N° 703

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 7 juin 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires sociales (1) sur la proposition de loi
visant à mettre en place un
registre national des cancers,

Par Mme Nadia SOLLOGOUB,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche, présidente ; Mme Élisabeth Doineau, rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge, vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez, secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, MM. Abdallah Hassani, Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel.

Voir les numéros :

Sénat :

546 et 704 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Réunie le mercredi 7 juin 2023 sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission des affaires sociales a adopté la proposition de loi de Mme Sonia de La Provôté et plusieurs de ses collègues créant un registre national des cancers géré par l'Institut national du cancer (Inca).

À l'initiative de son rapporteur, elle a précisé la rédaction de la base légale du registre national registre et ses finalités.

I. LES REGISTRES DES CANCERS : UN OUTIL ÉPIDÉMIOLOGIQUE AU POTENTIEL SOUS-EXPLOITÉ

A. LES REGISTRES, UN OUTIL ÉPIDÉMIOLOGIQUE ESSENTIEL EN CANCÉROLOGIE MAIS UN SOUTIEN PUBLIC PERFECTIBLE

1. Les registres, outil épidémiologique essentiel en cancérologie

Les registres épidémiologiques sont des modes de recueil, à visée exhaustive, de données individuelles nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique.

Carte des départements couverts par un registre des cancers

Source : Santé publique France

En 2023, 33 registres sont dénombrés par la direction générale de la santé : 19 registres généraux couvrant 24 départements, dont cinq ultra-marins, et 14 registres spécialisés dans le recensement de cancers localisés dans des organes spécifiques : cancers digestifs dans le Calvados, cancers gynécologiques en Côte-d'Or, thyroïdiens dans le Rhône, etc.

2. Un soutien public perfectible

Le travail des registres est lourd et complexe : le décompte exhaustif des cas de cancer à l'échelle territoriale d'un registre nécessite de croiser de nombreuses sources d'information, ce qui impose des vérifications manuelles et un retard de remontée des données que l'Académie de médecine estimait en 2021 entre trois et cinq ans.

En outre, ces registres forment un ensemble hétérogène. Si les grands registres sont bien informatisés, d'autres fonctionnent avec des moyens moins modernes et ont poussé moins loin leurs efforts de dématérialisation.

La gouvernance et le financement des registres n'a pour l'heure pas permis de lever totalement ces freins : la vision d'ensemble portée par le comité stratégique des registres copiloté par le directeur général de la santé et le directeur général de la recherche et de l'innovation et auquel participent l'Inserm, l'Inca, la DGOS, Santé publique France et l'ANSM, n'est pas évidente ; et leur financement, porté essentiellement par l'Inca et Santé publique France, est stable depuis dix ans tandis que le nombre de cas augmente, et n'exclut pas la recherche, par les registres, de financements complémentaires.

B. LES REGISTRES : UN POTENTIEL SOUS-EXPLOITÉ

1. Une connaissance des cas de cancers encore limitée dans son exactitude

D'abord, le panorama actuel fourni par les registres ne permet pas de dénombrer ni de localiser exactement les cas de cancer en France, seulement de les estimer. Lorsque Santé publique France indique que le nombre total de nouveaux cas de cancer est estimé à 382 000 en 2018, il ne fait qu'extrapoler à partir des données issues des registres existants.

La part de la population couverte par les registres généraux non spécialisés est estimée à 22 %.

Ensuite, la population couverte par l'activité des registres présente quelques biais : elle est en moyenne plus rurale, relativement plus âgée, légèrement plus favorisée, et les personnes d'origine étrangère y sont moins nombreuses que dans le reste de la population. Or la moindre représentation des zones urbaines conduit à une moindre représentation des zones susceptibles de connaître de fortes expositions à des pollutions environnementales, ou à des sources d'expositions multiples.

Élargir la couverture du territoire en registres de mortalité, surtout dans les zones sensibles, faisait déjà partie des recommandations des deux commissions d'enquête sénatoriales sur les risques industriels et sur la pollution des sols de juin et septembre 2020.

La stratégie décennale de lutte contre le cancer n'y fait droit que timidement, en proposant la création de deux nouveaux registres, l'un dans une zone défavorisée, telle la Seine-Saint-Denis, l'autre dans une zone où sont situées des installations Seveso.

2. Une exploitation des données des registres encore sous-optimale

Les données des registres sont suffisamment homogènes pour être utilisables pour de nombreux projets de recherche. Elles sont transmises aux équipes internationales qui en font la demande, et exploitées de longue date par le réseau européen des registres des cancers, le centre international de recherche sur le cancer de l'OMS ou encore le programme londonien CONCORD de surveillance de la survie liée au cancer.

Elles présentent toutefois, au regard des principes fondamentaux issus du règlement européen sur la protection des données, des caractéristiques particulières qui freinent leur croisement avec d'autres, médico-administratives ou issues des certificats de décès, puisqu'elles sont par hypothèse très larges, directement nominatives, et sont conservées pour une durée qui peut être celle de la conservation des dossiers médicaux.

Il en découle une difficulté récurrente à faire droit aux demandes du personnel des registres de faciliter l'alimentation en routine de leur bases, avec les données des certificats de décès ou du système national des données de santé, par exemple. L'usage du NIR, ou numéro de sécurité sociale, permettrait d'y remédier mais le décret d'avril 2019 exclut le personnel des registres, des professionnels qui peuvent l'utiliser en tant qu'identifiant de santé.

Enfin, le travail des registres pourrait être mieux valorisé à l'échelle européenne. Un maillage plus fin du territoire permettrait de faciliter la réalisation d'essais thérapeutique sur des populations élargies de patients atteints de cancers rares, de fiabiliser les études en vie réelle, d'assurer une fonction de veille sanitaire sur un périmètre plus vaste, ou encore d'affiner l'analyse des disparités géographiques ou sociales. Pour l'heure, la France affiche un certain retard sur ses voisins en termes de couverture de son territoire par des registres des cancers, comme en témoigne l'évolution de la carte du réseau européen des registres des cancers ci-dessous.

 
 

Source : European network of cancer registries, infographie Le Monde, dans son numéro du 22 janvier 2019

II. POUR LA CRÉATION D'UN REGISTRE NATIONAL DES CANCERS

A. LA PROPOSITION DE LOI CRÉE UN REGISTRE NATIONAL DES CANCERS

La proposition de loi déposée par Mme Sonia de La Provôté et plusieurs de ses collègues ajoute aux missions de l'Inca la « mise en oeuvre d'un registre national des cancers », lequel centraliserait les données relatives aux cancers sur l'ensemble du territoire national afin d'améliorer la prévention, le dépistage, le diagnostic et la prise en charge thérapeutique des malades du cancer, mais aussi de constituer un outil de suivi et d'alerte épidémiologique ainsi qu'une base de données aux fins de recherche. Ses buts seraient notamment de diminuer la morbidité, la mortalité, l'incidence et la prévalence des cancers, et d'améliorer la survie des malades.

Une telle proposition prolonge un certain nombre de demandes récentes émanant du monde associatif tout autant que de scientifiques et de responsables administratifs. Le rapport de 2017 de Bernard Bégaud, Dominique Polton et Franck von Lennep engageait à constituer des registres nationaux en cancérologie pour certaines molécules, afin de donner tout leur potentiel aux données en vie réelle. En 2020, l'Igas relevait, en évaluant le troisième plan cancer, que « des données à une échelle géographique plus fine sont nécessaires ». En 2021, le Haut Conseil de la santé publique plaidait pour une meilleure homogénéisation des données et la création d'un dispositif national de détection des signaux faibles. L'Académie de médecine, enfin, a appelé plus clairement en 2021 à la création d'un registre national des cancers accompagné d'un mécanisme de déclaration obligatoire de la maladie, afin d'accélérer les remontées d'information nécessaires à l'exercice d'une mission de surveillance sanitaire élargie.

Un tel registre national rapprocherait en outre la France des pratiques de ses voisins européens, comme l'Allemagne, où la remontée d'informations exhaustives à l'échelle nationale est un objectif fixé par le législateur depuis dix ans.

Les registres des cancers en Allemagne
(extraits du rapport du Haut Conseil de la santé publique de 2021)

Dès 1995, l'Allemagne a légiféré sur l'obligation pour les 16 États fédérés de mettre en place des registres épidémiologiques des cancers afin de bénéficier d'un registre national. Puis, le besoin croissant d'informations fiables sur la qualité des soins a conduit à adopter une loi en 2013 visant à établir des registres cliniques des cancers dans l'ensemble des états fédérés pour disposer d'une base au niveau national. Cet objectif a été fixé à 2017. Pour ce faire, de nombreux Länder transforment et développent leurs registres épidémiologiques pour qu'ils intègrent également des données cliniques. Ces registres dorénavant qualifiés comme clinico-épidémiologiques doivent être exhaustifs et contiennent des données importantes du diagnostic à l'issue de la maladie en passant par les traitements et les récidives.

