions d'euros. Les rapporteurs spéciaux rappellent que les recettes de TVA engendrées par le chantier de restauration auraient pu largement financer la charge administrative de l'établissement, alors que le coût de la dépense fiscale liée à la majoration du taux de réduction d'impôt sur les dons aux particuliers est estimé à 15,4 millions d'euros.
I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DE LA MISSION EN 2022 : UNE CONSOMMATION QUASI-CONFORME AUX PRÉVISIONS
La mission « Culture » du budget général recense les crédits dédiés à l'action du ministère de la culture en faveur du patrimoine, de la création artistique, de la démocratisation et de la transmission des savoirs.
Elle est composée de quatre programmes :
- le programme 131 « Création », dédié au soutien de la diversité et du renouvellement de l'offre artistique ;
- le programme 175 « Patrimoines » consacré au financement de la politique de préservation et d'enrichissement du patrimoine culturel français ;
- le programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture », appelé à financer l'action culturelle internationale et des fonctions supports du ministère ;
- le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », créé en 2021 à partir du programme 224, qui rassemble les crédits dédiés aux politiques transversales du ministère et au soutien de la langue française et du plurilinguisme.
La mission n'agrège pas tous les crédits affectés au ministère de la Culture. La mission « Médias, livre et industries culturelles » est ainsi spécifiquement dédiée au soutien aux industries culturelles.
1. Une surconsommation des crédits moins importante que lors des exercices précédents
Les dépenses de la mission « Culture » se sont élevées en 2022 à 3,63 milliards d'euros, en autorisations d'engagement (AE) et à 3,61 milliards d'euros en crédits de paiement (CP). Le taux d'exécution des crédits de la mission s'établit à 103,9 % en AE et 104,3 % en CP. Cette sur-exécution des crédits reste inférieure à celle constatée lors des exercices précédents : 124 % en AE et 125 % en CP en 2020 puis 119 % (AE=CP) en 2021.
Exécution des crédits de la mission « Culture » par programme en 2022
(en millions d'euros et en %)
Programme |
Crédits exécutés en 2021 |
Crédits votés LFI 2022 |
Crédits ouverts 2022 |
Crédits exécutés 2022 |
Évolution exécution 2022 / 2021 |
Écart exécution 2022 / LFI 2022 |
|
P. 131 Création |
AE |
1 081,8 |
922,1 |
981,5 |
962,2 |
-11,1 % |
+4,3 % |
CP |
1 044,5 |
915,2 |
982,8 |
960,3 |
-8,1 % |
+4,9 % |
|
P. 175 Patrimoines |
AE |
1 391,5 |
1 034,7 |
1 234,8 |
1 122,1 |
-19,4 % |
+8,5 % |
CP |
1 395,3 |
1 022,2 |
1 170,5 |
1 096,8 |
-21,4 % |
+7,3 % |
|
P. 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture |
AE |
746,2 |
777,3 |
789,5 |
786,4 |
+5,4 % |
+1,2 % |
CP |
743,3 |
776,4 |
788,0 |
784,2 |
+5,5 % |
+1,0 % |
|
P. 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture |
AE |
645,9 |
759,1 |
783,5 |
760,2 |
+17,7 % |
+0,2 % |
CP |
652,0 |
750,6 |
773,7 |
769,7 |
+18,1 % |
+ 2,6 % |
|
Total |
AE |
3 865,5 |
3 493,2 |
3 789,3 |
3 630,8 |
-6,1 % |
+ 3,9 % |
CP |
3 835,0 |
3 463,5 |
3 715,0 |
3 611,0 |
-5,8 % |
+ 4,3 % |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Le taux de sur-exécution concerne en premier lieu le programme 175 « Patrimoines » (107,3 % en CP). Celui-ci constitue par ailleurs le premier poste de dépense de la mission « Culture ».
Répartition par programme des
crédits de paiement
consommés en 2022
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Cette surconsommation de crédits affecte tous les programmes. Le report de crédits (programme 175 « Patrimoines »), les mesures de soutien face à la poursuite de la crise sanitaire en début d'exercice (programme 131 « Création ») ou à la progression de l'inflation (programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture »), la compensation des effets de la hausse des coûts de l'énergie, particulièrement sensible pour les opérateurs de la mission, ou la hausse du point d'indice des agents du ministère et de certains opérateurs justifient l'écart constaté entre la loi de finances initiale et l'exécution.
