- LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
- I. I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU COMPTE
EN 2022
- 1. Présentation du compte d'affectation
spéciale
- 2. Des recettes en nette hausse mais qui sont
toujours plus portées par les versements du budget général
- 3. Des dividendes qui remontent
légèrement en 2022
- 4. Des dépenses concentrées sur trois
opérations principales
- 5. Un solde du compte excédentaire
en 2022, qui ne s'explique que par les versements du budget
général
- 1. Présentation du compte d'affectation
spéciale
- II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR
SPÉCIAL
- 1. La nationalisation de l'entreprise
Électricité de France, une opération qui n'apporte aucune
réponse aux défis auxquels l'entreprise est confrontée
- 2. Le remboursement de la dette Covid, un effet
d'affichage dont personne n'est dupe
- 3. L'année 2022 confirme la forte
dépendance du compte aux versements du budget
général
- 1. La nationalisation de l'entreprise
Électricité de France, une opération qui n'apporte aucune
réponse aux défis auxquels l'entreprise est confrontée
- I. I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU COMPTE
EN 2022
N° 771 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 juin 2023 |
RAPPORT PRÉSENTÉ au nom de la commission des finances (1) sur le projet
de loi, |
Par M. Jean-François HUSSON, Sénateur |
TOME II ANNEXE N° 21 Rapporteur spécial : M. Victorin LUREL |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale (16ème législ.) : 1095, 1271 et T.A. 125 Sénat : 684 (2022-2023) |
SOMMAIRE
LES PRINCIPALES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 5
I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU COMPTE EN 2022 7
1. Présentation du compte d'affectation spéciale 7
2. Des recettes en nette baisse et qui sont de plus en plus portées par les versements du budget général 10
3. Des dividendes qui remontent légèrement en 2022 11
4. Des dépenses concentrées sur trois opérations principales 12
5. Un solde du compte excédentaire en 2022, qui ne s'explique que par les versements du budget général 13
II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL 15
1. La nationalisation de l'entreprise Électricité de France, une opération qui n'apporte aucune réponse aux défis auxquels l'entreprise est confrontée 15
2. Le remboursement de la dette Covid, un effet d'affichage dont personne n'est dupe 16
3. L'année 2022 confirme la forte dépendance du compte aux versements du budget général 16
LES PRINCIPALES
OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. L'exécution du compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » a donné lieu à des versements considérables du budget général, à hauteur de 15,5 milliards d'euros en 2022. Ainsi, l'exercice a encore été caractérisé par le maintien d'une forte dominante budgétaire dans les recettes du CAS, à hauteur de près 90 %.
2. L'exercice 2022 est principalement marqué par l'offre publique d'achat simplifiée réalisée par le Gouvernement sur l'entreprise Électricité de France. Pour ce faire, la première loi de finances rectificative pour 2022 a ouvert 12,7 milliards d'euros de crédit. Cependant, le rapporteur spécial tient à relever que la seule détention publique de l'entreprise ne constitue en rien une réponse suffisante aux difficultés et aux défis auxquels EDF est confronté. Il aurait en effet été préférable de nationaliser l'entreprise, et non pas d'intervenir selon des procédures de marché. EDF ne doit pas être une entreprise détenue par l'État mais bien un groupe nationalisé, au service de l'intérêt général.
3. Les crédits dédiés au remboursement de la « dette covid » ont été versés sur le programme 732 du compte spécial pour abonder la Caisse de la dette publique, à hauteur de 1,88 milliard d'euros en AE et en CP en 2022. Sans qu'il soit nécessaire de revenir sur les modalités même du calcul de la « dette Covid » de l'État ou des conditions de son amortissement sur vingt ans, ce projet doit être dénoncé pour ce qu'il est : un tour de bonneteau budgétaire. Les remboursements opérés par ce biais conduisent à creuser les déficits ailleurs.
4. En définitive, l'exécution 2022 constitue à nouveau le révélateur du caractère peu lisible et inadapté du vecteur budgétaire de l'État actionnaire, confirmant les analyses du rapporteur spécial depuis plusieurs années. Outre qu'il obère les pouvoirs du Parlement, le compte spécial n'est plus adapté au nouveau contexte de l'État actionnaire et sa viabilité n'est pas assurée sans versement du budget général. Le rapporteur spécial invite donc à engager rapidement une réflexion sur la refonte du cadre budgétaire de l'État actionnaire.
