EXAMEN EN COMMISSION
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Réunie le mercredi 8 mars 2023, sous la présidence de M. Philippe Mouiller, vice-président, la commission examine le rapport de M. Chasseing, rapporteur, sur la proposition de loi n° 102 (2022-2023) relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités.
M. Philippe Mouiller, président. - Nous examinons maintenant la proposition de loi relative aux outils de lutte contre la désertification médicale des collectivités.
M. Daniel Chasseing, rapporteur. - Je commencerai en rappelant un chiffre : 8,9 millions de nos concitoyens sont confrontés à une offre médicale insuffisante définie comme un accès à moins de 2,5 consultations par an chez un généraliste. La désertification médicale ne cesse de progresser en France, preuve de l'insuffisance d'une action publique encore trop souvent décidée à l'échelle nationale, sans préoccupation pour les spécificités de chaque territoire. On manque de médecins.
Le rapport d'information relatif aux initiatives des territoires en matière d'accès aux soins publié il y a un an par la délégation aux collectivités territoriales s'est inscrit à cet égard dans une longue tradition sénatoriale : celle d'alerter sur les inégalités d'accès aux soins croissantes qui gangrènent nos territoires. L'État, à qui incombe au premier chef la politique de santé, ne parvient pas à assurer l'égal accès aux soins sur tous les territoires. La politique menée associe insuffisamment les collectivités, et nombre d'élus locaux se retrouvent démunis face à des départs de médecins, faute de levier d'attractivité suffisant pour en faire venir de nouveaux. Nombre de leurs administrés expriment leur désarroi, leur sentiment d'abandon, parfois même leur colère.
Preuve de leur détermination à agir pour l'accès aux soins, les collectivités se sont pleinement saisies des quelques potentialités que leur a offertes la loi en matière de santé : les collectivités ont été innovantes en étant à l'origine de 23 % des centres de santé à activité médicale ; elles ont également été pragmatiques et volontaristes, en proposant des mises à disposition de locaux ou des aides financières aux médecins qui s'y installeraient.
Il nous appartient aujourd'hui de nous inscrire dans ce mouvement et de donner aux collectivités des moyens supplémentaires pour agir en matière de santé.
La proposition de loi que nous examinons ce matin a été déposée par notre collègue Dany Wattebled et le groupe Les Indépendants - République et Territoires. Elle entend accroître les leviers d'action des collectivités en matière de lutte contre la désertification médicale. L'article unique du texte vise ainsi à élargir la liste des entités éligibles à la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux en y ajoutant les cabinets médicaux et les maisons de santé situées en zone sous-dense.
La mise à disposition consiste, pour un agent public réputé occuper son emploi, en l'exercice de ses fonctions hors de l'administration où il a vocation à servir. La mise à disposition fait partie, avec le détachement et la disponibilité, des voies qui existent pour permettre à un fonctionnaire d'exercer en dehors de son administration d'origine. Parmi les trois régimes, la mise à disposition est le plus protecteur pour le fonctionnaire : il continue de bénéficier de ses droits à l'avancement et à la retraite dans son cadre d'emploi et il perçoit une rémunération correspondant à son cadre d'emploi d'origine, versée par l'administration d'origine et, sauf dérogation, mais il n'y en a pas dans ce texte, remboursée par l'entité d'accueil.
Corrélativement, la mise à disposition est aussi le régime le plus exigeant quant aux destinations possibles, le fonctionnaire mis à disposition étant réputé occuper son emploi. À ce jour, seule une liste limitative d'entités peut bénéficier d'une mise à disposition de fonctionnaires territoriaux. Celles-ci sont soit de droit public, soit exercent une mission de service public, soit - à titre expérimental et sur un champ restreint - sont des organismes sans but lucratif.
Ouvrir aux cabinets médicaux et aux maisons de santé en zones sous-dense le bénéfice de recevoir du personnel mis à disposition marquerait donc une rupture dans le droit de la fonction publique, un engagement du législateur dans la lutte contre la désertification médicale.
