- L'ESSENTIEL
- EXAMEN DES ARTICLES
- RÈGLES RELATIVES À
L'APPLICATION
DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION
ET DE L'ARTICLE 44 bis DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
- EXAMEN EN COMMISSION
N° 759
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 21 juin 2023
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires économiques (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs,
Par Mme Dominique ESTROSI SASSONE,
Sénateur
(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas, présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé, vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault, secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot.
Voir les numéros :
Première lecture : 1262, 1287 et T.A. 123
Commission mixte paritaire : 1341 Nouvelle lecture : 1338, 1348 et T.A. 139 |
Première lecture : 667, 681, 682 et T.A. 126 (2022-2023)
Commission mixte paritaire : 723 et 724 (2022-2023)
Nouvelle lecture : 755 et 760 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
Le Sénat est saisi en urgence de la proposition de loi, déposée à l'Assemblée nationale par le député Thomas Cazenave, visant au maintien du plafonnement de la revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs décidé à l'été 2022.
Cette PPL a pour objet de prolonger, jusqu'au premier trimestre 2024, le plafonnement de la hausse de l'indice de référence des loyers d'habitation, l'IRL, et de l'indice des loyers commerciaux, l'ILC, à hauteur de 3,5 % qui avait été décidé respectivement jusqu'au deuxième et premier trimestre de cette année dans la loi portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
La commission a décidé de rejeter le texte tant pour des raisons de méthode que de fond, le plafonnement des indices ne pouvant dispenser le Gouvernement d'une vraie politique en faveur du logement et du pouvoir d'achat des Français.
I. LA MÉTHODE : UNE LÉGISLATION À LA SAUVETTE
Concernant la méthode tout d'abord, la commission a fait un quintuple constat d'impréparation, de précipitation, d'absence évaluation, de manque de concertation et de non-accompagnement financier des mesures édictées.
Premièrement, alors que les délais sont connus depuis l'an passé et que l'encadrement de l'ILC est juridiquement déjà échu, puisqu'il s'achevait au premier trimestre 2023, c'est en janvier ou février que le Parlement aurait dû être saisi d'un projet de loi et non début juin dans la précipitation avec des délais anormaux. De fait, cette PPL a été déposée le 23 mai. Elle a été examinée par la commission des affaires économiques de l'Assemblée moins d'une semaine plus tard et le lendemain en séance, le 31 mai dernier. Dans cette course de vitesse législative, la commission a été contrainte de l'examiner moins de sept jours plus tard. La PPL sera examinée dès le 7 juin en séance publique.
Ces délais n'ont pas permis un travail parlementaire approfondi et respectueux des personnes auxquelles le texte va s'appliquer. Il a été impossible d'organiser des auditions et une véritable consultation des différentes parties prenantes. En effet, ces différents acteurs ont été pour la plupart placés devant le fait accompli. À la différence du projet de loi sur la protection du pouvoir d'achat débattu l'été dernier, aucune véritable concertation n'a été organisée pour rechercher un compromis. Ce texte va même contre la parole donnée selon laquelle la « loi pouvoir d'achat » était un dispositif exceptionnel qui ne serait pas reconduit.
« En choisissant de passer par le faux-nez d'une proposition de loi, le Gouvernement se dispense en outre de toute étude d'impact. »
Pourtant, l'an passé, le coût pour les propriétaires du plafonnement de la hausse de l'indice de référence des loyers d'habitation, l'IRL, pendant trois trimestres avait été évalué à 705 millions d'euros. Il pourrait cette fois-ci s'élever à 490 millions d'euros supplémentaires. Concernant l'indice des loyers commerciaux, dont la hausse avait été plafonnée par un amendement de Jean-Baptiste Lemoyne, elle n'avait pas donc pas fait l'objet d'une étude d'impact. Le passage par une proposition de loi privera de nouveau le Parlement de tout chiffrage. Mais, l'été dernier, cela résultait au moins d'une concertation.
Enfin, en passant par une proposition de loi, le Gouvernement se dispense de prendre les indispensables mesures d'accompagnement financier et d'apporter un certain nombre de garanties aux bailleurs comme aux locataires. L'an passé, le projet de loi de protection du pouvoir d'achat accompagnait la mesure de plafonnement des indices d'une hausse des aides personnelles au logement (APL). Tel n'est pas le cas aujourd'hui, puisque dans une proposition de loi ou par amendement, ce serait contraire à l'article 40 de la Constitution qui interdit l'aggravation des charges publiques.