I. I. EXÉCUTION DES CRÉDITS DU COMPTE EN 2022
1. Présentation du compte d'affectation spéciale
Le compte d'affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l'État » constitue le support budgétaire des opérations conduites par l'État en tant qu'actionnaire, via l'Agence des participations de l'État (APE).
Ses caractéristiques sont les suivantes :
- en recettes, il retrace à titre principal les produits des cessions de participations conduites par l'État actionnaire, ainsi que d'éventuels versements complémentaires du budget général ;
- en dépenses, il a pour objet de financer de nouvelles prises de participation1(*) et de contribuer au désendettement de l'État2(*).
Pour des raisons de confidentialité tenant à la nature des interventions concernées, le compte fait l'objet d'une présentation notionnelle lors de l'examen du projet de loi de finances initiale, comme le détaille l'encadré ci-après.
L'exécution du compte en 2022 a été fortement modifiée en raison de la crise sanitaire, comme le montre le tableau ci-dessous.
Évolution de l'équilibre du
compte
de la prévision à l'exécution
(en millions d'euros)
|
LFI 2022 |
Exécution 2022 |
Taux d'exécution |
|||
Programme |
Recettes |
Crédits |
Recettes |
Crédits |
Recettes |
Crédits |
731 - Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État |
- |
7 707 |
- |
10 476 |
- |
136 % |
732 - Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État |
- |
1 885 |
- |
1 885 |
- |
100 % |
Total au niveau du compte |
9 592 |
9 592 |
17 421 |
12 360 |
182 % |
129 % |
Solde du compte |
0 |
+ 5 061 |
- |
NB : le taux d'exécution est renseigné à partir du total des crédits ouverts en 2022.
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Le compte d'affectation spéciale
« Participations financières de
l'État » :
une présentation notionnelle,
rendant impossible la comparaison
de la prévision à
l'exécution
Pour des raisons de confidentialité et d'opportunité, le Gouvernement refuse de s'engager sur un montant de cessions pour l'année à venir. Comme chaque année, le projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2022 indiquait ainsi que « pour des raisons de confidentialité, inhérentes notamment à la réalisation de cessions de titres de sociétés cotées, il n'est pas possible au stade de l'élaboration du projet de loi de finances de détailler la nature des cessions envisagées. La stratégie de cession dépend en effet très largement de la situation des marchés, très difficile à anticiper, des projets stratégiques des entreprises intéressées, de l'évolution de leurs alliances ainsi que des orientations industrielles retenues par le Gouvernement. Dans ce contexte, le responsable du programme évalue les opportunités, en ligne avec les lignes directrices de l'État actionnaire, et peut proposer au ministre de réaliser une opération ».
De ce fait, le compte spécial présente une particularité : de façon traditionnelle, la prévision de la loi de finances initiale est définie à l'équilibre, avec un montant équivalent de recettes et de dépenses, qui était traditionnellement fixé à cinq milliards d'euros.
Toutefois, pour tenir compte du programme de cessions prévu par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite « PACTE »3(*), les ressources et les charges du compte sont majorées depuis la loi de finances pour 2019. Pour mémoire, la loi « PACTE » autorisait le Gouvernement à céder la majorité du capital de la Française des jeux (FDJ) et d'Aéroports de Paris (ADP), dans l'objectif de mobiliser les recettes perçues pour doter le fonds pour l'innovation et l'industrie (FII).
Source : commission des finances du Sénat
Dans la définition des crédits disponibles pour le compte, trois étapes doivent être distinguées :
- la loi de finances pour 2022 a inscrit des recettes prévisionnelles pour le compte d'affectation spéciale à hauteur de 9,5 milliards d'euros ;
- la première loi de finances rectificative pour 20224(*) a ouvert 12,7 milliards d'euros de crédits sur le programme 367 « financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » et sur le programme 358. Les crédits du programme 367 avaient vocation à abonder le CAS au deuxième semestre pour « financer tant en crédits qu'en recettes des opérations d'ampleur devant intervenir à compter de septembre, dont principalement l'offre publique d'achat simplifiée (OPAS) de la société Électricité de France, évaluée à plus de 9 700 millions d'euros. »5(*) ;
- la deuxième loi de finances rectificative pour 2022 a annulé 2 milliards d'euros sur le programme 358, à l'initiative du rapporteur général de la commission des finances du Sénat, qui avait porté un amendement supprimant 4 milliards d'euros sur le compte.