Deux entités séparées ont été mises en place pour assurer une protection élevée des données des registres et une analyse régulière de celles-ci. Ainsi, un « centre de confiance » accepte les avis et garde les données personnelles du patient alors qu'un « centre d'analyses » réceptionne les données épidémiologiques et cliniques pour analyse. Un processus d'anonymisation s'opère lors du transfert des données d'un centre à l'autre.

Le budget alloué à la mise en place des registres cliniques des cancers est de 7,2 millions d'euros et est financé par la Ligue allemande contre le cancer (DKH). Les frais courants des registres s'élèvent eux à 140 euros par cas et sont pris en charge à 90 % par les caisses d'assurance maladie et à 10 % par les Länder.

B. UNE RÉDACTION PRÉCISÉE EN COMMISSION

La commission, à l'initiative du rapporteur, a :

précisé le rôle de l'Inca, rendu responsable du traitement des données, qualifiées plus clairement à l'initiative de Mme Raymonde Poncet Monge, de « populationnelles » ;

renvoyé au pouvoir réglementaire la définition du rôle des entités de recherche alimentant les registres existants, qui n'ont pas vocation à disparaître mais à constituer des composantes du système de collecte des données à l'échelle nationale. L'Inca serait en outre autorisé à en labelliser de nouvelles et à développer et héberger des systèmes d'information pour leur compte ;

précisé le cadre d'utilisation des données personnelles, collectées et traitées pour autant qu'elles sont strictement nécessaires à la réalisation par l'Inca de ses missions ; le pouvoir réglementaire devra en outre préciser les modalités d'appariement des données collectées avec d'autres jeux de données de santé ;

explicité la mise à disposition des données du registre national auprès de Santé publique France, pour l'exercice de ses missions, en particulier, de veille et d'alerte sanitaire - en attendant qu'un système opérationnel confère aux remontées d'informations alimentant les registres un caractère automatique.

Réunie le mercredi 7 juin 2023 sous la présidence de Catherine Deroche, la commission des affaires sociales a adopté la présente proposition de loi modifiée par les amendements du rapporteur.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique
Création d'un registre national des cancers

Cet article confie à l'Institut national du cancer la mise en oeuvre d'un registre national des cancers.

La commission a adopté cet article en précisant la base légale offerte au registre national, les finalités de la collecte des données et les détails renvoyés au pouvoir réglementaire, en donnant à l'Inca la possibilité de labelliser de nouvelles entités de recherche à cette fin, et en prévoyant la mise à disposition des données du registre à Santé publique France à des fins de veille et d'alerte sanitaire.

I. Mieux exploiter le potentiel des registres des cancers

A. Les registres des cancers : un potentiel sous-exploité

1. Un outil épidémiologique essentiel en cancérologie mais un soutien public encore perfectible

a) Un outil essentiel en cancérologie

Les registres épidémiologiques sont des modes de recueil, à visée exhaustive, de données individuelles nominatives intéressant un ou plusieurs événements de santé dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique1(*).

Les registres des cancers ont été créés progressivement depuis les années 1970. Ils fournissent les données nécessaires à l'observation des cancers et les indicateurs permettant de mesurer l'impact des dispositifs afin de guider les politiques publiques, tels le pilotage des programmes de dépistage organisé, la planification et l'organisation des soins, ou encore l'amélioration de la qualité des prises en charge.

En 2023, 33 registres sont dénombrés par la direction générale de la santé : 19 registres généraux couvrant 24 départements (dont cinq ultra-marins), et 14 registres spécialisés dans le recensement de cancers localisés dans des organes spécifiques. Seuls 32 toutefois sont évalués dans les formes qui seront détaillées ci-après. Ils sont listés dans le tableau ci-dessous.

Départements couverts

Intitulé du registre

Création

Registres généraux

67

Registre général des cancers du Bas-Rhin

1974

25

Registre des tumeurs du Doubs

1977

14

Registre général des tumeurs du Calvados

1978

38

Registre général des cancers de l'Isère

1978

80

Registre du cancer de la Somme

1982

81

Registre général des cancers du Tarn

1982

34

Registre général des tumeurs de l'Hérault

1983

972

Registre des cancers de la Martinique

1983

988

Registre des Cancers de Nouvelle Calédonie

1985

68

Registre des cancers du Haut-Rhin

1988

974

Registre des Cancers de la Réunion

1989

50

Registre des cancers de la Manche

1994

87

Registre général des cancers en région Limousin

1998

44-85

Registre des tumeurs de Loire-Atlantique/Vendée

1999

33

Registre général des cancers de la Gironde

2004

973

Registre des cancers de Guyane

2005

59

Registre des cancers de Lille et de sa région

2005

16-17-79-86

Registre des cancers de Poitou-Charentes

2007

971

Registre général des cancers de la Guadeloupe

2008

Registres spécialisés

08-51

Registre des cancers de la thyroïde Marne Ardennes

1975

21-71

Registre bourguignon des cancers digestifs

1976

14

Registre des cancers digestifs du Calvados

1978

21

Registre des hémopathies malignes de Côte d'Or

1980

21

Registre des cancers du sein et des cancers gynécologiques de Côte d'Or

1982

29

Registre des tumeurs digestives du Finistère

1984

France métrop + DOM

Registre national des hémopathies malignes de l'enfant (RNHE)

1995

06-13-14-2A-2B-24-25-33-38-40-44-47-50-61-64-67-68-76-80-83-93-94

Registre multicentrique du mésothéliome à vocation nationale (Mesonat)

1998

33

Registre des tumeurs primitives du système nerveux en Gironde

1999

France métrop + DOM

Registre national des tumeurs solides de l'enfant (RNTSE)

1999

69

Registre des cancers thyroïdiens du Rhône

2000

14

Registre des hémopathies malignes de Basse-Normandie

2002

33

Registre des hémopathies malignes de la Gironde

2002

2A-2B

Registre du cancer de Corse

2011

Source : Direction générale de la Santé, Florence Francis2(*)

La production grâce aux registres des indicateurs utiles à la décision en santé publique est portée par le travail conjoint de quatre acteurs.

D'abord, le réseau français des registres des cancers (Francim). Créé en 1995 sous forme d'association loi 1901, il regroupe l'ensemble des responsables de registres de cancers ayant fait l'objet d'une évaluation nationale et désireux de suivre les recommandations internationales d'enregistrement des cancers et les procédures rédigées par Francim, de partager leurs données et de développer des études communes de veille sanitaire et de recherche. Ce réseau, qui réunit les registres généraux tous cancers et 11 registres spécialisés, mutualise et harmonise pour le compte des gestionnaires des registres des tâches d'ordre technique, relatives par exemple aux derniers standards d'enregistrement des cancers, épidémiologique - relevant de la veille sanitaire - mais aussi juridique, telle que la mise en conformité avec les exigences de la Cnil.

Ensuite, le service de biostatistique-bioinformatique des Hospices civils de Lyon (HCL) héberge la base commune des registres réunis au sein du réseau Francim, grâce à laquelle les premières estimations de l'incidence des cancers en France ont pu être produites dans les années 1990.

La base de données du réseau Francim, hébergée par les HCL, est à présent gérée conjointement avec Santé publique France et l'Institut national du cancer (Inca). Dans ce cadre, un programme de travail partenarial est élaboré tous les ans, qui prévoit notamment parmi ses quelques dizaines d'actions la production régulière d'indicateurs épidémiologiques - d'incidence, de prévalence, de survie - au niveau national et infranational, lesquels ont vocation à être publiés sur les sites internet de l'Inca et de Santé publique France.

b) Un mode de fonctionnement - nécessairement - lourd

Le décompte exhaustif des cas de cancer à l'échelle territoriale d'un registre nécessite de croiser de nombreuses sources d'information : hôpitaux privés et publics, laboratoires d'analyse médicale, laboratoires d'anatomie-pathologie, de biologie moléculaire, données de l'imagerie médicale, registre des décès. Cette organisation est complexe, et requiert des ressources humaines pour collecter ces données.

Comme le relevaient Dominique Polton, Bernard Bégaud et Franck von Lennep dans leur rapport consacré aux données de vie réelle, les registres, « lorsqu'ils sont de qualité, sont des outils coûteux [...], qui demandent un grand professionnalisme et des gens de bon niveau pour effectuer un travail assez ingrat, avec des procédures très répétitives. Ce sont des outils lourds : les délais d'obtention des données peuvent être longs (de l'ordre de 2 à 3 ans pour les registres épidémiologiques), il est très difficile d'intégrer de nouvelles variables. »3(*)

L'Académie nationale de médecine estimait pour sa part dans un rapport en décembre 20214(*) que la lourdeur de la récupération des données en raison des sources multiples et de la nécessité de vérifications manuelles pour en assurer l'exactitude entraînait un retard difficilement compressible estimé plutôt entre trois et cinq ans.

En outre, ces registres forment un ensemble hétérogène. Si les grands registres sont bien informatisés, d'autres fonctionnent avec des moyens moins modernes et ont poussé moins loin la dématérialisation. L'absence de visite sur site dans la procédure d'évaluation des registres ne permet pas même de garantir que l'exhaustivité est partout atteinte. Ce défaut d'homogénéité pose des problèmes de complémentarité et d'articulation avec les bases de données médico-administratives.

