Rapport n° 418 (2022-2023) de MM. André GATTOLIN et Claude KERN , fait au nom de la commission des affaires européennes, déposé le 9 mars 2023

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N° 418

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 9 mars 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires européennes (1) sur la proposition de résolution européenne en application de l'article 73 quinquies du Règlement, dénonçant les transferts forcés massifs d' enfants ukrainiens par la Fédération de Russie ,

Par MM. André GATTOLIN et Claude KERN,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. Jean-François Rapin , président ; MM. Alain Cadec, Cyril Pellevat, André Reichardt, Didier Marie, Mme Gisèle Jourda, MM. Claude Kern, André Gattolin, Pierre Laurent, Mme Colette Mélot, M. Jacques Fernique, Mme Véronique Guillotin , vice-présidents ; M. François Calvet, Mme Marta de Cidrac, M. Jean-Yves Leconte, Mme Amel Gacquerre , secrétaires ; MM. Pascal Allizard, Jean-Michel Arnaud, Mme Florence Blatrix Contat, M. Philippe Bonnecarrère, Mme Valérie Boyer, MM. Jean-Pierre Corbisez, Pierre Cuypers, Christophe-André Frassa, Mme Joëlle Garriaud-Maylam, M. Daniel Gremillet, Mmes Pascale Gruny, Laurence Harribey, MM. Ludovic Haye, Jean-Michel Houllegatte, Patrice Joly, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Pierre Louault, Victorin Lurel, Franck Menonville, Mme Catherine Morin-Desailly, MM. Louis-Jean de Nicolaÿ, Pierre Ouzoulias, Mmes Elsa Schalck, Patricia Schillinger .

Voir les numéros :

Sénat :

345 et 419 (2022-2023)

AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Conformément à l'article 73 quinquies du Règlement du Sénat, la commission des affaires européennes est saisie d'une proposition de résolution européenne n° 345, de M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues, visant à dénoncer les transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie.

De fortes présomptions laissent en effet penser que, depuis le 24 février 2022, début de la guerre d'agression et d'invasion qu'elle mène contre l`Ukraine, la Russie procède au transfert forcé d'enfants ukrainiens loin de leur famille et de leur pays, ce qui peut être qualifié de crime au regard du droit international pénal.

Grâce à l'initiative prise par M. André Gattolin, cette proposition de résolution européenne (PPRE) ferait du Sénat la première chambre parlementaire nationale de l'Union européenne à se positionner haut et fort pour dénoncer spécifiquement de tels crimes visant des enfants.

Le présent rapport s'attache à rappeler combien les enfants, victimes de la guerre, sont vulnérables et protégés à ce titre par des conventions internationales, puis à prendre la mesure d'un phénomène de grande ampleur, cependant difficile à évaluer précisément, qui semble néanmoins faire l'objet d'une politique systématique de la Russie. Il expose enfin les moyens de lutte contre cette politique, qui doivent être mis en oeuvre, par les autorités et ONG ukrainiennes, mais aussi par la France, les États membres de l'Union européenne, les institutions européennes et la Cour pénale internationale.

I. LES ENFANTS, VICTIMES DE LA GUERRE

La guerre d'agression brutale menée par la Russie contre l'Ukraine a ramené sur le sol européen une violence inédite depuis la deuxième guerre mondiale. Elle a infligé d'immenses souffrances et des destructions insensées à l'Ukraine et à ses populations civiles.

Les atrocités perpétrées et mises en évidence dès les tout premiers jours de l'invasion continuent à faire de trop nombreuses victimes : il s'agit, au-delà du crime d'agression, de crimes de guerre, de crimes contre l'humanité.

Outre les agences des Nations unies qui ont mené une action intense sur le terrain, , des organisations non gouvernementales (ONG), des autorités judiciaires et des services d'enquête spécialisés d'Ukraine et de nombreux pays sont allés enquêter, identifier, recueillir des preuves : par exemple, plusieurs équipes de gendarmes et d'experts de l'institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale se sont rendues sur place dès le mois de mai 2022, tout de suite après que les forces ukrainiennes reprirent le contrôle des territoires concernés, à Boutcha notamment.

La guerre a fait de très nombreuses victimes civiles. Dès le tout début de l'invasion, les forces russes ont délibérément ciblé la population civile ukrainienne. Les enfants n'ont évidemment pas échappé à cette tragédie. Selon le bureau du procureur général de l'Ukraine 1 ( * ) , au moins 464 enfants seraient morts durant le conflit, à la date du 11 mars 2023. De plus, 934 auraient été blessés et 367 disparus, ajoute le bureau, qui précise que le bilan n'inclut pas les territoires occupés par la Russie ni ceux où des combats ont lieu 2 ( * ) .

A. UN NOMBRE DE RÉFUGIÉS TRÈS IMPORTANT

L'invasion russe de l'Ukraine a entraîné, depuis plus d'un an, le déplacement de plus de treize millions de personnes, dont plus de huit millions ont rejoint différents pays de l'Union européenne - un million et demi en Pologne, un million en Allemagne -, selon le dernier point du Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR), datant du 20 février 2023.

Trois millions de « réfugiés » seraient enregistrés en Russie et en Biélorussie, dont 700 000, voire un million d'enfants, toujours selon le HCR. En outre, plus de 5 350 000 personnes seraient déplacées à l'intérieur même de l'Ukraine, selon la même source. Les chiffres varient beaucoup.

B. LES ENFANTS FONT L'OBJET D'UNE PROTECTION PÂRTICULIÈRE RECONNUE PAR LES CONVENTIONS INTERNATIONALES EN VIGUEUR

Les enfants sont particulièrement protégés par le droit international, qu'il s'agisse du droit de la guerre ou du droit international humanitaire, régi notamment par les conventions de Genève du 12 août 1949, mais aussi bien sûr par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et par la convention internationale relative aux droits de l'enfant, tous textes ratifiés par la Russie. Ils le sont aussi par les traités et les textes européens. L'ensemble de ces textes interdisent notamment le transfert forcé d'enfants.

Or de nombreuses ONG, ukrainiennes et internationales, dont Amnesty international dans plusieurs rapports successivement publiés dès l'an dernier, plusieurs organes officiels spécialisés dans la défense des droits de l'homme, tel le bureau international de la démocratie et des droits de l'homme (BIDDH) de l' Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), mais aussi la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, ont rapporté et signalé aux assemblées parlementaires les transferts massifs de populations civiles, et en particulier d'enfants, organisés par les forces ou administrations et « associations » russes dans les territoires ukrainiens occupés vers la Fédération de Russie.

C. LES RAPPORTS PRÉOCCUPANTS DES ONG ET DES OBSERVATEURS SUR LES FAITS DOCUMENTÉS DANS LES TERRITOIRES OCCUPÉS PAR LA RUSSIE

Ces rapports reposent sur de nombreuses enquêtes de terrain, sur des entretiens menés avec des réfugiés issus des régions de Kharkiv, Zaporijia et Kherson, ainsi que de certaines parties des territoires de Donetsk et de Louhansk.

Dans un rapport publié en novembre 2022, Amnesty international a montré, à partir d'entretiens avec des enfants issus de ces territoires, que les Russes procédaient à leur tri et à leur séparation d'avec leurs parents dans des camps dits de filtration , répartis dans les territoires occupés ou dans les régions russes limitrophes pour leur conférer la nationalité russe et les envoyer ensuite dans différentes régions russes en vue de leur adoption.

II. UN PHÉNOMÈNE DE GRANDE AMPLEUR MAIS DIFFICILE À ÉVALUER PRÉCISÉMENT

A. COMBIEN D'ENFANTS SERAIENT-ILS CONCERNÉS ?

Combien de tels cas d'enlèvements ou de déportations d'enfants ont-ils été enregistrés ? Différents chiffres circulent à ce sujet, allant de plusieurs centaines à 150 000. Il est difficile d'être fixé aujourd'hui, compte tenu des difficultés de vérification.

Selon les données de la plateforme officielle du gouvernement ukrainien, Children of War , au 9 février 2023, 16 207 enfants auraient été déportés ; dont, directement vers la Fédération de Russie, 11 593 enfants. Ce site dépend du Bureau national d'information précité et du ministère de la Réintégration des territoires occupés.

Parallèlement, la police nationale ukrainienne estime à 347 le nombre d'enfants disparus. Cependant, il ne s'agit que des cas pour lesquels les dossiers enregistrés contiennent des pièces et données d'identification considérées comme fiables par les autorités ukrainiennes.

Le HCR, pour sa part, aurait recensé une centaine de demandes de recherches d'enfants en Russie émanant de familles ukrainiennes, mais reconnaîtrait que les « vrais » chiffres seraient bien supérieurs, sans pouvoir, à ce stade, fournir d'estimation. Certaines familles pourraient être réticentes à assumer, face aux autorités ukrainiennes, qu'elles ont délibérément envoyé leur enfant en « colonies de vacances » en Russie.

Il est d'ailleurs curieux que les médias russes, donc la propagande russe, citant des sources officielles de la Fédération de Russie, rapportent que près de 733 000 enfants ukrainiens ont été emmenés sur le territoire de la Russie naturellement, selon le narratif officiel, pour les protéger et les mettre à l'abri du conflit.

B. CE QUE L'ON SAIT DE LA MATÉRIALITÉ DES FAITS

Selon les témoignages recueillis notamment par le commissaire aux droits de l'homme et ombudsman ukrainien, M. Dmytro Lubinets, mais aussi par les ONG auditionnées par les rapporteurs, des enlèvements, voire des rafles, ont été organisés sous prétexte d'évacuation.

Selon le rapport commandé par le département d'État américain à l'université de Yale, paru le 14 février 2023 3 ( * ) , les enfants ukrainiens provenant de diverses institutions où ils étaient hébergés dans les territoires occupés pourraient également avoir été emmenés dans des camps de pseudo-rééducation. Le rapport dénombre et situe 43 camps répartis sur l'ensemble du territoire russe. D'autres sont accueillis dans des familles russes. Certains médias ou comptes de réseaux sociaux russes laissent entendre que cet accueil est prévu pour durer longtemps. Le rapport de Yale évoque en conséquence une politique systématique qui toucherait des milliers d'enfants ukrainiens. Ce rapport cite des cas d'enfants qui ont été retirés d'orphelinats ukrainiens. C'est ce qui se serait passé, par exemple, à Oleshki, où des enfants handicapés ont été emmenés en Crimée.

Dans 307 cas, les parents, parfois les grands-parents de ces enfants, seraient venus seuls en Russie par des voies difficiles, longues de plusieurs milliers de kilomètres pour franchir quelques dizaines de kilomètres à vol d'oiseau, en contournant les territoires occupés et les zones de guerre par la Pologne, la Biélorussie et en traversant de grandes étendues de territoire russe, pour récupérer leurs enfants. Ils témoignent de l'extrême lourdeur des demandes de papiers.

Carte du « système russe de camps de rééducation et d'adoption » selon le rapport de Yale 4 ( * )

C. UNE POLITIQUE VOULUE, ORGANISÉE ET CENTRALISÉE PAR LES AUTORITÉS RUSSES

La question centrale, du point de vue politique et juridique, est de savoir s'il s'agit d'une opération planifiée et organisée au plus haut niveau. Il paraît difficile d'en douter à la lecture, notamment, du rapport de Yale précité, qui s'attache à décrypter ce qu'il qualifie de « système ».

1. Une procédure de naturalisation et d'adoption « simplifiée »

Dès mai 2022, en effet, le Président Poutine a signé un décret sur la procédure simplifiée d'acquisition de la citoyenneté russe par les orphelins, les enfants privés de soins parentaux, les personnes handicapées qui sont citoyennes ukrainiennes et se trouvent dans les territoires occupés de l'Ukraine.

Cela a permis de faciliter la procédure d'adoption d'enfants ukrainiens par des Russes sans tenir aucun compte de leur statut dans leur pays d'origine.

Cette procédure d'adoption simplifiée a été aussitôt utilisée par la Commissaire présidentielle aux droits de l'enfant de la Fédération de Russie, Mme Maria Lvova-Belova, qui joue un rôle clé dans l'exécution de cette politique, à grand renfort de publicité, jusque sur le site internet officiel du Kremlin, où on la voit, face à M. Vladimir Poutine, se féliciter qu'elle ait pu adopter un garçon de quinze ans, originaire de la région de Donetsk, « grâce à lui ».