Pour mémoire, ces crédits n'ont pas fait l'objet d'un versement immédiat et intégral sur le compte : c'est le principe d'un abondement échelonné, au gré des opérations à financer, qui a été retenu.
Le graphique ci-après détaille l'évolution des dépenses prévues sur le compte après le vote des deux lois de finances rectificatives pour 2022.
Évolution des dépenses du compte de la LFI aux LFR
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Le graphique ci-après montre un niveau d'intervention du CAS exceptionnel en 2022, et illustre, pour la première fois depuis deux exercices, le caractère excédentaire du compte.
Exécution du compte depuis 2016
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
2. Des recettes en nette hausse mais qui sont toujours plus portées par les versements du budget général
Pour l'exercice 2022, le total des recettes s'élève à 17,4 milliards d'euros, en nette hausse par rapport à 2021 et par rapport aux tendances historiques du compte.
Cette évolution résulte essentiellement de versements du budget général, pour un montant de 15,5 milliards d'euros :
- 11,6 milliards d'euros ont été versés depuis le programme 358 « Renforcement exceptionnel des participations financières de l'État dans le cadre de la crise sanitaire » ;
- 1,9 milliard d'euros ont été versés depuis le programme 369, « amortissement de la dette de l'État liée à la covid-19 » ;
- 1,8 milliard d'euros ont été versés depuis les programmes d'investissements d'avenir ;
- 190 millions d'euros ont été versés depuis le programme 365 « Renforcement des fonds propres de l'agence française de développement » au titre de la recapitalisation de l'Agence française de développement ;
- 50 millions d'euros ont été versés depuis le programme 367, « Financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale Participations financières de l'État » ;
- 35 millions d'euros depuis les missions « plan de relance » et « Défense ».
Le tableau ci-après détaille l'évolution des recettes enregistrées sur le compte entre 2019 et 2022.
Évolution des recettes du compte spécial entre 2019 et 2022
(en millions d'euros)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Cessions |
1 989,6 |
1 425,9 |
34 |
1 802 |
Reversement de produits |
37,4 |
2,8 |
3,0 |
1,5 |
Reversement de dotations en capital |
395,8 |
10 |
0,01 |
0 |
Remboursement de créances rattachées à des participations financières |
0 |
0 |
0,7 |
0 |
Autres remboursements de créances |
29,5 |
85,4 |
425,9 |
119 |
Versements du budget de l'État |
362,8 |
9 395,5 |
4 206,8 |
15 499 |
Total |
2 815,1 |
10 919,6 |
4 766,5 |
17 421 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Il ressort que la part relative des versements du budget de l'État dans les recettes du compte spécial s'est considérablement renforcée, passant de 12,9 % en 2019 à 86 % en 2020, de 88 % en 2021 à 89 % en 2022.
3. Des dividendes qui remontent légèrement en 2022
Le montant des dividendes versés s'établit à 2,25 milliards d'euros en 2022, un niveau très légèrement supérieur au montant perçu en 2021 (1,6 milliard d'euros) mais qui reste inférieur à la période avant 2018.
Évolution des dividendes versés depuis 2008
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Pour rappel, les dividendes en numéraire font l'objet d'un reversement au budget général en application de l'article 48 de la loi du 30 décembre 2005 de finances pour 2006.
4. Des dépenses concentrées sur trois opérations principales
Le montant des dépenses s'élève à 10,48 milliards d'euros en 2022.
Le tableau ci-après détaille les dépenses financées par le compte en 2022. Au titre des opérations en capital, trois opérations doivent être relevées :
- l'augmentation de capital réalisée par EDF, à hauteur de 3,16 milliards d'euros, souscrite en partie par l'État à hauteur de 2,65 milliards d'euros. Cette augmentation de capital intervient dans le contexte d'augmentation par le Gouvernement, du volume d'ARENH, entraînant des coûts importants pour EDF ;
- la réalisation de l'offre publique d'achat sur les actions et obligations convertibles échangeables en actions nouvelles ou existantes (Oceane) de l'entreprise Électricité de France, dont le coût total a été estimé par l'État de 7,6 milliards d'euros pour le rachat des actions et 2,1 milliards d'euros pour les Océanes. 4,58 milliards ont été décaissés en 2022 ;
- le rachat de titres Orano pour un montant total de 639 millions d'euros. Cette opération vise à garantir le financement de l'EPR finlandais Olkiluoto.