Quels rôles pourraient exercer des fonctionnaires territoriaux au sein de maisons de santé ou de cabinets médicaux ? J'en vois deux principaux. Les personnels mis à disposition pourraient d'abord être des agents de mairie officiant comme secrétaires médicaux, dans un rôle d'accueil des patients et d'appui administratif - rappelons que le secrétariat médical ne fait pas partie des professions réglementées. Les fonctionnaires mis à disposition pourraient également être chargés de la coordination entre le nouvel arrivant et les professionnels de santé locaux, afin de construire un lien partenarial que l'on sait aujourd'hui plus que jamais nécessaire.
Telle que je la vois, cette proposition de loi pourrait surtout s'adresser aux médecins souhaitant s'installer en zone sous-dense, en levant certaines contraintes qui s'opposent à eux.
Des contraintes financières, d'abord. Certes, la mise à disposition donne lieu à remboursement des traitements versés à la collectivité d'origine, mais les conditions de ce remboursement, notamment sa temporalité, sont définies par une convention avec l'administration d'origine. Le dispositif permettrait donc aux nouveaux arrivants, dont la patientèle n'est pas encore pleinement constituée, de bénéficier d'une forme d'avance de trésorerie sur leurs premiers mois d'exercice.
Des contraintes administratives, également. Les tâches administratives occupent une part importante du temps des médecins, comme l'ont rappelé les auditions conduites. Cette charge administrative est encore accrue à l'arrivée des médecins sur un nouveau territoire, avec une nouvelle patientèle à gérer. Dans ces conditions, s'installer sans personnel peut relever de la prouesse. Pouvoir partager, voire déléguer, une partie de cette charge administrative à un personnel mis à disposition serait une manière de répondre aux préoccupations légitimes des médecins en la matière, et pourrait ainsi contribuer à lever une barrière à l'installation.
Des contraintes organisationnelles, enfin. Exercer la médecine sur un nouveau territoire, dont on ne connaît ni les caractéristiques ni l'écosystème professionnel en place, peut avoir tout d'une gageure. Les représentants des professions médicales auditionnés se sont donc montrés intéressés par la possibilité de recevoir l'appui de fonctionnaires territoriaux pour la coordination avec les autres professionnels de santé du territoire lors des premiers mois d'installation.
L'idée n'est donc pas, comme semblaient le craindre les représentants des élus locaux, de faire financer de manière pérenne le personnel des cabinets médicaux et des maisons de santé en zone sous-dense par les collectivités territoriales. Les cabinets libéraux doivent bien entendu rester libéraux, ce qui implique qu'ils recrutent et paient eux-mêmes leurs salariés ; et il en va de même pour les maisons de santé.
Au contraire, le dispositif entend offrir un appui temporaire, lors des quelques mois suivant l'installation, avant que la maison de santé ou le cabinet n'ait pu recruter son propre personnel ou bénéficier des différentes aides proposées par la Caisse nationale de l'assurance maladie (Cnam) ou les agences régionales de santé (ARS), à commencer par les assistants médicaux.
Il s'agit de ne pas laisser le professionnel médical livré à lui-même lors des premiers mois d'exercice, au moment où il a besoin d'appui.
Pour préciser l'aspect temporaire du dispositif et répondre à certaines observations soulevées lors des auditions, je vous proposerai d'adopter un amendement soutenu par l'auteur de la proposition de loi. Celui-ci, tout en restant fidèle à l'esprit du dispositif, en clarifie la rédaction, et souligne le rôle d'amorçage de la mise à disposition de fonctionnaires territoriaux.
En ce sens, il limite à trois mois renouvelables deux fois la durée de recours au dispositif, et conditionne l'éligibilité des cabinets libéraux à une installation récente.
L'amendement que je porte vise également à raffermir le lien entre mise à disposition et service public. Il n'est pas souhaitable que ce dispositif crée un précédent : les fonctionnaires ne sauraient avoir vocation à être mis à disposition dans des structures dépourvues de lien avec le service public. Par conséquent, je propose de conditionner le dispositif à la participation du bénéficiaire à la mission de service public de permanence des soins ambulatoires.