II. LES FRANÇAIS ATTENDENT UNE VRAIE POLITIQUE DU LOGEMENT ET DU POUVOIR D'ACHAT
Limiter la hausse des loyers face à une inflation élevée n'est pas la martingale, mais une réponse partielle et à court terme à un problème beaucoup plus large. En bloquant un des maillons de la chaîne, on prend le risque d'effets pervers à court, moyen et long termes.
Concernant le logement, face à une crise violente de la construction qui fait craindre de très graves conséquences pour le futur, il convient de relancer l'investissement et l'accession. Mais comment inciter à l'investissement locatif lorsqu'on envoie le message aux propriétaires que leur plan de remboursement d'emprunt peut-être modifié et amputé sans concertation ?
« Comment encourager la location de logements contre la location saisonnière lorsqu'on envoie le message que les indices de références ne seront pas respectés alors que les loyers saisonniers ne sont pas régulés ? »
De plus, les charges pesant sur les propriétaires ne sont pas allégées. La revalorisation des valeurs locatives sur l'inflation pour le calcul de la taxe foncière n'a pas été plafonnée. L'Union nationale des propriétaires immobiliers, l'UNPI, la chiffre à 3 milliards d'euros. En outre, la rénovation énergétique des logements est à la charge des propriétaires qui doivent faire face à d'importantes hausses du coût des travaux.
L'impact du plafonnement n'est pas moins lourd de conséquences pour les bailleurs sociaux. En effet, l'inflation se répercute sur les bailleurs sociaux à travers leurs emprunts de long terme, dont le taux varie en fonction du taux du livret A, et les coûts des travaux et de la construction. Avec un encours de dette de l'ordre de 150 milliards d'euros et un taux du livret A passé de 0,5 % à 3 % en un an, les charges d'intérêts des organismes de logement social se trouvent alourdies de 3,75 milliards d'euros en année pleine, impactant très fortement leurs résultats d'exploitation et leur capacité à investir. Le taux du livret A pourrait être porté à plus de 4 % en août. Or, normalement, cette hausse se répercute également dans l'IRL, et donc les loyers, mais aussi dans les APL et les salaires. En bloquant ce mécanisme, sans compensation, le Gouvernement impose une nouvelle ponction aux bailleurs sociaux alors que la réduction de loyer de solidarité, la RLS, représente déjà 1,3 milliard d'euros par an. Comment espérer ensuite que les bailleurs sociaux puissent répondre « présents » en matière de rénovation comme de construction de nouveaux logements sociaux alors que la demande est croissante ?
En prolongeant le plafonnement de la hausse des loyers, le Gouvernement n'apporte qu'une réponse partielle à la baisse du pouvoir d'achat, que ce soit dans le logement ou dans le commerce.
L'été dernier, le projet de loi s'accompagnait d'une garantie de revalorisation des APL sur l'IRL. Ce n'est pas le cas dans ce texte. Au cours des années passées, la hausse des APL a été le plus souvent déconnectée de l'IRL. En effet, les APL sont calculées à partir d'un loyer plafond qui n'a pas été revalorisé aussi rapidement que les loyers réels. La différence est de l'ordre de 20 %. Il en est de même du forfait de charges dont l'augmentation a été deux fois moins rapide que la dépense réelle. Il ne couvre plus que 40 % des charges effectives. Rien ne garantit aujourd'hui que les APL seront revalorisées à due concurrence et qu'un rattrapage sera effectué. D'ailleurs, en matière de charge, il est frappant de constater que l'on aura dépensé bien plus en deux années à travers des boucliers qu'en dix ans en matière de rénovation énergétique des logements !
Enfin, la limitation de la hausse des loyers ne peut exonérer d'une réflexion sur la hausse des salaires. Les commerces connaissent une situation difficile en raison de la perte de pouvoir d'achat des Français. La fréquentation des commerces non alimentaires aurait reculé de 20 %. Selon les chiffres publiés en avril dernier par l'INSEE, les achats alimentaires ont baissé de 10 % sur un an et la baisse est beaucoup plus importante sur certaines catégories de produits. Limiter la hausse des loyers ne permettra pas de redonner vraiment du pouvoir d'achat aux Français et elle en prend à d'autres qui sont les propriétaires.