Des vidéos ont été publiées sur des sites internet russes et circulent sur les réseaux sociaux russes, qui sont tout à fait significatives.

Au-delà de quelques cas documentés et fortement médiatisés par les réseaux sociaux et organes de presse et de propagande russes, il faut reconnaître, après avoir auditionné plusieurs officiels ukrainiens, mais aussi des ONG et des représentants de diverses administrations et organisations internationales, le manque actuel de statistiques précises sur le nombre d'enfants ukrainiens ayant reçu la nationalité russe et ayant été adoptés de cette manière.

Selon certaines des personnalités entendues, et selon le rapport de Yale précité, ces enfants ukrainiens séjourneraient donc dans des orphelinats ou des familles russes.

Deux rapports ont été publiés, l'un par Amnesty international 5 ( * ) et l'autre par l'ONG Human Rights Watch 6 ( * ) , qui tendent à accréditer les éléments dont fait état le rapport de Yale, le premier avant et le second après la parution dudit rapport.

2. Une politique mise en scène et suivie

Selon la plupart des interlocuteurs auditionnés, les enfants qui font l'objet de ces « procédures » subiraient aussi un véritable lavage de cerveau, avec remise en grande pompe de passeports russes, et volonté de les assimiler et de renier leur passé ukrainien et leurs racines familiales, alors que nombre de ces soi-disant orphelins pourraient encore avoir des parents vivants, dont ils ont été arbitrairement séparés, qu'ils résident en Ukraine ou ailleurs, y compris sur le territoire russe ou dans les territoires occupés par la Russie.

Les enfants ainsi déplacés sont malheureusement susceptibles de constituer des victimes toutes désignées pour des prédateurs ou auteurs d'abus ou les organisateurs de trafics illicites ou de traite des êtres humains, comme l'a souligné en audition le Représentant spécial de l'OSCE chargé de la lutte contre ce fléau.

Signant une politique d'État volontariste visant à accélérer ce processus d'assimilation ou de « russification » forcée, la Fédération de Russie aurait un programme de financement pour les familles qui acceptent d'adopter un enfant ukrainien, selon les déclarations d'officiels et ONG ukrainiens aux rapporteurs.

Même si les agences des Nations unies sont prudentes, afin de pouvoir continuer d'intervenir partout et auprès de tous leurs interlocuteurs pour mener à bien leurs missions quelles que soient les circonstances, le Haut-Commissaire des Nations unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, aurait confié sa préoccupation quant au respect des principes fondamentaux de la protection de l'enfance par la Russie.

D'autres observateurs soulignent les mises en scène médiatiques abjectes auxquelles ils ont pu assister sur les ondes russes : ainsi, lors de festivités patriotiques au grand stade Loujniki de Moscou, le 22 février 2023, des enfants aux sourires forcés, présentés comme étant originaires de Marioupol, ont été invités, devant les caméras de télévision, à se serrer contre un soldat russe, « Tonton Youri », qui les aurait soi-disant sauvés de la ville en cendres.

Schéma du « parcours d'un enfant à travers le système russe de camps de rééducation et d'adoption », extrait du rapport de Yale 7 ( * ) .

Ce graphe distingue le « traitement » des enfants résidant en institutions - qui ne sont pas tous orphelins - de celui des enfants envoyés en camps en Crimée ou en Russie par leurs familles résidant dans les territoires occupés ou par des personnes « alignées sur la Russie » dans ces territoires. Il fait apparaître les violations graves des droits des enfants et des parents qui résultent des transferts, des intégrations dans des camps ou institutions russes, voire de l'adoption hâtive par des familles russes.

III. COMMENT LUTTER CONTRE CETTE POLITIQUE ?

Il semble bien, au vu des témoignages recueillis et des analyses développées dans les rapports précités, que l'on soit en face d'un système organisé, d'une politique orchestrée au niveau central et exécutée au niveau local, répartie sur l'ensemble du territoire russe, au-delà même des territoires occupés. Comprendre son organisation et son déroulement est essentiel pour structurer une riposte appropriée aux drames humains qui en résultent pour les milliers de familles et d'enfants concernés.

Lutter résolument contre cette politique systématique est un devoir moral, politique et juridique. La tâche est immense mais, au-delà de la sensibilisation des opinions publiques, l'action conjuguée des autorités et des ONG, relayée au niveau européen et international, est déterminante.

A. L'ACTION DES AUTORITÉS ET DES ONG UKRAINIENNES ET LE DIFFICILE DIALOGUE AVEC LES AUTORITÉS RUSSES

1. L'action des pouvoirs publics ukrainiens

Le plan de paix en dix points 8 ( * ) présenté par le Président de l'Ukraine le 15 novembre 2022 lors de la réunion du G20 à Bali, mentionne, dans son quatrième point, l'exigence de libération de tous les civils ukrainiens détenus en Russie, notamment les « enfants qui ont été déportés de force en Russie », dont il précise qu' « ils ont été séparés de leurs parents en pleine connaissance de cause. ».

Le rôle du ministère ukrainien de la Réintégration et du Bureau national d'information a été évoqué supra, ainsi que la recension faite par le site internet et l'ONG éponyme Children of war .

Celui des divers services régaliens ukrainiens de sécurité, police et justice est évidemment important : forces armées ukrainiennes, police nationale ukrainienne, bureau du procureur général de l'Ukraine, service de sécurité de l'Ukraine (SSU), service de renseignement (SZRU).

Le Parlement monocaméral ukrainien, la Rada, n'est pas en reste : sa commission des droits de l'homme, présidée par l'ombudsman de l'Ukraine, M. Dmytro Lubinets, que les rapporteurs ont auditionné, tout comme la vice-présidente de cette commission, également membre de la délégation ukrainienne à l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (AP-OSCE) et à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), Mme Yevhenia Kravchuk, et sa sous-commission des droits de l'enfant, présidée par Mme Tetyana Skryptka, également entendue par les rapporteurs, sont très actives.

La Rada a elle-même adopté le 24 février 2023, une résolution spécifique, intitulée « Appel à la commission des droits de l'homme des Nations unies, à la commission des Nations unies sur les droits de l'enfant, au Haut-Commissaire des Nations unies » demandant le « retour des enfants » d'Ukraine déportés 9 ( * ) .

2. Les instances officielles et ONG ukrainiennes s'efforcent de maintenir un dialogue ténu mais essentiel avec la Russie

Les rapporteurs ont questionné leurs interlocuteurs ukrainiens sur les contacts qu'ils entretenaient aves les autorités russes et l'existence de négociations pour le retour des enfants transférés.

Lors d'une réunion organisée par la Turquie, la Médiatrice russe Mme Tetyana Moskalkova aurait assuré que la Fédération de Russie ne souhaitait pas garder les enfants emmenés d'Ukraine qui veulent retourner dans leur pays d'origine, sans toutefois donner les noms et le nombre de ces enfants. Elle aurait ajouté qu'elle était prête à faciliter leur retour, ce qui laisse sceptiques les rapporteurs.

Pour sa part, l'ombudsman de l'Ukraine, président de la commission des droits de l'homme de la Rada, confirme parler à son homologue russe. Et d'autres officiels ukrainiens ont laissé entendre l'existence d'échanges d'informations, voire de tractations dans certains cas. De fait, 307 enfants auraient été ainsi récupérés à ce jour.

Les officielles russes, Mme Maria Lvova-Belova, et la Commissaire russe aux droits de l'homme de la Fédération de Russie, Mme Moskalkova, semblent en revanche réticentes à communiquer les données personnelles des enfants, même aux services officiels ukrainiens.

Les ONG et autorités ukrainiennes se démènent, pour tenter de faciliter le retour des enfants et empêcher leur adoption hâtive et illégale au regard du droit international.

B. L'ACTION DE LA FRANCE, DES ETATS MEMBRES DE L'UE ET DES INSTITUTIONS EUROPÉENNES

1. La France

Plusieurs positions politiques ont été prises publiquement pour dénoncer les déportations d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie et leur adoption forcée, et demander le retour de ces enfants.

Dans sa résolution n° 52 (2022-2023) du 7 février 2023 exprimant le soutien du Sénat à l'Ukraine, condamnant la guerre d'agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l'aide fournie à l'Ukraine 10 ( * ) , à l'alinéa 25 précisément, le Sénat « dénonce les actes de torture, les viols, les enlèvements d'enfants, les déplacements forcés, les exécutions et les autres crimes perpétrés par la Fédération de Russie dans le cadre de cette guerre ».

Lors du débat sur cette résolution 11 ( * ) , M. André Gattolin, auteur et rapporteur de la présente proposition de résolution, a consacré une partie de son intervention dans l'hémicycle à mettre au jour l'enjeu des enlèvements d'enfants, de même que Mme Nadia Sollogoub, présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Ukraine du Sénat.

Dans sa déclaration, prononcée le 23 février 2023 à New York lors de la session extraordinaire d'urgence de l'Assemblée générale des Nations unies sur le conflit en Ukraine 12 ( * ) , la Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères a également évoqué cette question, ainsi que dans son discours au Conseil des droits de l'homme des Nations unies à Genève, prononcé le 27 février 2023 13 ( * ) .

Il faut souligner la mobilisation importante des ONG, en particulier du collectif d'universitaires et de chercheurs « Pour l'Ukraine, leur liberté et la nôtre » 14 ( * ) , qui a tôt alerté sur le caractère massif de ces transferts forcés d'enfants ukrainiens organisés par la Russie et sur leur caractère systématique. Ce collectif a mené une véritable campagne sur le sujet dès juillet 2022. Son action remarquable de documentation et de sensibilisation de l'opinion publique et des autorités, mais aussi de soutien aux familles et d'analyse juridique 15 ( * ) , a contribué à la mise en mouvement de la solidarité nationale et internationale auprès des associations, des familles et des enfants ukrainiens. Ce collectif a diffusé une pétition qui a recueilli plus de 200 000 signatures 16 ( * ) et organisé, dès le 15 novembre 2022, une conférence de presse 17 ( * ) , avec la participation d'officiels ukrainiens, de l'ONG ukrainienne Center for Civil Liberties - CCL (co-récipiendaire du prix Nobel de la Paix 2022), de l'écrivain Jonathan Littell et de parents de victimes.

2. L'initiative récente de la Pologne et de la Commission européenne

On peut noter que, dès le 16 janvier 2023, les ministres néerlandais et allemand des affaires étrangères condamnaient publiquement les enlèvements d'enfants ukrainiens par la Russie 18 ( * ) .

Parmi les initiatives prises par divers États membres de l'Union européenne, il convient de souligner l'initiative conjointe de la présidente de la Commission européenne et du Premier ministre de Pologne, annoncée le 27 février 2023 par la porte-parole de la Commission européenne, tendant à recueillir des données et des preuves 19 ( * ) .

Au vu de cette actualité, il a paru nécessaire aux rapporteurs de proposer à la commission des affaires européennes de compléter sur ce point la proposition de résolution initialement déposée afin d'inciter le Gouvernement français à soutenir les efforts ainsi déployés pour traduire en justice les responsables des transferts forcés d'enfants ukrainiens.

3. Les décisions des institutions de l'Union européenne
a) Les sanctions

Dès la reconnaissance par la Russie, le 21 février 2022, des zones non contrôlées par le gouvernement des oblasts de Donetsk et de Louhansk en Ukraine, puis l'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022, l'Union européenne a rapidement adopté des sanctions contre Moscou.

Celles-ci visent notamment à limiter le plus possible la capacité du Kremlin à financer la guerre qu'il a déclenchée. Depuis février 2022, et jusqu'à la réunion du Conseil de l'Union européenne du 25 février 2023, dix trains de sanctions sont ainsi entrés en vigueur.

Ces sanctions sont également individuelles. Ainsi, Mme Maria Alexeyevna Lvova-Belova, commissaire présidentielle aux droits de l'enfant, est expressément visée par le septième train de sanctions, à l'annexe du Règlement d'exécution (UE) 2022/1270 du Conseil du 21 juillet 2022, mettant en oeuvre le règlement (UE) no  269/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine. 20 ( * )

Il convient que l'Union européenne et ses États membres mettent en oeuvre tous les moyens techniques et humains à leur disposition, en coopération avec les autorités ukrainiennes, pour documenter et recenser tous les cas de transferts forcés et de déportation d'enfants engagés par la Fédération de Russie depuis le début du conflit et identifier les responsables de ces actes afin d'ouvrir la voie à des poursuites judiciaires ultérieures et de les sanctionner.