Mouvements de crédits intervenus en gestion pendant l'exercice 2022
(en millions d'euros)
Prog. |
LFI 2022 |
Décrets de transfert |
Décrets de virement |
Décret d'avance |
Arrêtés de report |
Arrêtés de
rattachement/ |
Loi de finances rectificative |
Total ouvertures et annulations |
Crédits ouverts |
Exécution 2022 |
Écart consommé/ crédits alloués en LFI |
|
P131 « Création » |
AE |
922,1 |
10,7 |
-18,0 |
6,2 |
0,1 |
60,4 |
59,4 |
981,5 |
962,2 |
40,1 |
|
CP |
915,2 |
11,0 |
-18,0 |
9,1 |
0,1 |
65,4 |
67,6 |
982,8 |
960,3 |
45,1 |
||
P175 « Patrimoines » |
AE |
1 034,7 |
0,5 |
-0,6 |
-19,5 |
92,5 |
93,2 |
34,2 |
200,2 |
1 234,8 |
1 122,1 |
87,4 |
CP |
1 022,2 |
0,5 |
-0,8 |
-19,0 |
36,9 |
96,5 |
34,2 |
148,3 |
1 170,5 |
1 096,8 |
74,6 |
|
P224 « Soutien » |
AE |
777,3 |
-1,3 |
-0,3 |
-2,0 |
0,1 |
15.2 |
0,3 |
12,1 |
789,5 |
786,4 |
8,5 |
CP |
775,4 |
-1,4 |
-1,7 |
-2,0 |
2,0 |
15,2 |
0,3 |
12,5 |
788,0 |
784,2 |
8,2 |
|
P361 « Transmission » |
AE |
759,1 |
1,2 |
-4,2 |
-14,6 |
6,2 |
8,1 |
27,6 |
24,4 |
783,5 |
760,2 |
1,1 |
CP |
750,6 |
1,2 |
-2,7 |
-14,6 |
1,6 |
9,9 |
27,6 |
23,1 |
773,7 |
769,7 |
19,1 |
|
Total mission |
AE |
3 493,2 |
0,4 |
5,6 |
-53,6 |
105,0 |
116,6 |
122,5 |
296,1 |
3 789,3 |
3 630,8 |
136,8 |
CP |
3 463,5 |
0,3 |
5,8 |
-53,1 |
49,6 |
121,7 |
127,5 |
251,5 |
3 715,0 |
3 611,0 |
146,5 |
Note de lecture : les chiffres présentés n'intègrent pas les ajustements techniques prévus par le présent projet de loi de règlement.
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les rapporteurs spéciaux relèvent l'importance des mouvements intervenus en gestion, qui témoignent pour une partie d'entre eux d'une sous-budgétisation initiale. La réserve de précaution a ainsi été dégelée en fin d'exercice sur le programme 175 « Patrimoines » aux fins de financement de l'exonération du produit du Loto du patrimoine des prélèvements opérés par l'État (CSG et CRDS). Le Gouvernement s'est en effet engagé depuis 2019 à neutraliser cet effet. 71 millions d'euros ont ainsi pu être obtenus au fils des dégels budgétaires de fin de gestion entre 2018 et 2022. Ces dégels systématiques rendent factice le principe d'une réserve de précaution et appuient l'idée d'une budgétisation, en loi de finances initiale, du montant de la neutralisation voire d'une exonération complète du produit du jeu.
Les dépenses de personnel de la mission sont rassemblées au sein du programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture ». Le montant exécuté en 2022 s'élève à 691,9 millions d'euros, soit une progression de 4,9 % par rapport à l'exercice précédent. La revalorisation de la valeur du point d'indice au 1er juillet 2022 de 3,5 % explique pour partie cette progression comme l'adoption en loi de finances pour 2022 de mesures catégorielles, dans le cadre du plan de rattrapage indemnitaire lancé en 2018 : 15 millions d'euros avaient ainsi été fléchés vers ces dispositifs en 2022. Les rapporteurs spéciaux rappellent leur soutien à un plan destiné à réduire les écarts de rémunérations observés entre les agents du ministère de la culture et ceux des autres administrations centrales, ces différences pouvant atteindre 125 % selon les ministères.