Le mode de gouvernance des registres n'est pour l'heure pas parvenu à corriger totalement cette hétérogénéité. Un comité national des registres (CNR) créé en 1996 délivrait initialement un label qualité après appel à candidature et pour une durée limitée. Le CNR a été supprimé par décret du 23 mai 2013 dans le cadre du Comité interministériel de modernisation de l'action publique et, après après deux ans de mise en sommeil, remplacé par deux comités :

- le comité stratégique des registres (CSR), copiloté par le directeur général de la santé et le directeur général de la recherche et de l'innovation et auquel participent l'Inserm, l'Inca, la DGOS, Santé publique France et l'ANSM, dont l'objet est de réfléchir aux orientations nationales que l'ensemble des tutelles souhaite donner aux registres dans les prochaines années, par exemple en matière de priorité de couverture ou de financement ;

- le comité d'évaluation des registres (CER), comité indépendant chargé de l'évaluation scientifique, tous les cinq ans, des registres, ainsi que d'émettre des recommandations sur le fonctionnement et les activités de recherche et de surveillance, d'évaluer la mise en oeuvre des recommandations faites aux registres et de faire des propositions au CSR, au regard notamment de l'épidémiologie et de la politique de prévention et de prise en charge.

Cette situation a conduit la direction générale de la santé à saisir en juin 2019 le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) d'une demande de réflexion sur la politique nationale des registres, à l'horizon de la fin 2020. Le rapport du HCSP5(*), rendu en septembre 2021, souligne l'adéquation des registres des cancers aux priorités de santé publique, mais confirme notamment que le pilotage des actions en santé requiert des données mieux homogénéisées.

c) Un cadre juridique et financier minimal

Le bon fonctionnement des registres est encore obéré par au moins deux éléments.

D'abord, leur cadre juridique est fragile. L'arrêté de 19956(*) portant création d'un comité national des registres en profitait pour définir les missions des registres et leurs conditions de création, après avis favorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, mais il a été abrogé par le décret de 2013 précité portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif7(*). Les registres, aujourd'hui, sont soit des unités Inserm, soit des équipes d'accueil universitaires, soit, le plus souvent, des associations loi 1901. Les coûts rattachés à l'organisation sont parfois pris en charge localement, par l'université, l'UFR de médecine ou le CHU.

Ensuite, le caractère suffisant de leur financement pourrait être sérieusement discuté. Actuellement, les registres sont financés par :

- une subvention supportée à 78 % par l'Inca et à 22 % par Santé publique France ; cette subvention, relativement stable depuis dix ans, s'élève à 5,4 millions d'euros ;

- une part de crédits fixés par la direction générale de l'offre de soins au titre des missions d'intérêt général attribuées aux établissements de santé, via les agences régionales de santé, par voie de circulaire budgétaire. Les 4,6 millions d'euros consacrés en 2023 à l'ensemble des registres épidémiologiques sont répartis entre 35 établissements, ce qui porte le montant moyen à 134 000 euros et le montant médian à 126 000 euros. Les revalorisations au titre du Ségur ont fait progresser cette enveloppe de 7 % en 2022, et les revalorisations au titre du point d'indice de 3 % en 2023. Les registres des cancers reçoivent près de 70 % de ces financements, soit 3,2 millions d'euros en 2023.

Évolution de la subvention aux registres (2006-2023)

Source : Inca, réponse au questionnaire de la commission

À ces financements principaux s'ajoutent, à la marge :

- une part versée également par l'Inca  au titre d'appels à projets ;

- des financements complémentaires attribués par différents acteurs, telles les collectivités territoriales.

Quoique sécurisés dans le temps par la signature, avec l'Inca et Santé publique France, d'un contrat d'objectifs et de performance quinquennal, les financements des registres ne semblent pas à leurs membres suffisants, dans un contexte d'augmentation des cas de cancer, pour leur permettre d'assurer leurs missions sereinement.

2. Un outil épidémiologique à mieux exploiter

a) Un potentiel sous-exploité, notamment dans la connaissance des liens entre cancer et environnement

La faiblesse du soutien apporté aux registres minimise le gain que la politique de santé publique pourrait retirer de leur indispensable besogne.

D'abord, le panorama actuel fourni par les registres ne permet pas de dénombrer ni de localiser exactement les cas de cancers en France. La part de la population couverte par les registres généraux non spécialisés est estimée à 22 %. Les grands indicateurs nationaux fournis par Santé publique France ne sont ainsi que des approximations : lorsque l'institut indique que le nombre total de nouveaux cas de cancer est estimé à 382 000 en 20188(*), il ne fait qu'extrapoler à partir des données issues des registres existants.

Pas plus ne peut-on, par hypothèse, localiser précisément les cas de cancers sur le territoire national. Les registres de cancers se singularisent ainsi parmi les autres registres de mortalité en ceci qu'ils sont les plus localisés : si presque tous les registres de maladies rares, par exemple, sont nationaux, 90 % des registres généraux des cancers sont alimentés à une échelle départementale.

Cette couverture imparfaite introduit des biais dans la connaissance des cancers. Outre que les registres surveillent une population légèrement plus âgée - la part des plus de 60 ans y est un peu supérieure -, relativement plus favorisée et dans laquelle la population d'origine étrangère y est moins nombreuse, ils couvrent des zones moins urbanisées : 15 % de la population couverte par les registres vit dans des zones de plus de 500 000 habitants, contre 34,4 % de la population en zone hors registre ; à l'inverse, 36 % de la population de la zone couverte par des registres vit dans des zones de moins de 5 000 habitants, contre 28 % en zone hors registre.

Or la faible représentation des zones urbaines conduit à une moindre représentation des zones susceptibles de connaître de fortes expositions à des pollutions environnementales, ou à des sources d'expositions multiples. Telle était déjà en substance l'analyse de Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy dans leur rapport de juin 20209(*) de la commission d'enquête sénatoriale sur les risques industriels, qui recommandait la création d'un nouveau registre général des cancers dans le département de la Seine-Maritime, qui en est aujourd'hui dépourvu, afin d'améliorer sur ce point le suivi de la population exposée aux conséquences de la catastrophe de Lubrizol.

Telle était également l'analyse de Gisèle Jourda dans le rapport de la commission d'enquête sénatoriale sur la pollution des sols10(*), qui estimait que « des registres de cancers pourraient être ouverts pour mieux évaluer le lien entre l'apparition de certains cancers et :

- l'exposition à l'arsenic, en particulier dans l'Aude dont une partie de la population, et notamment un grand nombre d'enfants, ont pu être exposés à cette substance cancérigène non seulement en raison de l'exploitation des mines de Salsigne mais également de la présence naturelle importante de l'arsenic dans les milieux [...] ;

- l'exposition à plusieurs métaux lourds pour laquelle il serait intéressant d'évaluer l'impact sanitaire d'un effet cocktail, en particulier dans le Gard où l'exploitation minière a pu maximiser l'exposition des populations à des métaux lourds ou des métalloïdes déjà naturellement présents dans les sols : le plomb, le cadmium et l'arsenic. À titre d'exemple, le plomb et le cadmium sont supposés augmenter les risques de maladies rénales chroniques, et l'arsenic et le cadmium pourraient être impliqués dans l'apparition de cancers des poumons et d'atteintes pulmonaires. »

Le quotidien Le Monde du 22 janvier 2019 proposait ainsi de comparer la couverture du territoire par des registres de cancers et la dispersion des sites industriels, pour mettre en évidence le caractère inabouti du maillage territorial en outils de surveillance épidémiologique.

Comparaison de la couverture du territoire par des registres des cancers et de la dispersion des sites industriels

Source : Francim et ministère de la transition écologique et solidaire, infographie Le Monde, dans le numéro du 22 janvier 2019

Le rapport du HCSP précité relevait pour sa part aussi que le cadre actuel de fonctionnement des registres ne permettait qu'imparfaitement la détection des signaux faibles : « il existe une forte demande sociale et une tension autour d'un déficit perçu de protection sanitaire, renforcé par la croyance que plus tôt est toujours mieux. Les modifications rapides de l'environnement (nombre de nouveaux produits chimiques, les bouleversements environnementaux dont la dérégulation climatique) peuvent en effet induire l'émergence de nouvelles pathologies et/ou des modifications rapides de la fréquence des pathologies. »11(*) Le HCSP en concluait à la nécessité d'un dispositif d'identification des signaux faibles, compatible avec les acteurs existants, et articulé avec les registres plutôt que les impliquant directement, car leurs délais de traitement de l'information sont peu compressibles.

Santé publique France semble abonder dans ce sens en considérant que, pour évaluer un risque en population, au calcul d'un rapport standardisé d'incidence doit être préférée la méthode, plus rigoureuse, du balayage spatio-temporel inventée par le biostatisticien Martin Kulldorff, laquelle exige de disposer de données exhaustives sur le territoire12(*). L'existence d'un registre national des cancers de l'enfant rend possible le recours à cette méthode pour la détection d'éventuels clusters de cancers pédiatriques, et pose la question d'un registre national pour les autres types de cancers.