Cette proposition de loi ouvre donc une possibilité, dont pourront se saisir les élus locaux qui le souhaiteront. Alors que les syndicats de médecins et la direction générale de l'offre de soins ont estimé que le dispositif pourrait constituer une réponse intéressante et locale à déployer contre la désertification médicale, j'ai pu, à ma grande surprise, entendre lors des auditions les réticences des associations d'élus locaux, dont certaines craignaient « d'ouvrir la boîte de Pandore ». À ceux qui disent que les communes n'ont pas les moyens humains ou financiers, je souhaite rappeler que le dispositif proposé est facultatif, et que la situation financière et humaine des communes n'est pas monolithique : certaines pourraient y avoir recours. Certaines le souhaiteraient, et le dispositif trouverait son public, à n'en point douter.
Bien sûr, cette proposition de loi a ses limites, et son objet est restreint. La nécessité pour les bénéficiaires de rembourser les traitements des agents mis à disposition prive le texte d'un levier d'attractivité financière supplémentaire, sans qu'il soit apparu possible d'amender le texte en ce sens, faute de recevabilité financière.
Toutefois, cette proposition de loi se borne à accorder un nouvel outil aux mains des élus locaux pour répondre à la désertification médicale sur leur territoire, un outil d'autant plus bienvenu que les marges de manoeuvre des collectivités en matière de santé sont minces. Facultative, temporaire et neutre sur les finances des collectivités, elle ne comporte pas de risques ni ne fait de perdants. Par conséquent, j'espère que ce texte saura trouver une majorité au sein de notre commission.
J'en suis conscient, le dispositif ne saurait pas répondre, à lui seul, à la désertification médicale des collectivités ; il n'en a d'ailleurs pas l'ambition. Cette commission devra continuer, à l'avenir, de se montrer inventive et volontaire pour répondre aux enjeux de l'accès aux soins pour tous, sur tout le territoire et augmenter le nombre de médecins. Pour autant, compte tenu des défis que pose l'attractivité médicale aux collectivités, il m'apparaît nécessaire de faire feu de tout bois. Ne manquons pas une occasion de créer de nouveaux leviers de lutte contre la désertification médicale.
Il me revient enfin en tant que rapporteur de vous proposer un périmètre pour l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution. Je considère qu'il comprend des dispositions relatives au régime de mise à disposition des agents territoriaux auprès de médecins ou de maisons de santé.
En revanche, je considère que ne présenteraient pas de lien, même indirect, avec le texte déposé, des amendements relatifs aux règles de conventionnement des professionnels de santé et à l'organisation générale de l'offre de soins.
Mme Véronique Guillotin. - J'ai cosigné cette proposition de loi. Je suis toujours critique sur l'empilement des textes visant à résoudre la question de la désertification médicale, mais ce texte tranche avec la logique de la coercition : il offre un nouvel outil et permet de dégager du temps médical. Certes il risque d'accroître la concurrence entre les collectivités pour attirer les médecins, mais n'est-ce pas déjà le cas avec les maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) portées par les collectivités ? Ce texte innove en autorisant la mise à disposition temporaire de fonctionnaires territoriaux, mais là encore n'est-ce pas déjà le cas, d'une certaine façon, lorsqu'un agent à mi-temps d'un centre communal d'action sociale (CCAS) accomplit un autre mi-temps dans la maison de santé ? Je suis donc plutôt favorable à ce texte.
Mme Jocelyne Guidez. - Il est toujours intéressant de vouloir avancer et trouver des solutions, mais je crains le développement d'une concurrence entre les territoires, entre ceux qui auront les moyens de mettre à disposition des fonctionnaires et ceux qui ne le pourront pas. Lorsqu'un employé d'un CCAS complète son mi-temps en travaillant au cabinet médical, c'est le médecin qui paie, et non la collectivité.
Mme Florence Lassarade. - Il en ira de même avec ce texte, car le médecin devra rembourser la collectivité.