Les rapporteurs estiment que la liste des sanctions devrait être élargie en ce sens, afin de viser l'ensemble des responsables du « système » documenté par le rapport de Yale précité, en fonction des éléments qui auront pu être retenus, grâce en particulier à la coopération judiciaire et policière.

b) Le rôle d'Eurojust

Dès le 8 avril 2022, quelques jours après le massacre de Boutcha, où des centaines de corps de civils étaient découverts, l'Union européenne a annoncé mettre à disposition tous les moyens en sa possession pour participer aux enquêtes ouvertes par l'Ukraine sur les crimes de guerre.

L'agence de coopération judiciaire européenne Eurojust regroupe les États membres de l'UE (sauf le Danemark), mais également des pays partenaires, comme l'Ukraine depuis 2016. Depuis sa création en 2002, sa mission est d'assurer une coordination entre États membres face à toutes les formes de criminalité organisée, du trafic de drogue au trafic d'êtres humains en passant par le blanchiment d'argent. L'agence, dont le siège est à La Haye (Pays-Bas), peut également apporter un soutien logistique et financier aux enquêtes menées par les États membres et associés. Elle ne pouvait en revanche ni recueillir ni conserver elle-même des éléments de preuves.

C'est pourquoi le Règlement (UE) 2022/838 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 a modifié le règlement (UE) 2018/1727 en ce qui concerne la préservation, l'analyse et la conservation, au sein d'Eurojust, des éléments de preuve relatifs aux génocides, aux crimes contre l'humanité, aux crimes de guerre et aux infractions pénales connexes.

L'aide fournie par Eurojust prend trois formes. Tout d'abord, l'agence chapeaute une équipe commune d'enquête, constituée d'enquêteurs polonais, lituaniens et ukrainiens. Depuis le 25 avril 2022, celle-ci coopère avec le procureur de la Cour pénale internationale (CPI). Eurojust centralise aussi les éléments de preuve recueillis afin de faciliter les échanges et ainsi accélérer les enquêtes et les éventuelles poursuites pouvant être menées devant la CPI.

Cette coopération permet notamment de prévenir des doublons : il s'agit ainsi d'éviter qu'un témoin d'un crime soit entendu, par exemple, une première fois par la police ukrainienne, puis par celle du pays dans lequel il se serait réfugié. Il s'agit aussi de permettre que les enquêteurs puissent retrouver facilement des témoins qui se seraient ensuite éparpillés sur le territoire européen. Tous les États membres et associés à l'Agence peuvent se joindre à cette équipe.

C'est pourquoi les rapporteurs ont proposé de compléter le texte initial de la proposition de résolution pour appeler le Gouvernement et les autorités françaises à lui apporter un soutien renforcé, en fonction des compétences et des moyens disponibles pour venir en aide aux enfants ukrainiens et documenter les cas ressortant de la CPI.

4. L'action des autres organisations et institutions européennes
a) Le Conseil de l'Europe

Disposant d'une solide expérience et d'une légitimité historique en matière de droits de l'homme, le Conseil de l'Europe s'est tôt mobilisé pour contribuer à organiser la lutte contre leurs violations perpétrées dès l'invasion russe de l'Ukraine.

Dès le 15 mars 2022, l'APCE adoptait à l'unanimité un avis considérant que la Fédération de Russie ne pouvait plus être membre de l'Organisation, qu'elle avait rejointe en 1996.

Six mois après son exclusion du Conseil de l'Europe, la Fédération de Russie cessa d'être partie à la Convention européenne des droits de l'homme, soit le 16 septembre 2022 , la Cour européenne des droits de l'homme restant compétente pour examiner les requêtes contre la Russie concernant des actions survenues jusqu'à cette date.

L'APCE s'est tôt et vigoureusement mobilisée pour condamner la guerre menée en Russie et ses conséquences. Sa résolution 2433 (2022) du 27 avril 2022 21 ( * ) appelle notamment à « soutenir les enquêtes et les procédures mises en place par la Cour pénale internationale, la Cour internationale de justice et la commission d'enquête sur l'Ukraine créée par le Conseil des droits de l'homme, ainsi que le travail de la procureure générale d'Ukraine visant à établir la responsabilité des violations du droit international des droits humains et du droit humanitaire, et d'autres crimes internationaux. »

Sa résolution 2436 (2022) 22 ( * ) tend à « faire en sorte que les auteurs de graves violations du droit international humanitaire et d'autres crimes internationaux rendent des comptes. »

Sa résolution 2482 (2023) 23 ( * ) du 26 janvier 2023, intitulée « Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine », vise notamment les cas « de détentions illégales de civils, de transferts forcés et de déportations de citoyens ukrainiens, y compris d'enfants, vers la Fédération de Russie ou des zones occupées par la Fédération de Russie ». Elle cite « le transfert forcé d'enfants d'un groupe à un autre groupe à des fins de russification, au moyen de l'adoption par des familles russes et/ou du transfert vers des orphelinats sous gestion russe ou des structures d'accueil comme des camps d'été » parmi les actes qui pourraient relever de l'article II de la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, à laquelle l'Ukraine et la Fédération de Russie sont parties.

Le 31 janvier 2023, la Secrétaire générale du Conseil de l'Europe publiait un rapport intitulé « Responsabilité pour les violations des droits de l'homme résultant de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine : rôle de la communauté internationale, y compris du Conseil de l'Europe » où elle rappelait la contribution que cette institution pouvait apporter pour « faire en sorte que les auteurs des crimes et violations des droits de l'homme présumés au cours de cette guerre aient à répondre de leurs actes, y compris la réparation intégrale des dommages, pertes ou préjudices causés » 24 ( * ) .

Le 24 février 2023, la Conférence des ONG internationales du Conseil de l'Europe et son Comité de la société civile sur les droits de l'enfant ont publié une déclaration afin de renforcer la prise de conscience collective, des personnes et des institutions du Conseil de l'Europe et de ses États membres, sur les conditions de vie dramatiques des enfants ukrainiens 25 ( * ) . Ce texte appelle notamment au respect de l'article 9 de la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, lequel stipule que les États parties veillent à ce qu'un enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré.

b) L'OSCE

Plus vaste dans son champ géographique, mais moins connue que le Conseil de l'Europe, l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) est composée de 57 États d'Amérique du Nord, d'Europe et d'Asie, dont la Russie. Elle s'efforce de promouvoir la stabilité, la paix et la démocratie par le dialogue politique et l'action de terrain.

La présence d'une délégation russe n'a pas empêché le président de la commission ad hoc sur les migrations, dans son rapport à la commission permanente de l'assemblée parlementaire de l'OSCE (AP-OSCE), lors de sa 22 e réunion d'hiver à Vienne, publié le 24 février 2023, de faire état de ses vives préoccupations quant aux déportations ou transferts forcés d'enfants ukrainiens par la Russie 26 ( * ) .

Dans son allocution devant la troisième commission de l'assemblée parlementaire de l'OSCE, chargée de la démocratie, des droits de l'homme, et des questions humanitaires, également réunie à Vienne le 24 février 2003, puis lors de son audition par les rapporteurs, le Représentant spécial de l'OSCE pour la lutte contre les trafics et la traite des êtres humains, M. Valiant Richey 27 ( * ) , a rappelé que, depuis l'invasion de la Crimée en 2014, le nombre de victimes de la traite des êtres humains en provenance des régions annexées par la Fédération de Russie avait quadruplé, et a appelé les États membres à accroître leur vigilance à l'égard des risques de trafics et de traite pesant sur les personnes les plus vulnérables, dont les enfants.

Cela rejoint les constatations faites dans plusieurs de ses rapports et dès le 20 juillet 2022 par le Bureau international de la démocratie et des droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE 28 ( * ) .

Surtout, le « mécanisme de Moscou » de l'OSCE a déjà, par deux fois en 2022 29 ( * ) , pointé les violations graves des droits des enfants ukrainiens par les autorités russes. Cette procédure - adoptée le 3 octobre 1991 - permet à l'OSCE, à la demande d'au moins quarante-cinq de ses États membres, de charger des personnalités éminentes ayant de l'expérience en matière de droits de l'homme, qui figurent sur une liste préétablie à partir de propositions d'experts par les États participants, d'enquêter sur la situation de l'un de ces États, même en l'absence de consensus - ce qui est remarquable pour cette organisation qui fonctionne généralement selon la règle du consensus, laquelle confère de facto un quasi droit de veto à la Russie 30 ( * ) .

Ce mécanisme a été une nouvelle fois formellement mis en oeuvre par la désignation, le 3 avril 2003, par l'Ukraine de trois expertes 31 ( * ) chargées d'enquêter sur les transferts forcés et la déportation de civils ukrainiens par la Russie, y compris d'enfants non accompagnés 32 ( * ) . Leur rapport devrait être présenté le 27 avril ou le 4 mai 2023 au conseil permanent de l'OSCE.

C. LA COMPÉTENCE DÉCISIVE DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE

La Cour pénale internationale (CPI), régie par le Statut de Rome signé le 17 juillet 1998, est compétente pour juger des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des crimes de génocide, qui constituent des violations graves du droit international, des droits de l'homme et du droit international humanitaire.

Aux termes dudit Statut, on entend par « crimes de guerre » les « atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants », incluant « la déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale » et, par « crime contre l'humanité », « la déportation ou le transfert forcé de population ».

L'article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale reprend à l'identique les termes mêmes de l'article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme, selon lesquels « on entend, par crime de génocide, l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : [...] e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe » .

C'est pourquoi le Procureur de la Cour pénale internationale a annoncé, dès le 2 mars 2022, avoir fait usage de son pouvoir pour ouvrir une enquête sur la situation en Ukraine, de sa propre initiative, au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour, sur la base des saisines reçues les 1er et 2 mars 2022 par 39 États parties au statut de Rome, dont la France, complétées par la suite par quatre autres États parties 33 ( * ) .

Le 17 mars 2023, la Chambre préliminaire II de la CPI a délivré deux mandats d'arrêt à l'encontre de M. Vladimir Vladimirovitch Poutine, Président de la Fédération de Russie, et de Mme Maria Alekseïevna Lvova-Belova, Commissaire aux droits de l'enfant au sein du Cabinet du Président de la Fédération de Russie. Elle a en effet « estimé qu'il existe des motifs raisonnables de croire que la responsabilité de chacun des suspects est engagée à raison du crime de guerre de déportation illégale de population et du crime de guerre de transfert illégal de population depuis certaines zones occupées de l'Ukraine vers la Fédération de Russie, ces crimes ayant été commis à l'encontre d'enfants ukrainiens » 34 ( * ) .

Il est temps d'agir et de faire oeuvre de justice, pour les enfants ukrainiens, qui figurent parmi les victimes emblématiques de cette guerre. C'est pourquoi les rapporteurs ont souhaité, dans leur proposition de résolution européenne, appeler le Gouvernement français et l'Union européenne à utiliser tous les leviers d'actions précités pour y concourir et notamment pour consolider les moyens destinés aux enquêtes afin qu'elles puissent être menées à bien et que cessent les crimes dont ces enfants sont victimes.

En conséquence, suivant ses rapporteurs, la commission des affaires européennes a adopté, lors de sa réunion du 9 mars 2023, la proposition de résolution européenne, déposée par M. André Gattolin et plusieurs de ses collègues, et modifiée à l'issue du débat suivant :

EXAMEN EN COMMISSION LE 9 MARS 2023

M. Jean-François Rapin , président . - Nous examinons ce matin la proposition de résolution européenne n° 345 déposée par notre collègue André Gattolin le 10 février dernier, pour dénoncer les transferts forcés massifs d'enfants ukrainiens par la Fédération de Russie.

Depuis son dépôt, ce texte a reçu un appui sur tous les bancs : 75 de nos collègues l'ont cosigné, au premier rang desquels je relève quatre présidents de groupes (RDPI, UC, RDSE et Les Indépendants), ainsi que la Présidente du groupe interparlementaire d'amitié France-Ukraine, et notre collègue Claude Kern que notre commission a désigné pour rapporter avec André Gattolin sur cette proposition de résolution.