L'augmentation des dépenses de personnel n'est en tout état de cause pas induite par une progression du recrutement. Le nombre d'équivalent temps plein s'établissant à 9 241,07 ETPT en 2022, soit un niveau inférieur à celui retenu en loi de finances initiale - 9 434 - et au plafond exécuté en 2021 : 9 369,71.
2. L'exécution 2022 du budget des opérateurs
Plusieurs catégories d'opérateurs sont rattachées à la mission Culture :
- 16 opérateurs, dont les théâtres nationaux, certaines salles de spectacle, la Philharmonie de Paris et l'Opéra de Paris, sont rattachés au programme 131 « Création » ;
- 18 opérateurs, parmi lesquels la Réunion des musées nationaux - Grand Palais (RMN-GP), les grands musées nationaux, le Centre des monuments nationaux (CMN) et l'Institut national de recherches archéologiques et préventives (INRAP), sont rattachés au programme 175 « Patrimoines » ;
- l'opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC) est le seul opérateur du programme 224 « Soutien aux politiques du ministère de la culture » ;
- 38 opérateurs, dont les établissements de l'enseignement supérieur culturel et Universcience sont, quant à eux, rattachés au programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Près de la moitié des crédits dédiés aux opérateurs de la mission sont liés au programme 175 « Patrimoines ».
Dotations aux opérateurs réparties par programme
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La mission « Culture » abonde également des opérateurs rattachés à d'autres missions (Centre national de la recherche scientifique, Universités, Centre national du cinéma et de l'image animée...).
Le montant de l'ensemble des subventions versées aux opérateurs s'établit en 2022 à 1,42 milliard d'euros en crédits de paiement, soit une diminution de 342,80 millions d'euros par rapport à l'année 2021. Ce montant représente 39 % des crédits consommés par la mission en 2022.
Montant des subventions versées aux
opérateurs rattachés à la mission
« Culture »
en 2021 et en 2022
(en millions d'euros)
Exécution 2021 |
Prévision LFI 2022 |
Exécution 2022 |
||||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
|
Programme 131 « Création » |
469,2 |
427,7 |
293,0 |
293,0 |
395,8 |
395,8 |
Programme 175 « Patrimoines » |
961,1 |
986,1 |
556,2 |
551,7 |
677,7 |
688,6 |
Programme 224 « Soutien aux politiques du ministère » |
17,7 |
17,7 |
12,2 |
12,2 |
16,7 |
16,7 |
Programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » |
331,7 |
331,8 |
252,5 |
252,5 |
319,0 |
319,4 |
Total |
1 779,7 |
1 763,3 |
1 113,9 |
1 109,4 |
1 409,2 |
1 420,5 |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La réouverture des principaux sites - musées, théâtres, salles de spectacle - avait conduit à réviser à la baisse les dotations en loi de finances initiale. Les rapporteurs spéciaux relèvent cependant une sur-exécution en 2022 des crédits de l'ordre de 27 % en AE et 28 % en CP. Les écarts constatés entre la prévision en loi de finances initiale et l'exécution sont principalement imputables aux mesures adoptées en cours d'exercice afin d'aider les opérateurs à accompagner la sortie de la crise sanitaire, à compenser les surcoûts liés à la progression des coûts de l'énergie et à prendre en charge la revalorisation des traitements de 3,5 % des agents des opérateurs à compter du 1er juillet 2022.
3. Une moindre dépense fiscale imputable à la crise sanitaire
Le soutien budgétaire aux politiques culturelles de la mission « Culture » est complété par un ensemble de dépenses fiscales qui sont rattachées aux programmes « Création » et « Patrimoines ». Ce dernier concentre 13 des 24 dispositifs fiscaux rattachés à la mission. Le montant des dépenses fiscales s'est élevé à 803 millions d'euros en 2022, soit une progression de 5,8 % par rapport à 2021 (759 millions d'euros).