La stratégie décennale de lutte contre les cancers13(*) prévoit certes d'y remédier en partie, afin de mieux représenter certaines particularités de la population en termes démographique et d'exposition environnementale. Son action I-7.2, qui s'inspire des recommandations faites par l'Igas après évaluation du troisième plan cancer14(*), prévoit ainsi de « développer des méthodes de détection et d'investigation des clusters de cancer en s'appuyant notamment sur les registres. Dans le contexte d'inquiétude de la population et de méconnaissance des facteurs de risque de certains cancers, les sollicitations pour suspicion de clusters, en particulier pédiatriques, se multiplient. Or les études ponctuelles réalisées sur un seul site en réponse à certaines demandes locales présentent des limites méthodologiques et des difficultés d'interprétation notables. [...] Un dispositif de surveillance national sera mis en place. [...] Des registres pourront être créés dans une zone géographique défavorisée (Seine-Saint-Denis par exemple) ou dans une zone où sont situées des installations classées Seveso. Pourront également faire l'objet d'études observationnelles la 5G, en articulation avec les actions engagées par les inspections interministérielles et l'Anses, ou encore les zones agricoles à proximité d'habitations, en lien avec les actions conduites dans le cadre du plan Ecophyto II. »

b) Des données sous-exploitées par la difficulté à les croiser avec d'autres

L'utilisation des données personnelles et de santé est d'autant plus sensible depuis l'entrée en vigueur du règlement européen sur la protection des données15(*). Celui-ci insiste en effet sur la précision des finalités des données utilisées, leur minimisation et leur limitation à ce qui est nécessaire compte tenu des objectifs poursuivis, la limitation de leur durée de conservation, le respect de leur intégrité et de leur confidentialité, et sur le principe de loyauté, qui exige d'informer les personnes concernées en toute transparence.

Or les données des registres présentent, au regard de ces principes fondamentaux, des caractéristiques particulières puisqu'elles sont par hypothèse très larges, directement nominatives, et sont conservées pour une durée qui peut être celle de la conservation des dossiers médicaux. Leur richesse est pleinement exploitée si elles sont croisées avec d'autres, issues des bases médico-administratives comme le système national des données de santé (SNDS) par exemple, ou bien des données issues de cohortes épidémiologiques, ce qui exige de renforcer l'information des personnes intéressées et d'assurer la robustesse et la sécurité de leur hébergement.

Pour toutes ces raisons, il semble que le croisement des données des registres avec d'autres soit encore très perfectible.

Depuis la loi Santé de 2019, l'appariement avec les données du SNDS est possible, outre le cas d'un projet de recherche ponctuel autorisé par la Cnil, pour tout responsable de traitement de données ayant constitué un entrepôt comportant des données du SNDS seules ou appariées avec d'autres données et conforme au référentiel « entrepôts de données de santé »
- ou bien, à défaut, ayant obtenu l'autorisation ad hoc de la Cnil à cet effet.

L'appariement proprement dit peut prendre deux formes. Il peut être probabiliste, c'est à dire faisant appel à des variables communes entre les données versées dans le registre et celle du SNDS, ou bien déterministe, c'est-à-dire faisant usage du numéro de sécurité sociale, ou NIR, de la date de naissance complète et du sexe ou via la reconstitution du NIR par un tiers tel que la Cnav ou l'Insee.

Toutefois, le « décret cadre NIR »16(*) n'autorise pas son usage par le personnel des registres. D'une part, ces professionnels ne font pas partie de ceux visés, qui sont, pour l'essentiel, les professionnels constituant une équipe de soins ou concourant à la prévention ou aux soins et dont les conditions d'exercice sont régies par le code de la santé publique. D'autre part, l'article relatif à l'utilisation du NIR en tant qu'identifiant national de santé ne le prévoit que pour « la prise en charge à des fins sanitaires et médico-sociales », ce qu'une interprétation stricte doit conduire à distinguer de l'activité des registres.

c) Une intégration ralentie à l'espace sanitaire européen

Les appels au maillage territorial plus fin en registres des cancers sont également soutenus par l'idée d'insérer plus décisivement la France dans la politique européenne de lutte contre le cancer.

Le réseau Francim participe certes déjà aux travaux de l'European network of cancer registries. Ce réseau européen des registres de cancers encourage depuis 1990 la collaboration entre les registres du cancer, définit des normes de collecte de données, assure la formation du personnel des registres et diffuse régulièrement des informations sur l'incidence et la mortalité du cancer en Europe. Il compte près de 180 réseaux membres.

Mais cette collaboration est freinée par l'étroitesse relative, en France, du périmètre de collecte des données, ainsi que l'illustre la carte ci-dessous.

Évolution de la couverture du territoire européen par des registres des cancers

 
 

Source : European network of cancer registries, infographie Le Monde, dans son numéro du 22 anvier 2019

Un maillage plus fin, voire complet du territoire, permettrait de faciliter la réalisation d'essais thérapeutique sur des populations élargies de patients atteints de cancers rares, de fiabiliser les études en vie réelle, d'assurer une fonction de veille sanitaire sur un périmètre plus vaste, ou encore d'affiner l'analyse des disparités géographiques ou sociales
- certaines tumeurs s'expliquant par des déterminants génétiques affichant un fort gradient Nord-Sud, par exemple.

L'absence de couverture du territoire français en registres à vocation nationale s'explique d'autant moins que certains de nos grands voisins - tels le Royaume-Uni, ou l'Allemagne - en ont fait un objectif en passe d'être atteint.

Les registres des cancers en Allemagne

 État des lieux

Dès 1995 l'Allemagne a légiféré sur l'obligation pour les 16 États fédérés de mettre en place des registres épidémiologiques des cancers afin de bénéficier d'un registre national. Puis, le besoin croissant d'informations fiables sur la qualité des soins a conduit à adopter une loi en 2013 visant à établir des registres cliniques des cancers dans l'ensemble des états fédérés pour disposer d'une base au niveau national. Cet objectif a été fixé à 2017. Pour ce faire, de nombreux Länder transforment et développent leurs registres épidémiologiques pour qu'ils intègrent également des données cliniques. Ces registres dorénavant qualifiés comme clinico-épidémiologiques doivent être exhaustifs et contiennent des données importantes du diagnostic à l'issue de la maladie en passant par les traitements et les récidives.

 Organisation

Deux entités séparées ont été mises en place pour assurer une protection élevée des données des registres et une analyse régulière de celles-ci. Ainsi, un « centre de confiance » accepte les avis et garde les données personnelles du patient alors qu'un « centre d'analyses  » réceptionne les données épidémiologiques et cliniques pour analyse. Un processus d'anonymisation s'opère lors du transfert des données d'un centre à l'autre.

 Budget

Le budget alloué à la mise en place des registres cliniques des cancers est de 7,2 millions d'euros et est financé par la Ligue allemande contre le cancer (DKH). Les frais courants des registres s'élèvent eux à 140 euros par cas et sont pris en charge à 90 % par les caisses d'assurance maladie et à 10 % par les Länder.

Source : Haut Conseil de la santé publique, rapport de 2021 précité

B. Le dispositif proposé : la création d'un registre national des cancers géré par l'institut national du cancer

L'article unique de la proposition de loi déposée par Sonia de La Provôté et plusieurs de ses collègues modifie la partie du code de la santé publique relative au rôle de l'Inca, pour :

- à l'article L. 1415-2, qui détaille ses missions, ajouter la « mise en oeuvre d'un registre national des cancers » ;

- après l'article L. 1415-2, créer un nouvel article L. 1415-2-1, détaillant les finalités d'un tel registre. Celui-ci centraliserait « les données relatives aux cancers de l'enfant et de l'adulte sur l'ensemble du territoire national » afin « d'améliorer la prévention, le dépistage, le diagnostic et la prise en charge thérapeutique » des malades du cancer, mais aussi constituer « un outil de suivi et d'alerte épidémiologique ainsi qu'une base de données aux fins de recherche ». Ses buts seraient « notamment de diminuer la morbidité, la mortalité, l'incidence et la prévalence des cancers », et d'améliorer la survie des malades.

Un décret en Conseil d'État, pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, déterminerait les conditions d'application de ces dispositions.

Une telle proposition prolonge ainsi les recommandations d'un certain nombre d'études récentes.

Le rapport précité de Bernard Bégaud, Dominique Polton et Franck von Lennep relatif aux données en vie réelle observait déjà que « le domaine de la cancérologie est sans doute un de ceux où l'on pourrait imaginer que certains recueils de données deviennent obligatoires et systématiques pour certaines molécules, de façon à constituer des registres nationaux, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays ».