Avant de leur laisser la parole, je rappellerais simplement que le sujet du déplacement forcé d'enfants ukrainiens me préoccupe personnellement au plus haut point, depuis que m'en a informé Ivanna Klympusch-Tsintsadze, présidente de la commission pour l'intégration européenne de la Rada ukrainienne, quand je l'ai rencontrée en marge de la COSAC à Prague en novembre dernier. De fortes présomptions laissent en effet penser que la Russie procède au transfert forcé d'enfants ukrainiens loin de leur famille et de leur pays ; c'est effectivement un crime odieux qui ne peut laisser insensible. J'ai d'ailleurs eu l'occasion d'interroger à ce sujet le Président de la Rada d'Ukraine, M. Ruslan Stefanchuk, lors de l'entretien qu'il a eu avec le Président Larcher et auquel j'ai participé, à l'occasion de sa venue au Sénat le 1 er février dernier. Le Sénat a déjà adopté une résolution transpartisane condamnant fermement l'agression russe contre l'Ukraine et appelant au renforcement de l'aide fournie à l'Ukraine, qui est devenue définitive le 7 février dernier. Grâce à l'initiative prise par André Gattolin, cette nouvelle proposition de résolution européenne (PPRE) ferait du Sénat la première chambre parlementaire nationale de l'Union européenne à se positionner haut et fort pour dénoncer spécifiquement de tels crimes visant des enfants. C'est pourquoi je l'en remercie et lui propose, ainsi qu'à Claude Kern, de nous présenter leur rapport sur cette PPRE.

M. André Gattolin , co-rapporteur. - La guerre d'agression brutale menée par la Russie contre l'Ukraine a ramené sur le sol européen une violence inédite depuis la deuxième guerre mondiale. Elle a infligé d'immenses souffrances et des destructions insensées à l'Ukraine et à ses populations civiles.

Les atrocités perpétrées et mises en évidence dès les tout premiers jours de l'invasion continuent à faire de trop nombreuses victimes : ce sont, au-delà du crime d'agression, des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité.

Outre l'action intense, sur le terrain, des agences des Nations unies, des organisations non gouvernementales (ONG), des autorités judiciaires et des services d'enquête spécialisés d'Ukraine et de nombreux pays sont allés enquêter, identifier, recueillir des preuves : par exemple, plusieurs équipes de gendarmes et d'experts de l'institut de recherches criminelles de la Gendarmerie nationale se sont rendues sur place dès le mois de mai 2022, tout de suite après que les forces ukrainiennes reprirent le contrôle des territoires concernés, à Boutcha notamment.

Il y a les morts qu'il faut identifier, les victimes de massacres qu'il faut dénombrer, les auteurs qu'il faut aussi identifier pour pouvoir les confondre et les punir, mais il y aussi les vivants, ou les survivants, qu'il faut retrouver, soigner, loger, nourrir, aider, soutenir, accompagner dans leur longue marche vers la reconstruction et la justice.

L'Ukraine s'est dotée à cette fin d'organismes et d'institutions spécifiques, pour enregistrer, dénombrer, et rassembler les informations sur les prisonniers de guerre, mais aussi sur les personnes civiles, blessées, déplacées ou disparues : le « Bureau national d'information » joue à cet égard un rôle clé, avec le soutien de plusieurs organisations internationales et ONG, de l'Union européenne, mais aussi du Canada.

L'invasion russe de l'Ukraine a entraîné, depuis plus d'un an, le déplacement de plus de treize millions de personnes, dont plus de huit millions dans différents pays de l'Union européenne - un million et demi en Pologne, un million en Allemagne -, selon le dernier point du Haut-Commissariat des Nations unies pour les Réfugiés (HCR), datant du 20 février.

Trois millions de « réfugiés » seraient enregistrés en Russie et en Biélorussie, toujours selon le HCR et plus de 5 350 000 personnes déplacées à l'intérieur même de l'Ukraine, selon la même source. Parmi eux, il y aurait plus de 700 000, 800 000, voire un million d'enfants. Les chiffres varient beaucoup.

L'objet de la présente proposition de résolution, qui s'adresse au Gouvernement français et que nous pourrions doubler d'un projet d'avis politique à la Commission européenne, est d'attirer l'attention et d'appeler à agir par une expression politique forte du Sénat, en faveur des personnes les plus vulnérables : outre les personnes âgées et les personnes handicapées, il s'agit bien évidemment des enfants.

Les enfants sont particulièrement protégés par le droit international, qu'il s'agisse du droit de la guerre ou du droit international humanitaire, régi notamment par les conventions de Genève du 12 août 1949, mais aussi bien sûr par la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 et par la convention internationale relative aux droits de l'enfant, tous textes ratifiés par la Russie. Ils le sont aussi par les traités et les textes européens.

De nombreuses ONG, ukrainiennes et internationales, dont Amnesty international, dans plusieurs rapports successivement publiés dès l'an dernier, plusieurs organes officiels spécialisés dans la défense des droits de l'homme, tel le bureau international de la démocratie et des droits de l'homme (BIDDH) de l'OSCE, mais aussi la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, ont rapporté et signalé aux assemblées parlementaires les transferts massifs de populations civiles et en particulier d'enfants organisés par les forces ou administrations et « associations » russes dans les territoires ukrainiens occupés vers la Fédération de Russie.

Ces rapports reposent sur de nombreuses enquêtes de terrain, sur des entretiens menés avec des réfugiés issus des régions de Kharkiv, Zaporijia et Kherson, ainsi que de certaines parties des territoires de Donetsk et de Louhansk.

Dans un rapport publié en novembre 2022, Amnesty international a montré, à partir d'entretiens avec des enfants issus de ces territoires, que les Russes procédaient à leur tri et à leur séparation d'avec leurs parents dans des camps dits de filtration, répartis dans les territoires occupés ou dans les régions russes limitrophes pour leur conférer la nationalité russe et les envoyer ensuite dans différentes régions russes en vue de leur adoption.

Combien de tels cas d'enlèvements ou de déportations d'enfants ont-ils été enregistrés ? Différents chiffres à ce sujet, allant de plusieurs centaines à 150 000, circulent. Il est difficile d'être fixé aujourd'hui, compte tenu des difficultés de contrôle.

Selon les données de la plateforme officielle du gouvernement ukrainien, Children of War , au 9 février 2023, 16 207 enfants auraient été déportés dont, directement à la Fédération de Russie, 11 593 enfants. Ce site dépend du Bureau national d'information précité et du ministère de la Réintégration des territoires occupés.

Parallèlement, selon la police nationale ukrainienne, 347 enfants seraient considérés comme disparus. Cependant, il ne s'agit que des cas pour lesquels les dossiers enregistrés contiennent des pièces et données d'identification considérées comme fiables par les autorités ukrainiennes.

Le HCR, pour sa part, aurait recensé une centaine de demandes de recherches d'enfants en Russie émanant de familles ukrainiennes, mais reconnaîtrait que les « vrais » chiffres seraient bien supérieurs, sans pouvoir, à ce stade, fournir d'estimation. Certaines familles pourraient être réticentes à assumer, face aux autorités ukrainiennes, qu'elles ont délibérément envoyé leur enfant en « colonies de vacances » en Russie.

Il est d'ailleurs curieux que les médias russes, donc la propagande russe, citant des sources officielles de la Fédération de Russie, rapportent que près de 733 000 enfants ukrainiens ont été emmenés sur le territoire de la Russie. Bien sûr, selon le narratif officiel, pour les protéger, pour les mettre à l'abri du conflit...

Que sait-on réellement de ces enlèvements ou déportations ?

Selon les témoignages recueillis notamment par le commissaire aux droits de l'homme et ombudsman ukrainien, Dmytro Lubinets, mais aussi par les ONG que nous avons auditionnées, des enlèvements, certains parlent même de rafles, ont été organisés sous prétexte d'évacuation.

Selon le rapport commandé par le département d'État américain à l'université de Yale, et paru le 14 février, les enfants ukrainiens provenant de diverses institutions où ils étaient hébergés dans les territoires occupés ont également pu être emmenés dans des camps de pseudo-rééducation. Le rapport dénombre et situe 43 camps répartis sur l'ensemble du territoire russe. D'autres sont accueillis dans des familles russes. Pour combien de temps ? Certains médias ou comptes de réseaux sociaux russes laissent entendre que c'est pour longtemps. Le rapport de Yale évoque en conséquence une politique systématique qui toucherait des milliers d'enfants ukrainiens. Ce rapport cite des cas d'enfants qui ont été retirés d'orphelinats ukrainiens. C'est ce qui se serait passé, par exemple, à Oleshki, où des enfants handicapés ont été emmenés en Crimée.

Dans 307 cas, les parents, parfois les grands-parents de ces enfants seraient venus seuls en Russie par des voies difficiles, longues de plusieurs milliers de kilomètres pour franchir quelques dizaines de kilomètres à vol d'oiseau, en contournant les territoires occupés et les zones de guerre par la Pologne, la Biélorussie et en traversant de grandes étendues de territoire russe, pour récupérer leurs enfants. Les demandes de papiers sont extrêmement lourdes.

Opération pensée, préméditée, planifiée, organisée, centralisée, au plus haut niveau ? Il paraît difficile d'en douter. Le rapport de Yale commence à décrypter ce système.

M. Claude Kern , co-rapporteur. - Dès mai 2022, en effet, M. Poutine a signé un décret sur la procédure simplifiée d'acquisition de la citoyenneté par les orphelins, les enfants privés de soins parentaux, les personnes handicapées qui sont citoyennes ukrainiennes et se trouvent dans les territoires occupés de l'Ukraine...

Cela a permis de faciliter la procédure d'adoption d'enfants ukrainiens sans tenir aucun compte de leur statut dans leur pays d'origine.

Cette procédure d'adoption simplifiée a été aussitôt utilisée par la Commissaire présidentielle aux droits de l'enfant de la Fédération de Russie, Mme Maria Lvova-Belova, qui joue un rôle clé dans l'exécution de cette politique, à grand renfort de publicité, jusque sur le site internet officiel du Kremlin, où on la voit, face à Vladimir Poutine, se féliciter qu'elle ait pu adopter un garçon de quinze ans, originaire de la région de Donetsk, « grâce à lui ». (M. le rapporteur diffuse une vidéo)

Au-delà de quelques cas documentés et fortement médiatisés par les réseaux sociaux et organes de presse et de propagande russes, il faut reconnaître, après avoir auditionné plusieurs officiels ukrainiens, mais aussi des ONG et des représentants de diverses administrations et organisations internationales, que nous ne disposons pas à ce stade de statistiques précises sur le nombre d'enfants ukrainiens ayant reçu la nationalité russe et ayant été adoptés de cette manière.

Selon certaines des personnalités que nous avons entendues, et selon le rapport de Yale, ces enfants ukrainiens séjourneraient donc dans des orphelinats ou des familles russes.

Selon la plupart de nos interlocuteurs, ils subiraient un véritable lavage de cerveau, avec remise en grande pompe de passeports russes, et volonté de les assimiler et de renier leur passé ukrainien et leurs racines familiales, alors que nombre de ces soi-disant orphelins pourraient encore avoir des parents vivants, dont ils ont été arbitrairement séparés, qu'ils résident en Ukraine ou ailleurs, y compris sur le territoire russe ou dans les territoires occupés par la Russie.

Les enfants ainsi déplacés sont malheureusement susceptibles de constituer des victimes toutes désignées pour des prédateurs ou auteurs d'abus ou pour les organisateurs de trafics illicites ou de traite des êtres humains, nous a déclaré le Représentant spécial de l'OSCE chargé de la lutte contre ce fléau.

Signant une politique d'État volontariste destinée à accélérer ce processus d'assimilation ou de « russification » forcée, la Fédération de Russie aurait un programme de financement pour les familles qui acceptent d'adopter un enfant ukrainien, nous ont déclaré des officiels et ONG ukrainiens.

Même si les agences des Nations Unies sont prudentes, car elles doivent pouvoir continuer d'intervenir partout et auprès de tous leurs interlocuteurs pour mener à bien leurs missions quelles que soient les circonstances, le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, M. Filippo Grandi, aurait récemment confié sa préoccupation quant au respect des principes fondamentaux de la protection de l'enfance par la Russie.