Dépenses du compte spécial en 2022
(en millions d'euros)
|
Dépenses |
|
Périmètre APE |
Électricité de France ( EDF - augmentation de capital) |
2 654 |
Achats d'actions EDF (dont OPAS) |
4 575 |
|
Orano |
639 |
|
Laboratoire français du fractionnement et de biotechnologies |
100,1 |
|
Société pour le logement intermédiaire (libération de capital) |
95 |
|
Fonds ACE aéro |
66 |
|
Transformation du secteur audiovisuel |
32 |
|
Autres opérations |
37,7 |
|
Hors APE |
Programmes d'investissements d'avenir et France 2030 |
1 780 |
AFD (dotation en capital) |
190 |
|
Banques multilatérales de développement |
130 |
|
Opérations diverses |
168 |
|
Désendettement de l'État |
1 885 |
|
Total |
12 383 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
5. Un solde du compte excédentaire en 2022, qui ne s'explique que par les versements du budget général
Au total, la différence entre les dépenses et les recettes fait apparaître un solde de gestion excédentaire en 2022, à hauteur de 5,04 milliards d'euros, ainsi que le détaille le tableau ci-après.
Solde des exercices de 2019 à 2022
(en millions d'euros)
|
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
Recettes |
2 815,1 |
10 919,6 |
4 766 |
17 421 |
Dépenses |
1 122,1 |
11 701,1 |
5 535 |
12 383 |
Solde de l'exercice |
1 693 |
- 781,5 |
- 769 |
+ 5 038 |
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
Le solde du compte, après s'est dégradé de 2019 à 2021 devient donc fortement excédentaire en fin d'exercice 2022, du fait des abondements du budget général visant à financer l'offre publique d'achat sur l'entreprise Électricité de France, alors que l'ensemble des décaissements n'a pas été réalisé.
Évolution du solde cumulé du compte depuis 2013
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat (d'après les documents budgétaires)
II. LES OBSERVATIONS DU RAPPORTEUR SPÉCIAL
1. La nationalisation de l'entreprise Électricité de France, une opération qui n'apporte aucune réponse aux défis auxquels l'entreprise est confrontée
A l'occasion de son discours de politique générale du 6 juillet 2022, la Première ministre a annoncé l'intention de l'État français de détenir l'ensemble du capital d'EDF. Le 19 juillet, le Gouvernement a indiqué souhaité recourir à une offre publique d'achat simplifié (OPAS). Ainsi, le Gouvernement a demandé 12,7 milliards d'euros de crédits sur le programme 367 « financement des opérations patrimoniales envisagées en 2021 et en 2022 sur le compte d'affectation spéciale « Participations financières de l'État » » dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2022 et ces crédits ont été votés par le Parlement.
L'OPAS a été engagée en novembre dernier et la note d'information adossée à celle-ci indique que « l'urgence climatique et la situation géopolitique imposent des décisions fortes pour assurer l'indépendance et la souveraineté énergétique de la France, dont celle de pouvoir planifier et investir sur le très long terme les moyens de production, de transport et de distribution d'électricité »6(*).
Cependant, le rapporteur spécial tient à relever que la seule détention publique de l'entreprise ne constitue en rien une réponse suffisante aux difficultés et aux défis auxquels EDF est confronté.
D'abord, il aurait fallu nationaliser l'entreprise, et non pas intervenir selon des procédures de marché. Nationaliser c'est rendre à la Nation, et cela implique non seulement le transfert des moyens de production, mais aussi leur utilisation en faveur des citoyens dans un objectif d'intérêt général. EDF ne doit pas être une entreprise détenue par l'État mais bien un groupe public, au service de l'intérêt général.
Par ailleurs, la souveraineté énergétique de la France ne saurait dépendre d'une administration qui a été créée pour gérer des participations financières.
Il faut réarmer la France, en s'assurant qu'EDF soit un champion national et en préservant sa structure de tout démembrement. C'est le sens de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale le 4 mai dernier après une lecture devant le Sénat le 6 avril7(*).
2. Le remboursement de la dette Covid, un effet d'affichage dont personne n'est dupe
Depuis 2022, le compte sert de véhicule budgétaire pour le projet du Gouvernement d'amortir la dette de l'État liée à la crise sanitaire.