Évolution de la dépense fiscale
rattachée à la mission « Culture »
entre
2021 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Ce montant demeure inférieur à celui retenu en loi de finances initiale : 1 108 millions d'euros. L'écart est en large partie imputable à une moindre dépense au titre de la TVA applicable aux entrées au sein des lieux culturels, dans un contexte de sortie progressive de la crise sanitaire. Trois taux réduits existent :
- un taux de 5,5 % applicable aux théâtres, cirques, concerts, spectacles de variété, sur les droits d'entrées dans les salles de cinéma et les parcs zoologiques ;
- un taux de 10 % applicable aux droits d'admission aux expositions, sites et installations à caractère culturel, ludique éducatif et professionnel ainsi qu'aux fêtes foraines ;
- un taux de 2,1 % applicable aux droits d'entrée des 140 premières représentations de certains spectacles.
Le coût de ces trois dispositifs est estimé à 540 millions d'euros en 2022, soit une moindre dépense de 302 millions d'euros par rapport à la prévision initiale.
Évolution de la TVA appliquée aux droits d'entrées entre 2021 et 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Le montant de la dépense fiscale rattachée à la mission « Culture » ne représente pas, pour autant, la totalité de l'effort fiscal en faveur de la culture. La réduction d'impôt au titre des dons, qu'il s'agisse du mécénat d'entreprises (article 238 bis du code général des impôts) ou des dons des particuliers (article 200 du code général des impôts), qui contribue largement à soutenir le secteur culturel, n'est, ainsi, pas considérée comme une dépense fiscale de la mission mais est rattachée à la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». 6 crédits d'impôt en faveur des industries culturelles sont par ailleurs recensés au sein de la mission « Médias, livre et industries culturelles ». La dépense fiscale afférente à ces dispositifs est estimée à 519 millions d'euros en 2022.
II. LES OBSERVATIONS DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX : UNE RÉPONSE À LA CRISE ET À LA RELANCE QUI PEINE À SE DÉPLOYER TOTALEMENT
1. D'une crise à l'autre : une mission complétée par les crédits du Plan de relance
L'exercice 2022 a également été marqué par la deuxième année de mise en oeuvre du Plan de relance. 970,7 millions d'euros étaient initialement prévus pour la période 2021-2022 afin de couvrir des projets portés par les programmes 131 « Création », 175 « Patrimoines » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
La totalité des crédits n'ayant pu être dégagés en lois de finances pour 2021 et 2022, un solde de 42 millions d'euros a été ouvert en loi de finances pour 2023. Cette somme a été fléchée vers le programme « Patrimoines » :
- 10 millions d'euros aux fins de financement du plan cathédrales ;
- 17 millions d'euros aux fins de financement des travaux du château de Villers-Cotterêts ;
- 15 millions d'euros à destination des monuments historiques n'appartenant pas à l'État.
Exécution des crédits du Plan de
relance dédiés à la création, aux patrimoines
et à la transmission des savoirs en 2021-2022
(en millions d'euros)
AE |
CP |
|
Renouveau et reconquête de notre modèle de création et de diffusion artistique |
||
Soutien aux opérateurs nationaux |
110,3 |
110,3 |
Relance de la programmation des institutions de spectacle vivant en région (musique) |
27,3 |
27,3 |
Relance de la programmation des institutions de spectacle vivant en région (théâtre, arts de la rue, danse, cirque) |
32,3 |
32,3 |
Fonds de transition écologique pour les institutions de la création en région sur deux ans |
20,6 |
14,2 |
Soutien au théâtre privé |
10 |
10 |
Effort spécifique pour soutenir l'emploi artistique, redynamiser la jeune création et la modernisation des réseaux d'enseignement supérieur de la culture |
||
Programme de commande publique dans les domaines de la littérature, des arts visuels et du spectacle vivant |
29,2 |
25,1 |
Soutien aux artistes fragilisés par la crise et non pris en charge par les dispositifs transversaux |
13,5 |
13,5 |
Plan d'investissement culturel en faveur des patrimoines dans les territoires et pour l'emploi |
||
Soutien aux opérateurs patrimoniaux |
350,4 |
350,4 |
Accélération du chantier de restauration de Villers-Cotterêts |
124 |
124 |
Réinvestissement dans les monuments nationaux relevant du Centre des monuments nationaux |
40 |
40 |
Plan « cathédrales » |
76,6 |
34,6 |
Soutien aux investissements réalisés par les propriétaires de monuments historiques n'appartenant pas à l'État |
42,1 |
20,2 |
Réinvestissement dans les autres équipements patrimoniaux appartenant aux collectivités territoriales |
19,2 |
7,9 |
Rénovation du réseau des écoles d'architecture et de création et la modernisation de leurs infrastructures informatiques |
72,1 |
72,1 |
Total |
967,7 |
882 |
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Le taux d'exécution des crédits atteint 99,7 % en AE et 90,8 % en CP. La sous-exécution repose principalement sur le programme 175 « Patrimoines », qui concentrait la majeure partie des crédits de relance.
