TRAVAUX EN COMMISSION
Table ronde
« Relance du nucléaire »
regroupant M. Luc
Rémont, président-directeur général
d'EDF,
M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de
sûreté nucléaire (ASN),
M. François Jacq,
administrateur général du Commissariat à l'énergie
atomique et aux énergies alternatives (CEA), M. Thomas Veyrenc,
directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et
évaluation de RTE
et M. Guillaume Dureau, président
d'Orano Projets SAS, directeur Innovation R&D nucléaire
médical
(Mercredi 14 décembre 2022)
Mme Sophie Primas , présidente . - Mes chers collègues, nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui cinq intervenants majeurs de la filière française du nucléaire et de sa régulation : M. Luc Rémont, président-directeur général du groupe EDF ; M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ; M. François Jacq, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ; M. Thomas Veyrenc, directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de Réseau de transport d'électricité (RTE) ; et M. Guillaume Dureau, président d'Orano Projets SAS, directeur Innovation - R&D - nucléaire médical.
Notre commission, et le Sénat dans sa quasi-totalité, se réjouissent de la relance de la filière du nucléaire, annoncée - enfin ! - par le Président de la République, dans son discours de Belfort, le 16 février dernier, et présentée par le Gouvernement, dans le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, qui sera examiné par le Sénat début janvier 2023.
Notre commission s'est d'ailleurs prononcée, dans un rapport d'information de juillet dernier, intitulé Nucléaire et hydrogène : l'urgence d'agir , pour le maintien d'un mix majoritairement nucléaire à l'horizon de 2050, ce qui supposerait de construire au moins quatorze European Pressurized Reactors 2 ( EPR2 ), contre six annoncés actuellement. Pour réussir cette relance du nucléaire, il faut s'en donner les moyens politiques, financiers, mais aussi humains.
Naturellement, il ne faut surtout pas omettre les enjeux liés au cycle du combustible, de même que ceux liés à la sûreté et à la sécurité, que nous avons tenu à mêler, dans le choix même des intervenants ici présents. C'est l'approche retenue par notre commission depuis longtemps : une vision moderne, complexe et transparente du nucléaire. Débattons de tout, rationnellement et - j'ajouterais - scientifiquement.
Je vous propose de poser à chacun d'entre vous une question liminaire, puis notre collègue Daniel Gremillet, président du groupe d'études « Énergie » et rapporteur pour notre commission sur le projet de loi précité, vous interrogera à son tour.Je salue la présence à cette table ronde de M. Philippe Martin, rapporteur pour avis sur ce texte au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable (CATDD). Ce sont autant de voix expertes et diverses du Sénat qui vous questionneront sur le devenir, crucial, du nucléaire.
Tout d'abord, je souhaiterais que le PDG d'EDF nous indique si le projet de loi lui paraît suffisant pour relancer la filière du nucléaire en France. Les souplesses administratives proposées sont-elles de nature à accélérer vraiment les délais de construction ? Ne manque-t-on pas encore de l'essentiel : la stratégie et le financement ? Où en est la sélection des sites : si Penly et Gravelines sont en lice, qu'en est-il du Bugey et du Tricastin ?
Plus encore, je voudrais que le président de l'ASN nous précise si le projet de loi lui semble bien intégrer les enjeux de sûreté et de sécurité. Les missions de l'ASN sont modifiées pour les prolongations ou les arrêts des réacteurs : est-ce pertinent ? Les modalités d'association du public sont elles aussi ajustées : ces évolutions garantissent-elles, tout de même, une participation et une information suffisantes ? Enfin, les moyens de coercition et de sanction dont disposent désormais l'ASN, récemment dotée d'une commission des sanctions, sont-ils adaptés à la relance de la filière du nucléaire ?
En outre, je proposerais que l'administrateur général du CEA nous précise la nature du rôle d'appui du CEA à la relance du nucléaire, indiquée par le Président de la République, dans son discours de Belfort du 16 février dernier. Comment intervenez-vous, à la fois dans le processus de conception et dans le contrôle des projets ?
Par ailleurs, j'aimerais que le président d'Orano Projets nous dise s'il considère le cycle du combustible comme le parent pauvre du projet de loi. En effet, ce texte se focalise surtout sur la construction des réacteurs. Une relance du nucléaire ne doit-elle pas également prendre en compte l'aval du cycle - la question des combustibles -, mais aussi l'amont - celle des déchets ? Si oui, comment ? Pourriez-vous nous dire un mot de la disponibilité, en France, des compétences nécessaires à ce cycle ? C'est l'un des enjeux relevés par notre commission, dans son rapport d'information sur la souveraineté économique, publié en juin dernier.
Enfin, je voudrais que le directeur exécutif de RTE nous indique si le projet loi lui paraît susceptible de garantir un mix électrique solide. Dans son étude intitulée Futurs énergétiques à l'horizon de 2050 , RTE a relevé que la durée de construction des réacteurs est passée de six à huit ans dans les années 1980 à une période de douze à seize ans actuellement. Qu'est-ce qui explique cet allongement ? Est-il propre à la France ? Le projet de loi permettra-t-il de retrouver cette agilité des années 1980 ?
RTE a souligné qu'il était nécessaire de prendre des décisions dès 2022-2023 pour obtenir des réacteurs en service d'ici à 2035-2037. C'est crucial pour éviter l'« effet falaise » anticipé à l'horizon de 2040, c'est-à-dire l'arrêt concomitant des réacteurs actuels, arrivés en fin de vie. En renvoyant toute décision à la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, qui ne sera pas examinée avant la fin de l'année 2023, le projet de loi ne manque-t-il pas sa cible ?
M. Luc Rémont, président-directeur général d'EDF . - L'accélération des procédures relatives au nucléaire est un sujet essentiel, sachant qu'en parallèle vous travaillez également à l'accélération des procédures relatives au renouvelable. Dans les deux cas, il s'agit de réduire le temps de développement des nouveaux moyens de production de l'électricité décarbonée. Vues d'EDF, ces deux ambitions sont nécessaires, voire indispensables.
Tout cela s'inscrit dans une politique énergétique définie par le Gouvernement et le Parlement. Le Président de la République a fixé un cap à l'occasion du discours de Belfort de 2février 022. Le Parlement définira à l'été 2023 le cadre plus général de la politique énergétique pour les dix ans à venir dans la loi de programmation énergie et climat, avec des objectifs précis pour la France.
Le groupe EDF, en tant qu'énergéticien, est présent dans la production et la fourniture de plusieurs technologies, dans plusieurs pays du monde. Il dispose d'une expérience et d'une vision industrielle pour faire face aux enjeux de décarbonation et de souveraineté. De ce point de vue, le nucléaire constitue une solution efficace et compétitive. Le défi consiste à remplacer la plus grande part possible de nos consommations de pétrole et de gaz par celle d'électricité décarbonée, ce qui passe par davantage d'efficacité et de sobriété. Je salue la mobilisation des Français à l'heure qui nous aide à passer la première vague de froid de l'hiver sans problème sur le système électrique. Au-delà, nous devons travailler à un niveau de production qui nous permette de soutenir les besoins en électricité décarbonée. Dans ce cadre, le nucléaire est une technologie indispensable, notamment dans les phases hivernales.
Quel est le facteur de compétitivité du futur parc nucléaire ? Principalement le temps que nous mettons à développer des réacteurs dans les délais de construction raisonnables. Les nouveaux réacteurs sont certes plus complexes, notamment parce que les exigences de sûreté sont très importantes. Nos procédures se sont aussi complexifiées par rapport aux années 1980. Le projet de loi que vous examinez visera à simplifier l'ensemble des procédures. EDF ne peut que s'en féliciter. Ce texte doit nous permettre de réaliser avec succès le programme du nouveau nucléaire, avec au minimum six EPR2. La première paire serait réalisée sur le site de Penly, en Seine-Maritime. Le débat public est en cours. Le deuxième site candidat pour accueillir une autre paire d'EPR2 est celui de Gravelines. Quant au troisième site, des études techniques sont en cours pour comparer les mérites propres de Bugey dans l'Ain et de Tricastin dans la Drôme.
Cette loi sera-t-elle suffisante ? Naturellement, énormément de travail ne relève pas du législatif. Je pense au travail sur la filière, sur les coordinations entre les différentes instances afin de rendre les phases de développement fluides. Pour ce qui relève du législatif, il serait utile dans un futur proche d'examiner la faculté de désigner des sites qui ne sont pas à proximité de sites existants, essentiellement pour avoir la chance de développer d'autres types de réacteurs en France lorsque les Small Modular Reactors (SMR) seront disponibles. Il serait utile notamment d'en installer sur des sites industriels, à proximité de leurs clients. Il serait également utile d'intégrer les besoins de l'amont et de l'aval du cycle, c'est-à-dire de l'ensemble du cycle du combustible.
EDF et l'ensemble de la filière doivent également réaliser un travail important. J'avais lors de mon audition eu l'occasion de mentionner le défi humain que représente la filière nucléaire : c'est bien là que se trouve le principal défi. Nous devons en effet être capables de régénérer et d'attirer des compétences dans la filière nucléaire. À titre d'exemple, une visite décennale ou un chantier lié au Grand carénage nécessite l'embauche de 4 000 salariés. Nous devons pouvoir les trouver dans le bassin d'emploi concerné. La construction d'un EPR2 nécessitera, quant à elle, entre 7 500 et 10 000 salariés. Cela appelle un travail fondamental sur les compétences, sur l'attractivité du métier, sur l'intégration de ces projets dans le territoire. C'est naturellement dans cet esprit que nous allons travailler avec l'ensemble des membres de la filière.
En ce qui concerne les souplesses administratives, il faudra sans doute en trouver beaucoup d'autres, mais cela ne relève pas forcément du niveau législatif. En tout état de cause, nous travaillerons avec les administrations de l'État pour simplifier au maximum nos processus et raccourcir les délais de construction.
M. Bernard Doroszczuk, président de l'Autorité de sûreté nucléaire . - Vous m'avez questionné sur le projet de loi, puis vous m'avez posé des questions plus ciblées sur les moyens dont dispose l'ASN, notamment en matière de coercition ou de sanctions liées au nouveau projet nucléaire.
Le projet de loi concerne l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires de type EPR, notamment sur les sites nucléaires existants. Je rejoins la remarque du PDG d'EDF concernant l'extension éventuelle de ce projet à d'autres types de réacteurs, comme les SMR.
Ce texte vise à faciliter les procédures administratives - relatives à l'environnement et à la gestion du droit du sol - dans une phase préliminaire à la construction nucléaire elle-même. Il s'agit de gagner du temps sur les étapes non nucléaires. Ces premières étapes sont essentiellement composées de travaux permettant de préparer le site avant la pose du « premier béton nucléaire », soit le T0 à partir duquel on commence à décompter la durée du projet.
Le projet de loi ne modifiera absolument pas les exigences ni les procédures existantes en matière de sûreté nucléaire pour les nouveaux projets. Les enjeux de sûreté nucléaire sont essentiellement portés par l'autorisation de création de l'installation dont la demande sera instruite par l'ASN, suivant le processus actuel et avec les mêmes étapes de concertation et d'association du public. La délivrance de l'autorisation de création n'est pas sur le chemin critique des projets d'EPR2.
Si ce projet de loi est bien évidemment important, il n'est pas le seul élément qui permette d'accélérer un projet de construction d'installation nucléaire. Je rejoins également la remarque du président d'EDF : il y a un travail commun d'anticipation à réaliser pour pouvoir accélérer la partie industrielle de la construction nucléaire elle-même. Indépendamment des instructions, l'ASN n'attend pas que la demande d'autorisation de création soit déposée pour avancer sur ce projet avec EDF. Nous avons déjà commencé à travailler avec les équipes d'EDF sur une version préliminaire du rapport de sûreté. C'est une pièce essentielle dans le dépôt de la demande d'autorisation de création. Nous le faisons avec l'appui de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) afin d'identifier les points durs.
De la même manière, nous sommes sollicités par Framatome pour travailler sur la qualification des pièces forgées les plus importantes qui permettront la fabrication des cuves ou des générateurs de vapeur, et ce bien en amont de l'autorisation du projet. C'est un risque industriel pris par Framatome, car les délais industriels sont un élément fondamental dans la conduite du projet.
Ce projet de loi ne comporte pas qu'un titre I dont je viens de parler, qui est celui de l'accélération des procédures administratives relatives au droit du sol, mais comporte également un titre II dont l'ASN est à l'origine et qui concerne le parc existant. Il porte sur un point très particulier des dispositions législatives actuelles relatives aux décisions qui sont prises à l'issue des réexamens de sûreté, notamment à partir du quatrième réexamen de sûreté après trente-cinq années de fonctionnement. Il s'agit d'amener leur niveau de sûreté le plus près possible des réacteurs de dernière génération.
Ces améliorations de sûreté ont deux sources essentielles. Elles sont une première source qui vient de l'exploitant lui-même, qui mène le travail et qui propose un certain nombre de modifications pour améliorer la sûreté. Ces modifications doivent actuellement être soumises à enquête publique. Il existe en parallèle une procédure d'adoption par l'ASN de prescriptions techniques complémentaires qui résulte des débats et des discussions techniques que nous avons avec l'exploitant. Mais le droit en vigueur ne définit pas l'articulation entre ces deux procédures. Nous proposons donc, à travers le projet de loi, de corriger et de simplifier le dispositif actuel en reliant l'enquête publique à l'adoption par l'Autorité de sûreté nucléaire des prescriptions techniques complémentaires. Ce dispositif simplifiera le processus actuel et le rendra plus robuste.
Par ailleurs, une deuxième modification du titre II consistera à remplacer une disposition actuelle conduisant à l'arrêt définitif de plein droit d'une installation nucléaire qui n'a pas fonctionné pendant deux ans par un acte positif, éventuellement de fermeture, au regard des enjeux si ce délai est dépassé. La consultation du public se fera sur la base du projet de décret de fermeture. En ce qui concerne l'ASN, il s'agira donc de dispositions d'allégement n'ayant pas d'impact sur les projets de nouveau nucléaire puisqu'elles concernent les installations en service.
Vous m'avez ensuite questionné sur les moyens de coercition et de sanction dont dispose l'ASN. Effectivement, elle dispose d'une palette de pouvoirs à la fois d'injonctions et de sanctions. Ces pouvoirs importants ont été renforcés par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), avec une possibilité d'amendes administratives dès lors que nous avons l'accord du comité des sanctions. Ces moyens sont utilisés de manière adaptée au contexte nucléaire, qui est tout à fait différent de celui des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Il y a plusieurs dizaines de milliers d'installations classées, mais il n'y a en revanche que très peu d'exploitants nucléaires. Par ailleurs, les exploitants nucléaires disposent en général d'une forte structure d'ingénierie. Nous sommes aussi dans un dialogue technique permanent avec eux, afin de bien calibrer les dispositions réglementaires ou les prescriptions que nous imposons, ce qui est assez différent dans le domaine des installations classées.
Ces moyens de coercition sont donc mis en oeuvre de manière relativement modeste en nombre lorsqu'on les compare aux installations classées. L'ASN ne fait pas plus d'une dizaine de mises en demeure par an et il n'y a pas eu depuis 2014 d'exigence d'exécution de travaux d'office. La commission des sanctions, depuis sa mise en oeuvre, n'a ainsi jamais été sollicitée puisque nous avons toujours réussi à régler les problèmes en amont.
Je ne pense pas que les projets liés à la relance du nucléaire changent quoi que ce soit à cette situation. Depuis le début du chantier de l'EPR de Flamanville, par exemple, nous n'avons procédé qu'à deux mises en demeure : une pour des raisons de sûreté et une en termes d'inspection du travail.
M. François Jacq, administrateur général du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives . - Le CEA est un organisme de recherche intégré. Nous nous intéressons à l'énergie nucléaire, mais pas uniquement. Sans empiéter sur ce que dira mon collègue de RTE, il importe de mettre l'accent sur toutes les formes d'énergies décarbonées. Au-delà du nucléaire, nous travaillons aussi sur l'hydrogène, les batteries, les dispositifs de stockage et les réseaux intelligents, à savoir sur tout ce qui permettra un fonctionnement harmonieux du système énergétique dans des évolutions de paradigme. Nous défendons donc une vision intégrée.
Nous sommes par ailleurs un organisme de recherche : nous avons une vision d'ensemble sur toutes les questions nucléaires, de l'amont à l'aval. Cette compétence de recherche tangente l'ingénierie, mais ne va pas jusqu'à elle : nous ne sommes pas non plus des concepteurs de produits industriels.
Comme j'ai eu l'occasion de le souligner, nous ne sommes pas concernés au premier chef par ce projet de loi, je ne prétendrai donc pas juger de sa pertinence juridique. Pour autant, l'intention générale me paraît fondamentale : nous n'avons pas de temps à perdre et il convient d'actionner tous les leviers permettant de raccourcir les processus.
J'en viens au rôle du CEA dans ce process de reprise du nucléaire.
Premier aspect, nous apportons un soutien à la filière et à son développement. Nous disposons ainsi d'un socle de compétences et d'installation, qui constituent les voies de recours lorsque des difficultés surgissent dans l'exploitation industrielle. Nous l'avons fait encore récemment pour un réacteur de type EPR qui n'est pas installé en France, à la satisfaction des uns et des autres. Il s'agit là de notre coeur de métier et nous devons y être attentifs : quand certaines compétences ne servent pas, on dit qu'elles coûtent, mais quand elles manquent, on est bien ennuyé. C'est un message que je martèle d'audition en audition, mais c'est important. En matière d'ingénierie, nombre de difficultés rencontrées sur les projets nucléaires sont liées à un manque d'anticipation : peut-être faut-il instaurer un lien plus solide entre ingénierie et recherche ? Cela vaut pour le parc en fonctionnement comme pour les EPR2 à venir.
Deuxième aspect, nous préparons et nous ouvrons des voies différentes. Je pense, notamment, à tous les petits réacteurs innovants, mais il peut également s'agir du cycle. De ce point de vue, nos activités s'articulent totalement avec celles d'EDF, qui est le chef de file en ce qui concerne les SMR. Je rejoins les propos de M. Luc Rémont : dans les paradigmes énergétiques de demain, cela n'aura aucun sens d'installer ces petits réacteurs sur des sites déjà occupés par des installations nucléaires. Quant aux Advanced Modular Reactors (AMR), il s'agit de projets beaucoup plus futuristes et avancés : nucléaire de quatrième génération, réacteurs nucléaires à sels fondus, etc. Ce sont des projets qui devraient nous permettre de mieux traiter le cycle, à condition que l'on ne fasse pas de réacteur sans le cycle, ce qui est tout de même notre péché majeur en France !
Enfin, par rapport à l'usage du nucléaire, ne restons pas focalisés sur l'électrification et la seule électricité, car nous aurons des besoins en chaleur. Il y aura de la décarbonation de la chaleur qui ne sera pas facile à faire sur un certain nombre de grands process industriels, comme l'a souligné M. Rémont en évoquant la capacité à combiner. Je pense à l'hydrogène, mais pas uniquement. Le chimiste américain Dow Chemical commence, par exemple, à se poser la question de savoir s'il ne va pas installer un réacteur sur un de ses sites industriels pour obtenir la chaleur.
Quant au projet de loi, je ne peux que souscrire modestement aux remarques de M. Rémont : c'est certainement un ingrédient important, mais il va falloir en réunir beaucoup d'autres pour que nous puissions tenir les délais. Installer aussi bien des EPR ou des SMR au milieu de la décennie 2030 constitue des projets ambitieux, il faut le savoir.
M. Guillaume Dureau, président Orano Projets SAS, directeur Innovation - R&D - nucléaire médical . - Orano est une entreprise française qui propose des produits et services sur tout le cycle du combustible nucléaire. Nos activités démarrent au niveau de la mine - il n'y en a plus en France, mais nous en avons à l'étranger - et passent par tous les processus de transformation chimique pour arriver au processus de transformation physique et d'enrichissement de l'uranium utilisé dans les réacteurs. Nous nous occupons aussi de l'aval du cycle, qui consiste essentiellement à s'assurer du traitement et potentiellement du recyclage. C'est l'une des caractéristiques françaises, sur laquelle je reviendrai, du cycle. Orano compte environ 17 000 collaborateurs, dont 13 500 en France, pour 4,7 milliards de chiffre d'affaires.
Notre conviction profonde, c'est que le succès du nucléaire en France, pour les années à venir, ne pourra être assuré que si les constructeurs de nouveaux réacteurs s'inscrivent dans une stratégie d'ensemble du cycle, qui couvre à la fois l'approvisionnement en uranium enrichi - c'est-à-dire l'amont - et les solutions à retenir pour la gestion des combustibles - c'est-à-dire l'aval. Ce sont précisément les deux principaux métiers du groupe Orano. De de point de vue, la France est l'une des rares nations à disposer d'une maîtrise industrielle de l'intégralité de la chaîne de valeur du nucléaire, ce qui constitue l'un de ses éléments fondamentaux et essentiels en matière de souveraineté énergétique.
En ce qui concerne l'amont du cycle, Orano a fait le choix d'investir 5 milliards d'euros ces dix dernières années dans le renouvellement de son outil industriel sur la plateforme du Tricastin, qui dispose ainsi d'une des usines les plus modernes au monde à la fois pour la conversion et l'enrichissement. La tension observée sur les marchés, très directement reliée à la crise et à la guerre que pratique la Russie en Ukraine, entraîne une montée des cours, à la fois sur la conversion et sur l'enrichissement. C'est un véritable enjeu pour nous et pour l'indépendance énergétique de la France que d'être capables, au-delà de la maîtrise de ces étapes du cycle, non seulement de conserver, mais potentiellement d'étendre les capacités de production de nos usines d'enrichissement en France, à la fois en nous projetant sur le long terme et en étant certains d'assurer une capacité de réponse en matière d'approvisionnement pour l'ensemble du monde occidental, pas uniquement pour la France.
Dans ce contexte géopolitique, nous sommes bien évidemment attentifs à l'évolution du marché et aux attentes de nos clients. Sous réserve d'engagements de long terme de leur part, nous envisageons d'augmenter nos capacités d'enrichissement jusqu'à 30 % - ce qui est énorme - pour répondre aux besoins des clients qui souhaitent réduire leurs importations d'uranium naturel de Russie. Depuis le mois de mars, nos équipes travaillent sur différents scénarios en France, en Europe ou aux États-Unis.
Le scénario le plus rapide serait l'extension de notre usine actuelle d'enrichissement Georges-Besse II. Nous avons d'ailleurs d'ores et déjà lancé le processus de concertation en saisissant la Commission nationale du débat public (CNDP). Les choix qui seront retenus sont soumis aux enjeux de planning, de coûts et de contractualisation des clients. Autrement dit, comme l'a indiqué M. Bernard Doroszczuk, les temps industriels existent. Si l'on prend une décision en 2023, le premier module pourra fonctionner en 2028, et encore en avançant très rapidement !
Du côté de l'aval du cycle, l'industrie française est le leader mondial en matière de traitement et du recyclage des combustibles nucléaires usés. C'est une technologie qui permet d'économiser les ressources naturelles en recyclant la matière énergétique encore contenue dans le combustible nucléaire et en sortie de réacteur. De plus, cette technique réduit fortement la radiotoxicité et le volume des déchets nucléaires, et permet d'en assurer le confinement sous une forme sûre et stable à long terme.
Hormis les États-Unis, toutes les grandes puissances nucléaires civiles, comme le Japon, la Chine, l'Inde et la Russie, ont envisagé et mis en oeuvre à des niveaux de maturité différents le traitement-recyclage. Aucun autre pays n'a cependant maîtrisé son déploiement industriel complet.
Toutefois, à la différence des usines de l'amont, celles de l'aval du cycle - essentiellement les usines de La Hague et de Melox - ont démarré dans les années 1990. La question de leur renouvellement va devoir être décidée dans un futur proche.
Vous m'avez posé la question de la disponibilité en France des compétences nécessaires. En ce qui concerne le cycle, les enjeux de court terme sont directement traités pour pouvoir faire fonctionner en toute sécurité nos usines. Nous avons créé un campus MOX à proximité de l'usine de Melox ainsi qu'une école des métiers au Tricastin. Un certain nombre d'actions visent également à augmenter notre notoriété et à renforcer l'apprentissage. En tant que patron de l'ingénierie d'Orano, je dois recruter cette année un peu moins de 400 ingénieurs, ce qui n'est pas simple ! Il importe donc de garantir l'attractivité des métiers et de donner des perspectives aux jeunes.