Mme Jocelyne Guidez. - On risque d'inciter les médecins à changer de commune. Certaines communes fournissent déjà les locaux du cabinet médical, la voiture, etc. Mais je comprends l'intention des auteurs et nous voterons le texte.
Mme Annie Le Houerou. - Nous sommes tous d'accord pour constater à quel point le problème de la désertification médicale est aigu : mais le problème tient avant tout au manque de médecins, et je suis donc perplexe à l'égard de la possibilité de mise à disposition de fonctionnaires administratifs. Certains dispositifs existent déjà. L'assurance maladie peut financer des assistants médicaux.
En outre, les agents territoriaux ne sont pas soumis au secret médical. Se pose aussi la question de la formation de ces agents, car travailler en cabinet médical, c'est un autre métier. Le médecin rembourserait l'avance fournie par la collectivité, mais le droit de la fonction publique ne permet pas à ce jour de mise à disposition vers le privé lucratif. Ce texte enfonce donc un coin dans le statut de la fonction publique. Les médecins libéraux peuvent concourir au service public en participant à la permanence des soins ambulatoires, certes, mais ils ne constituent pas un service public sur l'ensemble de leur activité.
Nous sommes favorables à l'exercice coordonné des soins, et nous voyons mal l'utilité d'une mise à disposition d'agents publics auprès des cabinets libéraux. J'ajoute que les collectivités ont déjà du mal à recruter. Les associations d'élus sont opposées à ce texte, si j'en crois les auditions que nous avons tenues. Cette proposition de loi ne réglera pas la question de la désertification médicale et semble une fausse bonne idée.
Mme Nadia Sollogoub. - Cette proposition de loi fait-elle suite à un cas précis ? Émane-t-elle d'un territoire qui a rencontré un blocage et formulé cette proposition, auquel cas il serait opportun d'étudier toutes les pistes pour faire évoluer la législation ?
On se focalise souvent sur les médecins, mais il convient de ne pas omettre les autres professions de santé. Lorsque l'on accorde des facilités aux médecins, les infirmiers libéraux, les dentistes, les vétérinaires ainsi que d'autres professionnels se sentent oubliés. Nous devons penser à une certaine équité. Pour ma part, je me trouve dans un territoire de désertification vétérinaire.
Mme Annick Jacquemet. - Au premier abord, j'étais plutôt réticente à ce texte de loi. Après avoir écouté notre rapporteur, je suis désormais indécise et n'ai pas encore pris ma décision.
Comment sont définies les zones sous-denses et quelles sont les limites d'application de ce texte de loi ?
Je pense aussi à la formation. Les cabinets des médecins sont souvent informatisés. Les agents mis à disposition bénéficieront-ils d'une formation, et si oui, qui la prendra en charge ? Je suis aussi dubitative quant à la protection du secret médical. Enfin, pour avoir travaillé toute ma vie dans ce métier, je peux affirmer que les vétérinaires ne sont pas demandeurs d'un tel texte : ils s'organisent seuls pour construire leur clinique, embaucher et former leur personnel.
M. Bernard Bonne. - Je suis un peu circonspect par rapport à cette proposition de loi. Quel médecin demandera à une collectivité, avant de s'installer, s'il pourra bénéficier d'un secrétariat médical ou de l'assistance d'un fonctionnaire territorial ? En outre, qui est ce fonctionnaire territorial : sera-t-il choisi par le médecin qui s'installe ? Sera-t-il affecté à un autre travail par la suite ? Bénéficiera-t-il d'une formation particulière ? Le médecin pourra-t-il travailler avec une personne qui ne connaît rien à la médecine et qui devra exercer le secrétariat, tout en respectant le secret professionnel ? Dans la mesure où le médecin aura à payer, n'a-t-il pas plutôt intérêt à travailler avec une personne déjà formée ?