EN SÉANCE
Lors de sa séance du 7 juin 2023, le Sénat n'a pas adopté la proposition de loi.
LA SUITE DE LA NAVETTE
Après l'échec de la commission mixte paritaire, le 12 juin 2023, l'Assemblée nationale a adopté le texte sans modification en nouvelle lecture le 20 juin.
Également saisie en nouvelle lecture, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi le 21 juin et ne l'a pas adoptée.
EXAMEN DES ARTICLES
Article 1er
Prolongation du plafonnement à
3,5 % de la hausse de l'indice des loyers commerciaux pour les petites et
moyennes entreprises
Cet article vise à prolonger le plafonnement à 3,5 % de la hausse de l'indice des loyers commerciaux pour les petites et moyennes entreprises jusqu'au premier trimestre 2024.
Il a été adopté conforme par l'Assemblée nationale en première et en nouvelle lecture. Il n'a pas été adopté par le Sénat en première lecture.
La commission n'a pas adopté l'article en nouvelle lecture.
I. La disposition votée par l'Assemblée nationale - La poursuite du plafonnement décidé en août 2022 jusqu'au premier trimestre 2024
A. Un plafonnement temporaire décidé par la loi pouvoir d'achat à l'été 2022
Dans le contexte inflationniste provoqué par la guerre en Ukraine, une disposition de plafonnement de la hausse de l'indice des loyers commerciaux (ILC) à 3,5 % a été introduite par un amendement de M. Jean-Baptiste Lemoyne au Sénat (article 14 de la loi). Il s'appliquait jusqu'au premier trimestre 2023 et n'est donc plus en vigueur.
En effet, malgré la modification intervenue courant 2022 dans son mode de calcul, l'ILC paraissait encore trop dynamique, une hausse de 6,3 % étant anticipée au quatrième trimestre 2022.
Cet amendement a été le résultat d'une concertation qui a fait suite aux Assises du commerce et il a été décidé de n'appliquer ce plafonnement qu'aux seules PME, plus vulnérables aux hausses de leurs charges, le loyer pesant en moyenne environ 16 % du chiffre d'affaires d'un commerçant.
B. Le dispositif voté par l'Assemblée nationale - Prolongement du plafonnement
L'article 1er de la proposition de loi vise à prolonger la durée du plafonnement à 3,5 % de l'ILC jusqu'au premier trimestre 2024, alors qu'il aurait dû s'achever au premier trimestre 2023.
Cette mesure est motivée par la dynamique inflationniste persistante qui laisse anticiper une hausse de l'ILC entre 6,5 % et 4,5 % sur la période considérée.
Comme précédemment, le manque à gagner par le plafonnement ne pourra être récupéré ultérieurement.
En première lecture puis en nouvelle lecture, l'article a été adopté sans modification en commission des affaires économiques comme en séance publique.
II. La position du Sénat en première lecture - Une prolongation qui n'est pas une solution aux problèmes du commerce
La commission a tenu à prendre en compte non seulement le contexte inflationniste, mais également les difficultés actuelles du secteur du commerce marqué par la défaillance de plusieurs grandes enseignes.
Selon les éléments transmis au rapporteur, les commerces non alimentaires connaîtraient une baisse de fréquentation de près de 20 %. La question pouvait donc se poser d'étendre la mesure de plafonnement à un plus grand nombre d'entreprises.
Cependant, le plafonnement constitue un préjudice indéniable pour les propriétaires, dont de nombreux anciens commerçants comptant sur les loyers de leurs anciens murs pour compléter leur retraite, sans pour autant apporter de solution réelle face à la baisse de l'activité liée à la perte de pouvoir d'achat des Français.
Il faut noter qu'en dehors de Paris, selon les données transmises au rapporteur par la Fédération des acteurs du commerce dans les territoires (FACT), les valeurs locatives des surfaces commerciales ont baissé entre 2010 et 2023. Par ailleurs, la plupart des baux commerciaux ne sont révisés que tous les trois ans, et le preneur a le droit à une importante indemnité d'éviction si le propriétaire souhaitait lui donner congé. Les loyers représentent entre 5 et 20 % des coûts d'un commerce, le loyer n'est donc pas un facteur déterminant du niveau des prix pratiqués pour le consommateur.