Nous nous sommes également engagés dans un certain nombre de formations sur les métiers en tension. Au-delà des ingénieurs, nous avons besoin de cols bleus. Le pôle d'excellence de soudage à Cherbourg, où nous sommes impliqués aux côtés d'EDF, de Naval Group et des Constructions mécaniques de Normandie (CMN), est une belle illustration.
En revanche, tout comme pour la construction d'EPR, il est évident qu'au moment du renouvellement des usines de l'aval du cycle la question des compétences, notamment en termes de main-d'oeuvre disponible, sur les deux sites, en particulier sur celui de La Hague, sera colossale. Il nous faudra trouver une réponse.
Pour en revenir plus spécifiquement au projet de loi, je ne peux que saluer l'ambition qui vise à accélérer les procédures en cas de décision de construction de nouveaux réacteurs. Je m'inscris complètement dans ce qui a été dit à la fois par MM. Rémont et Jacq : il ne saurait être simplement question des réacteurs électronucléaires et les nouveaux sites ne doivent pas forcément être implantés à côté des installations nucléaires de base (INB). Très clairement, il serait pertinent que les dispositions relatives à l'accélération des procédures liées à la construction appréhendent l'ensemble des nouveaux réacteurs. Je rappelle que France 2030 prévoit un appel à projets pour la construction de nouveaux types de réacteurs. Il faut donc aussi envisager une accélération des procédures pour pouvoir développer ce type de technologie. Cela vaut également pour l'ensemble des installations du cycle du combustible. L'objectif de l'extension et donc double : c'est à la fois une exigence d'intelligibilité du droit et en même temps une prise en compte de l'ensemble des besoins globaux de la filière nucléaire.
M. Thomas Veyrenc, directeur exécutif du pôle stratégie, prospective et évaluation de Réseau de transport d'électricité . - RTE a trois rôles. Le premier, que l'on connaît bien en ce moment, est d'exploiter le système électrique, quel que soit son état. Le deuxième est de développer notre grand réseau national pour connecter, notamment, les réacteurs nucléaires, les centres de consommation, les renouvelables. Le troisième est de réaliser un certain nombre d'études de nature prospective ou prévisionnelle. J'ai l'impression, madame la présidente, que votre première question sur la solidité du mix se rattache plutôt à cette dernière mission.
Qu'est-ce qu'un mix solide ? C'est premièrement un mix qui nous permette d'atteindre nos objectifs climatiques. L'électricité concentre beaucoup de nos débats citoyens, pour autant elle représente 25 % de l'énergie que l'on consomme : elle est omniprésente, mais pas dominante dans notre mix. Quoi qu'il en soit, nous devons nous projeter dans un monde où l'on est sorti complètement des énergies fossiles. Or ces dernières représentent actuellement 60 % de la consommation énergétique en France. C'est dans ce contexte de consommation croissante de moyen et de long termes que nous devons intégrer la construction de nouveaux réacteurs nucléaires.
Un mix solide c'est aussi un mix qui garantisse la sécurité d'approvisionnement et qui soit compétitif d'un point de vue économique. RTE a rendu public fin 2021-début 2022 les résultats de ses scénarios à l'horizon de 2050. Ce travail a mobilisé tout notre écosystème pendant deux ans. Il existe deux grilles de lecture potentiellement différentes. La première consiste à essayer de voir ce qui oppose les filières. Ce n'est pas celle que je privilégie, car le nucléaire, le renouvelable, la rénovation thermique, la réindustrialisation, le réseau, le stockage ont une seule et même structure économique : elles demandent beaucoup d'investissement au départ, mais les coûts de fonctionnement sont plus faibles ensuite. Le facteur temps est également essentiel, comme l'ont souligné plusieurs intervenants avant moi. Entre le moment où l'on va appuyer sur l'accélérateur et le moment où notre mix énergétique va changer, il va se passer plusieurs années. Par ailleurs, il s'agit de solutions que nous allons devoir faire fonctionner ensemble.
En ce qui concerne les scénarios de réinvestissement dans le parc nucléaire, différents rythmes sont proposés. Un scénario où l'on construirait six nouveaux réacteurs nucléaires au rythme d'une paire tous les cinq ans - en 2035, en 2040 et en 2045 - nous conduit à terme à un mix majoritaire en énergies renouvelables pour atteindre nos objectifs climatiques. Pourquoi ? Tout simplement parce que nos installations - c'est vrai pour le nucléaire, mais c'est vrai également pour les autres filières - doivent être mises à l'arrêt pour des raisons d'âge. Les réacteurs nucléaires de deuxième génération ont été construits de manière très concentrée entre la fin des années 1970 et le début des années 1990. Mais cela vaut aussi pour les éoliennes, pour les panneaux solaires et pour toutes les installations industrielles : on peut certes prolonger leur durée de vie, mais c'est un problème auquel on est bien obligé d'être confronté lorsqu'on réalise une prospective énergétique.
En tout état de cause, même en construisant six réacteurs nucléaires de troisième génération, selon un scénario que nous avons appelé N1, il nous faudra recourir à beaucoup d'énergie renouvelable pour boucler nos trajectoires. À tel point que RTE ne considère pas qu'il y aurait, d'un côté, les scénarios avec du nouveau nucléaire et, de l'autre, les scénarios sans nouveau nucléaire. Au contraire, le scénario N1 doit nous conduire à réussir également tous les paris technologiques des scénarios à très hautes parts de renouvelables. C'est un travail que nous avons fait avec l'Agence internationale de l'énergie (AIE).
Ce n'est pas exactement le cas du scénario N2, qui inclut la construction de quatorze réacteurs. Avec un socle d'une quarantaine de gigawatts de centrales nucléaires maintenus durablement - à l'horizon de 2040, de 2050 et de 2060 -, une partie des besoins de flexibilité sont réellement traités par le nucléaire. Il faut donc moins de moyens de stockage. La différence entre le scénario N1 à six réacteurs et le scénario N2 à quatorze réacteurs n'est pas uniquement symbolique, elle est aussi technique. La numérotation des scénarios renvoie ainsi à des différences plus fondamentales dans la façon dont nous allons construire et faire fonctionner notre système électrique.
Le travail de concertation mené pendant deux ans avec les différents opérateurs industriels de la filière montre que l'accélération, dans le cas du scénario à quatorze réacteurs, ne sera pas visible sur la période 2030-2040, mais plutôt durant la décennie 2040-2050. On en revient donc au facteur temps.
De tels délais sont-ils propres à la France ? Un objectif de réacteurs nucléaires opérationnels en 2035-2037 me paraît raisonnablement ambitieux : ce n'est donc pas propre à la France. Vous avez souligné, madame la présidente, que la durée de construction des réacteurs est passée de six à huit ans dans les années 1980 à une période de douze à seize ans actuellement. En réalité, les délais de construction des réacteurs de deuxième génération du palier N4 étaient déjà beaucoup plus importants que ceux des réacteurs de 900 mégawatts des années 1970. Tout le programme de deuxième génération n'a donc pas été construit très rapidement et nous ne connaissons pas aujourd'hui un ralentissement : ce n'est pas comme cela que les choses fonctionnent. Le projet de loi permettra certes d'accélérer un certain nombre de procédures, mais il ne nous permettra pas d'en revenir au rythme de construction des années 1970.
Ce qui est plus propre à la France, en réalité, ce sont les délais de construction des énergies renouvelables, mais c'est un autre problème.
Ce texte intervient-il tard ? Je pense qu'il s'agit du bon moment. Quel que soit le scénario retenu, il convient d'enclencher la démarche industrielle. Cette table ronde montre que la situation a changé depuis notre publication d'octobre 2021. Nous ne nous attendions pas qu'un cap soit fixé aussi rapidement. Il faudra, bien évidemment, le traduire dans une loi de programme, mais j'ai le sentiment que la publication de nos scénarios a réussi à faire passer le message qu'il était nécessaire d'accélérer, ce dont je me félicite.
Ce projet de loi est-il utile ? Oui, ne serait-ce que pour tenir le timing annoncé par le Gouvernement. Pour que de nouveaux réacteurs soient en service en 2035-2037, ce projet de loi est absolument essentiel. Les documents publiés par l'État nécessitaient des saisines de la CNDP en 2021. Nous sommes en 2022, il convient donc d'accélérer sur le nucléaire, mais cela vaut également pour les énergies renouvelables ou pour le réseau, si nous voulons répondre aux enjeux énergétiques.
Mme Sophie Primas , présidente . - Merci de ces précisions. Quelques points n'ont pas été abordés, je pense aux capacités ou aux perspectives de financement. Par ailleurs, nous sommes certes dans l'accélération des ouvertures de sites, mais les décrets prévoient toujours pour l'instant la fermeture de certains réacteurs.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Je souhaite, à mon tour, remercier nos intervenants de leur participation à cette table ronde. De mémoire sénatoriale, c'est une première que de vous réunir tous aujourd'hui. Je remercie également le rapporteur pour avis Pascal Martin.
Comme vous le savez, nous préparons actuellement l'examen du très attendu projet de loi d'accélération du nucléaire ; nous avons largement entamé nos auditions et avons entendu, juste avant vous, devant le groupe d'études « Énergie », M. Michel Badré, président de la formation de la CNDP chargée du débat public sur la construction de nouveaux réacteurs, dont ceux de Penly.
S'agissant de la méthode retenue par le Gouvernement, je regrette qu'il légifère dans le désordre : pour bien faire, il aurait fallu soumettre à l'examen parlementaire la programmation, puis le nucléaire, puis le renouvelable. Je déplore également qu'il impose des délais d'examen très resserrés puisque ce texte serait examiné en séance publique mi-janvier : plus d'organisation, plus d'anticipation et plus de coconstruction auraient été nécessaires sur un sujet aussi important. Où est la nouvelle méthode promise par le Gouvernement ?
Concernant l'évolution proposée par le Gouvernement, nous ne pouvons que nous réjouir de la relance du nucléaire, tout en rappelant que cette relance intervient tardivement et partiellement : les annonces du Gouvernement font, pour l'instant, davantage office de « rattrapage » que de « relance ». Je rappelle que la commission des affaires économiques a alerté sur l'impact de la crise de la Covid-19 sur les prix des énergies et le décalage du programme d'arrêts de tranches, dès son rapport sur cette crise de juin 2020 ; elle a aussi alerté sur l'impact de la guerre russe en Ukraine et du phénomène de corrosion sous contrainte, dès son rapport sur le risque de black-out de février 2022.
Comme l'a indiqué notre présidente, nous avons aussi plaidé pour une relance complète du nucléaire, dans notre rapport de juillet 2022. La position de notre commission a donc été celle de la constance, avant et, bien souvent, contre celle du Gouvernement ! Ce ne fut pas simple de décaler de dix ans le calendrier de fermeture des réacteurs existants, dans la loi « Énergie-Climat » de 2019. Ce ne fut pas simple d'interdire toute fermeture de réacteur, dès lors qu'elle présente un risque sur la sécurité d'approvisionnement, la sûreté nucléaire ou les émissions de gaz à effet de serre (GES), dans la loi « Climat-Résilience » de 2021. Nous étions bien seuls à l'époque !
Mais cessons de remuer le passé pour évoquer l'avenir, celui de la filière nucléaire et, au-delà, de notre compétitivité économique et notre vie sociale. C'est pourquoi je compléterais brièvement les questions posées par notre présidente.
En premier lieu, je souhaiterais que le PDG d'EDF nous indique où en est la résolution du phénomène de corrosion sous contrainte : avez-vous une visibilité sur les indisponibilités prévisibles pour les prochains mois ?
Un mot sur l'application du programme Excell serait également précieux : sommes-nous prêts, sur le plan de la formation et des compétences, pour la construction annoncée de nouveaux réacteurs. C'est un sujet de préoccupation relevé par notre commission dans son rapport sur la filière nucléaire, de juillet dernier. Un mot aussi sur les modalités de financement : la Cour des comptes a clairement indiqué qu'EDF ne pouvait financer seul cette relance du nucléaire. Qu'en pensez-vous ? Faut-il préférer un financement par fonds propres, par emprunt, par prix régulé ou encore par participations de consommateurs électro-intensifs, comme pratiqué ailleurs en Europe ?
En second lieu, je voudrais que l'ASN nous indique son opinion sur les EPR2 et les SMR qui pourraient être construits ? Sont-ils plus sûrs que les réacteurs plus anciens ? Sont-ils moins producteurs de déchets ? Je m'interroge notamment sur les risques liés à la construction des nouveaux réacteurs. Les extensions de sites existants impliquent-elles des risques cumulés, dont la gestion par les collectivités territoriales ou les services déconcentrés concernés ne doit pas être simple ? Les implantations d'installations en bord de mer présentent-elles des risques spécifiques, liés par exemple à la submersion ou à l'érosion ? Si oui, comment les prévenir ?
Concernant le CEA, j'aimerais qu'il nous précise si la recherche nucléaire lui semble pouvoir être davantage prise en compte dans le projet de loi : au-delà de la construction d'EPR2, peut-on y développer les SMR ? Peut-on y promouvoir le couplage nucléaire-hydrogène ?
Pour ce qui est du groupe Orano, je souhaiterais qu'il fasse état de son opinion sur le devenir des usines de retraitement-recyclage. L'État ne devrait-il pas prendre une décision sur leur pérennisation, car on sait que ces installations arriveront à leur cinquantième année de fonctionnement dès 2040 ?
S'agissant enfin de RTE, je ne pourrais résister à la question que tous mes collègues et beaucoup de Français se posent : quelles sont vos prévisions sur la sécurité d'approvisionnement électrique ? Combien de délestages risquent de se produire cet hiver ? Pouvez-vous nous préciser les périodes et les régions les plus critiques ?
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable . - Madame la présidente, mes chers collègues, je vous remercie pour l'invitation à cette table ronde. En tant que rapporteur pour avis sur le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, je me concentrerai sur le contenu de ce texte et partagerai quelques observations et interrogations issues du cycle d'auditions que nous avons commencé la semaine passée dans un excellent climat avec mon collègue rapporteur Daniel Gremillet.
Le titre I ne concerne que les réacteurs électronucléaires. Par ailleurs, il ne vise que les projets situés à proximité de sites nucléaires existants. Enfin, les demandes d'autorisation ne concernent que celles déposées dans une durée de quinze ans à compter de la promulgation de ce texte. C'est donc une ambition mesurée.
Une observation tout d'abord : l'étude d'impact du projet de loi est, une nouvelle fois, lacunaire. Aucune estimation du gain de temps global pour la construction des nouveaux EPR n'est fournie par le Gouvernement. C'est très dommageable pour un texte dont l'ambition est justement de gagner du temps !
Ma première question est donc très simple : avez-vous une idée du gain de temps permis par ce texte ? Si oui, pouvez-vous préciser à quel stade de la construction de nouveaux réacteurs et pour quel type d'autorisations ces gains de temps interviennent ?
Ma deuxième question porte sur la notion qui fait débat de « proximité immédiate » des centrales existantes, utilisée à l'article 1 er . Concrètement, à quelle distance maximale des centrales existantes les nouveaux EPR seront-ils construits ?
Pour éviter des contentieux, ne faudrait-il pas mieux définir cette notion de « proximité immédiate », par exemple en considérant que cette notion s'entend comme une zone d'implantation ne nécessitant pas de modification des plans particuliers d'intervention (PPI) ?
Enfin, l'article 4 du projet de loi reporte dans le temps la réalisation des bâtiments à plus forts enjeux de sûreté, car il faudra maintenant attendre l'octroi de l'autorisation de création par l'ASN pour commencer ces travaux.
Ma dernière question sera directe : s'agit-il de tirer les conséquences des difficultés initiales de Flamanville, en particulier de l'insuffisance des études d'avant-projet, comme l'a relevé la Cour des comptes en 2020 ?
M. Luc Rémont . - Je commencerai par faire un bref point sur le raccordement progressif au réseau de nos réacteurs après traitement des problèmes de corrosion sous contrainte.
À ce jour, quarante et un réacteurs sont connectés au réseau pour une puissance productive de 41,3 gigawatts, ce qui nous a permis, grâce au soutien des Français, de passer cette première phase de froid sans difficulté sur le réseau. Trois réacteurs supplémentaires seront connectés d'ici à Noël : Gravelines 3, Saint-Alban 2 et Dampierre 2. Nous travaillons également pour recoupler Gravelines 4 au réseau le plus rapidement possible en 2023.
En ce qui concerne les chantiers de corrosion sous contrainte, l'entreprise a identifié le problème en peu de temps et a travaillé sur des instruments de mesure permettant de le caractériser de façon non destructive. Nous avons mis en place un processus de réparation grâce à notre collaboration avec l'Autorité de sûreté. Nous allons le plus vite possible. Je peux témoigner de la mobilisation totale de toute la filière, qu'il s'agisse des salariés d'EDF ou de nos partenaires. Certains de nos réacteurs sont encore en réparation, mais pas forcément pour des questions de corrosion sous contrainte. Certains réacteurs, par exemple, sont en visite décennale, ce qui nécessite un arrêt de plusieurs mois. L'accélération de l'ensemble de ces processus est un élément-clé de la disponibilité du parc et de notre capacité à produire.
Vous m'avez interrogé sur Excell. C'est un plan très bien monté de professionnalisation, d'accélération et d'industrialisation des projets. Il nous aide notamment à tirer toutes les leçons de Flamanville 3. Il y a quelques semaines à peine, le patron du projet Excell a remis un rapport public sur le déroulement du plan. Mon ambition est d'en étendre la portée à toutes les dimensions de l'entreprise avec la même logique industrielle.
Nous devons encore travailler sur les modalités de financement. Mon souhait est naturellement de faire en sorte que la performance de l'entreprise contribue largement au financement de son futur, qui est de continuer à produire et donc de créer des instruments en faveur de sa production future. Notre capacité à recoupler les réacteurs actuels au réseau est une condition indispensable, mais pas suffisante, pour faciliter le financement du futur. Une partie de la réponse se trouve dans la régulation. J'ai souligné lors d'une audition précédente que l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) était à bout de souffle. Je le confirme ici. La crise énergétique européenne doit nous amener à revoir l'ensemble des modalités des règles de marché pour l'électricité. C'est indispensable pour qu'EDF puisse faire son travail et offrir aux Français une électricité à un prix compétitif, mais dans des conditions qui n'obligent pas EDF soit à vendre à un prix cassé, soit à vendre en étant l'objet des fluctuations excessives, tout en étant taxée ensuite. Un tel modèle économique permet à peine à EDF de soutenir son activité. Comment pourrait-il lui permettre de financer le futur ? Le Gouvernement est mobilisé sur ce sujet dans les discussions communautaires. Je souhaite travailler avec lui pour trouver un équilibre économique qui permette à EDF et à l'ensemble de la filière d'avoir suffisamment de visibilité économique à moyen terme. Nous travaillerons également avec les pouvoirs publics pour donner des perspectives financières de plus long terme.
Monsieur Martin, vous me posez la question du temps gagné grâce à ce projet de loi ; je serai honnête : je ne le sais pas. Le temps gagné me paraît significatif, il se compte probablement en années, mais je ne saurais être plus précis. Je tâcherai de l'estimer plus précisément et de vous fournir la réponse.
Vous me posez la question du périmètre concerné par les projets. Il s'agit d'emprises extrêmement proches, sur les sites. Je ne saurais pas vous donner une définition de la distance envisagée, je ne sais pas si c'est possible, mais on parle de sites ayant une capacité supplémentaire et pouvant accueillir une activité industrielle plus importante.
Sur la réalisation des bâtiments, un travail important a été accompli depuis plusieurs années, dans la définition même du projet EPR 2, afin de tirer toutes les leçons de Flamanville 3. Ces nombreuses leçons ont été tirées par EDF avec l'ASN.
M. Bernard Doroszczuk. - J'ai noté trois questions principales qui m'étaient adressées. Je reviendrai ensuite sur la question générale de l'anticipation et du respect des délais.
M. Gremillet pose d'abord la question du niveau de sûreté des EPR2 et des SMR.
Pour ce qui concerne le projet EPR2, l'ASN a émis deux avis - l'un en 2juillet 019 et l'autre en 2septembre 021 - sur l'option de sûreté de ce réacteur. Ces avis concluent de manière positive sur les options de sûreté retenues, après un débat sur les options envisagées lors de la construction de l'EPR de Flamanville, notamment la question de l'exclusion de rupture. Nous avons approfondi le sujet et nous avons élaboré une position donnant assez de visibilité pour poursuivre les études de conception.
Nous sommes encore en train de finaliser avec EDF les éléments d'entrée dans ces études de conception. J'ai demandé à EDF de faire un point complet des arbitrages à rendre avec l'ASN, afin de finaliser les études détaillées de conception. C'est important pour le respect du planning. Il faut achever ces études détaillées de conception avant de lancer les projets, afin de ne pas rencontrer les mêmes difficultés. Quand on étudie les évolutions de l'EPR2 par rapport à l'EPR de Flamanville, en intégrant le retour d'expérience tiré du fonctionnement des EPR de Taishan et de Olkiluoto, on peut considérer que la première paire de réacteurs à Penly sera une quasi-tête de série. D'où l'importance d'achever les études détaillées de conception, afin de maîtriser les délais. Du point de vue de la sûreté, le niveau de l'EPR2 sera équivalent à celui de Flamanville et, s'agissant d'un réacteur de troisième génération, il n'y aura pas d'évolution significative en matière de production de déchets.
Pour les SMR ou AMR, les petits réacteurs avancés, la situation pourrait être différente. Eu égard à leur taille, ces réacteurs pourraient permettre des progrès en matière de sûreté. En cas d'accident, la puissance résiduelle à évacuer serait plus faible ; on pourrait donc imaginer que ces réacteurs soient munis de dispositifs passifs permettant d'assurer, dans une situation accidentelle, leur refroidissement sans avoir besoin de recourir à des sources d'alimentation électrique ou à des capacités supplémentaires en eau. C'est un avantage important par rapport aux gros réacteurs, comme les EPR, dont il faut assurer en permanence le refroidissement, même à l'arrêt. C'est une différence fondamentale.
Les projets de ce type avancent en France et l'ASN est en relation avec quatre porteurs de projet, reposant chacun sur une technologie différente.
Le projet Nuward d'EDF, TechnicAtome et Naval Group, est le plus avancé et il repose sur une technologie maîtrisée : les réacteurs à eau sous pression. Il ne présente pas de différence, en matière de gestion de combustible et de déchets, avec le parc actuel. Nous avons pris l'initiative d'associer les autorités de sûreté tchèque et finlandaise - deux pays susceptibles d'être intéressés par ce projet -, pour définir ensemble une position sur les options de sûreté de ce réacteur. Cela donne une visibilité internationale au projet.
Les autres réacteurs envisagés reposent sur des technologies différentes : le refroidissement au plomb ou au sel fondu et un réacteur haute température. La maturité technologique de ces projets est très différente de Nuward ; ils nécessitent encore des travaux d'innovation et de recherche et ils arriveront à maturité plus tardivement. La compétition internationale est rude avec les compétiteurs américains, chinois ou russes, qui sont puissants. Ces pays développent des politiques agressives en matière de compétitivité prix, mais également en termes d'influence géopolitique pour imposer leurs projets, y compris en Europe de l'Est. Attention donc à ce que Nuward n'arrive trop tard...
Le réacteur Nuward ne présentera pas de différence en matière de gestion des déchets, mais il pourrait en aller différemment pour les réacteurs à neutrons rapides. La technologie de refroidissement au sodium pourrait en outre bénéficier des retours d'expérience de ce type de réacteurs développés en France voilà quelques années.
J'attire par ailleurs votre attention sur trois points de préoccupation de l'ASN.
D'abord, il faut porter une plus grande attention au cycle du combustible. En effet, parmi les 100 projets de SMR dans le monde, très peu y accordent une attention suffisante : ils ne précisent ni d'où vient le combustible ni ce que l'on fait des déchets en aval du cycle. Or il faut tout prendre en compte pour que les projets soient sincères, il faut avoir une vision intégrée. La France a un avantage sur le sujet, car elle maîtrise les technologies.