D'autres observateurs soulignent les mises en scène médiatiques abjectes auxquelles ils ont pu assister sur les ondes russes : ainsi, lors de festivités patriotiques au grand stade Loujniki de Moscou, le 22 février, des enfants aux sourires forcés, présentés comme étant originaires de Marioupol, ont été invités, devant les caméras de télévision, à se serrer contre un soldat russe, « Tonton Youri », qui les aurait soi-disant sauvés de la ville en cendres.

« Avez-vous des contacts avec eux ? Y a-t-il des négociations pour leur retour ? » est l'une des questions que nous avons posées à nos interlocuteurs ukrainiens.

Lors d'une réunion organisée par la Turquie, la Médiatrice russe Tetyana Moskalkova aurait assuré que la Fédération de Russie ne souhaitait pas garder les enfants emmenés d'Ukraine qui veulent retourner dans leur pays d'origine, sans donner les noms et le nombre de ces enfants. Elle aurait ajouté qu'elle était prête à faciliter leur retour : faut-il la croire ?

Ce qui est certain, c'est que l'ombudsman de l'Ukraine, président de la commission des droits de l'homme de la Rada, nous a dit parler à son homologue russe. Et d'autres officiels ukrainiens ont laissé entendre l'existence d'échanges d'informations, voire de tractations dans certains cas. Toujours est-il que 307 enfants auraient été ainsi récupérés à ce jour.

Les officielles russes, Mme Maria Lvova-Belova, et la Commissaire russe aux droits de l'homme de la Fédération de Russie, Mme Moskalkova, semblent en revanche réticentes à communiquer les données personnelles des enfants, même aux services officiels ukrainiens.

Les ONG et autorités ukrainiennes se démènent, pour tenter de faciliter le retour des enfants et empêcher leur adoption hâtive et illégale au regard du droit international. Elles font appel, outre le HCR déjà cité, au Comité des droits de l'homme des Nations Unies, au Comité des droits de l'enfant des Nations Unies, au Comité international de la Croix-Rouge. Nous relayons cet appel auprès du Gouvernement français qui a de l'influence aux Nations Unies, où Mme Colonna s'est exprimée le mois dernier, à l'assemblée générale à New York et à la commission des droits de l'homme à Genève, en mentionnant les enfants ukrainiens déportés en Russie.

Ces ONG ont aussi recueilli des informations qui peuvent être utiles pour préciser les responsabilités dans la chaîne des décisions de ce que le rapport de Yale décrit comme un « système ».

Ces informations, à condition bien sûr qu'elles soient solidement étayées et vérifiées par les autorités et services compétents, peuvent être précieuses, pour, dans un premier temps, prendre des sanctions à l'encontre des personnes ou des organismes prêtant leurs concours à ces déportations et adoptions illégales ; nous proposons que la France plaide pour que l'Union européenne étende en ce sens la liste du prochain paquet de sanctions puis, le moment venu, pour traduire ces personnes et organismes en justice.

C'est ici aussi que l'action du Gouvernement français et de l'Union européenne peut être décisive, pour recueillir et recouper ces données, consolider les enquêtes qui sont diligentées et y participer ou fournir aux enquêteurs les moyens nécessaires.

Les qualifications pénales applicables aux faits avérés et documentés et à leurs auteurs, si leur implication est prouvée, apparaissent en effet très claires et relèvent, soit des juridictions nationales, le cas échéant, soit de la Cour pénale internationale (CPI), qui a compétence à l'égard des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des crimes de génocide.

En effet, en vertu du statut de Rome, la CPI entend par « crimes de guerre » les « atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants », incluant « la déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale ». Elle entend, par « crime contre l'humanité », « la déportation ou le transfert forcé de population ». Quant au crime de génocide, aux termes de la résolution du 11 décembre 1946 de l'Assemblée générale de l'ONU, adoptée après Nuremberg, il se définit ainsi : « le génocide est le refus du droit à l'existence à des groupes humains entiers, de même que l'homicide est le refus du droit à l'existence d'un individu ». La Convention du 9 décembre 1948, adoptée la veille de la Déclaration universelle des droits de l'homme, renvoie autant à la responsabilité des États qu'à celle des individus. L'article 6 du statut de la CPI reprend à l'identique les termes mêmes de l'article 2 de ladite Convention, selon lesquels « on entend, par crime de génocide, l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : [...] e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ».

Le Procureur de la CPI, M. Karim Khan, a annoncé, dès le 2 mars 2022, avoir fait usage de son pouvoir pour, de sa propre initiative, ouvrir une enquête sur la situation en Ukraine au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour, sur la base des saisines reçues les 1 er et 2 mars 2022 par 39 États parties au statut de Rome, dont la France.

Lors de la toute récente conférence, intitulée United for Justice , qui s'est tenue à Lviv en fin de semaine dernière, avec les plus hautes autorités ukrainiennes, en présence du président de la République lituanienne, du vice-premier ministre néerlandais - la CPI siégeant à La Haye -, du Commissaire européen à la Justice Didier Reynders, de plusieurs procureurs généraux, la France étant représentée par le directeur juridique du Quai d'Orsay et par son ambassadeur en Ukraine M. Etienne de Poncins, le procureur de la CPI a déclaré continuer à enquêter sur le sort des enfants ukrainiens et a sollicité le plein concours des autorités judiciaires et policières ukrainiennes pour ce faire.

C'est aussi là que l'Union européenne a un rôle très important à jouer, et c'est, au fond, le sens même de la proposition de résolution et de l'avis politique que nous vous proposons d'adopter.

Dès le 8 avril 2022, l'Union européenne a annoncé mettre à disposition tous les moyens en sa possession pour participer aux enquêtes ouvertes par l'Ukraine pour crimes de guerre de la part de la Fédération de Russie.

Depuis le Règlement européen du 25 mai dernier, l'agence de coopération judiciaire européenne Eurojust, qui regroupe les États membres de l'UE (sauf le Danemark), mais également des pays partenaires comme l'Ukraine depuis 2016, tient une place essentielle dans le dispositif.

En effet, l'aide fournie par Eurojust prend trois formes. Tout d'abord, l'agence chapeaute une équipe commune d'enquête, constituée d'enquêteurs polonais, lituaniens et ukrainiens. Depuis le 25 avril 2022, celle-ci coopère avec le procureur de la CPI. Eurojust centralise aussi les éléments de preuve recueillis afin de faciliter les échanges et ainsi accélérer les enquêtes et les éventuelles poursuites pouvant être menées devant la CPI.

Cette coopération permet notamment d'éviter des doublons : qu'un témoin d'un crime ne soit pas entendu, par exemple, une première fois par la police ukrainienne, puis par celle du pays dans lequel il se serait réfugié. Elle permet aussi aux enquêteurs de retrouver facilement des témoins qui se seraient ensuite éparpillés sur le territoire européen. Tous les États membres et associés à l'Agence peuvent se joindre à cette équipe. C'est pourquoi nous appelons le Gouvernement et les autorités françaises à lui apporter un soutien renforcé, en fonction des compétences et des moyens disponibles pour venir en aide aux enfants ukrainiens et documenter les cas susceptibles de passer devant la CPI.

Nous faisons également référence à une initiative toute récente de la Commission européenne et de la Pologne, annoncée le 27 février 2023 par une porte-parole de la Commission européenne, à laquelle nous invitons le Gouvernement français à apporter tout son soutien. Il s'agit, là aussi, de réunir des preuves et de consolider les enquêtes, afin que ces crimes, s'ils sont avérés, ne demeurent pas impunis.

En, effet, peu importe les motivations de la Russie - assimiler, remédier à des déséquilibres démographiques voire « russifier », ou « dénazifier » l'Ukraine -, qui font tragiquement écho aux pires relents du siècle précédent pour l'Européen et l'Alsacien que je suis ; l'essentiel est que ces crimes cessent le plus tôt possible, et qu'ils cessent dès maintenant de se perpétrer dans l'ombre.

En adoptant ce texte, vous ferez oeuvre pionnière, car le Sénat serait le premier Parlement national à s'exprimer officiellement sur cette tragédie et sur le meilleur moyen de la combattre : la Justice. L'oeuvre de justice prendra son temps. Mais pour nous, il est temps d'agir. Oui, les enfants ukrainiens sont l'avenir de l'Europe, ils incarnent l'avenir du continent européen.

M. Jean-François Rapin , président . - Merci pour ce travail important, vous avez dû travailler dans des conditions dégradées puisque les interlocuteurs ne sont pas tous autour de la table - et vous avez su faire preuve de perspicacité, quoique nous ne connaissions pas le nombre d'enfants victimes, et que nous ne le connaîtrons jamais précisément. J'avais surpris M. Ruslan Stefanchuk, le président de la Rada ukrainienne, en l'interrogeant sur le sujet lors de sa venue au Sénat, mais je crois que nous devons bien prendre conscience de l'enjeu spécifique qui s'attache à l'enfant dans la guerre : je pense non seulement au traumatisme pendant la guerre, on le voit tous les jours avec les bombardements russes sur la population civile - il y a encore eu 80 missiles tirés la nuit dernière , mais aussi aux troubles psychiatriques persistant des années après la guerre. C'est un sujet pour l'Union européenne aussi, dès lors que l'Ukraine est candidate à nous rejoindre. Merci encore pour ce travail important, qui sera très probablement complété par celui de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

M. André Gattolin , co-rapporteur - Effectivement, je crois savoir que la commission permanente à laquelle sera renvoyée la proposition de résolution que notre commission adoptera va se saisir du sujet. Le transfert d'enfants est un sujet très important et trop peu documenté, d'autant que les Ukrainiens ont déjà beaucoup à faire dans les territoires libérés : il est particulièrement difficile de suivre ce qui se passe dans les territoires occupés, ou en Russie même.

M. Jean-François Rapin , président . - J'invite chacun de vous à noter que, le 11 mai prochain, nous auditionnerons Mme Ivanna Klympusch-Tsintsadze, présidente de la commission pour l'intégration européenne de la Rada ukrainienne, qui aura été reçue la vieille par le président du Sénat.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Merci pour ce travail des plus intéressants concernant un sujet, que j'ai pour ma part déjà beaucoup travaillé, alertant dès le 8 août sur la situation des enfants déplacés. Je m'en suis aussi entretenue à Kiev avec Mme Oleksandra Matvichuk, responsable du Centre des Libertés civiles d'Ukraine, que nous avons également reçue avec notre collègue Nadia Sollogoub dans le cadre du groupe interparlementaire d'amitié France-Ukraine. J'avais interpelé le Président Ruslan Stefanchuk sur les chiffres, lors de sa venue au Sénat, car les Ukrainiens, quand ils parlent de centaines de milliers d'enfants déplacés, comptent bien au-delà de ceux qui ont été déplacés par les Russes, dont le chiffre documenté est celui que vous avez donné, d'environ 16 200 enfants.

J'ai déposé l'an passé une proposition de résolution sur la reconnaissance du génocide ukrainien de 1932-1933, c'est-à-dire sur l'« extermination par la faim » - ou Holodomor - de plusieurs millions d'Ukrainiens par le régime soviétique d'alors. Si j'ai voulu attirer l'attention sur ce qui c'était passé en 1932-1933, c'est parce que cela s'apparente au génocide qui se passe aujourd'hui : les enlèvements d'enfants, à cette échelle, constituent un crime de génocide au sens du droit international public. Ma proposition de résolution a été saluée par le Président Ruslan Stefanchuk à la tribune du Sénat, mais elle n'a toujours pas été inscrite à notre ordre du jour, alors que d'autres l'ont été depuis : je ne comprends pas pourquoi - d'autant que nous serions les premiers à le faire. Le Parlement européen lui-même aurait travaillé sur le sujet : c'est ce que j'ai compris à un propos de Mme Nathalie Loiseau, mais cela reste à vérifier.

La commission des affaires étrangères va effectivement se saisir de ce sujet : je suis pressentie pour rapporter ce texte, eu égard au travail que j'ai déjà accompli. Je signale qu'un Français de l'étranger a créé une application pour retrouver des enfants à l'étranger et que les autorités ukrainiennes travaillent avec lui pour améliorer cet outil utile ; je pense que nous serions avisés de le soutenir dans ses efforts.

M. Jean-François Rapin , président . - C'est une très bonne nouvelle que la commission des affaires étrangères entende vous confier ce travail.