Par ailleurs, je crains que les médecins ne soient pas attirés par ce type d'aide, même si elle peut revêtir un intérêt dans certaines communes pendant un temps. Ne vaudrait-il mieux pas faciliter la venue de médecins hospitaliers à temps partiel dans des communes plutôt que de prévoir cette aide par des fonctionnaires qui ne connaissent rien à la médecine ?
M. Alain Milon. - Je salue la constance de notre rapporteur pour trouver des solutions au problème de la désertification médicale. Confucius disait : « Lorsque tu fais quelque chose, sache que tu auras contre toi, ceux qui voudraient faire la même chose, ceux qui voulaient le contraire, et l'immense majorité de ceux qui ne voulaient rien faire. » Cela dit, je souscris à toutes les observations qui ont été faites. Je m'abstiendrai sur cette proposition de loi. Je pense qu'elle n'est pas suffisamment aboutie.
Ainsi, toutes les communes n'ont pas les moyens d'avoir un centre communal d'action sociale. En revanche, les intercommunalités peuvent avoir des syndicats intercommunaux d'action sociale (Sias). N'est-il pas possible d'améliorer la proposition de loi pour viser les intercommunalités, mieux dotées en matière de services administratifs municipaux ?
En matière de déserts médicaux, je donne ici un exemple assez frappant : nous comptons deux dermatologues libéraux entre Saint-Raphaël et Nice pour un peu plus de 2 millions d'habitants. Beaucoup de médecins sont inscrits à l'ordre des médecins, mais n'ont plus d'activité, car ils sont à la retraite. Par conséquent, il convient de définir correctement la notion de désert médical, et de prendre en compte les capacités des communes et des intercommunalités pour mettre à disposition du personnel.
M. Martin Lévrier. - Nous multiplions les textes pour remédier à la désertification médicale. Permettez-moi une métaphore : qui dit désertification dit besoin de canalisations et d'eau. L'eau, c'est le médecin, mais au fil des textes, on multiplie les canalisations et, comme le débit reste le même, on a in fine moins de médecins dans chaque dérivation. On crée des concurrences entre les territoires. Certains sauront s'orienter dans le maquis des dispositifs et iront là où ils pourront percevoir le plus d'aides. L'accumulation de textes procédant de bonnes solutions génère une usine à gaz inefficace, même si chaque initiative, prise séparément, est excellente.
Mme Christine Bonfanti-Dossat. - Quelle sera la fonction réelle de ces agents territoriaux ? Si je comprends bien, ils seront affectés au secrétariat médical. Quels diplômes devront-ils posséder ?
Le mérite de cette proposition de loi réside dans l'apport d'un meilleur encadrement et dans le remboursement aux communes du travail réalisé par ces agents territoriaux.
Mme Cathy Apourceau-Poly. - L'idée de mettre à disposition de cabinets libéraux du personnel municipal me semble pour le moins incongrue ! On dépouille les collectivités de leur personnel. Si l'on aide les médecins, il faudra faire la même chose pour tous les professionnels de santé libéraux. Les fonctionnaires territoriaux n'ont pas à être mis au service du privé. Certes cette possibilité existe déjà, mais pas sous cette forme. À Annequin, ville de 3 000 habitants, il y a un centre de santé municipal avec trois médecins salariés par la commune qui fonctionne bien. Une secrétaire médicale qui fait partie du personnel communal est dédiée à ce centre. Elle a été formée, possède des diplômes pour accompagner les médecins de ce centre. Si on commence à mettre à disposition du personnel non formé, on aura des difficultés !
M. Laurent Burgoa. - Nous comprenons l'intention des auteurs de la proposition de loi, mais nous avons des réserves. Les associations d'élus, notamment l'association des maires ruraux de France, sont plutôt défavorables. Mieux vaudrait privilégier une approche intercommunale, car les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ont davantage de moyens d'ingénierie. Certains élus considèrent que le dispositif ajouterait une contrainte supplémentaire aux petites communes, qui n'ont pas la possibilité de se passer d'un de leurs agents. La mesure ne concernerait que des agents titulaires et exclut la possibilité d'un recrutement contractuel pour cette mise à disposition. Nous restons sceptiques sur l'idée d'affecter à un cabinet médical un agent municipal non soumis au secret médical et dont ce n'est pas le métier.