Ensuite, la possibilité d'implanter les réacteurs de petite taille en dehors des sites existants nucléaires soulève la question de la sécurité ; je le rappelle, la sûreté, dont s'occupe l'ASN, est relative au risque d'accident nucléaire et la sécurité consiste en la lutte contre les actes de malveillance : attaques criminelles, attentats, cybersécurité. Ce sujet est plus complexe, car un petit réacteur implanté dans une zone industrielle ou près d'une agglomération présente un risque plus important qu'un réacteur implanté sur un site nucléaire existant et déjà sécurisé ; de tels sites disposent en effet d'importants moyens d'intervention pour intervenir en attendant l'arrivée des forces de l'ordre en cas d'intrusion criminelle. C'est un sujet important pour les futurs exploitants des SMR. Il est justifié de s'interroger sur l'usage des petits réacteurs pour produire de la chaleur ou de l'hydrogène et pour accompagner la décarbonation de l'industrie, ce qui implique d'implanter ces réacteurs ailleurs que dans les gros sites, pour proposer des usages immédiats, locaux, sans transport, mais la sécurité peut devenir un sujet plus lourd que la sûreté.
Enfin, je veux aborder le niveau de sûreté des SMR à exiger. Dans la compétition internationale, ce niveau fait l'objet de beaucoup de débats. Certains estiment que le niveau de sûreté des réacteurs de troisième génération doit être le standard d'exigence pour les SMR ; d'autres, comme l'ASN, considèrent qu'il faut fixer un niveau d'exigence permettant d'exploiter toutes les potentialités d'amélioration des SMR à un coût économiquement acceptable : si l'on peut aller plus loin que le niveau de sûreté des réacteurs de troisième génération, il faut le faire ! En effet, il faut garder en tête que l'engouement pour les SMR est tel que, si tous les projets se réalisent, on trouvera des réacteurs nucléaires dans beaucoup de pays qui n'ont aujourd'hui aucune centrale, qui n'ont aucune expérience nucléaire, aucune autorité de sûreté ; une quarantaine de pays ont déjà fait part de leur intérêt à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA). Il y a donc un risque à implanter dans de tels pays des centrales pouvant poser problème. Or ne perdons pas de vue que la confiance dans la sûreté et l'engouement ou le rejet du nucléaire peuvent être liés à des évènements qui se produisent loin de chez nous. Ainsi, s'il est possible d'avoir des SMR plus sûrs, il ne faut pas s'en priver. Certains SMR peuvent aller plus loin en matière de gestion des déchets, comme les SMR à neutrons rapides, qui permettraient de réduire les déchets, voire d'utiliser des matières nucléaires n'ayant pas d'usage aujourd'hui.
Sur les risques liés à la construction de nouvelles centrales et à l'extension des sites, les risques d'agression naturelle - subversion marine, réchauffement climatique, tornades, séismes... - doivent être pris en compte sur toute la durée de vie des projets, qui peut s'étendre sur un siècle. Il faut s'appuyer sur les prévisions du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (Giec), lesquelles peuvent du reste évoluer. En France, nous faisons un réexamen de sûreté tous les dix ans, et nous incluons les aléas climatiques, afin d'ajuster la sûreté par rapport aux risques extérieurs, y compris par rapport aux installations industrielles voisines. Lorsque nous avons fait cet exercice à Gravelines, par exemple, nous avons pris en compte les évolutions du terminal gazier situé à proximité, et nous avons prescrit des rehaussements de digue.
Dernier sujet : celui de l'anticipation et de la gestion du temps. Le parc nucléaire existant a été construit, à 75 %, dans les années 1980. En 2050, ces réacteurs auront donc 70 ans, soit plus que la durée de vie sur laquelle nous nous sommes prononcés, à savoir cinquante ans. Ainsi, au-delà du débat sur le nouveau nucléaire et sur le présent projet de loi, il faudra, l'année prochaine, s'interroger sur les mesures d'accompagnement permettant d'anticiper l'échéance de 2050 pour les réacteurs en service ; il faut le faire très en avance. Dans les années qui viennent, il faut mener une analyse de fond pour étudier la durée de vie du parc d'EDF, avec assez d'anticipation pour pouvoir ajuster, entre autres, le nombre de réacteurs à produire. Il faut lier les deux aspects ; on ne peut séparer les nouveaux réacteurs de la durée de vie des réacteurs en cours. En tant que président de l'ASN, je ne puis accepter que la poursuite de l'exploitation des réacteurs nucléaires soit la variable d'ajustement d'une politique énergétique mal calibrée.
Je termine en évoquant la capacité industrielle à faire, facteur crucial pour respecter le calendrier. Il y a deux enjeux fondamentaux dans la filière. D'une part, il faut renforcer substantiellement l'attractivité de la filière pour recruter et conserver les compétences, dans tous les métiers et à tous les niveaux, des cols blancs aux cols bleus. On observe aujourd'hui un déficit important dans tous les métiers. Si les compétences ne sont pas disponibles au bon moment dans tous les métiers, quels que soient les textes, les projets ne pourront être mis en oeuvre. D'autre part, il faut reconstituer la capacité à faire au bon standard. Dans les constructions récentes, ce standard n'a pas été atteint. Pour l'ASN, la qualité et la rigueur de la conception, de la fabrication et du contrôle sont les premières barrières de sûreté. En parallèle se pose la question de la gestion et du pilotage des projets : avoir les compétences ne suffit pas, il faut aussi savoir les articuler et gérer les projets.
M. François Jacq. - Je veux insister sur les apports de la recherche à la cohérence des trajectoires. Il y a diverses technologies, qui ne sont pas en compétition les unes contre les autres, mais qui doivent être articulées les unes avec les autres. Si l'on n'a pas une bonne maîtrise des feuilles de route de ces technologies, de leurs jalons, de leurs points de rendez-vous, on aura du mal à bâtir un mix solide. C'est donc bien en prenant en compte, à l'avance, les feuilles de route technologiques que l'on doit oeuvrer.
La recherche est parfois considérée comme une commodité, elle est tenue pour acquise. Ce n'est pas le cas. Sans doute, il faut souligner la mobilisation et le caractère exceptionnel des équipes du CEA qui ont maintenu à un niveau élevé, y compris dans des circonstances difficiles, leurs compétences au niveau mondial - si le Department of Energy (DOE) américain prend le temps de discuter avec nous, c'est parce que nous sommes compétents et que nous sommes un alter ego pertinent -, mais il faut être vigilant. Le projet de loi ne prend pas en compte la recherche, c'est normal, il a vocation à accélérer les projets industriels, à se focaliser sur l'industrie, mais il faudra bien garder en tête, lors des étapes ultérieures, le continuum entre la recherche et l'exploitation.
Sur les SMR, je suis d'accord avec le président de l'ASN. Il faut bien que l'on s'entende : les SMR ne sont pas la panacée et celui qui sait comment leur exploitation se passera, comment leurs modèles économiques se construiront est très fort. Néanmoins, et je le dis depuis 2018, c'est une voie qui doit être considérée, explorée avec attention. Il faut en étudier tous les aspects, y compris la sécurité, comme le dit le président de l'ASN. Il faudra être raisonnable, respecter le principe de proportionnalité par rapport aux enjeux. Si l'on applique à ces réacteurs des cadres qui ne sont pas adaptés à leur nature, en leur imposant toutes les contraintes maximales, on n'arrivera pas à les développer.
Un petit réacteur, pouvant produire un peu de chaleur et un peu d'électricité, pouvant être couplé en permanent et en continu avec une installation d'électrolyse haute température, sera plus simple à gérer. Ces réacteurs peuvent aussi avoir des usages de chaleur beaucoup plus importants. Les réacteurs avancés ont deux vocations principales : l'une concerne le cycle, le recyclage de la matière et, si l'on n'y réfléchit pas en avance, ces SMR seront plus chers ; l'autre concerne la production de chaleur à très haute température, qui ne peut sortir d'un réacteur à eau pressurisée.
Sur les déchets, je me méfie de toutes les démarches dites « zéro déchet ». Le « zéro déchet » n'existe pas : quand on fait des réactions de fission, il y a des produits de fission, donc des déchets, c'est inévitable. Si on ne le dit pas clairement, on aura de gros problèmes avec le public...
La recherche est solidaire de votre démarche, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs. Elle ne sera pas visée directement par le projet de loi, mais nous, les chercheurs, aurons vocation à revenir vous voir pour aborder la question du bon développement des petits réacteurs, comme l'a dit Bernard Doroszczuk.
M. Guillaume Dureau. - Je souhaite dire quelques mots sur le vieillissement et la prolongation de l'outil industriel en fin de cycle, notamment des usines qui arriveront à leur cinquantième année de fonctionnement en 2040. La programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) 2019-2028 confirme la stratégie française de traitement-recyclage jusqu'à l'horizon de 2040, mais laisse la question ouverte pour la suite.
La prochaine PPE doit donc y répondre : soit on s'oriente vers l'ouverture du cycle et vers l'entreposage, soit, et c'est souhaitable, la forte avance technologique française en la matière permet de réaffirmer la stratégie de traitement-recyclage au-delà de 2040. Dans ce cas, compte tenu du temps industriel - conception et construction -, il faut prendre des décisions très en amont ; pour être très direct, ces décisions doivent être prises dans le quinquennat en cours et avant 2025. En outre, au-delà de la question des compétences déjà abordée, il y a la question de l'expérience : nous sommes dans la dernière décennie pendant laquelle on peut encore bénéficier du retour d'expérience de ceux qui ont construit ces usines. Il ne faut pas le négliger...
Les SMR et les AMR ont besoin de combustible. On a tendance à penser que, une fois le réacteur conçu, il est facile d'y mettre du combustible et de le faire tourner, alors qu'ils ont besoin d'un combustible spécifique, le plutonium. Par conséquent, il faut penser l'outil industriel adéquat. C'est une raison supplémentaire pour se demander ce que l'on fera des usines actuelles, comment on les prolongera, comment on les renouvellera.
M. Thomas Veyrenc. - L'anticipation est en effet centrale. Notre ambition avec nos scénarios était de faire émerger des rétroplannings, afin d'intégrer l'effet de falaise et le renouvellement des infrastructures de retraitement-recyclage, et d'éviter de subir les variables d'ajustement.
Nos scénarios ne sont pas figés, ils ne s'imposent pas ; nous consacrons une partie de notre rapport d'activité aux incertitudes. La courbe de consommation d'électricité s'infléchira à la hausse, on le sait, mais on ne sait pas quand : cela peut être en 2023 ou en 2026. De même, l'accélération de la production issue des énergies renouvelables n'est pas immédiate, il faut du temps entre le lancement et la connexion des installations. Par ailleurs, la production du parc nucléaire actuel - post-Grand carénage et post-corrosion sous contrainte - présente des incertitudes en matière de volume. Bref, les incertitudes sont nombreuses et il faut que la stratégie énergétique permette de gérer les écarts par rapport aux hypothèses, avec un peu de jeu ; si nous n'avions plus de jeu du tout, les variables d'ajustement seraient alors subies.
En outre, on ne doit pas oublier la question du réseau et de la planification géographique : selon les sites, les périodes de construction et les types de réacteurs, on n'aura pas besoin du même réseau. Il faut prendre ces décisions très en amont.
Sur la sécurité de l'approvisionnement, les inquiétudes exprimées dans les médias portent beaucoup sur les volumes d'électricité, mais la dimension prix est au moins aussi importante, car, si on n'a jamais encore eu de réel problème de volume pour l'instant, même si on est en situation tendue, les conséquences sur les prix sont déjà manifestes et entraînent des tensions.
Cet hiver, nous subissons trois crises imbriquées : la crise de l'approvisionnement en gaz, qui durera plusieurs années, la crise de la production nucléaire, liée à la corrosion sous contrainte, et la crise de la production hydraulique, deuxième source de production d'électricité. On oublie souvent cette source de production, qui est renouvelable et qui est source de flexibilité.
Notre analyse globale de septembre présentait trois grands scénarios. On a d'ores et déjà écarté le pire. En effet, la consommation d'électricité publiée tous les mardis soirs, retraitée des aléas météorologiques, montre une diminution de 9 % sur les quatre dernières semaines par rapport à la moyenne, sur même période, de 2014-2019. C'est considérable et ce n'était pas gagné d'avance. Quelque chose s'est donc passé. Dans le secteur industriel, l'effet de prix a joué, mais aussi la sobriété, qui n'est plus une chimère, l'effet est très net. Vu les températures actuelles, sans cette sobriété, la situation serait tout autre.
Sur le nucléaire, on est revenu sur notre courbe prévisionnelle de septembre. La situation souhaitable pour passer l'hiver, c'était une disponibilité de 41 gigawatts de production nucléaire au 1 er décembre et de 45 gigawatts début janvier. Notre production nucléaire disponible dépasse légèrement 41 gigawatts ; c'est sous les minima requis, mais c'est tout de même satisfaisant. Je remercie tous ceux qui se sont mobilisés sur la maintenance pour atteindre ce niveau. On sait quels réacteurs sont concernés. Des protocoles ont été mis en oeuvre. Il y a moins d'incertitude qu'au printemps et à l'été derniers. On n'est pas dans le bas du faisceau.
Sur l'hydraulique, la situation s'est améliorée. À la fin de l'été dernier, les niveaux de stock hydraulique étaient catastrophiques. Les stocks sont revenus à des niveaux historiques, grâce à une gestion prudente. C'est satisfaisant.
Dernier point qui fonctionne très bien : les interconnexions européennes. On nous demande souvent si les autres pays nous fourniront aussi de l'électricité. Je rappelle d'abord que ce ne sont pas les pays qui s'échangent de l'électricité, ce sont les producteurs et les fournisseurs qui s'en achètent. Par ailleurs, le système fonctionne bien, de manière très fluide, au-delà de nos prudences. On a encore exporté avant-hier de l'électricité au Royaume-Uni.
La situation exige toujours une grande vigilance, mais la période très risquée de la fin du mois de novembre, quand l'écart entre la disponibilité nucléaire projetée et la disponibilité nucléaire historique était le plus fort, est derrière nous. Il reste le mois de janvier, qui fait l'objet, comme tous les ans, d'une vigilance particulière. En matière de risque, nous avons les moyens d'éviter les coupures, les délestages, si nous maintenons les taux actuels d'économie d'énergie, qui sont importants, et si notre mobilisation est importante lors des signaux ÉcoWatt. La réaction des Français est à la hauteur de la situation, on le constate.
M. Franck Montaugé . - Monsieur Doroszczuk, vous ne souhaitez pas que le parc actuel soit la variable d'ajustement de la production électrique française. Je conclus de ces propos qu'il existe un risque que les six EPR2 projetés ne puissent être mis en service aux dates prévues, 2035 ou 2037. Dans cette situation, quelle serait la variable d'ajustement ?
Monsieur Rémont, quel est le montage financier des six ou huit EPR2 ? Créez-vous des sociétés de projet ? Qui a accès à leur capital ? Le législateur doit-il avoir sa place dans cette question ? Vous avez évoqué la révision des règles de marchés ; quelle réforme européenne serait nécessaire pour qu'EDF retrouve un modèle économique et financier équilibré à long terme ?
Sur le cycle, j'avais compris que le centre de stockage industriel en couches géologiques profondes des déchets radioactifs à haute activité et à vie longue (Cigéo) avait été conçu pour le parc actuel et l'EPR de Flamanville. Sera-t-il disponible pour les EPR2 futurs ? Sinon, quelle serait la solution ?
Sur le risque géopolitique d'approvisionnement en uranium, quelles sont les solutions de couverture des risques, indépendamment de la « prolifération » des SMR ?
M. Jean-Claude Tissot . - La mine d'uranium de Saint-Priest-la-Prugne, dans mon département, a été exploitée pendant des années. Depuis la fin de l'exploitation, les déchets radioactifs sont recouverts d'une nappe d'eau, mais cette protection atteint ses limites et, durant l'été dernier, nos craintes se sont réalisées : l'eau contaminée est passée par-dessus la digue et la station de traitement n'a pas été efficace. Monsieur Rémont, comment imaginez-vous l'aménagement de ce site pour l'après-mine ?
M. Jean-Jacques Michau . - Si je vous ai bien compris, monsieur Rémont, il restera une dizaine de réacteurs à l'arrêt au début de l'année 2023. Combien de ces arrêts sont liés à l'entretien normal - Grand carénage ou autre ? Combien le sont aux problèmes de corrosion sous contrainte ?
Comment éviter ces problèmes de corrosion sous contrainte pour les 6 à 14 réacteurs à venir ?
M. Serge Mérillou . - Ma question s'adresse au PDG d'EDF. Durant la dernière décennie, EDF a regretté, à juste titre, le manque de cap du Gouvernement sur l'énergie nucléaire. Considérez-vous que la création des 6 réacteurs soit contradictoire avec l'arrêt d'autres réacteurs ? Comment analysez-vous ce double signal, qui peut sembler contradictoire ?
Cela m'amène à la question de la mobilisation de la ressource humaine : une filière sans avenir a du mal à mobiliser des jeunes.
Un certain nombre de résultats très intéressants sur la fusion nucléaire sont parus ces derniers jours. Pourriez-vous nous en dire plus ?
Je crains que le prix de l'énergie électrique en 2023 ne crée une sobriété subie, avec un impact terrible sur l'agriculture, l'artisanat et l'industrie. Quel est votre sentiment sur ce point ?
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous pouvons avoir une pensée pour M. Bernard Bigot, qui nous avait présenté Iter lors d'une audition remarquée.
M. Daniel Salmon . - Je reviens sur la question de la crédibilité et de la sincérité de la programmation. Comment comptez-vous atteindre vos objectifs en termes de calendrier et de coûts ?
L'écart est immense avec la vitrine que devait constituer le nucléaire français grâce à l'EPR de Flamanville. Les évolutions espérées, très ambitieuses, n'ont jamais pu être constatées dans la filière industrielle nucléaire. Ne péchez-vous pas par excès d'optimisme ?
Nous savons que les cuves de l'EPR de Taishan posent des problèmes d'hydraulique. Cette question est-elle réglée ? L'EPR disposera-t-il de cuves de même type ? M. Doroszczuk a dit qu'on était plutôt là sur un prototype, une tête de série. Cela aussi doit être pris en compte dans le calendrier.
Sur la filière aval, qu'en est-il des saturations des piscines de La Hague à l'échéance de 2030, qui risquent de poser de sérieux problèmes de gestion des combustibles usés ?
Mme Amel Gacquerre . - Le coût de 3,3 milliards d'euros à 13 milliards d'euros pour le projet de Flamanville interroge. La production en série pour les 6 EPR2 annoncés est souvent évoquée pour rassurer sur une meilleure maîtrise des coûts à l'avenir. On parle notamment de 50 milliards d'euros pour trois nouvelles paires de réacteurs. Quelles seront les modalités exactes de financement ?
Il est impensable de parler de relance nucléaire sans évoquer la question des déchets ni celle du démantèlement d'installations actuelles.
S'agissant des déchets, je pense qu'un réel effort de pédagogie et de transparence est nécessaire pour rassurer nos concitoyens, très préoccupés par cette question.
Le démantèlement est une vraie question. Compte tenu du vieillissement de notre parc nucléaire, 9 réacteurs sont en cours de démantèlement. Confirmez-vous le coût de 400 millions d'euros par réacteur ? Concrètement, quel plan de déconstruction est envisagé ? À quelle échéance ?
M. Fabien Gay . - Comme pour les énergies renouvelables, on a du mal à voir avec quelles filières industrielles et avec quels métiers on va développer les choses. On sait que la filière nucléaire était peu attractive, puisqu'il n'y avait aucun projet. Quels que soient les aléas politiques qui ont conduit à cette situation, recruter et former prend du temps.
Les syndicalistes disent que, à EDF, on a des compétences, mais que la mise en oeuvre est difficile. Ils comparent EDF à un gros bateau avec beaucoup de barreurs, mais peu de rameurs. Il faut recruter de nombreuses personnes, notamment des ingénieurs - il n'y a pas que chez les soudeurs qu'il y a des difficultés. J'entends beaucoup parler d'université du nucléaire, mais cela reste pour l'instant largement hors sol, avec des formations « maison ». On est loin des écoles de métiers. Il faudra un vrai plan de formation pour mettre en oeuvre ce que nous aurons décidé.
N'est-il pas problématique de programmer la fermeture de 12 à 14 réacteurs et, dans le même temps, de se lancer dans un nouveau programme nucléaire ? Pensez-vous qu'il faudra revenir sur ces fermetures dans le projet de loi dont nous allons débattre ?
Au reste, qui va payer ? Nous devons le savoir avant l'ouverture du débat, le 17 janvier ! Quel sera précisément le montage financier ? EDF ne peut pas tout payer et, dans quinze ans, être obligée de vendre ses bijoux de famille aux acteurs privés. Si EDF paie à 100 %, il ne peut plus y avoir d'Arenh 2.0, surtout dans la situation actuelle. Ce discours était ultraminoritaire lorsque je le tenais il y a trois ans, mais la situation politique a évolué, et aujourd'hui tout le monde le dit. Je m'en réjouis, mais il faut réformer.
J'ai une vision de ce que doit être le marché européen, mais nous aurons l'occasion d'en discuter en janvier prochain.
Nous devons avoir, sur cette question, des réponses précises, qui devront figurer dans le projet de loi. Il ne faudrait pas que l'on nous reproche, dans quinze ans, de ne pas avoir été prévoyants au moment de notre vote.
Mme Sylviane Noël . - On mesure, à travers votre exposé, le travail colossal qui vous attend pour tenter de sortir notre pays de la grave crise énergétique que nous rencontrons après une série de renoncements, très emblématiques du passage d'un État stratège à un État très bavard et impotent.
Vous nous parlez de 2035 pour la mise en oeuvre de ces nouveaux réacteurs. Cela m'inquiète : comment satisfaire d'ici là nos besoins énergétiques, qui ne feront que croître ? Va-t-on devoir s'habituer à des périodes de délestage et à des coûts d'électricité difficilement supportables ?
Enfin, pouvez-vous nous expliquer pourquoi notre pays n'a pas encore réussi à obtenir la décorrélation des prix de l'électricité et du gaz, comme l'Espagne et le Portugal ont réussi à le faire ?
Mme Anne-Catherine Loisier . - Monsieur Veyrenc, vous avez évoqué la disponibilité aujourd'hui, qui, avec 41,3 gigawatts, est supérieure à celle que l'on pouvait espérer. Si les trois réacteurs que vous avez évoqués sont opérationnels d'ici à Noël, et si un autre l'est au début du mois de janvier, quelle sera la capacité disponible ?
Comment appréhendez-vous notre niveau actuel de dépendance aux compétences étrangères ? Nous avons entendu, voilà quelques jours, que des ingénieurs américains étaient mobilisés sur un certain nombre de nos sites.
Dans la même ligne, pensez-vous que le maillon des sous-traitants et des industriels de l'amont soit aujourd'hui solide et capable de répondre aux enjeux ? Sinon, que préconisez-vous ?
M. Patrick Chauvet . - Si l'on a souffert d'un manque de stratégie, je suis heureux que l'on ait maintenant une démarche prospective.
Je me réjouis également que l'on ait rappelé l'existence, en France, d'une production d'origine hydroélectrique - ce n'est pas rien.
Je suis surpris que vous n'ayez pas évoqué les nouvelles technologies, notamment le projet Iter, quand les États-Unis progressent sur le projet de fusion. Cela veut-il dire que vous n'y croyez pas ? Dans le cas contraire, nous serons très proches des échéances que vous évoquez, et, en cas de succès, cela changera la donne du programme.
M. Thomas Veyrenc. - Sur la disponibilité du nucléaire, nos prévisions ne sont pas construites réacteur par réacteur : nous estimons la disponibilité globale du parc, sur le fondement d'une vision probabiliste des aléas. Nos trajectoires ont été largement respectées au cours des trois derniers mois. On atteindra, je pense, une disponibilité de 41 ou 42 gigawatts au début du mois de janvier 2023. Bien sûr, je préférerais que l'on ait 55 gigawatts, comme c'était le cas naguère, mais notre adaptation à la situation actuelle - notre parc nucléaire qui produisait plus de 400 térawattheures n'en produira que 280 cette année - relève tout de même de la prouesse. Si nous atteignons 45 gigawatts en janvier, la situation sera meilleure que celle que nous projetions en septembre dernier.
Devrons-nous prévoir des délestages au cours des prochaines années ? Je ne crois pas, en tout cas, je ne l'espère pas. La France était un pays exportateur d'électricité et je pense qu'elle le redeviendra. Elle exportait beaucoup d'électricité, 80 térawattheures entre 2000 et 2010 et on pouvait encore exporter 50 ou 60 térawattheures il y a quelques années. Cette année, exceptionnellement, la France est importatrice d'électricité, mais elle ne devrait plus l'être en 2023 et devrait retrouver ensuite un solde positif.