M. Pierre Ouzoulias . - Les récits qui nous parviennent sont bouleversants et la réalité est probablement pire encore que les informations collectées. Les faits sont incontestables, et si l'on ne connait pas le nombre de victimes, on sait que c'est dans la tradition russe de déplacer des populations entières : les Tatars de Crimée, les Tchétchènes, les Ingouches, les Arméniens ont subi ces violences qui visent une assimilation forcée et la négation même de leur identité. C'est maintenant le cas pour les Ukrainiens, les Russes niant l'existence d'une identité ukrainienne ; le déplacement d'enfants peut avoir aussi un objectif démographique : la démographie est une nouvelle dimension de guerre de haute intensité. Avec un taux de natalité à 1,5 enfant par femme, la Russie perd chaque année 0,3 à 0,5 % de sa population, c'est une angoisse pour le pouvoir russe et le transfert de masse des enfants ukrainien est un moyen pour lui de compenser ces pertes.

Face à ces crimes, il est indispensable d'établir les faits, car nous savons que les preuves disparaissent vite : votre démarche est fondamentale. La France peut jouer un rôle important pour aider l'Ukraine à établir et instruire des dossiers, en vue de les déposer ensuite devant les instances judiciaires internationales. Nous sommes impuissants à arrêter le conflit, mais nous pouvons aider l'investigation policière, et envoyer le message que les crimes ne resteront pas impunis. Le groupe CRCE votera cette PPRE.

M. Jean-Yves Leconte . - Merci à l'auteur de cette PPRE et à son co-rapporteur. Les déportations d'enfants sont une partie d'un ensemble plus large encore, car la guerre place des enfants sous la menace de trafics en tous genres, on le voit même dans des pays de l'Union européenne - et ces trafics ne sont pas, pourtant, comptabilisés parmi les crimes de guerre et le crime de génocide. Il faut donc être précis. Il y a la déportation, qui est un crime de guerre, et la « russification », qui est un crime de génocide - il y a ceux qui en décident, mais aussi ceux qui en font l'apologie, ceux qui organisent les « camps de vacances » où sont envoyés les enfants ukrainiens, mais aussi ceux qui, dans l'administration, organisent la reconstitution des états civils, et les entreprises qui leur fournissent les équipements : tous ces gens sont potentiellement des complices et auteurs de ces crimes.

On manque d'information sur ce que qu'ont pu voir les agences onusiennes et le Comité international de la Croix rouge (CICR) - certains considèrent qu'on est à la limite de la complicité de crimes, à ne pas témoigner de ce qu'on voit sur le terrain... Nous avons un rôle à jouer aussi à l'échelon européen, en passant par Eurojust, parce qu'il ne suffit pas d'envoyer des gendarmes de notre côté, il faut compiler des témoignages, préparer des dossiers. Ensuite, nous avons à changer certaines de nos règles pénales : dans notre droit actuel, Mme Maria Lvova-Belova pourrait venir passer ses vacances en France sans être du tout inquiétée...

M. André Gattolin , co-rapporteur - Non, elle est déjà inscrite sur la liste des personnes faisant l'objet de sanctions de l'Union européenne...

M. Jean-François Rapin , président . - Très bien !

M. Jean-Yves Leconte . - Tant mieux ! Toujours est-il que notre code de procédure pénale interdit toute poursuite de non-résidents. ..

MM. Claude Kern et André Gattolin , co-rapporteurs - En effet !

M. Jean-Yves Leconte . - On verra quelle position prendra la Cour de cassation le 17 mars prochain, mais cela fait plus de dix ans qu'une proposition de loi de Jean-Pierre Sueur attend de faire sauter ce « verrou », et qu'on ne le fait pas... J'espère que nous le ferons bientôt.

Sur le texte même de la PPRE, il serait peut-être judicieux d'y rappeler l'existence du dixième paquet de sanctions européennes adopté le 25 février, et d'insérer un considérant exigeant que les enfants soient restitués à leurs familles.

M. André Gattolin , co-rapporteur - Nous avons pour notre part modifié le paragraphe 63 pour y intégrer l'initiative de la Commission européenne et du Premier ministre polonais. Il règne encore du flou autour de cette initiative, mais nous avons voulu marquer le fait que le droit polonais dispose de la compétence universelle...

M. Jean-Yves Leconte . - Pas exactement. En réalité, l'État polonais ne poursuit que s'il y a atteinte à ses intérêts, ce qui n'est pas tout à fait pareil que la compétence universelle - dont disposent les Belges, eux.

M. André Reichardt . - À mon tour de vous remercier pour cette PPRE, dont je rejoins l'orientation et l'objectif de traduire en justice les responsables de ces crimes. Cependant, je comprends mal pourquoi on ne documente pas mieux les faits et le nombre d'enfants victimes, car, par définition, les autorités russes prennent des enfants en Ukraine sur des territoires occupés ; parmi ces territoires, certains ont été libérés, on y a relevé les exactions qu'elles y ont commises, on devrait pouvoir documenter plus précisément le nombre d'enfants enlevés. Par ailleurs, comment les choses se passent-elles en Crimée, depuis 2014 ? Je comprends qu'on ne puisse mener des investigations sérieuses sur les territoires occupés, mais pas dans le reste de l'Ukraine.

Ensuite, autant je me félicite qu'on aide les Ukrainiens à mieux documenter les crimes qu'ils subissent, autant je me demande encore : que fait-on de ces enfants, en Russie ? Est-ce que le drame s'arrête à des adoptions, à cette politique de « russification », ou bien y a-t-il aussi d'autres abominations, comme la traite d'êtres humains, de l'esclavage, des prélèvements d'organes ? Cette PPRE n'exprime pas clairement que nous devons savoir ce que les enfants déplacés deviennent, alors que des pratiques terribles peuvent exister, comme elles existent ailleurs.

Enfin, la guerre se prolonge ; à chaque territoire « conquis » par la Russie, d'autres terrains « à conquérir » apparaissent, d'autres crimes sont mis au jour : il faut que cette guerre s'arrête, et pour cela nous devons doter l'Ukraine des moyens de résister à la Russie et de récupérer son territoire - la PPRE est muette aussi sur ce point capital, c'est dommage.

M. Jean-François Rapin , président . - Notre soutien à l'effort de guerre de l'Ukraine est manifeste, l'UE vient d'y ajouter 2 milliards d'euros...

Mme Patricia Schillinger . - Ce sujet nous touche très profondément, l'UE doit mettre en place des moyens spécifiques pour s'en occuper. La bonne volonté ne manque pas, mais on se perd un peu entre toutes les initiatives, alors qu'il faut avant tout identifier ces enfants et faire qu'ils retournent dans leurs familles. Il y a des difficultés juridiques, ces enfants sont difficiles à localiser, mais il faut y mettre les moyens, ou bien ces enfants ne reviendront pas chez eux.

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Quelques éléments sur la question des chiffres, d'abord. Les Ukrainiens ont reconquis le quart des territoires que les Russes ont occupés, hors Crimée, et les 16 022 enfants identifiés l'ont été sur ces territoires libérés, avec le nom, l'âge, l'état civil, les parents et la localisation. L'association Voice of Children, qui a travaillé en Crimée et dans les autres régions occupées, nous a dit l'impossibilité d'avoir des informations sur ce qui se passe dans ces territoires. Et l'on a de quoi s'inquiéter lorsque les Russes parlent de 733 000 enfants « transférés » sur le territoire russe pour les « protéger », car cela correspond quasiment à tous les enfants des territoires concernés ; et quand le Kremlin avance ce chiffre pour montrer sa « solidarité » avec les Ukrainiens qui subiraient la guerre voulue par les Occidentaux, on peut craindre qu'il y ait aussi une manoeuvre pour dissimuler le nombre de morts civils - on parle de 30 000 à 40 000 victimes civiles à Marioupol, c'est considérable ! Dans cette ville martyre, les satellites ont identifié dix véhicules d'incinération, qui sont utilisés pour brûler des charniers et donc effacer les traces de crime de génocide, et de massacre de la population civile.

Il y a encore beaucoup à faire en matière de sanctions, les Ukrainiens nous disent avoir identifié 109 personnes qui participent de manière active et organisée au crime de génocide : il y a toute une chaîne de décision - le représentant polonais auprès de l'UE, lui, parle de 55 personnes directement impliquées. Il est important de dénoncer ce phénomène, car la Fédération de Russie, qui a mis en avant la « solidarité humanitaire » avec les Ukrainiens, est gênée de voir que la déportation des enfants est de mieux en mieux documentée. Du reste, la destruction de preuves est évidente, mais Voice of Children documente des crimes bien au-delà des enfants identifiés.

S'agissant de la situation en Crimée, on sait que les Tatars, qui représentaient 20 % de la population en 2014, n'en représentent plus que 3 % ; j'ai rencontré leurs représentants au Conseil de l'Europe.

M. Claude Kern , co-rapporteur. - Des parents ne témoignent pas devant les autorités ukrainiennes par peur de représailles, après avoir laissé partir leurs enfants en « colonies de vacances » russes au moment où la Russie occupait leur territoire ; ils ont peur, nous avons eu des témoignages très émouvants lors de nos auditions.

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Je suis très heureux que vous preniez le relai en commission des affaires étrangères et de la défense, chère Joëlle Garriaud-Maylam. Vous avez raison de souligner la continuité des crimes actuels avec le génocide de 1932-33, l'Holodomor. Nous avions organisé un colloque au Sénat sur le sujet. En décembre 1949, pour que l'URSS signe à Paris la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, il a été accepté de ne pas retenir les aspects politiques et culturels du génocide, et comme l'Ukraine faisait partie de l'URSS, on a tu les spécificités ethniques et nationales des Ukrainiens - de fait, nous devons revenir sur ce compromis passé à l'époque.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - C'est bien parce que le terme de génocide ne peut pas être retenu, que les Ukrainiens tiennent à la résolution dont j'ai présenté le projet : les Ukrainiens me l'ont demandé dans le cadre de l'assemblée parlementaire de l'Otan - et c'est pourquoi je me désole de voir que ma proposition de résolution sur la reconnaissance du génocide ukrainien ne soit toujours pas inscrite à l'ordre du jour du Sénat, alors que d'autres l'ont été depuis que je l'ai déposée...

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Je crois savoir que le Parlement européen a commencé ses auditions pour une reconnaissance : Maître Emmanuel Daoud a été entendu. Quoiqu'il en soit, pour ce qui est du transfert d'enfants, nous serions, avec cette PPRE, le premier Parlement national à prendre position.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - N'oublions pas que le Parlement européen, dès le 7 avril 2022, a adopté une résolution qui traite des enfants et, le 14 septembre dernier, une résolution qui mentionne les déplacements.

M. Claude Kern , co-rapporteur. - Nous pouvons inclure, dans notre texte, une demande sur le sort réservé aux enfants.

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Le crime de trafic d'êtres humains n'est pas reconnu par le droit international en tant que tel : l'incrimination passe par l'usage et l'exploitation des êtres humains, qu'il faut donc prouver, par exemple via des transactions financières ou la mise en esclavage. Selon des indications que nous avons eues, dans le cadre de la « russification », l'adoption par des parents donnerait lieu à une compensation forfaitaire de plusieurs milliers d'euros : cela peut constituer un crime de trafic d'êtres humains. Je crois savoir que notre collègue Isabelle Raimond-Pavero travaille sur ces questions.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Je connais également bien ce sujet...

M. Claude Kern , co-rapporteur. - On évoque aussi le fait que des enfants pourraient servir de monnaie d'échange, ce qui n'a rien d'officiel.

M. Jean-François Rapin , président . - Sur l'Holodomor, je signale à toutes fins utiles le film L'ombre de Staline , qui présente bien le tragique contexte de l'époque.

Je vous propose donc de modifier le texte de la proposition de résolution, comme suit :

- après l'alinéa 36, insérer un alinéa visant expressément le dixième paquet de sanctions décidé par l'UE ;

- après l'alinéa 70, insérer un nouvel alinéa 71 invitant le Gouvernement à demander aux autorités russes des précisions sur le sort réservé aux enfants ukrainiens présents sur le territoire de la Russie.

M. André Reichardt . - Pourquoi pas, plutôt, mentionner cette demande plus haut dans le texte, en insérant le sort des enfants parmi les demandes d'informations ?