Estimé à 165 milliards d'euros par le Gouvernement, ce surcroît de dette doit faire l'objet d'un amortissement séparé sur une durée de vingt ans, à savoir jusqu'en 2042. Pour cela, il a été créé un nouveau programme 369 au sein de la mission « Engagements financiers de l'État », sur lequel un montant inédit de 165 milliards d'euros est ouvert en autorisations d'engagement, complété de 1,88 milliard d'euros en crédits de paiement. Ces crédits ont ensuite été versés sur le programme 732 du compte spécial pour abonder la Caisse de la dette publique, à hauteur de 1,88 milliard d'euros en AE et en CP en 2022.
Sans qu'il soit nécessaire de revenir sur les modalités mêmes du calcul de la « dette Covid » de l'État ou des conditions de son amortissement sur vingt ans, ce projet doit être dénoncé pour ce qu'il est : un tour de bonneteau budgétaire.
Ces crédits n'ont en aucun cas conduit à désendetter l'État, contrairement à la logique traditionnelle du programme 732. En effet, les versements à la Caisse de la dette publique n'ont pas eu pour origine une cession d'actifs, mais bien l'ouverture de crédits budgétaires, venant eux-mêmes alimenter le déficit budgétaire.
En somme, c'est sans nul doute le Gouvernement qui a le mieux résumé l'objectif de ce projet, en affirmant que ce programme répond à « un double objectif d'isolement comptable de la dette issue de la crise sanitaire en 2020 et 2021 et d'affichage d'une trajectoire de traitement de cette dette sur 20 ans, entre 2022 et 2042 »8(*).
C'est la raison pour laquelle le Parlement ne saurait endosser le rôle d'encart publicitaire en souscrivant à cet artifice comptable, qualifié d'affichage par le Gouvernement lui-même.
3. L'année 2022 confirme la forte dépendance du compte aux versements du budget général
Le recours systématique à des crédits du budget général confirme une analyse relevée de longue date par le rapporteur spécial : l'atrophie et la concentration progressives du portefeuille de l'État actionnaire contribuent à rigidifier le compte et à menacer les conditions de son fonctionnement.
En restreignant la participation publique aux entreprises stratégiques n'ayant pas vocation à être cédées, le fonctionnement du compte dépend essentiellement de versements du budget général. Les trois derniers exercices en témoignent de façon saisissante, alors que les dotations du budget général de l'État ont représenté 89 % des recettes du CAS en 2022.
Ainsi que le relève la Cour des comptes, « le poids de la crise sur la gestion 2020 fait du CAS PFE, plus encore que les années précédentes, un véhicule de dépense alimenté par le budget général et faiblement par ses ressources propres. En dehors des aides d'urgence, du PIA et du FII (relevant d'une logique propre), les opérations du CAS qui correspondent à des affectations de recettes propres ne représentent que 5 % des dépenses en 2020 »9(*).
La situation actuelle atteste de cette impasse, sans que le processus de « respiration » du portefeuille ait été pleinement conduit à son terme, dans la mesure où les conditions actuelles de marché ne permettent pas de procéder à certaines cessions. Le graphique ci-après détaille la part des recettes du compte provenant de versements du budget général depuis 2014.
Part des versements du budget
général
dans les recettes du compte
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
Il faut donc y voir une alerte : en plus d'obérer les pouvoirs du Parlement, le vecteur budgétaire n'est plus adapté au nouveau contexte de l'État actionnaire et sa viabilité n'est pas assurée.
C'est pourquoi le rapporteur spécial renouvelle sa recommandation : ces éléments doivent conduire à engager réellement une réflexion sur la refonte du cadre budgétaire de l'État actionnaire.
* 1 Ces opérations relèvent alors du programme 731 « Opérations en capital intéressant les participations financières de l'État ».
* 2 Ces opérations relèvent alors du programme 732 « Désendettement de l'État et d'établissements publics de l'État ».
* 3 Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.
* 4 Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.
* 5 Rapports annuels de performance de la mission « Économie » et du compte d'affectation spécial « Participations financières de l'État » pour l'année 2022.
* 6 Note d'information de l'État français sur l'offre publique d'achat sur les actions et Oceane de l'entreprise EDF.
* 7 Proposition de loi visant à protéger le groupe Électricité de France d'un démembrement.
* 8 Projet annuel de performances de la mission « Engagements financiers de l'État » pour 2022, p. 132.
* 9 Cour des comptes, note d'exécution budgétaire pour 2020.