Pour boucler notre trajectoire, il nous faut augmenter la production, notamment décarbonée, d'électricité, en actionnant plusieurs leviers : garder le parc nucléaire existant, donc ne pas fermer de réacteur ; permettre à notre parc de retrouver son niveau de production antérieur - je pense que l'on n'atteindra plus 400 térawattheures, mais une production de 350 térawattheures serait beaucoup plus confortable pour nous - ; et développer les énergies renouvelables. RTE a dit clairement dans son rapport sur Futurs énergétiques 2050 que, à l'horizon de 2030, le scénario le plus efficace du point de vue économique, des émissions de CO 2 et de la sécurité de l'approvisionnement sera celui qui combine le maintien du parc existant et le développement des énergies renouvelables, tout en faisant des efforts d'efficacité énergétique, voire de sobriété.
M. Guillaume Dureau. - Sur l'approvisionnement d'uranium, je rappelle que nous proposons de la fourniture d'uranium, mais qu'EDF décide ensuite souverainement de sa politique d'achat et il est de bonne politique de diversifier ses sources d'approvisionnement.
Orano a une politique volontaire de diversification des mines : nous avons des mines au Niger, au Canada, au Kazakhstan, nous mettons en place des pilotes en Mongolie et nous avons de projets miniers en Ouzbékistan. Cela couvre un spectre assez large de pays et de techniques. L'enjeu est de le développer l'outil industriel en France.
Sur le développement des métiers, tout ne se fait pas en un instant, mais il y a une volonté forte d'avancer dans la filière, au sein du Groupement des industriels français de l'énergie nucléaire (Gifen), qui a constitué une université fédérant les formations dont les donneurs d'ordre et le tissu industriel ont besoin. Nous avons besoin de « cols bleus », les soudeurs en sont un exemple, mais ce n'est pas le seul métier. Nous devons faire évoluer ces métiers pour les adapter aux connaissances du XXI e siècle ; par exemple, la radioprotection ne se fait plus de la même manière qu'il y a vingt ans. Nous avons également besoin d'ingénieurs. On cite souvent les écoles d'ingénieurs, mais on forme aussi à l'université de très bons ingénieurs, qui n'en ont pas forcément le diplôme. Un master 2 peut avoir le niveau de compétences requis et nous y avons recours.
EDF a le plan Excell ; son pendant chez Orano est le plan Boost. En tant que sponsor de ce plan, j'échange très régulièrement avec le responsable du plan Excell chez EDF. Nous avons décidé ensemble de clore le plan pour passer à la phase de déploiement, qui comprend la maîtrise des projets et qui garantit que nous n'entrions pas dans une guerre de talents entre nous. Nous devons au contraire travailler dans une concertation intelligente.
Sur la saturation des piscines de La Hague, nous tâchons de résoudre ce problème avec EDF et sous l'oeil vigilant de l'ASN. C'est une menace d'engorgement pour la filière. La première piste consiste à étudier comment densifier ces piscines. La date de 2030 a été citée, la saturation peut intervenir un peu plus tard. Nous avons un peu de temps, mais nous n'ignorons pas le sujet.
Monsieur Tissot, vous me posez une question spécifique sur le site des Bois Noirs. Je n'ai pas tous les éléments de réponse. Je n'avais pas connaissance de la lame d'eau. La station de traitement mise en place avait une efficacité de 98 % et des améliorations du procédé ont été entreprises par filtration sur zéolithes dans les grands bassins, en septembre dernier. Le passage de débordement que vous évoquez semble postérieur à cette date. Je ne sais pas exactement vous répondre. Je vous communiquerai les éléments ultérieurement.
M. François Jacq. - En complément des propos de M. Guillaume Dureau sur l'approvisionnement en uranium et notre dépendance vis-à-vis de l'étranger, je souhaite rétablir quelques ordres de grandeur sur notre consommation et notre dépendance en uranium. Des dépendances vis-à-vis de l'étranger, nous en aurons toujours, il est illusoire de penser que l'on peut viser l'autarcie. L'essentiel est de cartographier et de savoir gérer ces dépendances, sur des métaux critiques, l'uranium ou autre. Sur l'approvisionnement en uranium, l'Agence internationale de l'énergie (AIE) précise que, pour le parc mondial actuel, nous disposons de 135 années de stock, éventuellement 90 à 100 années si l'on accroît fortement le parc. Cela fixe l'horizon de temps du cycle et le moment auquel nous aurons besoin de réacteurs d'une autre nature, comme les protons rapides, qui permettrait une meilleure consommation de la matière et de ne plus dépendre de l'approvisionnement en uranium naturel. Cela n'exonère pas de s'en occuper dès maintenant, mais il faut savoir raison garder.
Je passe à la question des déchets. Vous avez raison, il faut faire de la pédagogie sur les déchets. Je suis étonné de ce point de fixation dans le public, alors que le traitement est extrêmement bien géré, avec beaucoup de rigueur, par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra). On peut expliquer aux citoyens assez facilement que le risque lié aux déchets doit être relativisé. Il en va de même avec les questions liées à Cigéo. Ce centre a des flexibilités, des inventaires permettant de traiter les marges. Ce sujet n'est pas figé, il y aura toujours de la production de déchets, mais le fait d'avoir prouvé une faisabilité, d'en avoir évalué la sûreté nous met sur la voie du traitement des déchets. Ce point ne m'inquiète pas outre mesure.
Sur les formations, un chercheur, c'est cinq ans de formation : la thèse et le post-doctorat. Donc, ne rêvons pas : il ne sera pas évident de faire des milliers de recrutements. En revanche, le fait d'avoir une perspective, de l'innovation nous permet d'attirer les jeunes.
J'en viens aux annonces du DOE de mardi dernier. Il s'agit de fusion par confinement inertiel. Ce sont des lasers ; rien à voir avec la voie d'Iter. Le National Ignition Facility (NIF) , au Lawrence Livermore National Laboratory , correspond, plus ou moins, en France, au programme Laser Mégajoule de la direction des applications militaires : il s'agit d'une installation permettant de conduire des expériences de simulation quand on ne peut plus faire d'essais d'armes nucléaires. Le NIF a obtenu un stade dit de break even : la quantité d'énergie renvoyée par une microbille de tritium deutérium a été supérieure à l'énergie envoyée. Cela ne veut pas dire que le processus est producteur d'énergie parce que, si l'on intègre toute l'énergie consommée, tout au long de la chaîne, ce n'est pas globalement positif. Ce n'est que comparé à l'énergie qui arrive sur la sphère que la production est positive. C'est une magnifique réalisation toutefois et nous en aurons des échos du côté de la direction des applications militaires, car le projet Laser Mégajoule est tout aussi excellent et devrait produire le même genre d'effets.
Je termine avec la voie dite par confinement magnétique. Il s'agit non de faire des microcibles avec des lasers, mais d'étudier des processus ayant vocation à devenir industriels plus rapidement. Il s'agit de confinement par des aimants - on rapproche les particules - dans un tokamak. Vous me demandez quand le projet Iter, ou son successeur, produira de l'énergie de fusion. Selon moi, au cours de la deuxième moitié de ce siècle, au plus tôt. M. Bernard Bigot était plus optimiste, j'ai une pensée émue pour lui, mais, pour ma part, je pense que ce sera à la fin du siècle.
M. Bernard Doroszczuk. - Monsieur Salmon, nous avons demandé à EDF de tenir compte, pour l'EPR2, du retour d'expérience de l'EPR de Taishan sur le combustible et l'hydraulique dans la cuve.
Sur la saturation des piscines d'entreposage de La Hague, tout passera par l'anticipation, c'est le mot clef. Ce phénomène était anticipé depuis plus de dix ans. La nécessité de prévoir un projet complémentaire développé par EDF, avec une piscine centralisée, était prescrite par voie réglementaire. Les échéances n'ont pas été respectées. Aujourd'hui, le projet connaît des difficultés et il ne sera pas disponible avant 2034, alors que les piscines seront saturées avant 2030, peut-être en 2029. Il faudra donc gérer la période 2029-2034. Nous travaillons donc sur les demandes d'Orano pour pouvoir densifier les piscines actuelles, afin de trouver une parade. Cela illustre parfaitement l'enjeu de l'anticipation.
Monsieur Montaugé, j'évoquais le risque d'avoir la prolongation des réacteurs actuels comme variable d'ajustement ; c'est, là encore, un défaut d'anticipation. Nous devons absolument programmer rapidement les opérations de toute nature requises pour passer la période 2022-2035 - l'augmentation des besoins en énergie électrique sans projet nucléaire nouveau - et la période au-delà de 2035, notamment l'effet falaise : les réacteurs actuels s'arrêteront bien un jour et 75 % d'entre eux ont été construits sur une période de dix ans. Aussi, sur une période de dix ans, ces 75 % s'arrêteront.
M. Franck Montaugé . - Sommes-nous certains de la disponibilité des EPR2 en 2035 ou 2037 ?
M. Bernard Doroszczuk. - On n'est sûr de rien. On n'a rien démontré à ce stade, mais je ne dis pas non plus qu'il est impossible de poursuivre l'exploitation des réacteurs actuels au-delà de cinquante ou soixante ans. Pour l'instant, nous nous sommes limités à autoriser une exploitation jusqu'à l'échéance de cinquante ans, car c'était ce qui nous était demandé. Toutefois, pour se projeter au-delà, il faut s'en préoccuper maintenant, car la hauteur de la marche est considérable. Il faut avoir une vision planifiée, qui n'inclut pas que le nucléaire, mais qui intègre aussi le renouvelable, l'efficacité énergétique, etc. C'est indispensable.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Personne ne coordonne tout cela ?
M. Bernard Doroszczuk . - Monsieur Michau, vous soulevez la question des réacteurs souffrant de corrosion sous contrainte. La corrosion sous contrainte est un sujet sérieux, mais traité très sérieusement par EDF. Les décisions prises au premier semestre 2022 ont été lourdes de conséquences sur la disponibilité du parc, mais elles étaient indispensables. Il n'y avait aucun moyen de savoir où étaient les fissurations, quelle était la faille, ni la matière de les traiter. Il n'existait aucun retour d'expérience international permettant de faire autrement. Nous disposons maintenant d'une analyse étayée, sur le fondement de laquelle nous avons accepté la priorisation proposée. La priorité porte sur 16 réacteurs et certains d'entre eux ont déjà été mis à l'arrêt et réparés. Ce problème n'explique donc pas toute l'indisponibilité des réacteurs. Ces 16 réacteurs - les 4 réacteurs N4 et les 12 réacteurs du palier P'4 - doivent être réparés par EDF à l'occasion des arrêts programmés d'ici à fin 2023. Telle est la stratégie d'EDF.
Monsieur Tissot, je confirme les propos de François Jacq : on n'évitera jamais les déchets. Je confirme aussi que nous n'avons pas à rougir de notre gestion des déchets, nous ne souffrons pas de la comparaison avec le reste du monde. Nous nous attirons plutôt les louanges de l'AIEA sur notre gestion des déchets. Pour le projet Cigéo, nous sommes parmi les pays du monde les plus avancés pour trouver une solution à ce problème.
Cela illustre bien le fait que, dans vos discussions, vous devez avoir une approche systémique : nous sommes face à un système, on ne peut pas séparer la production électronucléaire de l'aval ni de l'amont du cycle, ni non plus de la gestion des déchets. C'est l'ensemble du système qui doit faire l'objet d'une vision intégrée et d'une programmation.
Mme Marie-Noëlle Lienemann . - Personne n'en est chargé, c'est terrifiant...
M. Luc Rémont. - Sur le risque que les EPR 2 ne soient pas prêts à temps et que le parc actuel soit la variable d'ajustement, je vais répéter les propos du président Doroszczuk : nous devons aborder la prolongation de la durée de vie du parc avec un prisme industriel et une vision de la sûreté. Nous apprenons énormément en travaillant sur la corrosion sous contrainte, un phénomène inattendu, en examinant l'état des tuyauteries et des soudures. Nous aborderons donc les visites décennales suivantes forts de ces leçons. L'objectif est de convaincre d'abord nous-mêmes puis l'ASN de la possibilité de prolonger au-delà de cinquante ans l'exploitation des réacteurs existants, car c'est l'intérêt du pays. Je ne vois pas, à ce stade, de raison de ne pas pouvoir aller au-delà de cinquante ans, comme les Américains l'ont fait sur des réacteurs de conception proche, à condition d'étudier cela de façon systémique.
Néanmoins, il est indispensable d'aller le plus vite possible sur la construction d'un parc neuf, parce que la consommation électrique augmente et parce que, quand notre parc nucléaire n'est pas en mesure de produire au maximum de ses capacités, la stabilité de l'ensemble de notre production électrique ne suffit pas à assurer notre autosuffisance, ce qui nous contraint à importer.
Le législateur a-t-il une place dans la définition du montage financier ? Soyons clairs, à la fin, il n'y a que deux personnes qui peuvent payer : le client - ou usager, selon la terminologie que l'on choisit - et le contribuable.
M. Jean-Claude Tissot . - Ce sont les mêmes !
M. Luc Rémont . - Non : le client veut des mégwattheures en échange, il paie pour un service. Le contribuable vous délègue la faculté de décider à sa place l'usage des sommes collectées. EDF vend un service à ses clients et elle souhaite vendre un service au prix correspondant aux coûts engagés sur la durée, ce qui doit inclure les coûts complets du cycle et du renouvellement. Peut-elle le faire dans l'état actuel du droit ? Non.
M. Fabien Gay . - Alors, il faut le dire !
M. Luc Rémont. - Mais je le dis. C'est un des sujets sur lesquels nous devons travailler. J'ai commencé à le faire, mais je ne suis là que depuis trois semaines, il me faut encore un peu de temps pour faire évoluer les règles de marché dans cette voie, de concert avec les autorités gouvernementales et communautaires.
Du reste, cela peut ne pas suffire. Il y a d'autres industries énergétiques qui ne trouvent pas leur financement complet au travers de leurs ventes ; ils recourent donc au soutien public, comme les énergies renouvelables, mais également les centrales à gaz. Le fait d'avoir un modèle économique qui soit le plus proche possible du coût complet peut ne pas suffire dans le dispositif de financement, auquel cas, il faudra définir un dispositif qui permette de le compléter, par des garanties ou par des financements publics, comme cela existe dans d'autres pays.
Nous avons d'ailleurs récemment conclu un accord sur le projet Sizewell, avec un dispositif de financement accompagné par les autorités britanniques. C'est l'ensemble de ce dispositif qu'il nous faudra élaborer, mais il nous reste un peu de temps puisque nous sommes à plus d'une année de la décision finale d'investissement.
Quelles réformes de marché faut-il prévoir ? Le marché d'aujourd'hui a des qualités : il permet notamment l'équilibre de court terme. Mais il a aussi des défauts, mis en lumière par la situation de crise énergétique à l'échelle européenne. Tout d'abord, le couplage gaz-électricité induit une hyper volatilité des prix de l'électricité. Ensuite, dans la mesure où le marché est orienté vers le court terme, il ne donne pas de signal d'investissement et il ne permet pas d'établir un équilibre de long terme entre des producteurs et des clients finaux. Il revient aux autorités gouvernementales de définir les règles de marché à l'échelle communautaire - je sais que le gouvernement français y travaille très activement. Il faudrait, selon moi, mettre davantage l'accent sur la faculté de conclure des contrats de long terme à la place d'une régulation qui oblige l'exploitant nucléaire à vendre sa production à un prix fixé de façon administrative. C'est sur cet axe-là qu'il faudrait, à mon sens, forger les futures règles de marché.
Je ne reviens pas sur Cigéo, largement évoqué par François Jacq, ni sur le risque géopolitique puisque Guillaume Dureau vous a répondu. J'ajoute simplement que la stratégie d'approvisionnement d'EDF repose très fortement sur une collaboration étroite avec Orano, mais pas uniquement. Nous avons aussi une stratégie de contrats de long terme et de sources diversifiées d'approvisionnement afin de limiter nos risques, comme le ferait n'importe quel industriel.
M. Michau m'a demandé combien de réacteurs seraient à l'arrêt début 2023. Aujourd'hui, quinze réacteurs sont en arrêt pour travaux, dont huit en arrêt programmé au titre des visites décennales et des visites périodiques. Six réacteurs sont encore en travaux dans le cadre de la corrosion sous contrainte. Ces travaux vont se poursuivre dans les semaines et les mois qui viennent, même si nous essayons de faire le plus vite possible. Par ailleurs, le réacteur de Flamanville 1 fait encore l'objet de contrôles dans le cadre de la corrosion sous contrainte. En janvier, la vie du parc va continuer : un certain nombre de réacteurs vont être rattrapés par les besoins qu'il s'agisse de rechargement de combustible, de visites périodiques, de visites décennales, etc. Je ne suis donc pas en train de vous dire que nous allons raccorder tous les réacteurs au fur et à mesure. L'objectif est simplement d'atteindre en janvier une disponibilité de 45 gigawatts.
Vous m'avez questionné sur la sobriété. Le prix de l'électricité est certes un élément déterminant pour les clients, mais tous, selon leur catégorie, n'ont pas la même réaction face à l'augmentation des prix. Pour autant, les particuliers ont suivi de façon assez remarquable les différents appels à la sobriété qui ont été lancés. Ils ont ainsi massivement contribué au fait que nous soyons aujourd'hui en situation d'équilibre. S'agissant des entreprises, je suis extrêmement sensible - je l'avais déjà précisé lors de mon audition - à l'impact qu'ont les prix sur certaines d'entre elles. Nous avons exécuté le plus vite possible les dispositions décidées par le Gouvernement pour mettre en place des amortisseurs sur les prix. Quoi qu'il en soit, la logique de sobriété devra être respectée tout l'hiver même si nous sommes en train de discuter de règles de marché pour calmer la volatilité des prix.
Pour ce qui concerne EDF, si nous étions autorisés à conclure avec la plupart de nos clients des contrats de long terme compatibles avec le coût complet du renouvellement de notre parc, nous serions très en dessous des prix du marché actuel. Mais il faudrait que les règles de marché nous le permettent, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
En réponse à M. Salmon, je reprends à mon compte les propos de M. Bernard Doroszczuk sur les conclusions tirées de Taishan. J'ajoute que pour la partie combustible et assemblage, nous en avons tiré les conséquences dès Flamanville 3. Pour l'EPR2, cela se fera directement sur le circuit hydraulique.
En ce qui concerne l'aval et la saturation des piscines de La Hague, je souscris à la réponse de M. Guillaume Dureau. Nous travaillons main dans la main avec l'ASN et Orano pour trouver une solution. J'ajoute que je me suis rendu dès ma prise de fonction auprès des élus de la Manche pour discuter avec eux de ce sujet, après avoir visité Flamanville 3.
Mme Gacquerre a soulevé la question des modalités de financement. Il va falloir me laisser encore un peu de temps, mais je prends l'engagement de revenir devant vous dès qu'un dispositif sera complètement instruit. Sur la gestion des déchets, je partage les propos de mes collègues : il s'agit effectivement d'un élément clé de l'ensemble du cycle. L'économie du futur du nucléaire devra absolument intégrer l'aval du cycle. En ce qui concerne les démantèlements, neuf réacteurs sont en cours de démantèlement. Je ne peux pas vous confirmer le chiffre que vous citez de 400 millions d'euros par réacteur, car EDF révise régulièrement ses coûts. Nous commençons à démanteler les premiers réacteurs à eau pressurisée. Nous pouvons aussi tirer les leçons de ces premiers démantèlements pour optimiser les procédures et amener l'exercice au bon niveau de maîtrise industrielle.
J'espère avoir répondu à la question de savoir qui allait payer, posée par M. Gay. L'attractivité de la filière nucléaire est un sujet absolument essentiel. Pour m'être beaucoup déplacé sur le terrain, je ne suis pas inquiet en termes de qualité des compétences. Nous avons en revanche un problème de quantité, car la filière n'a pas construit depuis longtemps de façon industrielle. Notre pays s'est également un petit peu contracté sur les métiers techniques en général. Par ailleurs, nous allons avoir besoin de beaucoup de main-d'oeuvre. C'est le cas temporairement aujourd'hui à cause de la corrosion sous contrainte, mais ce sera aussi le cas demain où nous devrons cumuler à la fois la construction neuve et les travaux de maintenance du parc, qui sont aussi compliqués à mettre en oeuvre que la construction neuve. Nos besoins vont donc croître massivement, même par rapport à ce que nous avons connu lors de la construction neuve du premier parc. L'effet démographique se fera sentir sur tous les métiers techniques lesquels sont tous d'égale importance. Voilà ce qui nous attend pour les deux prochaines décennies. Nous le prenons comme un plan industriel, nous allons continuer à engager des initiatives. L'école des métiers, par exemple, que certains ont évoquée, est un concept dans lequel je crois.
Enfin, nous sommes un grand pays, mais notre population n'est pas non plus infinie. Lorsqu'EDF continue de faire des projets à l'étranger, c'est aussi pour étendre notre bassin d'emplois, notamment au moment des pics. Nous n'allons pas avoir affaire à un plateau uniforme pendant vingt ans et nous aurons besoin, sur des périodes limitées, à toutes les compétences possibles.
Mme Noël m'a demandé comment remplir les besoins énergétiques d'ici à l'arrivée des nouveaux réacteurs. Nous avons d'autres investissements que le nucléaire, comme l'a précisé Thomas Veyrenc. Peu importe de savoir quel sera modèle le plus exact à vingt ans, car si l'on procède ainsi on est sûr de se tromper ! Ce qui compte, c'est d'avoir une carte des possibilités, comme le propose RTE. À nous d'apprendre à naviguer au sein de cette carte en fonction de ce que nous parviendrons à faire dans toutes les technologies. Ma seule certitude à ce stade, compte tenu des besoins de décarbonation, c'est qu'il nous faut faire tout ce que nous pouvons le plus vite possible. Toutes les technologies n'ont pas le même temps. Le temps du nucléaire est le plus long, d'où l'objet de votre projet de loi qui permet de le comprimer le plus possible pour la partie autorisations et préchantiers. Nous essayons d'en faire autant pour la partie chantiers, mises en service, etc.
J'ai répondu à la question de Mme Loisier sur notre dépendance aux compétences étrangères. En ce qui concerne la qualité de la filière sous-traitance, ma réponse sur les compétences au sein d'EDF vaut pour toute la filière. Nous avons une filière de qualité, le problème porte plutôt, encore une fois, sur la quantité si nous voulons être capables de répondre aux enjeux d'avenir.
M. Chauvet a obtenu de mes collègues une réponse assez précise sur l'arrivée de nouvelles technologies. J'y crois moi-même beaucoup. Je viens d'une entreprise de technologie, il ne faut surtout pas que nous sous-estimions ce que la technologie peut continuer de nous apporter. François Jacq a parlé de stockage, de nouveaux types de réacteurs, de gestion intelligente des réseaux : ce sont autant d'éléments clés sur lesquels nous travaillons main dans la main avec le CEA.
Mme Sophie Primas , présidente . - Il me reste à vous remercier tous les cinq de cette audition certes un peu longue, mais qui méritait le temps que nous lui avons consacré.
Audition de
Mme Agnès Pannier-Runacher,
ministre de la transition
énergétique
(Mardi 10 janvier 2023)
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques. - Madame la ministre, mes chers collègues de la commission des affaires économiques et de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, permettez-moi au préalable de vous adresser tous mes voeux pour cette nouvelle année.
Je remercie Mme la ministre chargée de la transition énergétique de nous présenter aujourd'hui le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes, dont l'examen a été confié à notre rapporteur Daniel Gremillet, président du groupe d'études « Énergie ».
Je remercie vivement de leur présence nos collègues Jean-François Longeot, président de la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, avec laquelle nous conduisons conjointement cette audition, et Pascal Martin, rapporteur pour avis, qui devront toutefois quitter l'audition à 9 heures, en raison de leur propre ordre du jour.
Nous terminerons l'audition de Mme la ministre vers 9 heures 45 ; les questions seront limitées à une minute par orateur.
Madame la ministre, les dispositions du texte que le Sénat s'apprête à examiner visent avant tout la simplification normative. Or les enjeux sont bien plus nombreux, puisque la relance du nucléaire concerne la planification, le financement, la formation, la recherche, la sûreté, la sécurité, ou encore le cycle du combustible. C'est l'un des enseignements de notre table ronde sur la relance du nucléaire, tenue en décembre dernier.