La commission a en outre estimé que les difficultés actuelles du commerce résultaient principalement d'un recul sans précédent du pouvoir d'achat des Français, faute de hausse des salaires en proportion de la hausse des prix. La consommation alimentaire en est le symptôme le plus voyant. Selon les données de l'INSEE en mai 2023, si l'IPC progressait sur un an de 5,1 %, les prix des produits alimentaires progressaient de 14,1 %1(*). Cette très forte hausse a provoqué une baisse tout à fait inédite de l'ordre de 10 % de la consommation de produits alimentaires par les Français, selon les données de l'INSEE publiées en avril 20232(*).
Par ailleurs, les défaillances de certaines enseignes s'expliquent par des causes plus structurelles comme le positionnement commercial ou l'insuffisante prise en compte du virage du commerce en ligne. D'autres fermetures s'expliquent par les choix de redéploiement de groupes internationaux. Le montant du loyer n'apparaît pas comme le facteur déterminant.
La commission puis le Sénat n'a donc pas adopté l'article en première lecture.
II. La position de la commission en nouvelle lecture - Une solution toujours partielle aux problèmes du commerce et du pouvoir d'achat
Suite à l'échec de la commission mixte paritaire, le 12 juin, et la confirmation par l'Assemblée nationale de son vote en nouvelle lecture conduisant à l'adoption de l'article 2 sans modification, le rapporteur a maintenu son analyse.
La solution proposée reste trop partielle au regard des problèmes de pouvoir d'achat des Français et des difficultés structurelles de certains commerces, notamment pour prendre le virage du numérique.
Le rapporteur a en outre regretté l'absence persistance de concertation, l'absence d'évaluation de l'impact de la mesure et la fausse urgence dans laquelle a été examiné ce texte alors que le plafonnement est échu depuis le premier trimestre 2023.
La commission n'a pas adopté l'article en nouvelle lecture.
Article 2
Prolongation du plafonnement de la hausse de l'indice de
référence
des loyers à 3,5 %
Cet article vise à prolonger le plafonnement de la hausse de l'indice de référence des loyers à 3,5 % jusqu'au premier trimestre 2024.
Il a été adopté conforme par l'Assemblée nationale en première et en nouvelle lecture. Il n'a pas été adopté par le Sénat en première lecture.
La commission n'a pas adopté l'article en nouvelle lecture.
I. La disposition votée par l'Assemblée nationale - La poursuite du plafonnement décidé en août 2022 jusqu'au premier trimestre 2024
A. Le plafonnement temporaire à 3,5 % de l'IRL par la loi du 16 août 2022
À l'été 2022, en raison de la crise inflationniste notamment provoquée par la guerre en Ukraine, le Parlement a adopté, sur proposition du Gouvernement, la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.
Son article 12 plafonne la hausse de l'IRL à 3,5 % entre le troisième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2023.
Cette évolution est limitée à 2,5 % pour les départements et régions d'outre-mer régis par l'article 73 de la Constitution, et peut être modulée d'1,5 point à la baisse en Corse. De fait, un arrêté d'octobre 2022 l'a plafonnée à 2 %.
Cette disposition n'a pas impacté le parc social en 2023 puisque l'évolution des loyers est fondée sur l'indice du 2e trimestre de l'année précédente.
Cette disposition n'a pas non plus porté atteinte à la possibilité d'une revalorisation du loyer en cas de travaux d'amélioration alors que d'importants chantiers d'amélioration énergétique sont à prévoir.
Sur la base d'une hausse de 4,5 % de l'IRL, le Gouvernement estimait que les locataires auraient dû débourser 3,5 milliards d'euros supplémentaires se répartissant entre le parc privé pour 2/3 et le parc social pour 1/3.
Le Gouvernement avait donc proposé de limiter cette hausse à 3,5 % afin de réduire la charge de 536 millions d'euros dans le parc privé et de 248 millions d'euros dans le parc social par rapport à cette anticipation, une augmentation des aides personnelles au logement étant par ailleurs mise en oeuvre.