Répartition par programme des
crédits de paiement du plan de relance
exécutés en
2021 et 2022 au titre de la mission Culture
Source : commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Ces taux d'exécution sont mécaniquement gonflés par la consommation des crédits dédiés aux opérateurs, qui représentaient près de 55 % des crédits de paiement prévus par le plan de relance. De fait, si les rapporteurs spéciaux saluent la consommation de la totalité des crédits dédiés aux artistes fragilisés par la crise, au spectacle vivant ou au théâtre privé, ils s'inquiètent de la sous-exécution importante des crédits dédiés au plan cathédrales, au soutien aux équipements patrimoniaux n'appartenant pas à l'État, à la restauration des monuments historiques n'appartenant pas à l'État ou au fonds de transition écologique pour les institutions de création en région. Ils notent que les crédits dédiés à ces projets sont gérés par les directions régionales des affaires culturelles (DRAC). Les rapporteurs spéciaux avaient relevé lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2022 que l'absence de ressources humaines adaptées au sein des DRAC avait déjà contribué à donner l'impression d'un mauvais calibrage des décaissements prévus en 2021. Cette difficulté ne semble pas avoir été levée.
Au-delà des crédits « Plan de relance », la mission Culture a bénéficié, en 2022, de crédits supplémentaires appelés à compenser les effets de l'inflation. Le collectif budgétaire de fin d'année 2022 a ainsi prévu 38,37 millions d'euros (AE = CP). Ces montants ont été dédiés au financement :
- de la majoration de la valeur du point de la fonction publique des agents des opérateurs (25,32 millions d'euros) ;
- les surcoûts énergétiques (6,55 millions d'euros) ;
- la revalorisation des bourses attribuées sur critères sociaux aux étudiants de l'enseignement supérieur culture (6,5 millions d'euros).
Le collectif budgétaire de fin 2022 ne reflète pas la totalité de l'effort budgétaire dédié à répondre à cette nouvelle crise. Préalablement, la première loi de finances rectificative pour 2022 était, en effet, revenue sur des annulations de crédits intervenues en cours de gestion1(*). 53,43 millions d'euros (AE=CP) avaient ainsi été supprimés quelques semaines plus tôt.
L'augmentation des coûts de l'énergie et de personnels ne saurait également occulter les effets de la poursuite de la crise sanitaire au premier semestre en 2022. Les rapporteurs spéciaux relèvent ainsi que les dégels visés plus haut comme le collectif budgétaire de fin d'année 2022 ont permis de financer des mesures de soutien à l'emploi artistique dans le cadre du programme 131 « Création » (66,7 millions d'euros dont 50,1 millions d'euros fléchés vers le Fonds national pour l'emploi pérenne dans le spectacle - FONPEPS) et 175 « Patrimoines » (6 millions d'euros dédiés à la trésorerie de 6 établissements publics).
2. Une stratégie à préciser en faveur des territoires
Le programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » agrège quatre types de dépense :
- le financement des établissements d'enseignement supérieur et insertion professionnelle (action 01) ;
- le soutien à la démocratisation et à l'éducation artistique et culturelle, qui inclut notamment le financement du volet individuel du Pass Culture et agrège, par conséquent l'essentiel des crédits du programme (action 02) ;
- l'appui à la langue française et aux langues de France (action 03) ;
- l'aide à la recherche culturelle et à la culture scientifique, principalement dédiée au financement d'Universcience (action 04).