Dans ces conditions, à quelle date le Gouvernement prévoit-il de lancer la construction de nouveaux réacteurs ? De plus, pourquoi le Gouvernement n'abroge-t-il pas les dispositions règlementaires, désormais obsolètes, de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), qui prévoit toujours la fermeture de douze réacteurs, hors ceux de Fessenheim ?
Il existe dans l'Union européenne des financements par fonds propres, par emprunt, par prix régulé ou encore par participations de consommateurs électro-intensifs : quel modèle de financement a la préférence du Gouvernement ?
Par ailleurs, la filière a conduit un effort de redressement, au travers du plan Excell d'EDF ou du plan Boost d'Orano : la formation ne devrait-elle pas être davantage soutenue par l'État ?
La relance du nucléaire n'impose-t-elle pas de revaloriser les moyens de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et du Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ?
Par ailleurs, quand l'État décidera-t-il de pérenniser les installations de retraitement-recyclage, qui arriveront à leur cinquantième année de fonctionnement au cours de la décennie 2040 ? Pourquoi ne pas avoir évalué l'impact de la construction de quatorze EPR2 - European Pressurized Reactors 2 -, et non de six, sur les installations de stockage gérées par l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) ?
M. Jean-François Longeot , président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je suis heureux que nous puissions nous retrouver pour cette audition conjointe sur un sujet cher à nombre de sénateurs.
Depuis le début de l'année, nos deux commissions ont été mobilisées - chacune dans leur domaine de compétences - par l'importante séquence parlementaire consacrée à notre politique énergétique, qui a débuté avec l'examen projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, et se poursuit avec ce texte, sur lequel reviendront les rapporteurs dans leur présentation.
L'annonce de la relance de la filière nucléaire par le Président de la République rompt avec près d'une décennie d'atermoiements. L'actuel projet de loi suscite certaines frustrations. Madame la ministre, pourriez-vous préciser le calendrier prévisionnel du Gouvernement pour l'examen du projet de loi de programmation sur l'énergie et le climat (LPEC) ? Pouvez-vous rappeler le montant des investissements prévus par le plan France Relance et le plan France 2030 pour soutenir les filières industrielles qui participeront à la construction des nouveaux réacteurs ? Enfin, quels sont précisément vos objectifs en matière de gestion des compétences et des emplois pour la filière industrielle ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique . - Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous présente mes meilleurs voeux pour cette année 2023, qui s'ouvre de la meilleure des manières avec l'examen de ce texte important.
Ce projet de loi vise à accélérer les procédures administratives de construction de nouveaux réacteurs électronucléaires en France afin de raccourcir les délais de réalisation de ces projets et à baisser leur coût, en réduisant la capitalisation d'intérêt et la prime de risque. Pour rappel, les charges de capital peuvent représenter, pour un projet de nouveau nucléaire, plus de 50 % du coût complet de l'électricité.
Le projet de loi s'inscrit dans le contexte de l'urgence de la crise climatique, qui menace nos écosystèmes, nos sociétés et l'avenir de nos enfants. Cette crise doit nous conduire à réduire drastiquement et durablement nos émissions de gaz à effet de serre (GES) pour atteindre la neutralité carbone d'ici à 2050.
Il s'inscrit également dans le contexte de la crise énergétique que connaissent notre pays et notre continent depuis l'année dernière. La guerre en Ukraine remet profondément en cause notre approvisionnement et fragilise notre économie. Ces deux crises ont la même cause : notre dépendance aux énergies fossiles, qu'il s'agisse du gaz, du charbon ou du pétrole.
C'est la raison pour laquelle l'ambition du Président de la République et de la Première ministre est de faire de la France le premier grand pays industriel à sortir de cette dépendance aux énergies fossiles. C'est impératif pour le climat, pour le pouvoir d'achat des Français, pour la capacité d'investissement de nos collectivités territoriales, pour la compétitivité de nos entreprises et pour notre indépendance énergétique, liée à l'indépendance politique.
Notre stratégie pour sortir des énergies fossiles repose, vous le savez bien, sur quatre piliers : la sobriété et l'efficacité énergétiques - la consommation a réduit de 8,5 % depuis le lancement du plan « Sobriété » en octobre 2022 -, l'augmentation drastique de notre production d'énergie décarbonée, les énergies renouvelables et la relance d'un programme nucléaire. Le Gouvernement recommande la construction d'EPR2 et la prolongation des réacteurs en exercice. D'ailleurs, nombre de nos partenaires européens - la République tchèque, la Finlande, les Pays-Bas, la Roumanie, ou encore la Suède - ont manifesté leur souhait de se doter de nouvelles capacités de production nucléaire ou de prolonger l'utilisation de leurs capacités nucléaires existantes, tout en misant sur les énergies renouvelables.
Le projet de loi introduit un cadre d'accélération du processus d'autorisations administratives pour les futurs projets nucléaires, mais ne vise pas à décider de la place de l'énergie nucléaire dans le mix énergétique français, ni des détails d'un programme de nouveau nucléaire. Ce n'est pas un texte de programmation énergétique. Ces aspects seront traités d'abord lors de la grande concertation qui sera conclue, du 19 au 22 janvier 2023, par un forum des jeunesses réunissant 200 jeunes de 18 à 35 ans, et dont la Commission nationale du débat public (CNDP) restituera les travaux. Ensuite, ils feront l'objet d'une étude en vue d'un projet de loi qui sera présenté, je l'espère, au Parlement au mois de juin prochain.
Cette programmation pluriannuelle de l'énergie abordera la question de notre mix énergétique et le dimensionnement du programme nucléaire - le Président de la République a annoncé la création de quatorze EPR2, ce qui correspond aux capacités indiquées par la filière d'ici 2050. Nous avons lancé la construction de six premiers EPR2 et lancé une étude pour l'installation de huit autres.
L'accélération et la sécurisation juridique permises par ce texte tendront également à ne pas compliquer les procédures administratives pour garantir la construction des réacteurs nucléaires à horizon 2035-2037. Le texte permettra également de réduire le coût complet de l'électricité et de sécuriser juridiquement ces processus.
Notre stratégie énergétique et climatique ne repose pas sur la perte de compétitivité de notre économie ni sur la décroissance. De plus, le coût de l'énergie nucléaire produite par ce nouveau programme doit être compétitif. Aujourd'hui, le coût de sortie des énergies renouvelables est compris entre 40 et 60 euros, par exemple, pour le photovoltaïque et les éoliennes marines. Il faudrait tendre vers ce niveau de prix pour le nucléaire. Sur la partie existante, et donc déjà amortie, du nucléaire, la Cour des comptes a estimé qu'un prix de 49 euros n'était pas déraisonnable.
Le texte ne modifie ni le processus d'autorisation environnementale ni le processus d'autorisation de création, qui traitent des enjeux de sûreté nucléaire. Ces deux autorisations restent en place, de la même manière que les deux enquêtes publiques préalables.
Le texte ne modifie pas non plus le processus de débat public, qui se fait sous l'égide de la CNDP avant tout projet. Il n'interfère donc pas sur le déroulement du débat relatif à la construction d'une première paire de réacteurs EPR2 à Penly, qui a été lancé le 27 octobre 2022 et qui s'achèvera le 27 février 2023.
Enfin, ce cadre d'accélération ne s'applique que pour les projets de construction de réacteurs nucléaires qui produisent de l'électricité, qui sont localisés à proximité du périmètre de sites nucléaires existants, et dont la demande d'autorisation de création est déposée dans les quinze ans qui suivent la promulgation du présent projet de loi. Cela permet d'éviter la création de nouveaux sites nucléaires isolés sur le territoire et d'être compatible avec la relance de notre politique électronucléaire, sans verrouiller les orientations en matière de technologie de réacteur.
Le nucléaire demande du temps et de l'anticipation : la durée de quinze ans semble correcte pour mettre en oeuvre l'ambition, fixée par le Président de la République, de construire six réacteurs et de lancer les études pour les huit autres. Ainsi, le texte ne tend pas à cranter la technologie des réacteurs, bien que le Gouvernement souhaite recourir à la technologie EPR2, qui est actuellement disponible.
Une fois ces précisions apportées, je tiens à vous exposer le contenu du projet de loi.
Tout d'abord, ce texte rend possible la mise en compatibilité des documents locaux d'urbanisme, car les procédures actuelles sont incompatibles avec la complexité d'un projet de réacteur électronucléaire, et leur nécessaire mise à jour conduirait à augmenter de plusieurs années la durée de construction. Il vise également à réduire le risque juridique des projets.
Ce projet de loi a ensuite pour objet de garantir le contrôle de la conformité au respect des règles d'urbanisme, tout en dispensant de permis de construire les installations et les travaux portant sur la création d'un réacteur électronucléaire et des équipements et installations nécessaires à son exploitation. Cela permet de limiter les contentieux sur la forme, tout en laissant possible celui sur le fond.
À compter de l'obtention de la première autorisation environnementale, le texte garantit également l'instruction de l'autorisation de création et, en parallèle, les activités relatives aux constructions, aménagements, installations et travaux préalables liés aux projets de réacteurs nucléaires. Ces activités recouvrent, par exemple, les travaux de terrassement ou de construction des bureaux, clôtures et parkings nécessaires au chantier. Les activités liées à la spécificité du nucléaire - la construction de bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires, par exemple - ne débuteront que si elles ont obtenu l'autorisation de création.
Sans rentrer dans le détail de toutes les dispositions de ce projet de loi très technique, j'indique que certaines d'entre elles tendent à modifier la loi Littoral, à l'instar des mesures propres au projet de construction de la première paire d'EPR2 à Penly et de la deuxième paire à Gravelines.
Le texte contient également des mesures d'expropriation pour les projets de réacteurs électronucléaires reconnus d'utilité publique, à l'instar des dispositions prises pour les Jeux Olympiques de Paris 2024.
Ce texte rassemble, dans différents articles, la gestion des autorisations nécessaires à la réalisation du projet dans les mains du Gouvernement afin d'en renforcer le pilotage. L'octroi de ces autorisations par décret sécurise juridiquement le projet ; les contentieux sont gérés directement par le Conseil d'État en premier et en dernier ressort.
De manière plus subsidiaire, ce texte vise à sécuriser certaines procédures administratives relatives à la prolongation des réacteurs nucléaires existants, et clarifie la procédure de réexamen périodique des réacteurs électronucléaires, qui a lieu tous les dix ans.
Nos réacteurs nucléaires ont été construits pour quarante ans, nous avons décidé de les prolonger jusqu'à cinquante ans. Si nous souhaitons les prolonger de nouveau - l'échéance arrivera en 2035 -, ils devront passer une visite exigeante, pour garantir toute la sécurité. Sur le décret de l'actuelle PPE, vous aurez l'occasion de l'ajuster dans quelques mois. Il n'y a pas de difficulté sur le chemin critique de ces décisions.
Enfin, le texte vise à ratifier l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire et à corriger certaines incohérences sur la caractérisation d'un arrêt définitif de réacteur, au regard du retour d'expérience de certains arrêts longs résultants de difficultés techniques, comme à Flamanville.
Sur la date de lancement de nouveaux réacteurs, la décision appartient au Parlement, qui se prononcera lors de l'examen du projet de la loi sur l'énergie et le climat à l'été prochain, mais le Gouvernement a déjà anticipé la modernisation des procédures administratives d'installation de réacteurs nucléaires. Le programme des fermetures prévues par la PPE sera également revu à cette occasion. Je serai très claire : le Gouvernement se donne les moyens de prolonger les réacteurs nucléaires le plus longtemps possible.
Sur la question du mode de financement, nous n'avons pas encore arbitré celui que nous choisirons. L'enjeu sera celui de la régulation, dans le cadre du fonctionnement du marché de l'électricité européen.
Au sujet de la formation, le Gouvernement accompagne l'effort de la filière nucléaire qui a signé, en 2019, un contrat stratégique qui était doté d'un volet formation important, par ailleurs accompagné par les plans France Relance et France 2030. D'ailleurs, le Gouvernement a validé un projet de 40 millions d'euros de soutien aux formations nucléaires, afin de venir en appui aux projets menés à Penly et Gravelines.
Par ailleurs, les décisions relatives à la pérennisation des installations de recyclage seront abordées lors du prochain comité de politique nucléaire, qui se tiendra au début du mois de février prochain.
Enfin, le plan France Relance consacre 470 millions d'euros à la mise à niveau de la filière nucléaire, notamment sur la digitalisation des entreprises de la sous-traitance, et le plan France 2030 attribue 2 milliards d'euros à l'innovation, à la recherche et au développement (R&D) et à la réindustrialisation, pour des projets relatifs aux Small Modular Reactors (SMR) et aux enjeux du combustible.
M. Daniel Gremillet , rapporteur de la commission des affaires économiques. - Je salue la présence du rapporteur pour avis Pascal Martin avec qui je conduis actuellement mes travaux préalables.
Les auditions que j'ai menées ont permis d'entendre cents personnalités à l'occasion de cinquante auditions. Je retiens de ces échanges un large consensus sur l'objet du texte, qui permettrait des gains de temps substantiels, mais aussi des critiques sur la méthode utilisée par le Gouvernement, qui légifère dans le désordre. Il aurait en effet fallu soumettre à l'examen parlementaire la loi de programmation de l'énergie, puis celle sur le nucléaire, et enfin celle sur le renouvelable. Dans cet ordre. De plus, le Gouvernement légifère sans cesse : nous en sommes au troisième texte énergétique depuis juillet, avec les lois sur le pouvoir d'achat, le renouvelable et le nucléaire. Le Gouvernement légifère dans la précipitation, omettant la tenue d'un débat public en cours. Enfin, il légifère sur la simplification, sans répondre aux autres enjeux soulevés par la Présidente.
Face à ces difficultés, je souhaiterais votre éclairage sur plusieurs points.
En ce qui concerne l'article 1 er , le champ de la relance du nucléaire ne pourrait-il pas être étendu ? Les professionnels nous ont indiqué que le délai de quinze ans était un peu juste pour réaliser le programme complet de quatorze EPR2. Par ailleurs, ne pourrait-on pas prévoir une plus grande neutralité technologique du texte, qui semble focalisé sur les EPR2, au détriment des SMR, des électrolyseurs d'hydrogène ou des réacteurs de quatrième génération ?
S'agissant des articles 2 et 3, entendez-vous consolider une forme de pilotage interne spécifique aux procédures d'urbanisme, pour mieux coordonner l'ensemble ? Prévoyez-vous d'augmenter les moyens ou les effectifs des administrations concernées, afin de garantir que les délais d'instruction ne soient pas un frein à la relance du nucléaire ?
Sur l'article 4, pourrions-nous préciser la définition actuelle des travaux - selon qu'ils puissent être anticipés ou non -, en permettant à l'ASN de donner un avis, pour prévenir tout risque relatif à la sûreté ? Par ailleurs, ne devrions-nous pas compléter les garanties prévues pour l'étude d'impact et pour l'enquête publique, qui sont lacunaires ?
Les articles 5 et 6, visant à faciliter la construction de réacteurs sur la façade maritime, dérogent à la loi « Littoral ». Si je comprends bien tout l'intérêt pour l'exploitant et les collectivités territoriales concernées de bénéficier de ces facilitateurs, pensez-vous que ce projet de loi s'attaque suffisamment à la question des risques littoraux et de la vulnérabilité face aux aléas climatiques ? Est-ce qu'il n'y aurait pas des marges de manoeuvre supplémentaires sur ce point, afin d'accélérer la production d'électricité nucléaire, tout en tirant les conséquences du changement d'époque dans lequel nous nous trouvons ?
La nécessité de libérer du foncier, prévue par la procédure d'expropriation d'extrême urgence de l'article 7, est légitime. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue les garanties, constitutionnelles, du droit de propriété. Pourquoi ne pas avoir repris les mêmes mesures que celles qui sont prévues pour le projet de l' International Thermonuclear Experimental Reactor (Iter), en matière de relogement des occupants ou d'indemnisation des commerçants ? De plus, ne pourrions-nous pas préférer une expropriation simple, à une expropriation d'extrême urgence ; pour les installations liées à l'exploitation et aux ouvrages de raccordement ?
En ce qui concerne l'article 9, relatif aux modalités de réalisation du réexamen décennal, ne devrions-nous pas maintenir le principe d'un rapport intermédiaire, quitte à ajuster son objet, de manière à prévoir un point d'étape entre l'exploitant et l'ASN ? Par ailleurs, ne faudrait-il pas clarifier les conditions dans lesquelles une modification peut être soumise à déclaration ou à autorisation, selon qu'elle soit notable ou substantielle ? Enfin, l'essentiel n'est-il pas oublié, à savoir la résilience des réacteurs au changement climatique dans la démonstration de sûreté ?
En ce qui concerne l'article 10, relatif à la mise à l'arrêt définitif des réacteurs, les délais prévus n'appellent-ils pas à être clarifiés, pour faire prévaloir le délai fixé par la puissance publique dans le décret, à celui qui est proposé par l'exploitant dans la déclaration ?
Enfin, à propos de l'article 11, quel est votre avis sur le souhait de l'ASN de déléguer davantage de pouvoirs de sanctions à sa commission ?
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Le projet de loi qui nous est soumis permettra d'accélérer les procédures d'urbanisme et d'environnement nécessaires à la construction de nouveaux réacteurs EPR2 - le gain serait évalué à plusieurs mois, si l'on prend en compte les mesures réduisant les contentieux potentiels. Quels seront les délais d'instruction des autorisations de création, sous l'égide de l'ASN, et quels seront vos objectifs précis de mise en service de vos premières paires d'EPR2 ?
Par ailleurs, les moyens humains de l'ASN vous semblent-ils adaptés au nombre des demandes d'instruction qui va augmenter sous l'effet des nouveaux projets EPR2 ?
Enfin, la notion de « proximité immédiate », inscrite à l'article 1 er du texte, pourrait être précisée, à partir du périmètre actuel des plans particuliers d'intervention (PPI). La définition retenue dans le projet de loi paraît trop imprécise et serait source de contentieux. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce que vous comptez inscrire dans le décret en Conseil d'État, prévu à l'article 8 du texte, et qui a pour objet de définir plus précisément cette notion ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Monsieur le rapporteur Gremillet, le texte ne se focalise pas sur les EPR2 - il ne cite aucune technologie particulière -, mais concerne l'ensemble des réacteurs qui produisent de l'électricité.
Sur la question de la méthode, le Gouvernement souhaite respecter la chronologie des débats publics lancés par la CNDP, relatifs au mix énergétique et à la construction d'un nouveau programme de réacteurs. Nous anticipons le vote du Parlement sur leur construction en mettant à jour l'ensemble des procédures administratives afin de tenir les délais de construction. Gouverner, c'est prévoir ! La durée de quinze ans renvoie au délai pour déposer les autorisations et non pour construire les réacteurs.
La distinction des travaux entre ceux qui relèvent du coeur du réacteur et les autres - parkings, bureaux, etc. - pourrait être clarifiée, mais l'avis de l'ASN serait une charge supplémentaire inutile, car elle a d'autres missions que de se préoccuper de parkings... Cela retarderait et complexifierait le projet.
Les risques littoraux sont bien pris en compte dans le plan d'adaptation au changement climatique d'EDF. À très court terme, c'est la mise à niveau des réseaux de transport qui doit retenir notre attention, car les variations de température et les aléas climatiques peuvent avoir des effets importants sur les postes sources. De gros travaux ont déjà été réalisés sur les installations nucléaires, à la suite de la catastrophe de Fukushima.
J'entends votre question sur l'expropriation, et nous y apporterons une réponse.
Sur la question du rapport intermédiaire de l'article 10, il me semble que dans cinq ans, nous aurons encore trop peu de recul. Je le redis, en matière de nucléaire, c'est l'échelle du temps long qui compte. De plus, les dossiers de création tiennent bien compte, dans l'analyse de la sûreté, du sujet du changement climatique.
Sur la suggestion de l'ASN à l'article 11, la question des sanctions me semble opportune. En matière d'emplois, en 2023, il y aura six équivalents temps plein (ETP) de plus, monsieur le rapporteur Martin. Pour rappel, nous instituons une délégation de programme interministérielle au nouveau nucléaire. Cette dernière sera dotée de quinze collaborateurs, et s'assurera de la bonne coordination entre l'ensemble des acteurs, pour tenir les délais du programme de construction. L'enjeu est de réduire les risques administratifs pour limiter les risques pesant sur le processus industriel.
Les objectifs précis et datés de mise en service et les durées d'instruction sont de cinq ans. L'objectif, très ambitieux, est que la première coulée de béton ait lieu à la fin du quinquennat. La réalité, c'est que cela risque d'être plutôt pour la fin de l'année 2027 que pour le début. La première mise en service serait pour 2035-2037, la première date étant sans marge et supposant donc une exécution parfaite du projet.
Nous souhaitons que la notion de « proximité immédiate » soit assez large afin de ne pas devoir légiférer sur chaque cas particulier... Le décret en Conseil d'État vise à préciser le critère d'éloignement, car il est plus facile à modifier. En séance, je pourrais m'engager à retenir vos orientations pour encadrer cet élément, tout en ayant une flexibilité plus importante.
M. Daniel Salmon . - La construction de l'EPR est une longue descente aux enfers de la filière nucléaire française, mais EDF nous dit que tout va changer et que nous irons très vite... Madame la ministre, comment pouvons-nous croire ce calendrier et ces coûts qui seraient divisés par deux ? Par ailleurs, qui va payer ces nouveaux réacteurs, sachant qu'EDF est terriblement endettée ?
M. Bruno Belin . - Je serai bref et j'irai à rebours de l'intervention du rapporteur Gremillet : le délai n'est-il pas trop long, au regard de notre degré de dépendance énergétique ?
M. Jean-Pierre Moga . - Ce projet de loi facilitera la construction de nouveaux réacteurs, néanmoins, EDF connaît toujours des problèmes de ressources humaines, qui pourraient ralentir cet effort. Que comptez-vous faire pour dégager les moyens financiers nécessaires à la formation rapide des milliers de techniciens et d'ingénieurs qui lui sont indispensables, alors que de nombreux métiers de la filière sont en tension ?
M. Stéphane Demilly . - Le 5 décembre dernier, des scientifiques californiens ont atteint l'ignition, le seuil à compter duquel la fusion nucléaire crée plus d'énergie qu'elle n'en consomme. Est-il prématuré d'envisager cette solution ? Son développement ne risque-t-il pas de se télescoper avec le calendrier d'implantation des centrales classiques ?
M. Franck Montaugé . - Concernant la PPE, l'hypothèse la plus favorable au nucléaire avancée par Réseau de transport d''électricité (RTE) prévoit une puissance installée de 51 gigawatts (GW), dont 24 GW issus du parc nucléaire historique. Or vous avez indiqué vouloir fermer douze réacteurs.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Non, monsieur Montaugé, je n'ai pas dit cela.
M. Franck Montaugé . - Nous nous dirigeons donc, dans cette hypothèse, vers une diminution de 10 % de la puissance installée. Quelle est votre position à ce sujet ?
Qu'en est-il des négociations avec nos partenaires européens sur la structure des marchés européens de l'énergie et de l'électricité ? Quelles sont vos hypothèses en matière de tarification pour sortir de la situation dans laquelle nous nous trouvons ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Vous me demandez comment diviser le coût des nouvelles centrales par deux. Nous proposons avant tout de tenir les coûts, en évitant les dérapages dans le temps et en profitant des effets de standardisation qui opèrent dans toute l'industrie.
Je vous rappelle, en outre, qu'il s'agit d'investissements. Les réacteurs que nous allons construire ont vocation à produire de l'électricité de manière suffisamment compétitive pour rapporter de l'argent et couvrir leurs coûts. L'enjeu de ce sujet concerne avant tout la structuration du financement. Si nous proposons des contrats à 100 euros le mégawattheure (MWh), les entreprises s'en saisiront car cet investissement répond à une demande d'électricité.
La question de la régulation introduit toutefois un élément de complexité : selon la vision de la Commission européenne, les infrastructures doivent être accessibles à des concurrents et nous ne pouvons donc pas disposer d'une seule entité assurant à la fois la production et la distribution. Ce point pose question. Nous pouvons entendre la nécessité de la concurrence, mais nous sommes attachés à confier à EDF les moyens de bénéficier de la meilleure performance industrielle, et donc de la meilleure capacité à piloter les différents moyens de production, sans être contraint de les mettre à disposition de concurrents.