À l'inverse, le Gouvernement estimait le manque à gagner par les propriétaires à 705 millions d'euros.
Pour l'État, l'impact estimé était une surcharge de 141 millions d'euros.
B. Le dispositif voté à l'Assemblée nationale - La prolongation du plafonnement jusqu'au premier trimestre 2024
L'article 2 propose un prolongement pur et simple du plafonnement de l'augmentation de l'IRL à 3,5 % jusqu'au premier trimestre 2024, compte tenu de la dynamique anticipée de l'inflation qui, quoique décroissante, resterait forte jusqu'au 1er trimestre 2024, selon les prévisions transmises au rapporteur par le ministère du Logement.
Les plafonnements spécifiques pour les DROM et la Corse seraient eux-aussi prolongés pour la même durée.
En première lecture puis en nouvelle lecture, l'article a été adopté sans modification en commission des affaires économiques comme en séance publique.
II. La position du Sénat en première lecture - Le rejet d'une prolongation brusquée et sans garantie
En première lecture, le rapporteur a estimé que cette prolongation posait un problème de méthode : des délais d'examen inacceptables, l'absence d'étude d'impact en raison du recours à une proposition de loi, notamment de ses coûts pour les propriétaires et notamment pour les bailleurs sociaux, alors que le taux du livret A augmente, et l'absence de concertation et une rupture de la parole donnée aux bailleurs privés à l'été 2022.
Le rapporteur a, de plus, regretté l'absence de garanties pour les locataires alors qu'à l'été 2022, le plafonnement de l'IRL s'était accompagné d'une mesure garantissant une hausse parallèle des APL alors que celles-ci couvrent de moins en moins la réalité des charges des locataires. Aucune mesure n'est en outre proposée pour accompagner les propriétaires privés et les bailleurs sociaux face à ce plafonnement, alors que leurs charges fiscales ou d'emprunt augmentent.
En conséquence, la commission puis le Sénat n'ont pas adopté l'article en première lecture.
II. La position de la commission en nouvelle lecture - Une solution insuffisance face aux problèmes de logement des Français
Suite à l'échec de la commission mixte paritaire, le 12 juin, et la confirmation par l'Assemblée nationale de son vote en nouvelle lecture conduisant à l'adoption de l'article 2 sans modification, le rapporteur a maintenu son analyse.
La simple prolongation du plafonnement de la hausse de l'IRL ne peut constituer une réponse suffisante face aux difficultés que rencontrent les Français à se loger, à payer leurs loyers et leurs charges. Cette mesure ne peut masquer l'absence de réponse à la hauteur de la crise du logement et de la chute brutale de la construction et de l'investissement locatif alors que les propriétaires doivent faire face à la rénovation énergétique.
Le rapporteur a en outre regretté l'absence persistance de concertation, l'absence d'évaluation de l'impact de la mesure et la fausse urgence dans laquelle a été examiné ce texte alors que le plafonnement est échu depuis le premier trimestre 2023.
La commission n'a pas adopté l'article en nouvelle lecture.
RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION
DE
L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION
ET DE L'ARTICLE 44 bis
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)
Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 3(*).
De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie4(*). Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte5(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial6(*).
En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.
En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires économiques a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 21 juin 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 667 (2022-2023) maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.
Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé, les dispositions relatives :
- à la révision sur le fondement de l'indice des loyers commerciaux des baux des entreprises artisanales ou commerciales ;
- à la révision sur le fondement de l'indice de référence des loyers des baux d'habitation du parc privé et du parc social, des bâtiments d'habitation dans le cadre du fermage, des contrats de location-accession à la propriété immobilière et des loyers de référence là où est expérimenté l'encadrement de loyers.
EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 21 juin 2023, la commission a examiné le rapport de Mme Dominique Estrosi Sassone sur la proposition de loi n° 760 (2022-2023) maintenant provisoirement un dispositif de plafonnement de revalorisation de la variation annuelle des indices locatifs.
https://www.senat.fr/compte-rendu-commissions/20 230 619/ecos.html#toc4
* 1 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7625 341
* 2 https://www.insee.fr/fr/statistiques/7625 852
* 3 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.
* 4 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.
* 5 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.
* 6 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.