L'analyse de l'exécution 2022 fait apparaître une légère sur-exécution des crédits - 102,6 % des crédits de paiement votés en loi de finances initiale - qui tend à illustrer la fiabilité de la prévision budgétaire.
Exécution du programme 361
« Transmission des savoirs
et démocratisation de la
culture »
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Cette analyse globale ne saurait cependant masquer certains déséquilibres au sein des actions. Le cas est particulièrement net s'agissant de l'action 02 « Démocratisation et éducation artistique et culturelle ».
Les rapporteurs spéciaux relèvent ainsi que les crédits dédiés au Pass Culture ont été intégralement consommés (199,6 millions d'euros AE=CP) ce qui témoigne d'une bonne intégration du dispositif dans les pratiques culturelles des plus jeunes. Ils relèvent parallèlement une sur-exécution des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle en temps scolaire (26,4 millions d'euros en CP, soit un taux d'exécution de 110 %) et surtout hors temps scolaire : 30,3 millions d'euros en CP là où la loi de finances tablait sur 14,1 millions d'euros. Cet investissement mérite d'être salué. Il vient illustrer l'absence de cannibalisation par le Pass Culture des crédits dédiés à l'éducation artistique et culturelle (EAC), risque qu'avaient mis en avant les rapporteurs spéciaux lors de l'examen des précédents textes budgétaires.
Ils notent cependant une sous-exécution des crédits dédiés à la politique territoriale et à la cohésion sociale : 33,9 millions d'euros en CP, contre 47,5 millions d'euros initialement prévus. L'ambition affichée de cette sous-action est d'améliorer l'accès des habitants à la vie culturelle, de réduire les inégalités et de renforcer la cohésion territoriale, en insistant sur certains territoires considérés comme prioritaires : zones rurales, quartiers de la politique de la ville et territoires ultramarins. Cette politique s'appuie notamment sur des partenariats interministériels, associant le ministère de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.
Cette faible consommation interroge quant à la fiabilité de la prévision budgétaire. Un écart moins net avait déjà été constaté en exécution 2021 (-4,1 millions d'euros en CP). Cette sous-consommation n'est pas justifiée dans le rapport annuel de performances.
Elle est cependant corroborée par la faiblesse des résultats obtenus s'agissant de l'indicateur 2.3 censé mesurer l'effort en faveur des territoires prioritaires. Celui-ci doit permettre de déterminer la part des crédits dirigés vers ces territoires par rapport à la totalité des crédits de l'action 02. Le projet annuel de performances pour 2022 ciblait un taux de 27 %. Il est loin d'être atteint, le taux effectivement constaté s'établissant à 21,91 % soit 5 points de moins. Le ministère de la culture pointe une difficulté de récolement pour justifier cet écart. Les rapporteurs notent cependant que ce taux est inférieur à celui constaté en 2020 - 22,32 % - exercice pourtant bouleversé par la crise sanitaire.
Évolution de l'indicateur 2.3 « Mesure de l'effort en faveur des territoires prioritaires - % des crédits » depuis 2020
(en pourcentage)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La sous-exécution des crédits comme la faiblesse du résultat de l'indicateur viennent à la fois rappeler la nécessité d'améliorer la prévision budgétaire mais aussi de maintenir un niveau d'investissement dans les territoires, indispensable en vue de renforcer la cohérence de l'ensemble de l'action culturelle de l'État. Le déploiement pour l'ensemble des jeunes du Pass Culture ou de l'EAC ne saurait ainsi être permis que par le développement d'infrastructures ou la tenue d'évènements dans la totalité des territoires, et notamment au sein des territoires prioritaires.
3. Une progression non-maîtrisée des restes à payer
Les restes à payer correspondent au montant des engagements sur années antérieures n'ayant pas donné lieu à consommation de crédits au 31 décembre. Pour la deuxième année consécutive, le montant cumulé des restes à payer des quatre programmes de la mission « Culture » devrait dépasser 1 milliard d'euros. La progression de ce solde atteint 48 % depuis 2016.