Le délai de quinze ans est le maximum prévu dans la loi au dépôt du dossier. Si nous pouvons faire mieux, nous ferons mieux ! Reste que, selon EDF, la durée individuelle de construction d'un réacteur est bien celle-ci. S'il est possible de la compresser, nous accompagnerons bien sûr le mouvement. Pour autant, attention à ne pas commencer la mise en oeuvre avant d'avoir terminé le design. C'est là un des péchés originels de Flamanville, et cela induit des risques de dérive et de hiatus qui peuvent provoquer des dérapages. Il convient donc de ne pas confondre vitesse et précipitation. Les nouvelles technologies permettront-elles d'accélérer le processus ? C'est une question qu'il faut poser à la filière elle-même et qui relèvera de la compétence du délégué interministériel au nouveau nucléaire, M. Joël Barre.
Pour ce qui concerne les ressources humaines, depuis 2020, 200 millions d'euros ont été consacrés à la formation dans toute la filière. Le programme nucléaire recouvre 10 % des capacités de formation d'ingénieurs, alors même que la demande de compétences de ce niveau concerne tous les secteurs. Notre ambition est donc forte, avec deux enjeux : disposer de l'appareil de formation et attirer les talents. Nous constatons d'ailleurs une surdemande dans les sections d'ingénieurs, mais ce n'est pas encore le cas s'agissant des techniciens et des opérateurs. Nous y travaillons : c'est un des axes du contrat stratégique de filière de 2019.
Vous évoquez la fusion ; c'est en effet une très bonne nouvelle, mais il s'agit d'un résultat obtenu en laboratoire. Le passage à l'industrie peut prendre de très nombreuses années, comme le démontre le projet de l'Iter (réacteur thermonucléaire expérimental international) qui devrait aboutir à une application industrielle à la fin du XXI e siècle.
Monsieur le sénateur Montaugé, vous m'interrogez sur une baisse de la puissance installée. Les réacteurs actuels ont été prévus pour fonctionner durant quarante ans ; certains réacteurs ont maintenant atteint cinquante ans, et ils ont tous passé cette étape avec succès. C'est une bonne nouvelle. Lorsqu'ils atteindront soixante ans, l'ASN décidera de manière entièrement indépendante s'ils peuvent continuer à fonctionner. Notre travail consiste à préparer son inspection de manière à ce que celle-ci se déroule dans les meilleures conditions. Nous devons donc préserver le capital installé, assurer de bonnes conditions de maintenance et éviter les dérives en termes d'usure sur les pièces essentielles. Le problème de « corrosion sous contrainte » des tuyaux est ennuyeux, mais il se règle par un remplacement de la pièce concernée ; en revanche, si un problème touchait une cuve nucléaire, c'est toute l'installation qui serait en cause. Notre objectif est donc que les pièces critiques, non remplaçables, passent le cap des soixante ans. Pour autant, cela ne relève pas de la décision politique. La volonté politique est de faire durer le plus possible le parc installé, dans les limites des exigences de la physique.
M. Franck Montaugé . - Il y a bien de la place pour la politique : on fait le choix ou on ne le fait pas !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Nous ferons le maximum pour que nos centrales nucléaires soient prolongées, mais si une fissure devait être détectée sur une cuve, la physique s'imposerait à la politique ! Mécaniquement, le fait que l'on n'ait pas lancé de nouvelle construction en 2000 emporte une diminution proportionnelle du poids du nucléaire dans notre mix énergétique, c'est mathématique.
M. Franck Montaugé . - On aurait aussi pu le faire en 2017 !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Cela n'aurait rien changé ou assez peu.
M. Jean-Michel Houllegatte . - Quels sont les gains attendus avec ce projet de loi ? Ce délai de quinze ans est soumis à interrogation, il nous semble qu'il doit être objectivé. En 2023, avec la PPE et la stratégie française pour l'énergie et le climat, nous y verrons plus clair.
M. Éric Gold . - Beaucoup de centrales nucléaires sont exploitées à proximité des fleuves, ce qui permet de garantir leur refroidissement. Or les sécheresses successives de ces dernières années ont impacté les débits de nos fleuves et les températures de l'eau ayant servi au refroidissement menacent la biodiversité en aval. Comment envisagez-vous de résoudre ces problèmes ? Comment refroidir les centrales quand l'eau vient à manquer, sans menacer les autres usages ?
Mme Martine Filleul . - Je salue la décision de maintenir en fonction la centrale de Gravelines et de lui ajouter deux nouveaux réacteurs, mais je m'interroge sur les déchets radioactifs qui constituent la question majeure qui se pose aux yeux des citoyens. Comptez-vous disséminer les sites destinés à leur gestion, comme les sites de production, ou les rassembler dans un site de stockage ? Ce texte est, certes, technique, mais il débouche aussi sur ce type de questions importantes relatives à la sécurité.
Mme Angèle Préville . - Une centrale a besoin d'eau ; qu'en est-il des sécheresses, alors qu'en Occitanie, par exemple, la pluviométrie a déjà baissé de 20 % ? Il s'agit d'un élément important, car cela pourrait mettre une centrale à l'arrêt, si l'eau venait à manquer ou si sa température était trop élevée, comme c'est le cas de la Garonne chaque été. Concernant la gestion des déchets, nous arrivons à saturation des sites de surface et le stockage à Bure n'a pas commencé. Comment peut-on envisager un tel programme alors que ces deux problématiques émergentes s'imposent ?
M. Gilbert-Luc Devinaz . - Ces nouveaux réacteurs seront donc installés sur des sites existants. Ont-ils vocation à se substituer aux installations déjà présentes, ou à s'y ajouter ? Dans cette seconde hypothèse, faudra-t-il déployer de nouvelles lignes électriques ?
En outre, ces projets fonctionneront au mieux à partir de 2035 pour une soixantaine d'années. Comment prenez-vous en compte leur sûreté et leur sécurité dans le contexte des évènements extrêmes à venir, issus du changement climatique, dont nous n'avons pas encore fait l'expérience ?
M. Étienne Blanc . - Des technologies nouvelles sont développées actuellement, notamment chez Newcleo, qui utilise le plomb liquide pour le refroidissement. Cela règle, en grande partie, le problème de la production de déchets.
Qu'avez-vous prévu dans ce projet de loi pour accompagner une filière privée qui semble avancer bien plus rapidement qu'EDF sur les technologies nouvelles ?
M. Jean-Claude Anglars . - Le Sénat est favorable à une stratégie énergétique d'anticipation qui donne un cap au pays pour son indépendance énergétique et la sécurisation de sa production. Le 12 janvier 2021, le Sénat débattait du risque de blackout par manque de stratégie. Nous appelons depuis des mois à une politique énergétique sans atermoiement.
Madame la ministre, pourquoi proposez-vous une approche en silo ? Nous l'avions déjà regretté lors de l'examen du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables, dans lequel l'hydroélectricité n'était pas traitée. Légiférer par secteur empêche la planification. À quoi ce projet de loi sert-il ? Quand discuterons-nous d'un projet stratégique et débattrons-nous des orientations du Gouvernement ?
Il ne faudrait pas que l'hydroélectricité connaisse le sort du nucléaire, après avoir été abandonnée par idéologie. La situation juridique de l'hydroélectricité empêche depuis trop longtemps d'investir massivement dans des solutions innovantes.
Les barrages représentent un gisement essentiel pour le mix énergétique, notamment en Aveyron. Que prévoit le Gouvernement sur la mise en concession des barrages EDF ? L'entreprise doit pouvoir enfin investir dans les technologies de stockage.
M. Ronan Dantec . - Madame la ministre, vous avez dit que des entreprises seraient intéressées par des contrats de long terme à 100 euros le mégawattheure (MWh). Or vers 2037-2040, en Europe, les pays du Nord seront exportateurs d'électricité éolienne à 60 euros le MWh et les pays du Sud de photovoltaïque entre 30 et 40 euros le MWh. Sur quel rapport de l'État vous appuyez-vous pour considérer qu'il y aura des acheteurs à 100 euros le MWh en 2040 ? Pouvez-vous nous le transmettre ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Je trouve aussi qu'un délai de construction de quinze ans est trop long, mais c'est ce qui ressort des deux audits externes demandés par le Gouvernement en 2019 et 2022. En matière d'énergie, la réalité s'impose à chacun. Comment réduire ce délai ? C'est l'enjeu de ce projet de loi qui porte sur la dimension administrative.
La question de la formation est essentielle. Depuis 2019, nous menons des actions en ce sens et accompagnons les sous-traitants pour les faire monter en compétence.
La question de l'eau est évidemment prise en compte dans les dossiers d'autorisation de construction. Ainsi, les deux premières paires de réacteurs sont construites en bordure de littoral. L'enjeu de l'eau sera déterminant dans le choix de l'implantation de nouveaux réacteurs et conduira EDF à proposer tel site plutôt que tel autre.
Actuellement, on observe une évolution sensible de la population qui soutient le nucléaire, mais s'interroge sur le traitement des déchets. C'est le principal point sensible, davantage que la sécurité. Les déchets de faible et très faible activité représentent 91 % du volume, pour moins de 0,05 % de la radioactivité totale. Les déchets les plus dangereux représentent 3 % du volume pour plus de 99 % de la radioactivité totale. La réponse est adaptée au type de déchets. Le cinquième plan national de gestion des matières et des déchets radioactifs (PNGDMR) a été publié en décembre 2022. Il couvre la période 2022-2026.
Nous travaillons, avec le projet Cigéo, sur un site présentant des caractéristiques géologiques n'ayant pas évolué depuis plus de 300 000 ans, et qui est donc apte à stocker des déchets dont la radioactivité est importante, à 300 mètres de profondeur, avec un niveau de sécurité maximal. Une solution se dessine donc pour les déchets les plus radioactifs. Nous menons également un travail sur le cycle du combustible afin d'encourager le recyclage du maximum de déchets. Nous soutenons Orano pour que ces capacités soient davantage développées.
Il faudra adapter le réseau de transport, au regard du changement climatique et des nouvelles installations. Si nous allons vers une diminution de notre consommation totale d'énergie, mais une augmentation importante de notre consommation d'électricité, les réseaux de transport et de distribution devront être adaptés. En outre, la diversité de petites unités de production implantées sur le territoire change la logique de ces réseaux.
Vous m'avez interrogée sur le plomb, le sodium, les sels fondus. Rassurez-vous : via France 2030, nous sommes ouverts à toutes les technologies, y compris de rupture. Newcleo a été invité à participer à cet appel à projets. Cette ligne budgétaire est dotée de 1,2 milliard d'euros pour des projets dont la maturité est modeste, mais qui présentent un intérêt.
J'ai clairement dit à Joël Barre et à Luc Rémont qu'il fallait être très attentif aux évolutions technologiques pour être prêt à s'en saisir.
Le projet de loi sur les énergies renouvelables comporte bien des mesures relatives à l'hydroélectricité. Nous débattrons cet été d'un projet de loi sur notre stratégie énergie-climat. L'hydroélectricité fait plus que jamais partie de notre mix énergétique. Nous avons l'intention d'investir dedans.
Monsieur le sénateur Dantec, à aucun moment je n'ai dit que les entreprises seraient intéressées par des contrats à 100 euros le MWh en 2040. J'ai indiqué que, aujourd'hui, des contrats de long terme pouvaient constituer un positionnement intéressant pour les entreprises. C'est ce qu'elles nous disent ; cela ne ressort pas d'un rapport. C'est ce que nous faisons avec les Power Purchase Agreements (PPA). L'un des éléments de réforme du marché de l'électricité est de signer des contrats sur la base des coûts de production et des marges. L'électricité nucléaire est pilotable, contrairement au renouvelable, ce qui la rend attractive pour les industriels.
Enfin, madame la sénatrice Filleul, le recyclage des déchets est bien traité dans le projet de loi énergie-climat.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Merci à nos collègues de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, que nous libérons avant de poursuivre cette audition.
M. Fabien Gay . - Pourquoi ce projet de loi maintenant ? Le nucléaire, c'est du temps long. Quels financements ? Quelles filières industrielles ? Quelles formations ? Qui va payer ? Est-ce EDF ? Si c'est le cas, est-ce que ce sera toujours dans le cadre de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) ? Quelle régulation ? Il faudrait d'abord débattre de toutes ces questions avant d'aborder un projet de loi technique. Pourquoi tant d'empressement, alors qu'il faudrait d'abord un débat politique ?
M. Bernard Buis . - Alors que le projet de loi concerne également le fonctionnement des installations existantes, où en sommes-nous de la remise en service du parc existant ?
Le président d'Orano Projets, Guillaume Dureau, a appelé à définir une stratégie d'ensemble sur l'amont et l'aval. Le président de l'ASN a déclaré qu'il serait pertinent de traiter la problématique de la prolongation du parc existant, dont les trois quarts datent des années 1980, ce qui provoquera un effet falaise en fin de vie. Cette stratégie d'ensemble sera-t-elle intégrée à la loi de programmation pluriannuelle de l'énergie ?
Mme Sylviane Noël . - Madame la ministre, vous n'avez pas complètement répondu à notre collègue Jean-Claude Anglars. La crise énergétique actuelle ne devrait-elle pas conduire le Gouvernement à s'opposer très fermement à l'ouverture à la concurrence des barrages hydroélectriques, qui pourrait conduire à un morcellement du marché préjudiciable à la filière ?
Mme Évelyne Renaud-Garabedian . - La sûreté des centrales nucléaires est une priorité absolue. De nouvelles menaces sont apparues ces dernières années sur les infrastructures, notamment en raison de fortes tensions géopolitiques. Cet été, l'autorité britannique du nucléaire a placé les infrastructures d'EDF sur son territoire sous vigilance renforcée. Comment intégrez-vous ces nouveaux risques dans votre projet de loi ?
Mme Anne-Catherine Loisier . - Le foncier de ces nouveaux sites est-il déjà artificialisé ? Sinon, quel sera leur traitement dans le cadre de la stratégie zéro artificialisation nette (ZAN) ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Monsieur le sénateur Gay, nous avons élaboré un rétroplanning. Les dossiers administratifs doivent être adaptés dès maintenant si l'on veut livrer des réacteurs nucléaires dans quinze ans. Ce projet de loi fait gagner plusieurs années. Si l'on veut tenir l'objectif d'une première coulée de béton dans cinq ans, il doit être adopté avant la fin du premier semestre. C'est ici encore une réalité physique.
Je prends mes responsabilités en tant que ministre ; je ne fais pas courir de risque aux projets, même pour faire de la belle politique.
Vous aurez à débattre du devenir de la régulation de l'Arenh, qui se termine en 2025.
Un schéma de régulation post-Arenh doit être négocié avec la Commission européenne. La France a pris position en faveur d'un découplage des marchés du gaz et de l'électricité, afin que les consommateurs paient un prix reflétant objectivement la réalité de notre mix énergétique. La Commission européenne a formulé des propositions allant en ce sens le 19 décembre dernier.
Quand la demande en électricité augmente, il est toutefois assez logique que la centrale, dont les coûts sont les plus élevés, ne produise pas à fonds perdu ; il me semble qu'il est interdit de vendre de l'électricité à un prix inférieur au coût de production. Lorsque l'on importe de l'électricité, il est normal d'en payer le prix.
Aujourd'hui, 45 GW ont été réinjectés dans le réseau, ce qui correspond au scénario de RTE pour passer l'hiver. Quelque quarante-quatre réacteurs sont en fonctionnement ; douze sont arrêtés, contre trente-deux au mois d'août 2022 : le calendrier de remise en route des réacteurs est respecté. À cela s'ajoutent les effets du plan Sobriété : nous économisons l'équivalent de la production de sept réacteurs. Ainsi, nous ne faisons pas face à des difficultés d'approvisionnement à court terme.
Mes services finalisent actuellement la préparation d'arrêtés visant à rehausser le niveau de sécurité et de cybersécurité des installations nucléaires et des laboratoires de recherche. Le projet de loi ne modifiera cependant pas le cadre global des règles de sécurité et de sûreté applicables aux équipements nucléaires. L'ASN formule des recommandations sur la prolongation de la durée de vie des centrales, mais il revient au Gouvernement de prendre la décision finale. La stratégie amont et aval sera examinée dans la loi de programmation énergie-climat.
Je souscris à la préoccupation exprimée par Mme Loisier sur l'artificialisation des sols. Une vision globale est néanmoins nécessaire ; c'est pourquoi un projet de loi spécifique sera consacré à ce sujet. Du point de vue du ministère de la transition énergétique, il est bien entendu plus confortable d'avoir des facilités.
Mme Sophie Primas , présidente . - De notre point de vue aussi !
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Nous souhaitons que les barrages hydrauliques soient exploités avec la meilleure performance industrielle et opérationnelle. Nous avons prolongé la concession de la Compagnie nationale du Rhône (CNR). J'attends des propositions du PDG d'EDF à ce sujet en vue de préparer éventuellement un projet de loi et de négocier au mieux avec la Commission européenne. Nous voulons investir dans les stations de transfert d'énergie par pompage (Step) et les barrages hydrauliques. Quelque 6 milliards d'euros sont nécessaires pour augmenter de 30 % la puissance de nos barrages, à l'heure où le réchauffement climatique tend à réduire leurs capacités de production.
M. Pierre Louault . - L'énergie nucléaire a besoin de beaucoup d'eau : est-ce vraiment compatible avec la politique environnementale tendant à diminuer le niveau des nappes phréatiques et des cours d'eau ? Depuis des années, nous supprimons des barrages.
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Le refroidissement des centrales ne nécessite pas beaucoup d'eau. Nos difficultés tiennent plutôt à la température des eaux rejetées par le circuit de refroidissement, supérieure de quelques dixièmes de degré à celle des eaux des rivières et des fleuves. La différence peut atteindre un degré au maximum. Nous encadrons ces rejets afin de limiter les conséquences en matière de biodiversité. Nous assurons également un suivi systématique de la faune et de la flore, notamment lorsque nous avons autorisé des dérogations.
Les centrales nucléaires consomment très peu d'eau. Pas moins de 98 % de l'eau prélevée est restituée au milieu naturel. Voilà un bel exemple d'économie circulaire.
Mme Martine Berthet . - Dans quel délai pensez-vous pouvoir réunir suffisamment de compétences humaines pour mener à bien les nouveaux projets nucléaires ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - La première coulée de béton des nouvelles installations, qui suppose des compétences en matière de génie civil, aura lieu en 2027. Une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est nécessaire : nous n'avons pas besoin de soudeurs dès la semaine prochaine, mais plutôt d'ingénieurs spécialisés dans le design.
Progressons dans la gestion courante des centrales : les audits montrent que l'on peut gagner en moyenne un mois lors des « arrêts de tranche ». La prolongation d'exploitation des centrales nucléaires représente un travail considérable, qui doit démarrer environ cinq ans avant l'échéance. À cela s'ajoute le programme relatif au nouveau nucléaire, essentiel pour respecter notre trajectoire énergétique.
À cette fin, une augmentation de 40 % des effectifs est nécessaire d'ici à 2030. Renforcer l'attractivité des métiers de soudeur, de mécanicien et d'électromécanicien est essentiel. Tel est l'enjeu de la réforme de l'enseignement professionnel : l'appareil de formation doit être le mieux adapté aux besoins. La question est récurrente : comment convaincre des jeunes ne connaissant pas ces métiers à envisager des carrières dans l'industrie, qui souffre d'une image dévalorisée ? Peu d'entreprises ont un projet de développement aussi important : cela représente un élément de mobilisation et de fierté pour les équipes d'EDF. Je compte sur la mobilisation des jeunes et des jeunes retraités pour relever ce défi.
M. Franck Menonville . - Quand l'annonce des nouveaux sites d'implantation des futures centrales aura-t-elle lieu ?
Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre . - Deux premiers sites ont déjà été rendus publics. Pour les autres, il convient d'examiner leur adéquation à la lumière de plusieurs facteurs : réserve foncière disponible, capacités de refroidissement des emplacements retenus, enjeux liés à la sécurité et au bassin d'emploi... EDF tient compte de ces contraintes pour nous faire part de ses propositions sur le troisième site ; sur la base de ces propositions, l'État tranchera. Au sujet des huit sites à venir, nous en sommes à peine au démarrage du scénario. Ce n'est pas une décision de cette année.
Mme Sophie Primas , présidente de la commission des affaires économiques . - Nous vous remercions de votre participation, madame la ministre.
Examen en commission
(Mercredi
11 janvier 2023)
Réunie le mercredi 11 janvier 2023, la commission a examiné le rapport de M. Daniel Gremillet sur le projet de loi n° 100 (2021-2022) relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes.
Mme Sophie Primas , présidente . - Nous avons le plaisir d'examiner le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations nucléaires, dont l'examen en séance publique est prévu les 17, 18 et 19 janvier prochain.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est très important, car il vise à mettre en oeuvre la relance du nucléaire, annoncée par le Gouvernement, lors du discours de Belfort, du 10 février 2022.
Vous connaissez l'attachement de notre commission à l'énergie nucléaire ; nos travaux législatifs en témoignent.
Ce ne fut pas simple de décaler de dix ans le calendrier de fermeture des réacteurs existants au travers de la loi « Énergie-Climat » de 2019. Ce ne fut pas simple, non plus, grâce à la loi « Climat et résilience » de 2021, de conditionner toute autre fermeture à la prise en compte de ses effets sur la sûreté nucléaire, sur la sécurité d'approvisionnement et sur les émissions de gaz à effet de serre (GES).
Notre commission a également démontré son attachement à l'énergie nucléaire à l'occasion de ses travaux de contrôle.
Je rappelle que la mission d'information transpartisane sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone, que nous avons conduite avec mes collègues Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, a plaidé en faveur de la construction de quatorze European Pressurized Reactors 2 ( EPR2) et de 4 gigawatts (GW) de Small Modular Reactors ( SMR), afin de maintenir un mix majoritairement nucléaire à l'horizon de 2050. Elle a aussi beaucoup insisté sur la résilience des réacteurs à l'égard du changement climatique et sur leur cyber-résilience.
Dans le cadre de mes travaux préalables, j'ai entendu cent personnalités au cours de quarante-cinq auditions et j'ai reçu quarante contributions. Le 14 décembre dernier, nous avons aussi organisé une table ronde et une réunion du groupe d'études « Énergie ». Cela nous a permis d'entendre l'ensemble des parties prenantes, les représentants de la filière du nucléaire, les organismes chargés de la sûreté, les associations environnementales et les collectivités territoriales, dont celles qui sont éventuellement concernées par les constructions des six premiers EPR2.
Je remercie Pascal Martin, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable, des excellentes relations de travail que nous avons su nouer. Nous avons organisé des auditions communes et nous défendrons des rédactions communes. Quelles que soient nos commissions et nos sensibilités, la voix du Sénat est unitaire sur ce sujet majeur.
Je retiens de mes auditions l'existence d'un large consensus autour de l'objectif du texte, source de gains de temps substantiels, mais aussi de critiques sur la méthode.
S'agissant de l'objectif, le texte doit accélérer de plusieurs années la construction des réacteurs, via deux canaux. D'une part, certaines procédures, comme celles qui sont relatives à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme, prévues à l'article 3, et celles qui portent sur l'anticipation de certains travaux à l'article 4, sont porteuses de gains de temps significatifs. D'autre part, des gains de temps en matière de contentieux sont également attendus. En effet, le texte réduit le nombre d'actes, compte tenu de la suppression de l'autorisation d'urbanisme à l'article 3, de l'application de la loi « Littoral » à l'article 5, ou d'une déclaration d'utilité publique à l'article 6.
Pour les actes subsistants, dont la qualification de projet d'intérêt général à l'article 2, l'autorisation environnementale à l'article 4, la concession d'utilisation du domaine public maritime à l'article 6, ou la prise de possession d'extrême urgence à l'article 7, le recours à un décret signifie que les contentieux relèveront, en premier et dernier ressorts, du Conseil d'État.
Concernant la méthode, elle me semble perfectible, à plus d'un titre.
Tout d'abord, le Gouvernement légifère dans le désordre, car il aurait fallu soumettre à l'examen parlementaire d'abord la loi quinquennale sur l'énergie, puis le projet de loi sur le nucléaire et, enfin, celui relatif aux énergies renouvelables.
Ensuite, le Gouvernement légifère dans la précipitation, le Sénat ayant été informé, mi-décembre, de l'examen du projet de loi sur le nucléaire prévu début janvier et de la tenue de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi sur les énergies renouvelables fixée à la fin du mois de janvier.