De surcroît, le texte n'exige pas du professionnel de santé qu'il ne vienne pas d'une autre zone sous-dotée, ce qui risque d'entraîner une concurrence supplémentaire entre territoires. Or, nous savons que la concurrence entre territoires n'apporte pas de solution aux populations. Ainsi, nous sommes plutôt défavorables à ce texte.
Mme Corinne Imbert. - On connaît l'engagement de notre rapporteur sur ce sujet. De manière pragmatique, je ne parviens pas à trouver un intérêt à cette proposition de loi. Hormis certaines situations individuelles, j'imagine mal aujourd'hui un médecin s'installant dans une commune de façon isolée. Les professionnels de santé préfèrent exercer de manière coordonnée, en maison de santé.
De plus, un médecin ne décide pas de son installation en trois mois, ce processus prend du temps et le médecin a le temps de trouver du personnel ou de trouver une prestation de secrétariat extérieur. Je m'abstiendrai. Si je comprends la préoccupation, il existe peut-être d'autres solutions, comme un temps de secrétariat partagé.
M. Jean-Luc Fichet. - Toute réflexion qui vise à résoudre le problème des déserts médicaux mérite qu'on s'y arrête. Les dispositifs s'accumulent au fil des années et le système est devenu très complexe. La santé est une compétence d'État, à qui il appartient d'établir une offre de soin équilibrée sur l'ensemble du territoire. À ce jour, tous les dispositifs que nous avons inventés n'ont jamais permis d'accélérer l'installation des médecins dans les zones rurales. Cessons de solliciter les collectivités pour financer des dispositifs qui ne relèvent pas de leur compétence, ce qui a pour effet que les habitants sont imposés à différents niveaux pour la même chose. Il serait opportun d'étudier les demandes des médecins généralistes sur la revalorisation du tarif de la consultation, et de mettre un terme à tous les dispositifs pour gagner en lisibilité.
M. Daniel Chasseing, rapporteur. - Le risque de concurrence a été évoqué, mais il n'existe pas dans la mesure où le dispositif vise les cas où un médecin vient s'installer et a déjà pris sa décision. J'exerce comme médecin depuis des dizaines d'années. J'ai toujours eu la même secrétaire, et elle n'a jamais été formée : il n'y a pas besoin de diplôme spécifique. Mme Le Houerou a assisté aux auditions : le médecin que nous avons entendu est d'ailleurs dans la même situation que moi, il est assisté d'une secrétaire qui n'a pas été formée. Ma secrétaire accueille les patients et les connaît : ils s'adressent à elle pour demander la prolongation de leur ordonnance, etc. À la fin de la journée, elle me transmet tous les dossiers à régler. C'est une aide indispensable. S'il n'a personne pour l'aider, un médecin ne s'installera pas.
Une formation particulière est-elle nécessaire ? Je n'en suis pas convaincu. Sans doute certains médecins dictent-ils leurs lettres, mais pas tous. Peut-être faut-il savoir utiliser un ordinateur pour rentrer des données, et encore, ce n'est pas systématique. La principale qualité requise des secrétaires qui exercent dans les cabinets médicaux est d'aimer les patients, de savoir les accueillir et travailler avec les médecins. Nul besoin de diplômes pour avoir ces qualités.
N'ayons pas d'inquiétude concernant le respect du secret médical : il appartient aux médecins de l'expliquer au personnel mis à disposition. Je rappelle aussi que les fonctionnaires territoriaux sont soumis au secret professionnel.
La mise à disposition se fera sur la base du volontariat.
En ce qui concerne les auditions, les syndicats de médecins soutiennent ce texte. Les maires ruraux craignent qu'il ne crée une nouvelle charge sur les collectivités, mais il ne s'agit pas d'une mise à disposition permanente et le remboursement par les médecins est obligatoire.