Évolution du montant des restes à
payer de la mission « Culture »,
par programme, de
2016 à 2022
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Les restes à payer représentent ainsi 28,5 % des crédits consommés en 2022. Cette progression constante, à peine modérée en 2020, traduit l'orientation d'une large partie des crédits de la mission vers le financement de grands travaux, tous programmes confondus. Cette tendance perceptible dès le début du quinquennat précédent (rénovation du Grand Palais, projet de la Cité du théâtre, relogement du centre national des arts plastiques à Pantin) a connu une nette accélération avec la mise en oeuvre du Plan de relance (plan cathédrales, rénovation des écoles nationales supérieures d'architecture etc).
Si l'intention est louable, force est de constater que cette ambition s'est inscrite dans un contexte bouleversé par les crises sanitaire et ukrainienne. La désorganisation des chaines d'approvisionnement en matières premières et l'explosion des prix, liée tout à la fois à l'inflation et à la perspective des Jeux olympiques de Paris en 2024, ont pu conduire à un ralentissement des chantiers ainsi qu'à des surcoûts. Le cas est particulièrement patent s'agissant du programme 175 « Patrimoines », qui concentre 73,2 % des restes à payer de la mission. 70 % des restes à payer du programme correspondent à des opérations conduites en DRAC. La direction générale des patrimoines et de l'architecture avait indiqué aux rapporteurs spéciaux, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, qu'un travail de rééquilibrage en CP était désormais conduit pour maîtriser les restes à payer. Force est de constater que cette ambition peine à se traduire dans les faits : leur montant dépasse en effet celui de 2019, qui constituait déjà un précédent.
La question des retards est également particulièrement prégnante s'agissant du programme 131 « Création ». Le chantier de la Cité du théâtre a ainsi déjà été décalé de trois ans. Il enregistre d'ores et déjà un surcoût de 15 millions d'euros, hors inflation, par rapport au devis initial, établi à 86 millions d'euros HT. Ce coût pourrait par ailleurs être majoré de 12 millions d'euros, somme demandée par la Ville de Paris pour autoriser l'installation du nouveau bâtiment. Les rapporteurs spéciaux rappellent à ce titre les conclusions de leur mission de contrôlée sur l'enseignement supérieur du spectacle vivant qui visait notamment ces travaux2(*). Ils avaient ainsi souhaité que soit présenté à l'occasion du projet de loi de finances 2023 un projet actualisé pour la Cité du théâtre, intégrant les économies attendues face aux surcoûts mis en avant fin 2021, et présentant un calendrier précis de livraison des travaux et proposant une ou plusieurs alternatives au projet actuel. Ce document n'a pas été présenté.
4. Le rattachement de crédits en faveur de la restauration de Notre-Dame de Paris
La sur-exécution des crédits du programme 175 « Patrimoines » s'explique pour partie par le rattachement des fonds de concours dédiés au financement de la restauration et de la conservation de la cathédrale Notre-Dame de Paris. Ainsi, 63,43 millions d'euros (AE=CP) sont venus abonder, en 2022, le programme avant d'être reversés à l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris (EP-RNDP). Institué par la loi du 29 juillet 20193(*) et créé par décret4(*), il est entré en fonction le 2 décembre 2019.
L'utilisation du programme 175 « Patrimoines » pour le financement du chantier de restauration ne reflète pas la réalité de l'origine des fonds dédiés à ces travaux. Ceux-ci sont, en effet, intégralement financés par la souscription nationale instituée en 2019. Ainsi, l'établissement public fait partie de la liste des opérateurs de l'État du programme 175, sans pour autant qu'il ne bénéficie d'un quelconque financement direct de l'État autre que le reversement du montant de la souscription nationale, qui a réuni près de 340 000 donateurs5(*). Au 30 septembre 2021, le montant total des dons encaissés et des promesses de dons atteignait 846,4 millions d'euros.
Après trois premières années dédiés au financement des travaux de sécurisation-consolidation de l'édifice, dont le coût final a atteint 151 millions d'euros, l'année 2022 a vu débuter les travaux de restauration nécessaire à la réouverture du site en 2024. 551,9 millions d'euros sont prévus à cet effet, dont 334,7 millions d'euros pour les seuls travaux. Cette phase intègre également la mise en oeuvre d'actions d'information sur le déroulement du chantier et de valorisation des métiers et des savoir-faire qui contribuent à la renaissance de la cathédrale (manifestations, expositions sur les palissades, journal des donateurs...) lancée, elle aussi, au cours de cet exercice (5,6 millions d'euros d'ici 2024).