Autre difficulté, le Gouvernement omet les consultations en cours, la Commission nationale du débat public (CNDP) ayant été chargée du débat sur l'évolution du mix énergétique, le programme du nouveau nucléaire et la construction de deux EPR2 sur le site de Penly.
Enfin, le Gouvernement se focalise sur la simplification, éludant les questions pourtant cruciales relatives à l'actualisation de la planification énergétique, à la décision effective de construction des EPR2 - les six réacteurs annoncés comme les huit à l'étude -, et enfin aux moyens financiers et humains nécessaires, dont le devenir de la nouvelle régulation du nucléaire.
Surtout, je veux redire ici solennellement que ce texte ne doit pas faire oublier la responsabilité du Gouvernement dans le déclin de la filière nucléaire. Avant le discours de Belfort de février 2022, il a appliqué une politique d'attrition du nucléaire existant, prévoyant l'arrêt de quatorze réacteurs, dont les deux réacteurs de la centrale de Fessenheim, et une politique d'indécision pour le nouveau nucléaire, aucun choix n'ayant été fait lors de la révision de notre planification énergétique réalisée à l'occasion de la loi « Énergie-Climat » de 2019 et de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de 2020.
Encore à ce jour, les annonces faites lors du discours de Belfort sont insuffisantes, car elles évoquent six EPR2, dont huit à l'étude, un SMR et une prolongation de la durée de vie des réacteurs existants jusqu'à cinquante ans, là où le scénario le plus nucléarisé de Réseau de transport d'électricité (RTE), « N03 », prévoit quatorze EPR2, 4 gigawatts de SMR et une prolongation des réacteurs existants au-delà de soixante ans... De plus, ce scénario est fait d'incertitudes : pour RTE, trois autres EPR2 sont requis en l'absence de prolongation au-delà de soixante ans et neuf autres en cas de réindustrialisation.
Il est donc urgent d'agir pour relancer le nucléaire : il faut construire plus d'EPR2 et de SMR, les construire plus vite, et surtout les assortir des moyens financiers et humains nécessaires.
Dans ce contexte, j'ai souhaité compléter le projet de loi : combler les angles morts, car le texte pâtit d'un manque de vision stratégique, de neutralité technologique et de suivi démocratique ; garantir la sûreté et la sécurité des installations face aux nouveaux risques liés notamment au changement climatique et à la cybersécurité ; associer les collectivités territoriales et le public à la relance du nucléaire, en veillant à la réalisation des consultations, au contenu des études d'impact et à l'absence d'effet de bord ; renforcer la sécurité juridique des procédures, en encadrant certaines procédures dérogatoires, mais aussi en veillant à l'accélération des contentieux et en facilitant la réalisation des travaux.
Naturellement, j'ai aussi veillé à suivre les conclusions de notre mission d'information.
Pour autant, je l'indique très clairement, il faudra beaucoup plus qu'une loi de simplification, même ainsi consolidée, pour réussir la relance du nucléaire ! Notre commission ne doit donc surtout pas manquer de vigilance lors de ses prochains travaux législatifs ou de contrôle.
Mais venons-en au texte.
L'article 1 er détermine les modalités d'application des mesures de simplification prévues pour la construction des réacteurs. Il vise les réacteurs électronucléaires installés à l'intérieur ou à proximité immédiate du périmètre d'une installation nucléaire de base existante, dès lors que leur demande d'autorisation de création est déposée dans un délai de quinze ans. Je vous proposerai trois amendements pour l'ajuster.
Tout d'abord, la durée pourrait être portée à vingt ans, afin de permettre la construction de l'ensemble des EPR2. Ensuite, le champ pourrait être mieux ciblé pour exclure les centres de stockage et les accélérateurs à particules, qui n'ont pas vocation à accueillir des réacteurs, et pour prévoir la définition de la notion de « proximité immédiate » par décret en Conseil d'État, dans la limite du plan particulier d'intervention (PPI) associé au site, soit un rayon de vingt kilomètres maximum. Par ailleurs, une plus grande neutralité technologique devrait être recherchée, en intégrant pleinement, aux côtés des EPR2, les SMR et les électrolyseurs d'hydrogène. Une clause de revoyure, dans un délai de cinq ans, me semble nécessaire pour inclure, le cas échéant, d'autres technologies ou d'autres sites. Enfin, une reddition des comptes plus importante devrait être introduite, en prévoyant une évaluation annuelle de l'application des mesures de simplification. Je souhaite que la première édition de cette évaluation soit l'occasion de connaître les sites envisagés pour la construction de l'ensemble des EPR2 et que chaque édition permette de contrôler la réalisation des objectifs ainsi que de justifier les écarts, notamment en termes de délais.
L'article 2 prévoit que les réacteurs soient qualifiés de projets d'intérêt général (PIG) et qu'ils bénéficient à ce titre de plusieurs dérogations en matière d'urbanisme. En particulier, cela permettra à l'État de porter directement les modifications de documents d'urbanisme locaux nécessaires à la réalisation des réacteurs. Il vise aussi à mieux articuler les différentes procédures de participation du public.
De l'avis général, cet article est important et utile. Il est vecteur de simplification, car il fera gagner du temps, évitera des doublons de procédure et réduira le risque juridique. Il vise également à reconnaître le caractère d'intérêt général de la relance du nucléaire. Je me suis assuré qu'il respecte bien, d'une part, le principe de participation du public et, d'autre part, les compétences des collectivités. Il n'y a pas de transfert de compétences problématique, puisque l'État est déjà compétent en matière de nucléaire. Je vous présenterai deux amendements qui contribueront à mieux encadrer cet article. Il s'agit de s'assurer, d'une part, que le débat public soit bien mené à son terme avant que le projet ne soit validé et déclaré comme PIG et, d'autre part, que les collectivités puissent dialoguer avec l'État dans le cadre de la modification de leurs documents d'urbanisme, car efficace ne veut pas dire unilatéral.
L'article 3 prévoit de dispenser de permis de construire les constructions et travaux liés aux réacteurs. Ils sont déjà, à ce jour, dispensés des autres autorisations d'urbanisme. L'idée est de fusionner l'instruction d'urbanisme avec l'autorisation environnementale et l'autorisation de création.
Je suis favorable à cet article pertinent. En effet, il limite le nombre de procédures parallèles, donc le risque juridique et temporel, et, surtout, la diffusion d'informations sensibles, comme les plans des réacteurs, ce qui est un gage de sûreté. Je vous soumettrai neuf amendements qui visent, en revanche, à préciser la procédure, notamment afin de charger le ministre compétent en matière d'urbanisme de ces vérifications, pour mieux articuler l'instruction des demandes et préciser l'information du public. Je proposerai aussi d'exclure les nouveaux réacteurs du décompte « zéro artificialisation nette » (ZAN), car il s'agit d'un projet d'ampleur nationale, voire européenne, qui ne doit pas peser sur les seules collectivités. Un autre sujet consiste à s'assurer que la perception de la taxe d'aménagement par les collectivités ne sera pas remise en cause par la dispense de permis de construire.
L'article 4 prévoit que l'autorisation environnementale soit délivrée par décret en Conseil d'État, au vu d'une étude d'impact portant sur l'ensemble du projet. Il permet également que les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création des réacteurs soient effectués à compter de la délivrance de l'autorisation environnementale, sous réserve de leur conformité aux règles d'urbanisme. Quant à la construction des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde, elle ne peut être entreprise qu'après la délivrance de l'autorisation de création.
Cruciale, cette procédure doit cependant être ajustée. Je vous proposerai donc quatre amendements. Je souhaite préciser que l'anticipation des travaux intervient à la demande de l'exploitant, à ses frais et risques, et sous réserve de l'information du public de cette possibilité. J'entends également prévoir que la liste des travaux, pouvant ou non être anticipés, soit précisée par décret en Conseil d'État, après avis de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). Je propose aussi de clarifier le contenu de l'étude d'impact, qui doit comprendre, outre les éléments communs à tous les projets, des compléments spécifiques aux seuls projets nucléaires. Il s'agit enfin de préciser les modalités de réalisation de l'enquête publique et de consultation de l'ASN.
L'article 5 prévoit une dérogation générale à la loi « Littoral » pour les constructions, aménagements, installations et travaux liés à la construction de réacteurs en zones littorales. Si la dérogation prévue est large, car elle concerne l'ensemble des dispositions de cette loi, son périmètre géographique d'application demeure restreint. Au-delà de la construction stricto sensu des réacteurs, l'exploitant et les collectivités territoriales concernées devront également aménager toutes les zones de chantier qui accueilleront des milliers de travailleurs pendant plusieurs années. Les élus locaux que nous avons auditionnés se soucient de ces contraintes logistiques à anticiper et plaident en faveur de cette dérogation.
Si cette dernière se justifie dans le but d'accélérer la réalisation de chantiers dont le temps industriel est particulièrement long, l'exception accordée aux ouvrages de raccordement au réseau de transport d'électricité me paraît, au contraire, trop large. Ainsi, dans la continuité du projet de loi sur les énergies renouvelables et des dispositions adoptées par le Sénat sur ce sujet, je vous proposerai un amendement visant à encadrer cette dérogation spécifique, en la soumettant notamment à l'avis préalable de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CNDPS), dans un souci de préservation des sites et paysages remarquables.
L'article 6 simplifie la procédure d'octroi des concessions d'utilisation du domaine public maritime pour la construction de réacteurs, l'obtention d'une telle concession par décret en Conseil d'État valant déclaration d'utilité publique, sous réserve de la bonne tenue de l'enquête publique environnementale.
Afin d'éclairer au mieux la décision de l'État, je vous proposerai un amendement visant à préciser le contenu du cahier des charges que l'exploitant devra s'engager à respecter pour obtenir une concession. Il s'agit essentiellement de rendre compte des mesures de sûreté prises dès le stade de la conception pour limiter les risques de submersion et d'inondation, prendre en compte le recul du trait de côte et les évolutions prévisibles du climat. La construction de réacteurs en bord de mer n'est pas sans risque et nous devons tenir compte de ce changement d'époque afin d'accélérer de façon responsable la production d'énergie nucléaire dans notre pays.
L'article 7 prévoit d'appliquer la procédure d'expropriation d'extrême urgence pour la prise de possession de terrains ou d'immeubles, bâtis ou non, nécessaires à la réalisation de certains travaux. Un délai de dix ans est prévu entre la déclaration d'utilité publique et l'achèvement de la procédure d'expropriation.
Cette procédure, qui permet d'exproprier sans indemnisation préalable, est courante ; elle a d'ailleurs été appliquée, dans le domaine du nucléaire, au projet International Thermonuclear Experimental Reactor (Iter) et, au-delà, aux Jeux Olympiques. Pour autant, je vous proposerai un amendement pour l'ajuster. D'une part, les mêmes garanties prévues dans les cas similaires doivent être appliquées. Je pense ici à un décret pris sur l'avis conforme du Conseil d'État ainsi qu'aux conditions en matière notamment de relogement des habitants ou d'indemnisation des commerçants et des artisans. D'autre part, le champ du dispositif appelle à être ciblé, en excluant les équipements et installations liés à l'exploitation des réacteurs ainsi que les ouvrages de raccordement, qui interviennent dans un second temps. Enfin, le délai de dix ans me paraît pouvoir être réduit à six ans, dans un souci de protection de la propriété privée.
L'article 9 prévoit de clarifier les modalités de réalisation des réexamens périodiques des réacteurs existants, notamment au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement. Pour ce faire, il cible la participation du public aux conclusions du réexamen et aux dispositions proposées par l'exploitant, supprime un rapport intermédiaire remis tous les cinq ans portant sur l'état des équipements et prévoit que les modifications puissent être réalisées après une déclaration ou une autorisation auprès de l'ASN, ou une nouvelle autorisation.
Je vous proposerai un amendement pour renforcer les exigences de sûreté. Tout d'abord, je souhaite maintenir le rapport intermédiaire sur la sûreté, en ajustant son champ, pour qu'il porte sur l'application des prescriptions de l'ASN et non sur l'état des équipements. Ensuite, j'entends clarifier les conditions de l'enquête publique, qui devra porter sur le rapport de réexamen ainsi que sur les conclusions et propositions qu'il comporte. Enfin, je propose de préciser les conditions des modifications des réacteurs, afin de spécifier qu'une nouvelle autorisation est requise, en cas de modifications substantielles, et qu'une déclaration ou une autorisation auprès de l'ASN est possible, en cas de modifications notables. Il me semble indispensable de prévoir que l'ASN définisse les travaux soumis à simple déclaration dans une liste, homologuée par le ministre chargé de la sûreté, et puisse appliquer à ces travaux des prescriptions complémentaires, en cas de besoin.
L'article 10 vise à ajuster la procédure de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base (INB) qui ont cessé de fonctionner pendant une durée continue supérieure à deux ans. Il tend ainsi à remplacer la mise à l'arrêt automatique par le recours à un décret, pris après avis de l'ASN, et après la présentation des observations de l'exploitant.
Mon amendement vise à instaurer le recours à un décret en Conseil d'État, et à supprimer les observations de l'exploitant en cas d'urgence. De plus, il propose également de rendre nécessaire la protection des intérêts liés à la sécurité, à la salubrité et à la santé publique ou à la protection de la nature et de l'environnement. Enfin, il tend à corriger un doublon dans le délai d'application, en faisant prévaloir celui qui est prévu par la puissance publique dans le décret précité, sur celui qui est indiqué par l'exploitant, dans une déclaration complémentaire.
J'en viens à l'article 11 relatif à la ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses mesures en matière nucléaire.
Sur cet article, je vous proposerai un amendement ayant pour objet d'améliorer le fonctionnement de la commission des sanctions de l'ASN, en décentralisant le pouvoir de sanction de l'autorité et en facilitant la désignation des membres de la commission. Cet amendement vise également à consolider les règles applicables aux INB pour protéger les intérêts précités, à renforcer les évaluations et les prescriptions de l'ASN en cas de menace, et à préciser les infractions pouvant être recherchées par ses inspecteurs.
Je vous proposerai sept amendements portant articles additionnels : les quatre premiers ont pour objet de réviser la planification nucléaire, en abrogeant l'objectif de réduction à 50 % de l'énergie nucléaire d'ici à 2035 et la limitation a priori des autorisations d'exploitation des installations de production d'énergie nucléaire à 63,2 GW.
La PPE devra être révisée, afin de retirer les dispositions relatives à la trajectoire de fermeture de douze réacteurs. Il faudra enfin veiller à ce que la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, prévue d'ici à juillet prochain, acte la construction de nouveaux EPR2 et SMR à l'horizon de 2050 et précise les moyens financiers et humains dédiés.
Je vous soumettrai un autre amendement pour intégrer la résilience au changement climatique dans la démonstration de sûreté des réacteurs, aussi bien au moment de l'autorisation de création que du réexamen décennal. Cet amendement visera également à intégrer la cyber-résilience au sein de la protection contre les actes de malveillance, dans le cadre de l'autorisation de détention du combustible.
Je présenterai également un amendement tendant à instituer une procédure de régularisation de l'instance, permettant de limiter de la portée de l'annulation mais aussi de surseoir à statuer dans les litiges liés aux nouveaux réacteurs. Un autre amendement ayant pour objet de dispenser de permis de construire les travaux d'adaptation des réacteurs existants, pourra être utile pour l'application du Grand carénage.
Conformément au vade-mecum sur la procédure de déclaration des irrecevabilités en application de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous revient à présent de définir le périmètre indicatif du projet de loi.
Sont susceptibles de présenter un lien, même indirect, avec le texte déposé les dispositions relatives :
- aux mesures relatives à la construction de nouvelles installations nucléaires de base, ainsi que des constructions, aménagements, équipements, installations, travaux ou ouvrages de raccordement au réseau de transport ou de distribution d'électricité liés, et notamment à la définition de la nature et des conditions d'implantation de ces installations, aux procédures d'urbanisme, aux régimes d'autorisation d'urbanisme et à la fiscalité de l'urbanisme applicables à ces projets, à l'évolution de l'autorisation environnementale et de l'autorisation de création prévues par le code de l'environnement et aux modalités d'anticipation de certains travaux, à l'évolution de la procédure d'octroi des concessions d'utilisation du domaine public maritime prévu par le code général de la propriété des personnes publiques, à l'évolution de la procédure d'extrême urgence prévue par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique et aux modalités d'expropriation de certains immeubles ;
- aux modalités d'application des dispositions de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l'aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral à la construction de nouvelles installations nucléaires de base ;
- aux mesures relatives au fonctionnement des installations nucléaires de base existantes prévues par le code de l'environnement, dont les procédures de réexamen, de mise à l'arrêt et de démonstration de sûreté ;
- aux études d'impact environnemental, aux modalités de participation du public et aux compétences des autorités administratives, dont celles de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), et des collectivités territoriales, liées aux mesures précitées relatives à la construction et au fonctionnement des installations nucléaires de base ;
- à la ratification de l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire et aux dispositions liées à son ajustement ;
- aux dispositions diverses, dont celles liées aux coordinations nécessaires à la construction d'installations nucléaires de base ou à leur fonctionnement, dans le code de l'énergie, le code de l'urbanisme, le code de l'environnement, le code de la défense ou le code de la santé publique, y compris les enjeux liés à la planification, au financement, aux compétences, aux déchets, à la recherche et au développement, à la sûreté et à la sécurité.
Nous débattons d'un sujet très technique, mais je souhaite que les travaux de notre commission renforcent l'ambition et la vision de notre politique nucléaire, c'est à cette condition que nous donnerons envie aux jeunes de suivre des formations en la matière.
M. Pascal Martin , rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. - Je commencerai par évoquer un problème de méthodologie : il aurait fallu d'abord prévoir la programmation pluriannuelle de l'énergie, puis les énergies renouvelables et la relance du nucléaire. Je me félicite que nous ayons travaillé en bonne intelligence avec Daniel Gremillet, mais nous regrettons le manque de temps que nous avons pu consacrer à l'examen de ce projet de loi, qui a été déposé juste avant la trêve des confiseurs...
Je défendrai sept amendements, au nom de la commission de l'aménagement du territoire et du développement du territoire, qui a émis un avis favorable sur ce projet de loi - deux d'entre eux sont identiques à ceux de la commission des affaires économiques. Ma position est de promouvoir l'indispensable relance de la filière nucléaire.
Ce projet de loi nous permettra de gagner du temps - c'est précieux -, en réduisant notamment le risque de contentieux, qui retardent la mise en place de tels projets.
À mon sens, le premier enjeu est la montée en compétences de la filière, qui passe par le recrutement et la formation de personnels qualifiés, qui font cruellement défaut- le dernier grand chantier date de dix ans. Le second enjeu est celui de l'acceptabilité sociale de ce programme nucléaire à l'échelle nationale et à l'échelle locale. À cet égard, je m'inspire de la commune de Penly, où les élus et la population attendent beaucoup de l'implantation de l'EPR2, qui créera plus de 8 000 emplois.
La politique énergétique doit être fondée sur des lignes claires, qui garantiront la relance du nucléaire.
Je vous prie de bien vouloir m'en excuser, mais je vais devoir vous quitter pour participer à l'élection du président de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France).
M. Daniel Salmon . - Le nucléaire est un sujet important pour notre groupe écologiste. C'est un choix qui engage notre société pour des décennies, voire bien davantage si l'on pense aux déchets nucléaires...
Ce projet de loi pose des questions d'ordre démocratique. Nous dénonçons le caractère prématuré de ce texte, qui est présenté avant la fin des débats publics relatifs aux projets de nouveaux réacteurs, et bien avant l'examen de la future loi quinquennale de programmation énergétique. Ce calendrier est antidémocratique : les parlementaires et l'ensemble des parties prenantes sont mis devant le fait accompli !
Par ailleurs, le texte entre en contradiction avec le droit actuel, dont les dispositions visent à réduire la part du nucléaire.
Je tiens à souligner également l'inadéquation des mesures du texte avec les objectifs affichés de souveraineté énergétique, et avec l'urgence de la lutte contre les émissions de CO 2 .
Le texte est présenté sans qu'il y ait eu de retour d'expérience sur les EPR de première génération, qui ont été, vous le savez, un véritable fiasco industriel et commercial !
Sur le fond, les différentes mesures sont principalement dérogatoires au droit de l'urbanisme et de l'environnement. Elles font peser la responsabilité des difficultés de la filière uniquement sur les procédures administratives, ce qui procède d'une analyse pour le moins simpliste !
Du reste, ce projet de loi ne prend en charge qu'une partie du sujet nucléaire et n'aborde pas nombre d'enjeux majeurs induits par la relance annoncée : la production du combustible, la gestion des déchets, la formation, ou encore les besoins techniques et d'ingénierie...
Nous dénonçons la fuite en avant dans l'énergie nucléaire, dont nous connaissons, outre les risques d'accidents et de pollutions chimiques, les coûts faramineux de construction, les difficultés d'entretien, de démantèlement et une gestion des déchets sur des temps échappant à l'entendement humain.
Dans ces conditions, nos amendements visent à supprimer certains articles parce qu'ils portent atteinte de façon disproportionnée au droit à la participation du public, à la libre administration des collectivités territoriales, ainsi qu'à l'insécurité juridique créée par ces dispositions.
La notion de « proximité immédiate », inscrite à l'article 1 er , n'est fondée sur aucune borne spatiale.
L'article 2 tend à renforcer le caractère centralisé de notre système énergétique et remet en cause le principe de libre administration des collectivités territoriales. Les procédures administratives en matière d'urbanisme et d'environnement ne sont pas des freins au développement du nucléaire !
La définition du champ d'application des dispositions de l'article 5, relatives à la dérogation à la loi « Littoral » - alors qu'elles sont exposées au trait de côte - pour l'installation des réacteurs, est floue, et accentue le risque d'insécurité juridique.
L'article 9, qui tend à alléger la procédure de réexamen au-delà de la trente-cinquième année de fonctionnement des réacteurs nucléaires, et à supprimer le rapport intermédiaire de l'exploitant à l'ASN sur l'état des installations, me semble à contre-courant...
Les compétences de l'ASN et son pouvoir décisionnaire sont de nouveau amoindris, au plus mauvais moment de la vie d'un réacteur.
L'article 10, qui vise à supprimer le caractère automatique de l'arrêt définitif d'une centrale nucléaire qui ne fonctionne plus depuis plus de deux ans, tend à privilégier la production, au détriment de la sûreté.
Par ailleurs, nous proposerons plusieurs mesures, issues de notre proposition de loi portant diverses mesures visant à renforcer la sûreté nucléaire, la transparence financière et le contrôle parlementaire, que nous avions déposée en février 2022, afin d'accroître la transparence et la communication sur l'état d'avancement des travaux, sur les coûts de la filière nucléaire, et sur la gestion des déchets.
Enfin, nous proposerons plusieurs mesures visant à limiter la dépendance énergétique de la France, notamment sur la question du recyclage et du stockage d'uranium.
M. Franck Montaugé . - L'introduction, au sein du périmètre de l'article 45 de la Constitution, de questions relatives à la PPE nous semble délicate.
Notre groupe partage, bien sûr, les remarques de nos collègues sur la chronologie de l'enchaînement de ces textes - nous avons perdu du temps ! Je maintiens que nous avons bien perdu 5 ans, depuis 2017.
Certains amendements présentés par le rapporteur nous conviennent, d'autres suscitent notre interrogation, sans être fondamentalement opposés. Nous nous abstiendrons sur ces derniers, et nous nous en expliquerons en séance publique.
M. Bernard Buis . - Ce projet de loi est indispensable pour gagner du temps sur les procédures administratives chronophages et redondantes. Il s'inscrit dans le contexte de l'urgence climatique d'une part, de la crise de souveraineté et d'approvisionnement énergétique d'autre part.
Nous avons non seulement besoin de faciliter le déploiement des énergies renouvelables, mais également de renforcer notre potentiel nucléaire, en mettant en place un nouveau programme de réacteurs nucléaires, en construisant 6 EPR2 et en étudiant 9 additionnels. Cette stratégie sera développée à l'été prochain, dans le cadre de la toute première loi de programmation énergétique.
Les dispositions figurant dans ce texte permettront de mettre en oeuvre au plus vite cette stratégie énergétique fondée sur les énergies intermittentes et nucléaires. À cet effet, le texte présente un panel de mesures simples visant à faciliter le déploiement de nouveaux réacteurs - je pense au lancement de certains travaux dès l'obtention d'une autorisation environnementale, à la participation du public aux projets de nouveaux réacteurs nucléaires - principe consacré dans la Charte de l'environnement -, à la qualification des PIG ou encore à la dispense d'autorisation d'urbanisme pour la construction des EPR2 au regard de leur complexité et de la sensibilité attachée à leur développement. Ces mesures ne remettent pas en cause les exigences de sûreté ou les procédures environnementales ; ce sont au contraire des mesures de simplification, qui sont essentielles pour mettre en place le plus rapidement possible notre nouvelle politique énergétique.