Le travail récent le plus poussé argumentant dans ce sens est celui de l'Académie nationale de médecine de décembre 2021 précité, qui estimait que « la nationalisation des données des registres doit viser à améliorer le fonctionnement du recueil des données et la rapidité d'obtention des résultats ». L'Académie convoquait notamment au soutien de son analyse celle du conseil scientifique international indépendant de l'Inca, selon laquelle « l'Inca devrait jouer un rôle de leader dans la création de ressources nationales pour le partage et l'intégration des données, le soutien et la recherche en matière de nouvelles initiatives thématiques (par exemple les bases de données et éléments communs) ». Ses principales recommandations sont synthétisées dans le tableau ci-après.

Les recommandations de l'Académie nationale de médecine (extraits)

- assurer la pérennisation du soutien national aux registres du réseau Francim, faciliter l'accès aux sources de données, et envisager une déclaration obligatoire ;

- assurer progressivement un enregistrement national des cancers plus géographiquement représentatif ;

- assurer la poursuite de la confrontation des données des registres avec celles des autres bases. Il est conseillé la mise en place d'une convention de coopération avec en particulier le Health Data Hub ;

- assurer l'hébergement de l'enregistrement national des cancers au sein de l'Inca. Le registre « national » consistera à regrouper les données réalisées par différents organismes dont les registres départementaux ou régionaux, sur l'ensemble du territoire ;

- associer les partenaires fournisseurs de données au sein du registre national et de déterminer précisément leur rôle ;

- déterminer le statut juridique de l'enregistrement national et assurer la protection des données du registre ;

- garantir un financement pérenne du registre national tout en optimisant l'utilisation des finances publiques ;

- intégrer ce registre national à l'espace européen.

II. La position de la commission

Suivant son rapporteur, la commission a considéré que la création d'un registre national des cancers se justifiait par la nécessité de mieux connaître le nombre exact de cancers, repérer des foyers de sur-incidence et rassurer les populations, mieux évaluer les risques sanitaires liés à certaines expositions, et de guider l'offre de soins. Un tel registre permettrait encore d'améliorer la politique de prévention, de garantir un meilleur suivi des programmes de santé publique et des effets de la politique de prévention, et de mieux insérer la France dans le plan européen de lutte contre le cancer. Il serait enfin l'occasion de préciser le cadre légal permettant la collecte de données dans le domaine de la cancérologie.

Il lui a semblé que les obstacles communément avancés pour refuser la création d'un tel registre devaient être nuancés.

Celui du coût, d'abord. L'existence d'un registre national plus explicitement piloté par l'Inca appellera une nouvelle organisation de la collecte des données, et l'accès permanent au SNDS dont bénéficie l'institut devra permettre l'alimentation « en routine » de données médico-administratives de base.

La commission a dans cette optique adopté l'amendement COM-4 du rapporteur qui autorise explicitement l'Inca à labelliser des équipes de recherche, afin de multiplier les collecteurs de données, et à héberger des systèmes d'information en cancérologie, afin de faire bénéficier les données des registres existants de la solution technique sûre et souveraine de l'institut.

Outre les économies d'échelle réalisées par une meilleure organisation de la collecte des données, l'argument du coût doit être mis en regard des économies attendues d'une amélioration de la lutte contre une maladie dont l'incidence a, selon Santé publique France, augmenté entre 1990 et 2018 de 65 % chez les hommes et de 93 % chez les femmes, tendance qui n'est n'est, pour 6 % des cas masculins et 45 % des cas féminins, pas attribuable à la démographie17(*).

L'argument d'une valeur ajoutée faible au regard des outils et des résultats actuels, ensuite, est contestable. L'Inca développe certes une plateforme de données en cancérologie qui intégrera, à terme, des données cliniques issues des comptes rendus des réunions de concertation pluridisciplinaires et des programmes personnalisés de soins, ainsi que des registres des cancers et permettra l'usage de techniques d'intelligence artificielle pour mieux extrapoler les données issues de la zone registre à l'ensemble du territoire français. Il reste que l'exhaustivité et l'exactitude permise par un registre ne sera pas obtenue par un tel instrument.

La commission, suivant encore le rapporteur, a adopté en outre l'amendement COM-3, qui précise :

- le rôle de l'Inca, rendu responsable du traitement des données ;

- le rôle, précisé par voie réglementaire, des entités de recherche alimentant les registres existants, qui n'ont pas vocation à disparaître mais à constituer des composantes du système de collecte des données à l'échelle nationale ;

- le cadre d'utilisation des données personnelles, collectées et traitées pour autant qu'elles sont strictement nécessaires à la réalisation par l'Inca de ses missions ; le pouvoir réglementaire devra en outre préciser les modalités d'appariement des données collectées avec d'autres jeux de données de santé ;

- la mise à disposition des données du registre national auprès de Santé publique France, pour l'exercice de ses missions, en particulier, de veille et d'alerte sanitaire - en attendant qu'un système opérationnel confère aux remontées d'informations alimentant les registres un caractère automatique.

La commission a adopté cet article ainsi modifié.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mercredi 7 juin 2023, sous la présidence de Mme Catherine Deroche, présidente, la commission examine le rapport de Mme Nadia Sollogoub, rapporteur, sur la proposition de loi n° 546 (2022-2023) visant à mettre en place un registre national des cancers.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Nous examinons maintenant le rapport et le texte de la commission sur la proposition de loi visant à mettre en place un registre national des cancers, déposée par notre collègue Sonia de La Provôté et plusieurs de ses collègues.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. - Le cancer est, en France, la première cause de décès chez l'homme, et la deuxième chez la femme. Or, paradoxalement, nous ne connaissons pas exactement les grands indicateurs de prévalence, d'incidence, de mortalité ou de survie du cancer dans notre pays ni pour 2022, ni pour 2020, ni même pour 2019.

En effet, nous ne disposons que d'une estimation pour l'année 2018. Il n'existe certes aucune raison de douter de sa fiabilité, mais, compte tenu des avancées de la science, on ne peut que s'étonner que les scientifiques aient tant tardé à mettre leur goût pour la précision au service de la connaissance de ce qui tue les humains.

Ce que l'on sait précisément des cas de cancers repose sur les registres des cancers. Il s'agit là d'un mode de recueil, à visée exhaustive, des données individuelles nominatives dans une population géographiquement définie, à des fins de recherche et de santé publique. Il en existe une bonne trentaine, qui ont été créés à l'initiative d'unités de recherche locales depuis les années 1970. La collecte des données se fait presque toujours à l'échelle du département ; elle porte dans les deux tiers des cas sur tous les types de cancer, et pour le tiers restant sur un type particulier - ainsi, des cancers digestifs dans le Calvados, des tumeurs du système nerveux en Gironde ou des cancers thyroïdiens dans le Rhône.

Le décompte exhaustif des cas de cancer requiert de croiser patiemment de nombreuses sources d'information : hôpitaux privés et publics, laboratoires d'analyse médicale, laboratoires d'anatomie pathologique, de biologie moléculaire, données de l'imagerie médicale, registre des décès, etc. Ce travail exige du temps et des compétences spécifiques pour éviter les doublons et garantir son exactitude.

Il en découle une certaine lenteur dans la remontée des résultats, des difficultés à intégrer de nouvelles variables et un relatif manque d'homogénéité entre les registres, qui peut poser des problèmes de croisement avec d'autres sources de données, médico-administratives ou de mortalité par exemple.

Cette complexité n'est pas amoindrie par les modalités de gouvernance et de financement du système. La base commune des registres, qui sont regroupés depuis 1995 au sein du réseau Francim, est hébergée par le service de biostatistique des Hospices civils de Lyon et gérée conjointement par l'Institut national du cancer (INCa) et Santé publique France, qui sont aussi les principaux financeurs des registres, à hauteur des deux tiers de leur budget. Ce financement, garanti sur une base quinquennale, ne semble pas menacé, mais il est minimal et, surtout, il est stable depuis presque quinze ans alors que les cas de cancer augmentent. Enfin, la direction générale de la santé et celle de la recherche et de l'innovation copilotent un comité stratégique auquel participent également l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), l'INCa, la direction générale de l'offre de soins (DGOS), Santé publique France et l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), de sorte qu'il reste difficile d'identifier une vision d'ensemble bien définie.

Autre difficulté, les registres généraux non spécialisés ne couvrent que 22 % de la population. Certes, les extrapolations sont parfaitement exploitables pour établir de grands indicateurs, mais une telle restriction freine la connaissance fine de certains phénomènes.

En effet, d'une part, la population couverte par l'activité des registres présente certains biais : elle est en moyenne plus rurale, relativement plus âgée, légèrement plus favorisée et les personnes d'origine étrangère y sont moins nombreuses que dans le reste de la population. D'autre part, l'impact de l'environnement sur la santé est moins bien mesuré.

En tant qu'ancienne maire d'une commune distante de deux kilomètres d'une centrale nucléaire, je ne peux que m'associer à l'inquiétude des associations et des scientifiques, qui souhaiteraient que le maillage du territoire en registres corresponde davantage à la carte des sites sensibles. Le Sénat a d'ailleurs eu l'occasion de recommander la création de nouveaux registres dans certaines zones spécifiques, dans le cadre de la commission d'enquête sur la catastrophe de Lubrizol, corapportée par Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy, et de celle sur la pollution des sols, rapportée par Gisèle Jourda.