Il ne faut pas craindre de concurrence entre les collectivités, car ce n'est pas cette mesure, à elle seule, qui fera venir un médecin. Elle vise à l'aider, si la collectivité le peut, pendant trois mois. Il s'agit d'un dispositif d'amorçage, qui vise à accompagner un médecin qui arrive, notamment s'il vient de l'étranger.
Le problème de fond est celui du manque de médecins, c'est vrai. En effet, il appartient à l'État de former davantage de médecins. Mais cela ne se fera pas instantanément, et d'ici là, il nous appartient de répondre à la désertification médicale en oeuvrant à une meilleure répartition des médecins sur le territoire.
La coordination avec les assistants médicaux est nécessaire, évidemment, mais elle n'intervient que dans un second temps. Le dispositif vise à aider le médecin lors de son installation. Si celui-ci a embauché quelqu'un, ce ne sera pas nécessaire. Je pense à la maison de santé où j'exerce, qui compte six infirmières, deux kinésithérapeutes, deux orthophonistes et des médecins spécialistes vacataires : il s'agit d'une personne pour assurer l'accueil, faire la coordination entre tous les acteurs. Un assistant médical n'a pas la même fonction.
Sur l'aspect financier, les médecins n'ont pas à payer les frais des cabinets libéraux et le médecin devra donc rembourser la collectivité. Les mises à disposition à titre gratuit sont d'ailleurs interdites, sauf dérogation ; et ce texte ne prévoit pas de dérogation. Souvenons-nous que, dans le PLFSS, nous avons soutenu l'installation en exercice libéral. Le médecin libéral embauche une personne pour assurer l'accueil ou le secrétariat ; dans les centres de santé gérés par des collectivités, ce sont les collectivités qui prennent à leur charge le secrétariat.
Il n'y a pas d'imprécision dans la définition des zones sous-denses. Elles sont définies à l'article L. 1434-4 du code de la santé publique et déterminées par les directeurs généraux des ARS sur la base d'une méthodologie fixée par arrêté.
Ce texte ne résoudra pas la question du manque de médecins, mais vise à faciliter l'installation en zones sous-denses. Des maisons de santé peuvent dépendre de communes ou d'intercommunalités. Chaque cas est particulier. Encore une fois, il s'agit d'offrir de la souplesse en cas de besoin pour aider le médecin pendant quelques mois. J'aimerais préciser que le texte ouvre non seulement aux communes, mais aussi aux EPCI, départements et régions la possibilité de mettre à disposition leur personnel auprès de médecins libéraux.
Il ne faut pas craindre un élargissement de la mise à disposition à tous les professionnels libéraux. Là encore, cette proposition de loi a une portée bien définie : aider un médecin à titre provisoire pour faciliter son installation dans un territoire qui manque de médecin. Il ne s'agit pas de financer un médecin.
Le risque de déménagement du médecin d'une zone sous-dense à une autre existera toujours. Il s'agit d'aider un médecin qui souhaite venir à s'installer, mais s'il n'est pas accompagné, il partira quoi qu'il arrive. Ce n'est pas une question de concurrence entre territoires.
M. Daniel Chasseing, rapporteur. - Mon amendement COM-1 vise à réécrire l'article unique de la proposition de loi.
Tout en préservant le principe du texte, il vise à clarifier la rédaction, en visant plus précisément les publics concernés ; à conditionner le dispositif à la participation à la mission de service public de permanence des soins ambulatoires, en cohérence avec le droit en vigueur en matière de mise à disposition ; à encadrer la durée de recours potentielle au dispositif et la limiter à une période de trois mois renouvelables deux fois - des fonctionnaires mis à disposition ne sauraient en effet se substituer durablement au personnel des cabinets libéraux et des maisons de santé ; à pallier tout risque de détournement du dispositif en le conditionnant à une installation récente pour les médecins exerçant en cabinet libéral, le dispositif ayant principalement vocation à accompagner les médecins à leur arrivée sur un nouveau territoire.
L'amendement COM-1 est adopté.
L'article unique constituant l'ensemble de la proposition de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.