M. Jean-François Rapin , président . - La précision aurait alors sa place à l'alinéa 63 qui deviendra 64 si l'on insère l'alinéa proposé concernant le dixième paquet de sanctions, en le complétant in fine .

M. Jean-Yves Leconte . - Il faut également demander qu'on arrête la perpétuation de ces crimes, donc qu'on demande le retour immédiat des enfants en Ukraine.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam . - Il nous faudrait aussi appeler à soutenir les initiatives visant à identifier les enfants : je repense à cette application créée par notre compatriote...

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Il me semble que c'est déjà dans le texte...

M. Jean-Yves Leconte . - Il ne faut pas se concentrer sur le seul acte de déportation, mais sur toute la chaîne de décision qui permet ces déportations, en particulier les fonctions d'état civil.

M. Jean-François Rapin , président . - Nous pouvons modifier le paragraphe 61- qui deviendrait 62- pour y inclure l'exigence de retour des enfants en Ukraine.

M. Pierre Cuypers . - Faut-il viser aussi les organisations internationales ?

M. André Gattolin , co-rapporteur. - Nous nous sommes posé la question pour l'Unicef et la Croix rouge : je ne vous cache pas que certaines associations en dénoncent l'attentisme, à la limite de la complicité, mais les Ukrainiens nous disent préférer que ces organisations internationales restent présentes sur les territoires occupés et en Russie, parce que cela permet d'obtenir des informations utiles et inaccessibles sinon. Nous avons donc préféré ne pas mentionner ces organisations internationales dans la proposition de résolution.

La commission adopte à l'unanimité la proposition de résolution européenne ainsi modifiée, disponible en ligne sur le site du Sénat, ainsi que l'avis politique qui en reprend les termes et qui sera adressé à la Commission européenne.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE DÉNONÇANT LES TRANSFERTS FORCÉS MASSIFS D'ENFANTS UKRAINIENS PAR LA FÉDÉRATION DE RUSSIE

Le Sénat,

L

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

M

Vu le traité sur l'Union européenne, notamment son préambule, ses articles 2 et 3, paragraphes 3 et 5,

N

Vu la Charte des Nations unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945,

O

Vu la résolution n° 96 adoptée le 11 décembre 1946 par l'Assemblée générale de l'organisation des Nations unies,

P

Vu la Convention des Nations unies du 9 décembre 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, notamment son article 2,

Q

Vu la déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, notamment ses articles 12, 13 et 15,

R

Vu la Convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre du 12 août 1949, notamment ses articles 4, 49 et 50,

S

Vu le Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés internationaux, notamment ses articles 77 et 78,

T

Vu la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales telle qu'amendée par les Protocoles n° 11, 14 et 15, adoptée à Rome, le 4 novembre 1950, notamment ses articles 5 et 8,

1a

Vu l'article 3 du Protocole n° 4 du 16 septembre 1963 complétant la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales reconnaissant certains droits et libertés autres que ceux figurant déjà dans la Convention et dans le premier Protocole additionnel à la Convention,

1b

Vu le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966, notamment ses articles 18, alinéa 4, et 24,

1c

Vu la Convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 20 novembre 1989, notamment ses articles 7, 8, 9, 21, 22, 25, 28 et 30,

1d

Vu le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, signé le 17 juillet 1998, notamment ses articles 5, 6-e, 7-d, 8-a-vii, 8-b-i, 8-b-xxi, 15, 25, 53 et 81,

1e

Vu la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, signée le 20 décembre 2006,

1f

Vu la résolution ES-11/1 de l'Assemblée générale des Nations unies du 2 mars 2022 intitulée « Agression contre l'Ukraine »,

1g

Vu l'ordonnance de la Cour internationale de justice du 16 mars 2022 sur les allégations de génocide au titre de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (Ukraine c. Fédération de Russie),

1h

Vu la résolution 2433 (2022) de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe,

1i

Vu la résolution 2436 (2022) de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe,

1j

Vu la résolution 2482 (2023) de l'assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, notamment ses alinéas 10, 12, 15-5, 15-7 et17,

2a

Vu la résolution 2022/2564 du Parlement européen du 1 er mars 2022 sur l'agression russe contre l'Ukraine,

2b

Vu la résolution 2022/2655 du Parlement européen du 19 mai 2022 sur la lutte contre l'impunité des crimes de guerre en Ukraine,

2c

Vu le décret du Président de la Fédération de Russie du 30 mai 2022, visant à simplifier la procédure d'obtention de la citoyenneté russe,

2d

Vu le Règlement (UE) 2022/838 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 modifiant le règlement (UE) 2018/1727 en ce qui concerne la préservation, l'analyse et la conservation, au sein d'Eurojust, des éléments de preuve relatifs aux génocides, aux crimes contre l'humanité, aux crimes de guerre et aux infractions pénales connexes,

2e

Vu les conclusions 488/22 du Conseil européen du 30 mai 2022 sur l'Ukraine,

2f

Vu la loi russe sur le non-respect par la Russie des décisions de la Cour européenne des droits de l'homme adoptée le 7 juin 2022 par la Douma d'État, l'Assemblée fédérale de la Fédération de Russie,

2g

Vu le Règlement d'exécution (UE) 2022/1270 du Conseil du 21 juillet 2022 mettant en oeuvre le règlement (UE) n° 2659/2014 concernant des mesures restrictives eu égard aux actions compromettant ou menaçant l'intégrité territoriale, la souveraineté et l'indépendance de l'Ukraine et son annexe, notamment la ligne 1210 de la liste des personnes physiques, entités et organismes,

2h

Vu le plan de paix en dix points présenté par le Président de l'Ukraine le 15 novembre 2022 lors de la réunion du G20 à Bali, en particulier son quatrième point,

2i

Vu les conclusions du Conseil 15237/22 du 29 novembre 2022 sur la lutte contre l'impunité en matière de crimes commis dans le cadre de la guerre d'agression menée par la Russie contre l'Ukraine,

2j

Vu la déclaration conjointe publiée à l'issue du 24 e sommet UE-Ukraine le 3 février 2023,

3a

Vu la résolution n° 52 (2022-2023) du Sénat du 7 février 2023 exprimant le soutien du Sénat à l'Ukraine, condamnant la guerre d'agression menée par la Fédération de Russie et appelant au renforcement de l'aide fournie à l'Ukraine,

3b

Vu les conclusions EUCO 1/23 du Conseil européen extraordinaire du 9 février 2023,

3c

Vu le rapport de la faculté de santé publique de l'université de Yale, intitulé « Le programme systématique de la Russie tendant à la rééducation et à l'adoption d'enfants ukrainiens », publié le 14 février 2023,

3d

Vu la déclaration de la Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères sur le conflit en Ukraine, prononcée le 23 février 2023 à New York lors de la session extraordinaire d'urgence de l'Assemblée générale des Nations unies,

3e

Vu le rapport du président de la commission ad hoc sur les migrations à la commission permanente de l'assemblée parlementaire de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), lors de sa 22 e réunion d'hiver à Vienne, publié le 24 février 2023,

3f

Vu la résolution de la Rada adoptée le 24 février 2023, intitulée « Appel à la commission des droits de l'homme des Nations unies, à la commission des Nations unies sur les droits de l'enfant, au Haut-Commissaire des Nations unies » demandant le « retour des enfants » d'Ukraine déportés,

3g

Vu le dixième paquet de sanctions à l'encontre de la Russie et des personnes et entités contribuant à son effort de guerre, adopté par le Conseil de l'Union européenne le 25 février 2023,

3h

Vu le décret du Président de l'Ukraine n° 115/2023 du 26 février 2023 « sur l'application de mesures économiques spéciales et autres mesures restrictives personnelles (sanctions) »,

3i

Vu le discours de la Ministre de l'Europe et des Affaires étrangères au Conseil des droits de l'homme des Nations unies à Genève prononcé le 28 février 2023,

3j

Considérant que la Cour pénale internationale a compétence à l'égard des crimes de guerre, des crimes contre l'humanité et des crimes de génocide, qui constituent des violations graves du droit international, des droits de l'homme et du droit international humanitaire ;

4a

Considérant que la Cour pénale internationale entend par « crimes de guerre » les « atteintes à la dignité de la personne, notamment les traitements humiliants et dégradants », incluant « la déportation ou le transfert illégal ou la détention illégale » ;

4b

Considérant que la Cour pénale internationale entend, par « crime contre l'humanité », « la déportation ou le transfert forcé de population » ;

4c

Considérant qu'aux termes de la résolution n° 96 du 11 décembre 1946 de l'Assemblée générale de l'ONU, « le génocide est le refus du droit à l'existence à des groupes humains entiers, de même que l'homicide est le refus du droit à l'existence d'un individu », et que la Convention du 9 décembre 1948 renvoie autant à la responsabilité des États qu'à celle des individus ;

4d

Considérant que l'article 6 du Statut de Rome de la Cour pénale internationale reprend à l'identique les termes mêmes de l'article 2 de ladite Convention, selon lesquels « on entend, par crime de génocide, l'un quelconque des actes ci-après commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : [...] e) Transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe » ;

4e

Considérant que le Procureur de la Cour pénale internationale a annoncé, dès le 2 mars 2022, avoir fait usage de son pouvoir pour ouvrir une enquête sur la situation en Ukraine de sa propre initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour, sur la base des saisines reçues les 1 er et 2 mars 2022 par 39 États parties au statut de Rome, dont la France, complétées par la suite par quatre autres États parties ;

4f

Considérant que la Cour pénale internationale est compétente à l'égard des personnes physiques et que quiconque commet un crime relevant de sa compétence est individuellement responsable et peut être puni ;

4g

Considérant que les transferts forcés et les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la Puissance occupante sont interdits par les conventions internationales précitées quel qu'en soit le motif ;

4h

Considérant que la Puissance occupante doit prendre toutes les mesures nécessaires pour faciliter l'identification des enfants et l'enregistrement de leur filiation et ne peut, en aucun sens, procéder unilatéralement à une modification de leur statut personnel ;

4i

Considérant les nombreux éléments et témoignages faisant état de déplacements massifs d'enfants ukrainiens vers la Russie, recueillis notamment par l'Ombudsman de l'Ukraine, par la commission des droits de l'homme et par la sous-commission des droits de l'enfant de la Rada, mais aussi par la plateforme mise en ligne par le gouvernement ukrainien Children of War , avec le soutien du gouvernement canadien, par l'Institut de recherche sociale de Kharkiv, et par de nombreuses organisations non gouvernementales (ONG), ainsi que ceux recensés dans le rapport de l'université de Yale du 14 février 2023 ;

4j

Considérant que la Convention de Genève définit comme protégée toute personne qui, à un moment quelconque et de quelque manière que ce soit, se trouve, en cas de conflit ou d'occupation, soumise au pouvoir d'une Puissance occupante ;

5a

Considérant les déclarations publiques d'officiels russes selon lesquelles des enfants ukrainiens ont été massivement déplacés et placés dans des familles russes depuis le début de la guerre d'invasion de l'Ukraine le 24 février 2022, et notamment celles de la commissaire aux droits de l'enfant de la Fédération de Russie, admettant que des orphelins ukrainiens ont été « déplacés » vers son pays depuis des établissements ukrainiens ;

5b

Considérant que plusieurs auditions, témoignages et éléments publiés concordants attestent que la Fédération de Russie procède au transfert forcé d'enfants ukrainiens vers la Russie ;

5c

Considérant qu'il est fait état, notamment par les ONG, mais aussi dans le rapport de l'université de Yale précité, fondé sur des sources ouvertes, que la Fédération de Russie procède de manière administrative et massive à la naturalisation, au changement de nom et de filiation d'enfants transférés vers son territoire ;

5d

Considérant l'obligation juridique de prévenir et de punir le génocide en vertu de la Convention des Nations unies de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide ;

5e

Considérant l'annonce faite par le Haut Représentant de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité le 25 mai 2022 de l'institution d'un groupe consultatif sur les atrocités criminelles concernant l'Ukraine, réunissant l'Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni ;

5f

Considérant que, dans son allocution devant la troisième commission de l'assemblée parlementaire de l'OSCE réunie à Vienne le 24 février 2003, le Représentant spécial de l'OSCE pour la lutte contre les trafics et la traite des êtres humains a rappelé que, depuis l'invasion de la Crimée en 2014, le nombre de victimes de la traite des êtres humains en provenance des régions annexées par la Fédération de Russie avait quadruplé, et a appelé les États membres à accroître leur vigilance à l'égard des risques de trafics et de traite pesant sur les personnes les plus vulnérables ;