Les appels à multiplier les registres sont désormais nombreux de la part des associations, des scientifiques et de l'administration. Le rapport Bégaud-Polton-von Lennep préconisait déjà en 2017 de constituer des registres nationaux en cancérologie pour certaines molécules, afin de donner tout leur potentiel aux données en vie réelle.

En 2020, l'inspection générale des affaires sociales (Igas) relevait, dans son rapport d'évaluation du troisième plan Cancer, que « des données à une échelle géographique plus fine sont nécessaires, particulièrement lors du repérage de cluster ».

En 2021, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), mandaté par la direction générale de la santé (DGS), plaidait pour une meilleure homogénéisation des données et pour la création d'un dispositif national de détection des signaux faibles.

Enfin, la même année, l'Académie nationale de médecine a clairement recommandé la création d'un registre national des cancers, accompagné d'un mécanisme de déclaration obligatoire de la maladie, afin d'accélérer les remontées d'informations nécessaires à l'exercice d'une mission de surveillance sanitaire élargie.

Depuis lors, la stratégie décennale de lutte contre le cancer s'est limitée à prévoir la création de deux nouveaux registres : l'un dans une zone défavorisée, l'autre dans une zone abritant des sites Seveso. Il s'agissait là d'une préconisation figurant dans le rapport de l'inspection générale des affaires sociales (Igas) de 2020. Or, dans ce même rapport, les inspecteurs relevaient aussi que, dans les pays voisins, y compris les plus grands comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne, l'objectif d'une couverture nationale prévalait parfois depuis longtemps, soit depuis dix ans en Allemagne.

L'Union européenne s'est dotée en février 2021 d'un plan européen de lutte contre le cancer, ardemment soutenu l'an dernier sous la présidence française du Conseil. Une couverture élargie de notre territoire faciliterait à cette échelle la conduite d'essais thérapeutiques relatifs aux formes rares de la maladie. Elle agrandirait le spectre de la veille sanitaire et permettrait d'affiner l'étude de certaines disparités géographiques et sociales.

La proposition de loi de notre collègue Sonia de La Provôté arrive donc à point nommé pour rattraper notre retard en créant par son article unique un registre national des cancers, dont la mise en oeuvre serait confiée à l'Institut national du cancer. J'y suis tout à fait favorable, sous réserve de légères modifications.

Quoique souhaitée par de nombreux acteurs de la santé, une telle proposition est accueillie avec tiédeur par l'INCa, pour deux raisons que je crois surmontables.

La première repose sur l'idée que l'existant suffit et que le bénéfice attendu d'un registre national est faible. Il me semble que cela est inexact. Les données médico-administratives, certes larges et nationales, quand bien même elles seraient mises en réseau par Francim, appariées dans un hub ou exploitées par l'intelligence artificielle, comme prévoit de le faire l'INCa sur sa plateforme en cours de constitution, ne remplaceront jamais un recensement exhaustif et bien contextualisé des cas de cancer, réalisé par un registre.

La seconde raison avancée par l'INCa est financière. Certes, il faut des moyens pour faire fonctionner les registres, mais les économies d'échelle viendront surtout de la création d'un registre national dont les remontées d'informations seraient pilotées par un gestionnaire mieux identifié et disposant d'un accès permanent au système national des données de santé (SNDS), lequel permettra une alimentation « en routine » de certaines informations basiques, donc un allègement de la charge de travail du personnel des registres.

Ensuite, le coût d'un tel chantier est à mettre en regard des améliorations attendues en matière de santé publique et des économies considérables qui devraient en découler.

Enfin, quel que soit l'effort à inscrire dans la prochaine loi de finances, qui pourrait en contester la pertinence, dès lors qu'il s'agit de combattre une maladie dont l'incidence, depuis 1990, a augmenté de 65 % chez les hommes et de 93 % chez les femmes, hausse qui, pour 6 % des cas masculins et 45 % des cas féminins, n'est pas attribuable à la démographie ?

Ce texte ne réglera certes pas tout. Il restera à clarifier par voie réglementaire l'accès à certaines données que le personnel des registres devra obtenir automatiquement - les certificats de décès, par exemple - et à concevoir un mécanisme de remontée d'informations efficace pour pouvoir alimenter le registre dans les meilleurs délais. En outre une forme de déclaration obligatoire faciliterait grandement la tâche de l'INCa, mais ce texte ayant été déposé dans un espace réservé, j'ai manqué de temps pour en préciser le dispositif.

Aussi, je vous proposerai simplement de clarifier la rédaction de la base légale prévue pour le registre national, de préciser ses finalités et d'autoriser l'INCa à labelliser d'autres unités de recherche et à héberger les données des registres existants dans cette perspective. Un décret en Conseil d'État préciserait le rôle des entités de recherche - qui ne disparaîtraient pas, bien évidemment - dans la remontée d'informations et les modalités d'appariement avec d'autres jeux de données de santé. La mise à disposition de ces données auprès de Santé publique France, notamment, serait rendue explicite pour que l'agence puisse exercer ses missions de veille et d'alerte sanitaire.

Je souhaite que nous puissions, dans la suite de la discussion, consolider ensemble le dispositif pour rendre plus efficace encore la politique de lutte contre le cancer que l'INCa conduit avec succès depuis sa création.

Je tiens à saluer notre collègue Sonia de La Provôté, auteure de cette proposition de loi, dont l'unique objet est de faire monter en puissance les politiques de lutte contre le cancer en les dotant d'un outil optimal.

Enfin, en tant que rapporteur, il me revient de vous proposer un périmètre au titre de l'article 45 de la Constitution. Je vous propose de considérer que ce périmètre inclut des dispositions relatives aux outils épidémiologiques dans le domaine de la cancérologie. En revanche, les amendements relatifs aux autres composantes de la politique sanitaire ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé.

Il en est ainsi décidé.

Mme Catherine Deroche, présidente. - La commission a lancé une mission d'information sur les données de santé. L'idée d'un registre national est soutenue par les associations ainsi que par de nombreux collègues ; néanmoins, l'avis de l'INCa est très peu favorable.

Mme Sonia de La Provôté, auteure de la proposition de loi. - L'avis défavorable de l'INCa ressort comme un ovni dans l'ensemble des avis positifs rendus par ceux qui interviennent dans le traitement des cancers. Des raisons financières le justifieraient. En outre, plane l'idée que l'intelligence artificielle ferait l'effet d'un miracle qui permettrait d'obtenir des données de qualité égale à celles qui sont produites par les registres.

J'ai été membre du registre des tumeurs digestives du Calvados et, en plus d'être médecin, j'ai un diplôme en épidémiologie et statistiques médicales. Ma thèse a porté sur la relation entre les cancers digestifs et l'exposition professionnelle à l'amiante : je disposais pour mener mes travaux d'une cohorte professionnelle et du registre des tumeurs digestives, de sorte que j'ai pu croiser les données et mettre en évidence une relation dose-effet, ce qui a fait grand bruit à l'époque : on a renforcé le dépistage sur les cohortes concernées, en matière d'exposition. Rien de tout cela n'aurait été possible si je n'avais pas eu les données fiables et précises du registre.

En effet, dès lors que l'on veut mener des analyses plus fines, pour des cancers émergents dont les signaux sont encore faibles, seules des données fiabilisées, propres et exhaustives sont utiles.

Les nouvelles thérapeutiques pour traiter les cancers se multiplient, mais sont très coûteuses, de sorte que l'on procède par autorisations temporaires d'accès aux médicaments. Or, là encore, seules des données précises permettent d'accélérer les délais, ce qui a un effet considérable en matière d'économies de santé.

Enfin, sans observation en temps réel de l'évolution des cancers dans les territoires, il est impossible de mettre en place une prévention.

En matière de prévention, la France a été un pays moteur, elle a mis en place des politiques publiques de dépistage des cancers. La qualité et la fiabilité de ces tests sont le vrai sujet. Pour cela, il faut connaître le « cancer inter-tests » ; sans lui, on ne peut pas lancer une campagne de dépistage efficace.

Je comprends la question financière ; ce n'est pas rien de vouloir de mettre en place un registre national des cancers. Nous disposons de beaucoup de données numériques de santé par le biais de la sécurité sociale, du SNDS, des prises en charge thérapeutiques dans les hôpitaux ou les cliniques privées, qui ont d'ailleurs la tentation de les conserver pour elles. Nous arrivons à un moment où ces données numériques doivent être recueillies et confrontées, afin de disposer d'un registre national à la hauteur des attentes au niveau européen et même dans le monde.

Dans le domaine des politiques de santé publique, il importe de disposer d'un outil de prise en charge du cancer, de dépistage et d'accompagnement. Au moment où l'argent de la santé est manifestement précieux, où chaque année on cherche comment réduire « à l'os » les ambitions de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), le coût d'un tel outil s'avère dérisoire au regard des économies qu'il ne manquera pas d'entraîner.

Mme Florence Lassarade. - Le rapporteur a déjà répondu à la plupart de mes questions ! Dans le cadre du travail réalisé avec Bernard Jomier sur la santé environnementale, nous manquions en effet de données sur les registres du cancer.