Coût prévisionnel de la phase de restauration
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les données de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris
Le coût global du chantier devrait, dans ces conditions, atteindre 703 millions. Au total, depuis 2019, 249,43 millions d'euros en AE et 216,43 millions d'euros en CP ont été consommés à cette fin.
Le rapport annuel de performances fait état, en 2022, d'une subvention pour charges de service public de l'ordre de 5,9 millions d'euros, ce qui permet d'isoler le coût de gestion de l'établissement. Ce montant se rapproche de celui estimé par la Cour des comptes - environ 5 millions d'euros -, dans un rapport public thématique publié en septembre 2020. Reste que cette évaluation reposait sur un nombre d'ETPT (39) supérieur à celui constaté en exécution 2022 (35). Les rapporteurs spéciaux rappellent à cet égard que la Cour avait noté que plus du quart des effectifs (11 employés, 7 étant affectés au pôle communication et 4 au pôle opération, en charge de la valorisation du parvis) n'ont qu'un lien ténu avec la conservation et la restauration de la cathédrale.
Coût de fonctionnement de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Ce coût de fonctionnement est, en tout état de cause, financé quasi-intégralement par les dons. Seul le loyer de l'établissement, évalué à 195 250 euros annuels, est pris en charge par le ministère de la Culture depuis le mois d'octobre 2020. Les locaux utilisés appartenaient en effet aux services du Premier ministre et donnaient donc lieu au versement d'un loyer à France Domaine.
Cette absence de réel financement public trahit l'intention du donateur qui vient financer l'établissement public et les charges de gestion afférentes. Il convient de rappeler à ce stade que le coût du chantier de restauration générera des recettes de TVA qui auraient pu largement financer la charge administrative.
In fine, seule la dépense fiscale afférente aux dons constitue un financement, relativement indirect. Le montant des dons et versements ayant bénéficié du taux de réduction d'impôt de 75 % prévu à l'article 5 de la loi du 29 juillet 2019 s'élève ainsi à 24,7 millions d'euros, générant une réduction d'impôts de l'ordre de 15,4 millions d'euros. Ce montant doit être réévalué à l'aune de deux éléments :
- faute de champ spécifique sur les déclarations d'impôt sur les revenus 2020 ou 2021, la direction de la législation fiscale signale ne pas être en mesure de déterminer le nombre de foyers fiscaux ayant bénéficié de la réduction d'impôt pour les dons réalisés en 2020 ou 2021, le montant de leurs dons et la dépense fiscale associée ;
- s'agissant du mécénat d'entreprise, la déclaration des réductions et des crédits d'impôts qui devait préciser les dons fléchés vers le chantier à partir de 2020 est imparfaitement remplie et ne permet pas de restituer des données fiables.
Ce montant reste, en tout état de cause, largement inférieur à celui des promesses de dons - 848,9 millions d'euros - et à la dépense fiscale qu'elles auraient pu mécaniquement générer. Le montant des dons promis devrait, par ailleurs, dépasser le montant des travaux générés par l'incendie, au point d'interroger sur l'affectation, à terme, du solde. Les rapporteurs spéciaux rappellent à cet effet qu'il serait logique que les sommes restantes viennent financer les restaurations liées aux pathologies antérieures à l'incendie dont le montant est estimé à 133 millions d'euros. Ces travaux concernent les parties extérieures de la cathédrale. Une telle orientation des fonds devra, bien évidemment, obtenir l'accord des mécènes et des fondations chargées de la gestion des dons.
* 1 Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.
* 2 Rapport d'information n° 501 (2021-2022) de MM. Vincent ÉBLÉ et Didier RAMBAUD, fait au nom de la commission des finances, déposé le 16 février 2022.
* 3 Loi n° 2019-803 du 29 juillet 2019 pour la conservation et la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris et instituant une souscription nationale et décret n° 2019-1250 du 28 novembre 2019 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
* 4 Décret n° 2019-1250 du 28 novembre 2019 relatif à l'organisation et au fonctionnement de l'établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
* 5 Ces dons, qui ouvrent droit à une réduction d'impôt, donnent lieu à une dépense fiscale de l'État.