5g

Condamne vigoureusement les transferts forcés d'enfants ukrainiens, perpétrés par la Fédération de Russie ;

5h

Dénonce le caractère massif de ces transferts ;

5i

Dénonce le processus d'assimilation forcée et accélérée mis en oeuvre par la Fédération de Russie, à l'égard d'Ukrainiens, notamment d'enfants, orphelins ou non ;

5j

Se félicite que le Procureur de la Cour pénale internationale ait ouvert une enquête sur ces agissements ;

6a

Conteste fermement le narratif des autorités russes qualifiant les transferts et assimilations forcés d'enfants ukrainiens d'actes de solidarité humanitaire ;

6b

Invite l'Union européenne et ses États membres à condamner vigoureusement ces transferts forcés d'enfants et à demander le retour de ces enfants ;

6c

Approuve la mise en place par l'Union européenne et plusieurs États membres, avec l'appui d'Eurojust notamment, d'une équipe commune d'enquête sur ces crimes ;

6d

Se félicite de l'initiative conjointe de la présidente de la Commission européenne et du Premier ministre de Pologne annoncée le 27 février 2023 par la porte-parole de la Commission européenne, tendant à recueillir des données et des preuves, et invite le Gouvernement français à soutenir les efforts ainsi déployés pour traduire en justice les responsables des transferts forcés d'enfants ukrainiens et à demander que cette initiative permette aussi d'obtenir des autorités russes des précisions sur le sort réservé à ces enfants ;

6e

Appelle le Gouvernement français à accroître le volume des moyens et ressources tant humains que matériels et financiers mis à disposition d'Eurojust et de l'équipe commune d'enquête afin d'en optimiser l'efficacité ;

6f

Invite en particulier le Gouvernement français à faciliter le concours de spécialistes français aux autorités ukrainiennes et aux services d'enquête sur le terrain ;

6g

Souhaite que le Gouvernement français encourage l'échange de bonnes pratiques entre les autorités judiciaires et les ONG françaises et leurs homologues ukrainiennes, afin de faciliter le recueil, dans les meilleures conditions possibles, de la parole des enfants victimes et de leur entourage ;

6h

Encourage le Gouvernement français et la Commission européenne à mettre à disposition des institutions et ONG ukrainiennes et européennes les moyens nécessaires à un accompagnement médical, psychologique et social adapté, dans la durée, des enfants victimes, et ce, pendant et après leur rapatriement ;

6i

Demande en conséquence à l'Union européenne et à ses États membres de mettre en oeuvre tous les moyens techniques et humains à leur disposition, en coopération avec les autorités ukrainiennes pour identifier, documenter et recenser tous les cas de transferts forcés et de déportation d'enfants engagés par la Fédération de Russie depuis le début du conflit et d'identifier les responsables de ces actes afin d'engager des sanctions immédiates et d'ouvrir la voie à des poursuites judiciaires ultérieures ;

6j

Invite le Gouvernement français à plaider pour que l'Union européenne étende la liste des sanctions, à l'encontre des personnes ou institutions collaborant aux déportations d'enfants ukrainiens sur le territoire de la Fédération de Russie ;

7a

Invite le Gouvernement français et l'Union européenne à encourager toutes les instances des Nations unies et en particulier, la Commission des droits de l'homme, l'Unicef et le Haut-Commissariat pour les Réfugiés, à venir en aide aux enfants ukrainiens déportés et à agir auprès des autorités, collectivités, institutions et ONG de la Fédération de Russie afin que celle-ci respecte les engagements auxquels elle a souscrit dans le cadre de la Convention relative aux droits de l'enfant et facilite leur rapatriement en Ukraine et auprès des membres de leurs familles et des institutions ukrainiennes compétentes ;

7b

Invite le Gouvernement à soutenir ces orientations et à les faire valoir dans les négociations en cours et à venir au Conseil.

7c

LA RÉSOLUTION EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la résolution en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/tableau-historique/ppr22-345.html

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

• M. Dmytro Lubinets, Ombudsman de l'Ukraine, président de la commission des droits de l'homme de la Rada

• Mme Yevhenia Kravchuk, vice-présidente de la commission des droits de l'homme de la Rada, membre de la délégation ukrainienne à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe (APCE), membre de la délégation ukrainienne à l'Assemblée parlementaire de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)

• Mme Tetiana Sryptka, présidente de la sous-commisison des droits de l'enfant de la Rada

• M. Valiant Richey, représentant spécial et coordinateur de l'OSCE pour la lutte contre la traite des êtres humains

• M. Omelchenko Vadym, ambassadeur d'Ukraine en France et M. Oleksandr Shuiskyi, conseiller politique de l'ambassade d'Ukraine en France

• M. Andrzej Sados, ambassadeur, représentant permanent de la Pologne auprès de l'Union européenne, et Mme Magdalena Pawlicka, conseillère Antici, représentation permanente de la Pologne auprès de l'UE

• Mme Pauline Dubarry, conseillère justice, représentation permanente de la France auprès de l'UE

• M. Diego Colas, directeur des affaires juridiques, ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE), accompagné de Mmes Aurélie Tabuteau-Mangels, conseillère juridique à la sous-direction du droit international public, Aurélie Becquart, chargée de mission, et de M. Etienne Le Marchand, adjoint à la sous-direction des droits de l'homme et des affaires humanitaires de la direction des Nations unies, des organisations internationale, des droits de l'homme et de la francophonie du MEAE

• Mme Olena Rozvadovska, présidente du conseil d'administration de la Fondation Voices of Children , ONG ukrainienne, et M. Azad Safarov, cofondateur

• Mme Maria Sulaialina, directrice, Almenda civic center , ONG ukrainienne

• Mme Sylvie Rollet, présidente, MM. Bertrand Lambolez, vice-président, Patrick Puges, trésorier, Pierre Raiman, secrétaire de l'association « Pour l'Ukraine, leur liberté et la nôtre »

• Me Emmanuel Daoud, avocat associé, Vigo cabinet d'avocats

• M. Alain Madelin, ancien ministre, ancien député


* 1 Cf site en ukrainien : https://t.me/pgo_gov_ua/10310

* 2 L'Express (avec AFP), 11 mars 2023,

https://www.lexpress.fr/monde/europe/guerre-en-ukraine-presque-500-enfants-ukrainiens-tues-depuis-le-debut-du-conflit-H3DNPDFWBJBDPBSRCBPAOHDFWE/

* 3 Khoshnood, Kaveh, Nathaniel A.Raymond, Caitlin N. Howarth et al., « Russia's Systematic Program for the Re-education and Adoption of Ukraine's Children », (« Le programme systématique de la Russie pour la ré-éducation et l'adoption d'enfants ukrainiens »), 14 février 2023, Humanitarian Resarch Lab at Yale School of Public Health (Laboratoire de recherche humanitaire de la faculté de santé publique de l'université de Yale), New Haven, États-Unis

https://hub.conflictobservatory.org/portal/apps/sites/#/home/

* 4 Ibid., p.9

https://hub.conflictobservatory.org/portal/apps/sites/#/home/

* 5 « Like a Prison Convoy » : Russia's Unlawful Transfer and Abuse of Civilians during `Filtration', « Comme un convoi pénitentiaire » : transferts et abus illégaux commis par la Russie à l'encontre de civils pendant la « filtration », Amnesty International, novembre 2022, 40 pages

https://www.amnesty.fr/conflits-armes-et-populations/actualites/guerre-en-ukraine-transferts-forces-et-deportations-de-civils-ukrainiens-vers-la-russie

* 6 “We Must Provide a Family, Not Rebuild Orphanages” « Nous devons trouver des familles et non pas reconstruire des orphelinats », Human Rights Watch, mars 2023, 61 p.

https://www.hrw.org/report/2023/03/13/we-must-provide-family-not-rebuild-orphanages/consequences-russias-invasion

* 7 Op. cit. p.10, le schéma proposé reproduit celui du rapport original, qui n'est publié qu'en anglais.

* 8 Publié et traduit pour la première fois en français, le 18 novembre 2022, par la revue Le Grand Continent , https://legrandcontinent.eu/fr/2022/11/18/le-plan-de-paix-de-zelensky/

* 9 Accessible en anglais sur le site internet de la Rada.

* 10 https://www.senat.fr/leg/tas22-052.html

* 11 http://www.senat.fr/seances/s202302/s20230207/st20230207000.html

* 12 https://fr.franceintheus.org/spip.php?article11195

* 13 https://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/kiosque.php?fichier=bafr2023-02-27.html#Chapitre2

* 14 https://www.helloasso.com/associations/pour-l-ukraine-pour-leur-liberte-et-la-notre

* 15 Avec le cabinet Vigo Avocats, dont l'un des associés, Me Emmanuel Daoud, a été auditionné par les rapporteurs ; cf. également « Raisons et déraison d'un tribunal spécial pour juger le crime d'agression de la Russie en Ukraine », par Emmanuel Daoud et Gabriel Sebbah, Avocats au barreau de Paris, Vigo cabinet d'avocats, in Dalloz, AJ Pénal 2023 p.64

* 16 https://www.change.org/p/bringbackukrainiankids

* 17 https://www.youtube.com/watch?v=0dHEHAz5PmQ

* 18 https://apnews.com/article/russia-ukraine-politics-moscow-children-ae7e726e2908bcebccf78a0030d1e742

* 19 Cf. notamment le compte twitter de la Représentation permanente de la Pologne auprès de l'UE : https://twitter.com/PLPermRepEU

* 20 Selon ladite annexe, publiée au Journal Officiel de l'Union européenne, le 21 juillet 2022, Mme Lvova-Belova « a lancé la simplification de la procédure d'octroi de la citoyenneté aux enfants orphelins en Ukraine. Elle est l'une des personnes les plus impliquées dans le transport illégal d'enfants ukrainiens vers la Russie et dans leur adoption par des familles russes. Par ses actes, Maria Alexeyevna Lvova-Belova viole les droits des enfants ukrainiens et enfreint la loi et l'ordre administratif ukrainiens; elle est donc responsable d'actions et de politiques qui portent atteinte à la souveraineté et à l'indépendance de l'Ukraine, ainsi qu'à la stabilité et à la sécurité en Ukraine, et soutient et met en oeuvre de telles actions et politiques. »

Cf. https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/HTML/?uri=OJ:L:2022:193:FULL&from=FR

* 21 https://pace.coe.int/fr/files/30017/html

* 22 https://pace.coe.int/fr/files/30024

* 23 https://pace.coe.int/fr/files/31620/html

* 24 Documents d'information SG/Inf(2023)7

* 25 https://www.coe.int/fr/web/ingo/newsroom/-/asset_publisher/hfD3dljiyUCJ/content/the-fundamental-rights-of-ukrainian-children-must-be-respected-conference-of-ingos-declaration-1

* 26 https://www.oscepa.org/en/documents/ad-hoc-committees-and-working-groups/ad-hoc-committee-on-migration-1

* 27 https://www.osce.org/cio/valiant-richey

* 28 https://www.osce.org/odihr/523081

* 29 Cf. les deux rapports publiés le 13 avril 2022 puis le 14 juillet 2022 :

https://www.osce.org/odihr/515868

https://www.osce.org/odihr/522616

* 30 Cf. Yves Doutriaux, « La protection des droits de l'Homme au défi de l'agression de l'Ukraine par la Fédération de Russie : quelle réaction internationale et régionale ? », Droits fondamentaux, N. 20, 2022 [ https://www.crdh.fr?p=6663 ].

* 31 Il s'agit de Mmes Veronika Bilkova (République tchèque, rapporteure pour les deux précédents mécanismes de Moscou sur l'Ukraine) ; Cecilie Hellestveit (Norvège) ; Elîna Ðteinerte (Lettonie).

* 32 https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/la-france-et-l-europe/evenements-et-actualites-lies-a-la-politique-europeenne-de-la-france/actualites-europeennes/article/osce-invocation-du-mecanisme-de-moscou-sur-les-deportations-d-enfants

* 33 https://www.icc-cpi.int/fr/ukraine

* 34 Un portail dédié a été ouvert par le Bureau du Procureur de la CPI :

https://otppathway.icc-cpi.int/index.html

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