Mme Annie Le Houerou. - Dans l'attente des conclusions de notre mission d'information sur les données de santé, je m'interroge sur l'opportunité de cette proposition de loi alors qu'il existe déjà, dans ce domaine, beaucoup de données et d'outils. Nous avons surtout, en France, un problème de coordination entre les différents organismes qui détiennent ces données.

L'opportunité d'un registre national s'entend parfaitement du point de vue de la recherche et de la prévention, mais je m'interroge sur la temporalité et la nature de l'outil. Nous avons, en tout cas, besoin d'outils rigoureux permettant d'avancer sur le cancer et aussi sur les maladies chroniques.

M. Philippe Mouiller. - Je salue le travail de l'auteure et du rapporteur du texte. Nous partageons les arguments présentés quant à la pertinence de l'outil.

Ma question porte sur les modalités de mise en place du registre. Je m'interroge notamment sur la coordination avec l'INCa. À cet égard, il est naturel que, sur ces questions de financement, l'Institut exprime ses réticences. Lors des auditions menées dans le cadre de la mission d'information sur les données de santé, nous avons bien compris que la création d'un stock national de données rencontrait de multiples difficultés.

Des questions se posent notamment sur la nature de la donnée, sur la manière dont elle est fabriquée. Un registre national entraîne une programmation particulière, parfois difficilement exploitable par les opérateurs sur le territoire, car ce ne sont pas les mêmes acteurs. Dans le monde de la donnée de santé, les acteurs sont multiples et manquent de coordination. Chaque équipe de recherche veut exploiter ses propres données. Sans remettre en cause la pertinence du registre, il convient de régler la question des modalités d'application, de conformité et de cohérence sur le territoire national.

M. Alain Milon. - J'adhère totalement à la nécessité de mettre en place un registre national. Cependant, je comprends que cette proposition de loi puisse vexer l'INCa. J'ai interrogé, à titre personnel, l'un de ses membres, qui m'a confié que c'est une mauvaise idée, très coûteuse, qui entraînerait un bénéfice minuscule. En plus des registres régionaux, l'INCa reçoit les données du programme de médicalisation des systèmes d'information (PMSI) et du SNDS. L'exhaustivité est donc quasi complète pour l'INCa sur le sujet. Pour les enfants, les données sur les tumeurs cérébrales et pleuropulmonaires sont déjà exhaustives.

Ce qui manque à l'INCa est inscrit dans sa stratégie décennale, à savoir un registre en zones denses - notamment en région parisienne - et un autre en zones polluées, dont les déterminations sont en cours. À l'exception de ces deux points, l'INCa considère qu'elle fait le travail et que la mise en place d'une proposition de loi n'est pas utile.

Mme Annie Delmont-Koropoulis. - J'ai assisté aux auditions des membres de l'INCa et j'ai trouvé que leurs réponses, concernant la mise en place du registre national, étaient à géométrie variable ; c'est dommage, car ce registre est nécessaire pour l'innovation et la recherche en santé.

Mme Raymonde Poncet Monge. - L'argument principal de l'INCa relève de l'économie de la santé, et non de la santé publique. Les membres de l'Institut jugent le coût supplémentaire par rapport aux bénéfices, et ne s'intéressent pas aux besoins des épidémiologistes, notamment pour s'inscrire dans le plan européen de lutte contre le cancer.

Les registres territoriaux sont exhaustifs. Si le territoire s'élargit à la France, alors cela devient un registre national populationnel. On s'inquiète du suivi des populations immigrées ; la région d'Île-de-France n'étant pas prise en compte, les données de cette catégorie populationnelle ne sont pas disponibles. On constate également des clusters de pollution, dus notamment à des implantations industrielles, avec des cancers professionnels qui auraient pu être recensés. Il convient donc d'étendre le dispositif à la France afin de pouvoir enregistrer, sans devoir attendre plusieurs années, les alertes concernant des facteurs environnementaux ou socioprofessionnels.

L'INCa reste porteur du dispositif. Alors que la population des personnes souffrant de cancer augmente, les moyens stagnent. Avec tous les registres à disposition, les moyens seront-ils suffisants ? C'est un problème d'économie de santé. Si l'on peut prévenir des cancers et faire des économies par le biais de la prévention et des politiques publiques, le retour sur investissement, aussi bien sur le plan humain que financier, sera conséquent. Par ailleurs, un registre national populationnel obligera à une harmonisation des différents registres qui ne fonctionnent ni avec les mêmes méthodes ni avec les mêmes outils.

M. René-Paul Savary. - J'émets quelques réserves concernant l'approche. On raisonne à partir d'une pathologie, alors que l'exploitation des données me semble plus pertinente en raisonnant à partir du patient. Les personnes souffrent, le plus souvent, de polypathologies, et non seulement d'un cancer. Par ailleurs, on ne vit pas toute sa vie sur le même territoire. Je ne suis donc pas convaincu par les approches à partir d'un territoire ou d'une pathologie. Je suis davantage favorable, dans un premier temps, au recueil des données de santé par le canal du SNDS ou du Health Data Hub ; on pourra ensuite extrapoler si les données sont fiabilisées et bien exploitées.

Mme Catherine Procaccia. - Le registre des cancers pédiatriques va-t-il disparaître, ou bien se fondra-t-il dans le registre national ? Il y a vingt-cinq ans, ce registre des cancers pédiatriques n'existait pas dans ma commune. Nous avions alors travaillé avec l'Institut de veille sanitaire (InVS). J'ai connu la même chose avec les cancers de la prostate aux Antilles, où l'existence d'un registre ne tenait que par la volonté des médecins.

Je partage l'avis de René-Paul Savary sur la question de la géographie ; un registre strictement géographique peut poser problème. Par ailleurs, compte tenu des particularités de chaque cancer, un registre national est-il vraiment opportun ? Ne faudrait-il pas un registre national par type de cancer ?

Mme Laurence Cohen. - Ces données sont indispensables aux chercheurs. L'argument qui s'oppose à la création de ce registre national est uniquement financier. Au niveau de la commission des affaires sociales, notre seul souci doit être la santé publique. Pour exploiter des données, encore faut-il pouvoir en disposer. En conséquence, notre groupe soutient cette proposition de loi.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Il faut collecter, et ensuite il faut pouvoir exploiter...

Mme Colette Mélot. - Lorsque j'ai cosigné la proposition de loi de Sonia de La Provôté, il existait des lacunes concernant l'utilisation des données de santé. En vous écoutant, on a surtout l'impression qu'il s'agit de querelles de chapelles. La question ne peut pas être économique ; si ce registre peut aider la recherche, alors il faut voter la proposition de loi.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. - Ce qui importe à l'INCa, comme il nous l'a écrit, c'est la balance coût-efficacité. Le problème, aux yeux de l'Institut, est donc bien financier. À aucun moment, l'INCa ne précise que ce système entraînerait des effets secondaires négatifs. De notre côté, tout en reconnaissant le rôle important de l'INCa, nous n'avons aucune raison de nous autocensurer dans nos travaux. Cette proposition de loi n'a pas pour objectif de vexer l'INCa, mais de faire en sorte que tout le monde avance dans le même sens.

Madame Lassarade, vous avez constaté un manque de données en matière de santé environnementale. Si l'on élargit le dispositif à l'ensemble du territoire, la question ne se posera plus.

Pour répondre à Mme Le Houerou concernant la mission d'information, il est intéressant que ces deux démarches complémentaires soient menées en parallèle, et l'on attend avec intérêt votre rapport. Des sujets ont émergé lors des auditions, par exemple celui de l'accès au registre de décès ou celui de l'anonymisation des données. Comme cela nous a été souvent répété lors des auditions, l'objectif n'est pas de seulement collecter les données, encore faut-il qu'elles servent à quelque chose.

Monsieur Mouiller, le sujet des modalités de mise en place est complexe. Le registre propose la donnée la plus complète, avec de multiples sources et acteurs. Cet outil va permettre de clarifier les choses et de gagner en efficacité. Doit-on attendre que les choses soient de plus en plus complexes et que chacun fasse son registre dans son coin ? Ou bien, profitons-nous de cette opportunité pour lever les difficultés et installer un système harmonisé au niveau national ? L'outil me semble parfaitement adapté.

Madame Poncet Monge, vous avez évoqué des endroits très précis où des questions peuvent se poser, notamment au niveau environnemental. Le registre national permet également de rassurer les patients et de lever certaines interrogations. En livrant des informations claires et précises, il permettra de tordre le cou aux théories du complot et à toutes formes de dérives.

Monsieur Savary, le SNDS fournit une information plus ponctuelle, à un instant précis ; la vision longitudinale du parcours des patients s'obtiendra par le registre national. L'objectif de cette proposition de loi est bien d'apparier, à l'échelle nationale, les données des registres locaux et celles du SNDS pour avoir la vision la plus complète. Par ailleurs, le patient se déplaçant sur le territoire, on comprend bien l'intérêt d'un registre national pour être efficace.

Madame Procaccia, le registre national est le seul qui existe pour les cancers pédiatriques ; c'est un exemple à suivre. Des compétences existent déjà, il ne s'agit pas de les évacuer, mais de s'en inspirer. Aujourd'hui, chacun travaille dans son coin et perd beaucoup de temps. L'idée est de rendre plus fluide l'accès aux informations et aux financements.

En outre-mer, le registre existe par la seule volonté des médecins ; cela ne peut plus fonctionner ainsi.

Deux regards différents sont portés sur cette idée de registre : celui, très informé, des chercheurs et des scientifiques ; et celui du grand public. Pour ce dernier, il est évident que ce type de registre, où sont stockées et exploitées toutes les données de santé, existe déjà. Quand on explique que seulement 20 % de la population est couverte par un registre, les gens n'y croient pas.

Mme Catherine Deroche, présidente. - Certains parmi nous connaissent les registres régionaux. Dans la région des Pays de la Loire, les données provenaient de deux départements : la Loire-Atlantique et la Vendée. On nous expliquait que ces données étaient purement statistiques. Avec ce registre, on monte en puissance.

Mme Sonia de La Provôté. - À la demande du professeur Guilhot, j'ai suivi toutes les auditions de l'Académie nationale de médecine, dont le rapport sur les données de santé date de 2021. J'avais déjà posé une question sur ce sujet à la ministre Agnès Buzyn, et sa réponse avait été assez floue. Le Health Data Hub, les données numériques ou l'intelligence artificielle sont des sujets passionnants ; certains s'y intéressent - il faut bien dire les choses - pour faire grossir leur portefeuille. Mettre en place un registre national d'utilité publique est aussi un moyen de protéger les données de santé en France.

Bien sûr, il y a d'autres pathologies que le cancer. Mais ce registre national des cancers est l'occasion de tester une forme de méthodologie qui pourra servir pour d'autres pathologies.

Les registres régionaux des cancers n'ont pas accès aux données du SNDS. Le registre national viendra pallier ce manque de coordination.

Concernant les sujets particuliers, l'intérêt d'un grand registre est de pouvoir effectuer des extractions. L'outil, sous le contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil), est à la fois rigoureux d'un point de vue scientifique et sécurisant sur le plan de l'intérêt public et de la protection des personnes.

EXAMEN DE L'ARTICLE UNIQUE

Article unique

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. - L'amendement COM-3 modifie l'article L. 1415-2 du code de la santé publique en précisant la base législative du registre national des cancers, ainsi que ses finalités.

Lors des auditions, il nous est apparu plus clair de préciser que le registre national des cancers était « populationnel » ; c'est le sens du sous-amendement COM-5. L'amendement COM-2 prévoit, quant à lui, de modifier l'intitulé du registre national des cancers car certains scientifiques pourraient penser l'on met en place une sous-catégorie de registre. Aussi, mon avis sur cet amendement est défavorable.

Mme Raymonde Poncet Monge. - L'INCa a indiqué que leurs registres départementaux étaient également populationnels, car exhaustifs. Il existe différents types de registres ; un registre peut être national sans être exhaustif et populationnel. L'intérêt, ici, est qu'il soit populationnel, à savoir qu'il embrasse toute la population française.

Le sous-amendement COM-5 est adopté. L'amendement COM-3, ainsi sous-amendé, est adopté.

L'amendement COM-2 est retiré.

Mme Nadia Sollogoub, rapporteur. - L'amendement COM-4 ajoute deux autres modifications : la première autorise l'INCa à labelliser des entités de recherche en cancérologie, afin d'encourager la constitution d'équipes de collecte de données ; la seconde l'autorise à développer et héberger des systèmes d'information dans les domaines de la cancérologie.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

TABLEAU DES SORTS

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article unique

Mme SOLLOGOUB, rapporteur

3

Précision de l'objet et des finalités du registre national

Adopté

Mme PONCET MONGE

5

Qualification des données du registre en données populationnelles

Adopté

Mme PONCET MONGE

2

Qualification du registre national en registre populationnel

Retiré

Mme SOLLOGOUB, rapporteur

4

Labellisation d'entités de recherche et hébergement de systèmes d'information en cancérologie par l'INCa

Adopté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45 DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS, ALINÉA 3, DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 18(*).

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie19(*).

Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte20(*). Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial21(*).

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des affaires sociales a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 8 février 2023, le périmètre indicatif de la proposition de loi n° 546 (2022-2023) visant à créer un registre national des cancers.

Elle a considéré que ce périmètre incluait des dispositions relatives aux outils épidémiologiques dans le domaine de la cancérologie.

En revanche, la commission a estimé que ne présentaient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux autres composantes de la politique sanitaire.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES ET CONTRIBUTIONS ÉCRITES

· Sonia de La Provôté, auteur de la proposition de loi

· Direction générale de la santé (DGS)

Philippe Guilbert, chef de la mission stratégie et recherche

· Académie de médecine

Pr François Guilhot, auteur du rapport sur la mise en place d'un registre du cancer

Pr Richard Villet, président du groupe de travail à l'origine du rapport

· Dr Florence Molinié, directrice du réseau Francim

· Pr Guy Launoy, directeur du registre des cancers digestifs du Calvados

· Institut national du cancer (INCa)

Pr Norbert Ifrah, président

Thierry Breton, directeur général

Dr Philippe-Jean Bousquet, directeur de l'Observation, des sciences des données et de l'évaluation

· Me Jeanne Bossi Malafosse, avocate, experte auprès du Conseil de l'Europe pour le contrôle des données de santé

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

· Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil)

· Dr Jacqueline Clavel, directrice du registre national des hémopathies malignes de l'enfant (RNHE) - Registre national des cancers de l'enfant (RNCE) 

· Collectif Stop aux cancers de nos enfants

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, visualiser les apports de chaque assemblée, comprendre les impacts sur le droit en vigueur, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

https://www.senat.fr/dossier-legislatif/ppl22-546.html


* 1 Arrêté du 6 novembre 1995 relatif au Comité national des registres.

* 2 Florence Francis, Les registres de morbidité en France : état des lieux, enjeux et perspectives, thèse pour l'obtention du diplôme d'Etat de docteur en médecine, soutenue le 11 juin 2018 à Bordeaux.

* 3 Bernard Bégaud, Dominique Polton, Franck von Lennep, Les données de vie réelle, un enjeu majeur pour la qualité des soins et la régulation du système de santé - l'exemple du médicament, rapport remis à Mme Marisol Touraine, ministre de la santé, mai 2017.

* 4 F. Guilhot, R. Villet , J. Rouëssé , H. Sancho-Garnier , G. Dubois , J.P. Triboulet , Les cancers en France : vers un registre national de fonctionnement centralisé, rapport fait au nom du groupe de travail sur les registres français du cancer de la commission III (Cancérologie) de l'Académie nationale de médecine, adopté en décembre 2021.

* 5 HCSP, Registres et données de santé - utilité et perspectives en santé publique, 14 septembre 2021.

* 6 Arrêté du 6 novembre 1995 relatif au Comité national des registres.

* 7 Décret n° 2013-420 du 23 mai 2013 portant suppression de commissions administratives à caractère consultatif et modifiant le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006 relatif à la création, à la composition et au fonctionnement de commissions administratives à caractère consultatif.

* 8 https://www.santepubliquefrance.fr/maladies-et-traumatismes/cancers

* 9 Risques industriels : prévenir et prévoir pour ne plus subir, rapport n° 480 (2019-2020) de Mmes Christine Bonfanti-Dossat et Nicole Bonnefoy, fait au nom de la commission d'enquête sur l'incendie de l'usine Lubrizol, déposé le 2 juin 2020.

* 10 Pollutions industrielles et minières des sols : assumer ses responsabilités, réparer les erreurs du passé et penser durablement l'avenir, rapport n° 700 (2019-2020) de Mme Gisèle Jourda, fait au nom de la commission d'enquête, déposé le 8 septembre 2020.

* 11 HCSP, rapport précité, p. 97.

* 12 Santé publique France, Regroupement de cancers pediatriques dans plusieurs communes de Loire-atlantique, dossier pédagogique, septembre 2020.

* 13 Stratégie décennale de lutte contre le cancer 2021-2030 : des progrès pour tous, de l'espoir pour demain, février 2022.

* 14 Igas, Évaluation du troisième plan cancer 2014-2019, juillet 2020, recommandation n° 5.

* 15 Règlement UE 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

* 16 Décret n° 2019-341 du 19 avril 2019 relatif à la mise en oeuvre de traitements comportant l'usage du numéro d'inscription au répertoire national d'identification des personnes physiques ou nécessitant la consultation de ce répertoire.

* 17 Defossez G, Le Guyader-Peyrou S, Uhry Z, Grosclaude P, Colonna M, Dantony E, et al. Estimations nationales de l'incidence et de la mortalité par cancer en France métropolitaine entre 1990 et 2018. Volume 1 - Tumeurs solides. Saint-Maurice (Fra) : Santé publique France, 2019.

* 18 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 19 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 20 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 21 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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