Notre groupe votera ce texte tel qu'amendé par notre rapporteur.
M. Laurent Duplomb . - Pénurie de masques, menaces de coupures d'électricité, et flambée des factures d'énergie... L'histoire se répète inlassablement !
Notre pays est en perte de vitesse - je l'ai déjà signalé dans mon rapport d'information sur la compétitivité de la ferme France -, en raison de charges plus élevées, de surtranspositions de normes qui se surajoutent, et d'une suradministration démesurée ! La réglementation, trop excessive, est amplifiée par des messages anxiogènes, qu'ils soient écologistes, catastrophistes, antinucléaires ou anti-élevages...
Cet enchevêtrement administratif qui tue dans l'oeuf bon nombre de projets semble être la racine de nos maux.
En ce début d'année 2023, ce texte est une lueur d'espoir, car il permettra de construire plus vite six EPR2 en dérogeant à des règles érigées jusqu'à présent en totems environnementaux... C'est une avancée considérable - je ne peux que m'en réjouir -, qui semblait encore impossible il y a peu de temps. Pour gagner en efficacité, l'exemple du nucléaire le montre, nous devons assouplir notre système normatif.
J'espère également que nous avancerons, dans tous les domaines, vers cette même direction, en nous affranchissant de la technocratie abrutissante et des carcans administratifs inutiles, dans lesquels notre pays s'est enserré.
Napoléon enseignait que « rien n'est perdu tant qu'il reste du courage », alors, pour 2023, je vous souhaite beaucoup de courage, mes chers collègues.
M. Fabien Gay . - Sur ce sujet, un débat politique s'impose, car personne ne détient la vérité absolue, notamment sur le mix électrique.
Je rappellerai un point, sur lequel je suis en désaccord avec notre rapporteur Daniel Gremillet : sans eau - je pense à l'épisode de sécheresse que nous avons vécu cet été -, le fonctionnement des réacteurs nucléaires me semble difficile. Pour autant, je ne pense pas non plus que l'on puisse se passer du nucléaire et défendre un scénario fondé à 100 % sur les énergies renouvelables. Du reste, toute activité humaine a un impact sur la nature, c'est pourquoi il faut bien regarder les zones d'installation de tels projets...
Je le redis, il faut engager un débat sérieux, qui précède les considérations techniques. Or, nous allons d'abord légiférer sur un sujet technique, alors que nous débattrons dans quelque temps des orientations stratégiques. Mais imaginez que nous décidions dans la future PPE d'un scénario d'énergies 100 % renouvelables...
Sans être dans une opposition systématique, je pense qu'il y a beaucoup de communication sur ce projet de loi alors que, au final, la montagne accouchera d'une souris. On nous dit que des dizaines d'années vont être gagnées, mais l'horizon du nucléaire, c'est un siècle ! Du reste, le personnel d'EDF nous dit que seulement quelques semaines seront gagnées, quelques mois tout au plus.
Monsieur le rapporteur, avec le périmètre de l'article 45, allons-nous seulement débattre de dispositions très techniques ? Sur le sujet du nucléaire, je ne parle pas souveraineté énergétique - qui est capable de dire que, dans cinquante ans, nous serons encore en mesure d'importer l'uranium qui est extrait au Niger ou au Kazakhstan dans des conditions sociales et environnementales déplorables ?
Enfin, ce qui me préoccupe, ce sont les questions inhérentes à la filière industrielle, notamment sur son mode de financement : je refuse que le nucléaire, qui aurait bénéficié d'investissements publics, soit une rente pour le secteur privé !
M. Jean-Pierre Moga . - Ainsi que l'ont rappelé mes collègues, il aurait été préférable de commencer par le futur projet de loi sur l'énergie avant d'aborder ce texte. Cela nous aurait permis de ne pas examiner le texte dans l'urgence.
Notre groupe votera ce texte tel qu'il sera amendé par le rapporteur.
M. Henri Cabanel . - Je ne reviendrai pas sur la forme - je déplore également ce désordre -, mais je me concentrerai sur le fond. Ce projet de loi est enfin l'occasion pour nous de mettre en avant une véritable stratégie énergétique ! En la matière, nous avions quinze ans de retard ! Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité sénatoriale, les partis qui ont été au pouvoir précédemment - je prends également mes responsabilités - n'ont pas eu le courage de relancer la filière nucléaire.
Le projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables que nous avons adopté est complémentaire au projet de loi que nous examinons aujourd'hui, car nous ne pourrons pas sortir des énergies fossiles sans une stratégie de mix énergétique qui mêle le nucléaire et les énergies renouvelables.
M. Jean-Marc Boyer . - Je rappellerai simplement quelques ordres de grandeur de la production d'électricité en France : le nucléaire produit 36 000 mégawatts (MW), le gaz 8 000 MW, l'hydraulique 7 000 MW, le solaire 6 000 MW et l'éolien, 1 000 MW.
On nous dit que le débat arrive trop tôt, mais je pense, au contraire, qu'il vient trop tard !
Si les convictions des gouvernements n'avaient pas été infléchies par des pressions écologistes, nous n'en serions pas là sur le plan de l'approvisionnement en électricité !
Cette politique de décroissance, qui vise à revenir à l'âge de la bougie, conduit les personnes les plus fragiles financièrement à accentuer leurs difficultés et à les paupériser un peu plus.
La politique nucléaire a été suspendue il y a dix ou onze ans, les nouvelles centrales de la relance actuelle seront construites dans dix ans : au total, nous avons perdu plus de vingt ans en matière d'approvisionnement en nucléaire.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Beaucoup d'entre vous ont déploré que l'ordre d'examen des textes ne provoque le désordre...
Je reviendrai sur la question du périmètre de l'article 45. Se pose un problème de coordination juridique. Nous ne pouvons pas parler de relance nucléaire alors que la législation actuelle prévoit la fermeture de centrales et la réduction de la part du nucléaire.
Ensuite, nous devons avoir une vision : les débats doivent permettre à notre jeunesse de s'investir dans ces métiers. Nous nous rendons bien compte que le fait d'annoncer un nombre d'EPR2 donne une vision aux industriels.
Pour répondre à notre collègue Fabien Gay, à l'avenir, il y aura de nouvelles technologies- les SMR, les réacteurs de quatrième génération, ou encore les électrolyseurs d'hydrogène électrolyseur à haute température (HTE). Cet élan est d'autant plus important que nous sommes dans un contexte de compétition internationale, et il faut le soutenir.
Ces technologies sont de plus en plus innovantes - le président du projet Iter nous a expliqué que l'eau de refroidissement des centrales allait ressortir plus froide qu'elle ne l'était lors de son arrivée dans le circuit des installations nucléaires. D'ailleurs, peut-être que demain les nouveaux réacteurs n'auront plus besoin d'eau...
EXAMEN DES ARTICLES
Division additionnelle avant le titre I er
L'amendement COM-19 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-20 vise à interdire l'exportation et le stockage à l'étranger de l'uranium issu du retraitement. Sans date d'entrée en vigueur, une telle interdiction aurait un effet immédiat sur les contrats applicables et les stocks constitués. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-20 n'est pas adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-21 tend à obliger les exploitants publics et privés important ou exportant de l'uranium à établir un rapport annuel public. Cela n'est pas opportun, car l'exportation et l'importation d'uranium sont déjà l'objet d'autorisations et d'interdictions. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-21 n'est pas adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements COM-34 , COM-4 rectifié bis , COM-5 rectifié bis , COM-8 rectifié et COM-22 visent à modifier des dispositions du code de l'énergie. Mon amendement COM-34 prévoit trois évolutions importantes, par coordination avec le projet de loi : abroger l'objectif de réduction à 50 % de la production d'électricité nucléaire à l'horizon de 2035 ainsi que la limitation des autorisations d'exploitation des installations de production au-delà de 63,2 GW et réviser la PPE. Il permet donc une mise en cohérence juridique avec les textes de loi actuels.
Je vous propose d'adopter mon amendement COM-34 et émets un avis défavorable aux amendements COM-4 rectifié bis , COM-5 rectifié bis , COM-8 rectifié, qui sont satisfaits, ainsi qu'à l'amendement COM-22.
L'amendement COM-34 est adopté et devient article additionnel. Les amendements COM-4 rectifié bis , COM-5 rectifié bis , COM-8 rectifié et COM-22 ne sont pas adoptés.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-37 a pour objet de coordonner la stratégie énergétique nationale en direction de l'énergie nucléaire et de l'hydrogène en étant issu avec le projet de loi.
L'amendement COM-37 est adopté et devient article additionnel.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-38 tend à coordonner le contenu de la future loi quinquennale sur l'énergie, prévue à compter de 2023, avec le projet de loi. Cet amendement présente un lien avec le projet initial, car il concerne les constructions de nouvelles installations, notamment les projets de réacteurs électronucléaires visés à l'article 1 er . Il est conforme à l'intention du Gouvernement exprimée dans l'exposé des motifs du projet de loi, qui indique : « la production d'électricité d'origine nucléaire doit [...] être sécurisée dans la durée et poursuivre son développement. »
L'amendement COM-38 est adopté et devient article additionnel.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-39 vise à coordonner l'évaluation de la future loi quinquennale sur l'énergie, prévue à compter de juillet 2023, avec le projet de loi. Cet amendement permet de conférer aux parlementaires l'ensemble des informations nécessaires, dans la perspective de l'examen de cette loi.
L'amendement COM-39 est adopté et devient article additionnel.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-13 tend à supprimer le champ d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires, ce qui n'est pas souhaitable. Avis défavorable.
L'amendement COM-13 n'est pas adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements COM-32 , COM-1 rectifié bis, COM-2 rectifié bis , COM-7 rectifié et COM-63 visent à modifier les conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires.
Mon amendement COM- 32 prévoit de faire évoluer ces conditions sur quatre points : en préférant une durée de vingt ans ; en ciblant les SMR aux côtés des EPR2, parmi les réacteurs nucléaires visés ; en excluant des installations nucléaires de base pouvant accueillir des réacteurs certains centres de stockage et accélérateurs de particules ; en renvoyant la définition de la notion de « proximité immédiate », au décret en Conseil d'État, mentionné à l'article 8, dans la limite du plan particulier d'intervention.
Les amendements COM-1 rectifié bis , COM-2 rectifié bis et COM-7 rectifié tendent à appliquer une durée permanente ou comprise entre vingt-sept et trente ans et l'amendement COM-63 est moins complet que mon amendement COM-32 s'agissant du champ d'application des mesures de simplification. Demande de retrait, ou, à défaut, avis défavorable aux amendements COM-1 rectifié bis , COM-2 rectifié bis , COM-7 rectifié et COM-63, ces derniers étant pour partie satisfaits.
L'amendement COM-32 est adopté. Les amendements COM-1 rectifié bis , COM-2 rectifié bis , COM-7 rectifié et COM-63 ne sont pas adoptés.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-60 a pour objet de préciser les conditions de mise en oeuvre des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires, en appliquant une plus grande neutralité technologique.
L'amendement COM-60 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-61 tend à préciser les conditions de mise en oeuvre des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires, en prévoyant une plus grande reddition des comptes et donc une plus grande transparence.
M. Laurent Duplomb . - Que veut dire une plus grande transparence ?
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Au lieu d'apprendre dans la presse, par exemple, que le chantier de Flamanville rencontre des problèmes, le Parlement recevra régulièrement un bilan de l'évolution des travaux et de l'exécution de la loi.
L'amendement COM-61 est adopté.
L'article 1 er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-3 rectifié bis prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur le calendrier et les sites des futurs réacteurs nucléaires, ce qui est déjà prévu par mon amendement COM-61. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-3 rectifié bis n'est pas adopté.
Article 2
L'amendement de suppression COM-14 , ayant reçu un avis défavorable du rapporteur, n'est pas adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-45 prévoit que la qualification de PIG soit postérieure au débat public.
M. Laurent Duplomb . - Cela veut dire qu'on remet le débat public ?
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Non, nous laissons le débat public se dérouler et prenons la décision de qualifier le projet de PIG une fois la consultation terminée. Cela diffère d'un mois cette qualification, en vertu du respect du débat public.
L'amendement COM-45 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-46 vise à instaurer une phase de dialogue entre l'État et les collectivités territoriales dans la mise en compatibilité des documents d'urbanisme.
L'amendement COM-46 est adopté.
L'amendement de précision juridique COM-55 , présenté par le rapporteur, est adopté.
L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-10 rectifié vise à réduire de dix-huit à douze mois le délai séparant le dépôt des autorisations d'exploitation des installations de production d'électricité nucléaire de leur mise en service. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-10 rectifié n'est pas adopté.
Article 3
L'amendement de coordination COM-57 , présenté par le rapporteur, est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-54 précise que c'est le ministre chargé de l'urbanisme qui sera chargé de contrôler les projets de réacteurs au regard des règles d'urbanisme.
L'amendement COM-54 est adopté.
L'amendement de précision juridique COM-47, présenté par le rapporteur, est adopté.
L'amendement de coordination COM-48, présenté par le rapporteur, est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-49 tend à apporter par décret des précisions relatives à la procédure de contrôle de la conformité des projets aux règles d'urbanisme.
L'amendement COM-49 est adopté.
L'amendement de coordination COM-53 , présenté par le rapporteur, est adopté.
L'amendement de précision juridique COM-50 , présenté par le rapporteur, est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-51 prévoit l'avancée du fait générateur de la taxe d'aménagement à la date de délivrance de l'autorisation environnementale en cas de travaux anticipés. Il répond à une forte demande de l'ensemble des collectivités que nous avons auditionnées.
L'amendement COM-51 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-52 vise à exclure du dispositif « zéro artificialisation nette » les projets de construction de réacteurs nucléaires pour ne pas pénaliser les collectivités d'implantation.
L'amendement COM-52 est adopté.
L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-35 vise à introduire, dans la procédure de l'anticipation des travaux, des garanties relatives à l'évaluation environnementale et à la participation du public.
L'amendement COM-35 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-64 tend à rendre impossible la modification de l'autorisation environnementale après la délivrance de l'autorisation de création, ce qui ne me paraît pas adapté. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-64 n'est pas adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements identiques COM-59 et COM-65 visent à clarifier l'articulation entre la procédure d'anticipation des travaux et le droit existant en matière d'urbanisme.
Les amendements identiques COM-59 et COM-65 sont adoptés.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-62 apporte des précisions de nature rédactionnelle à la procédure d'anticipation de certains travaux.
L'amendement COM-62 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements identiques COM-58 et COM-66 ont pour objet de clarifier les modalités d'application réglementaires de la procédure d'anticipation des travaux. Ils prévoient que le décret en Conseil d'État, mentionné à l'article 8 du texte, définisse, après avis de l'ASN, les travaux pouvant ou non être anticipés.
Les amendements identiques COM-58 et COM-66 sont adoptés.
L'article 4 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 5
L'amendement de suppression COM-15 , ayant reçu un avis défavorable, n'est pas adopté.
L'amendement de précision juridique et rédactionnelle COM-41 , présenté par le rapporteur, est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-42 vise à encadrer la dérogation à la loi « Littoral » applicable aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité. Il s'agit de distinguer la construction de réacteurs et le simple raccordement aux réseaux, sans handicaper le délai de transport.
L'amendement COM-42 est adopté.
L'article 5 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Article 6
L'amendement de coordination juridique COM-43 , présenté par le rapporteur, est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-44 tend à préciser le contenu du cahier des charges adossé à la concession d'utilisation du domaine public maritime. Il s'agit notamment de mieux prendre en compte les risques littoraux (inondations, submersion, élévation du niveau de la mer), de l'érosion côtière et du recul du trait de côte.
L'amendement COM-44 est adopté.
L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements COM-36 et COM-67 ont pour objet de consolider la procédure d'expropriation d'extrême urgence appliquée aux projets de réacteurs nucléaires. Mon amendement COM-36 tend à lui apporter trois modifications : il réduit de dix à six ans le délai séparant le décret déclarant l'utilité publique de celui faisant aboutir la procédure d'expropriation ; il cible les travaux entrant dans le champ de la procédure d'extrême urgence ; il instaure les mêmes garanties que celles prévues pour les autres procédures d'expropriation.
L'amendement COM-67 vise également à recourir à un décret, après avis conforme du Conseil d'État. Il sera satisfait par l'adoption de mon amendement, aussi j'en demande le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.
L'amendement COM-36 est adopté. L'amendement COM-67 n'est pas adopté.
L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-6 prévoit la réalisation d'une étude de faisabilité et d'un débat public sur la construction de réacteurs nucléaires sur le site du Blayais, ce qui ne me semble pas opportun. Demande de retrait, sinon avis défavorable.
L'amendement COM-6 n'est pas adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-33 a pour objet de permettre au juge administratif de recourir à une procédure de régularisation de l'instance pour les litiges engagés à l'encontre des actes pris dans le cadre des mesures de simplification applicables aux projets de réacteurs nucléaires.
L'amendement COM-33 est adopté et devient article additionnel.
Article 8
L'article 8 est adopté sans modification.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-23 vise à réécrire la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur trente-cinquième année de fonctionnement. L'ASN est elle-même favorable à une évolution du rapport intermédiaire de sûreté, remis tous les cinq ans, dont le champ s'est révélé peu opérant, ainsi qu'à un recours aux procédures de déclaration et d'autorisation. J'ajoute que mon amendement COM-31 , que je vous présenterai, comporte des novations en matière de sûreté. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-23 n'est pas adopté, non plus que l'amendement COM-68 , ayant reçu un avis défavorable du rapporteur.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Les amendements COM-31 et COM-11 rectifié visent à faire évoluer la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà de leur trente-cinquième année de fonctionnement. Mon amendement COM-31 apporte trois principales clarifications : il précise les conditions de réalisation de l'enquête publique ; il maintient le principe d'un rapport intermédiaire sur la sûreté, devant être remis tous les cinq ans ; il clarifie le fait que les modifications des réacteurs nécessitent une nouvelle autorisation en cas de modification substantielle, ou une autorisation ou une déclaration auprès de l'ASN en cas de modification notable. J'ai tenu à spécifier que les travaux soumis à déclaration ne pourront être que mineurs, puisqu'ils ne pourront modifier de manière significative le rapport de sûreté ou l'étude d'impact. De plus, l'ASN pourra émettre à leur sujet toute prescription complémentaire.
Je demande le retrait de l'amendement COM-11 rectifié ou, à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
L'amendement COM-31 est adopté. L'amendement COM-11 rectifié n'est pas adopté.
L'amendement COM-27 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.
L'article 9 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-40 a pour objet d'intégrer les nouveaux risques liés à la résilience des réacteurs nucléaires au changement climatique et à leur cyber-résilience.
L'amendement COM-40 est adopté et devient article additionnel.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-56 vise à dispenser d'autorisation d'urbanisme les projets de travaux portant sur les réacteurs électronucléaires existants et leurs équipements.
L'amendement COM-56 est adopté et devient article additionnel.
Article 10
L'amendement de suppression COM-16 n'est pas adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-30 vise à ajuster les modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner depuis plus de deux ans. Il s'agit de prévoir le recours à un décret en Conseil d'État, plutôt qu'à un décret simple. L'enjeu est également de corriger un doublon dans le délai d'application, en faisant prévaloir celui qui est fixé par la puissance publique, dans le décret précité, sur celui qui est indiqué par l'exploitant, dans une déclaration complémentaire. Je précise que le Gouvernement y est globalement favorable.
L'amendement COM-30 est adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . -La modification proposée par l'amendement COM-69 n'est pas envisageable. Elle consisterait à prévoir qu'un décret ordonne la fermeture de toute installation nucléaire de base dès lors que l'absence de volonté ou l'incapacité de l'exploitant à remettre son installation en service dans des délais raisonnables ont été constatées par le ministre chargé de la sûreté.
Mme Sophie Primas , présidente . - C'est le même objectif que le précédent, mais par des voies différentes.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . -Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-69 n'est pas adopté.
L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
Division additionnelle avant le titre III
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-17 prévoit la remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les coûts de gestion des déchets radioactifs. Il est déjà satisfait par les évaluations et obligations existantes. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-17 n'est pas adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-18 vise à faire évoluer les modalités d'information des ministres chargés de l'énergie et de la sûreté, par les propriétaires de matières radioactives, sur les procédés de valorisation. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-18 n'est pas adopté, non plus que les amendements COM-24 , COM-25 et COM-26 , ayant reçu des avis défavorables du rapporteur
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - Mon amendement COM-29 tend à ajuster sur plusieurs points les dispositions de l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire, dont l'article 11 prévoit la ratification. Ces ajustements ont été signalés par l'ASN et EDF et le Gouvernement y est favorable.
L'amendement COM-29 est adopté.
L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-12 vise à étendre les périmètres des PPI à l'ensemble des communes situées dans l'intercommunalité concernée. Cette extension n'est pas opportune. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.
L'amendement COM-12 n'est pas adopté.
M. Daniel Gremillet , rapporteur . - L'amendement COM-28 rectifié tend à renforcer l'application des règles relatives à la parité au sein du collège de l'ASN. Avis de sagesse.
L'amendement COM-28 rectifié est adopté.
Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.
La réunion est close à 11 h 35.
Les sorts de la commission sont repris dans le tableau ci-dessous :
Division(s) additionnelle(s) avant TITRE I er : MESURES DESTINÉES À ACCÉLÉRER LES PROCÉDURES LIÉES À LA CONSTRUCTION DE NOUVELLES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES À PROXIMITÉ DE SITES NUCLÉAIRES EXISTANTS |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. SALMON |
19 |
Cessation des activités commerciales avec la société publique russe Rosatom et ses filiales |
Irrecevable art. 45, al. 1 C |
M. SALMON |
20 |
Interdiction de l'exportation et du stockage à l'étranger de l'uranium de retraitement |
Rejeté |
M. SALMON |
21 |
Publication par les exploitants publics et privés d'un rapport annuel public sur les importations et exportations d'uranium |
Rejeté |
Article(s) additionnel(s) avant Article 1 er |
|||
M. GREMILLET, rapporteur |
34 |
Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie pour la coordination avec le projet de loi |
Adopté |
Mme PAOLI-GAGIN |
4 rect. bis |
Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie pour la coordination avec le projet de loi |
Rejeté |
Mme PAOLI-GAGIN |
5 rect. bis |
Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie entravant la relance du nucléaire |
Rejeté |
M. MENONVILLE |
8 rect. |
Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie pour la coordination avec le projet de loi |
Rejeté |
M. SALMON |
22 |
Abrogation ou révision des dispositions du code de l'énergie pour la coordination avec le projet de loi |
Rejeté |
M. GREMILLET, rapporteur |
37 |
Coordination de la stratégie énergétique nationale appliquée à l'énergie nucléaire et à l'hydrogène bas-carbone en étant issu avec le projet de loi |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
38 |
Coordination du contenu en matière d'énergie nucléaire de la future loi quinquennale sur l'énergie avec le projet de loi |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
39 |
Coordination de l'évaluation en matière d'énergie nucléaire de la future loi quinquennale sur l'énergie avec le projet de loi |
Adopté |
Article 1 er |
|||
M. SALMON |
13 |
Suppression de l'article déterminant le champ d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires |
Rejeté |
M. GREMILLET, rapporteur |
32 |
Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires |
Adopté |
Mme PAOLI-GAGIN |
1 rect. bis |
Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires |
Rejeté |
Mme PAOLI-GAGIN |
2 rect. bis |
Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires |
Rejeté |
M. MENONVILLE |
7 rect. |
Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN |
63 |
Modification des conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs nucléaires |
Rejeté |
M. GREMILLET, rapporteur |
60 |
Application d'une plus grande neutralité technologique dans les conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
61 |
Application d'une plus grande reddition des comptes dans les conditions d'application des mesures de simplification prévues pour les projets de réacteurs électronucléaires |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 1 er |
|||
Mme PAOLI-GAGIN |
3 rect. bis |
Remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur le calendrier et les sites des futurs réacteurs nucléaires |
Rejeté |
Article 2 |
|||
M. SALMON |
14 |
Suppression de l'article |
Rejeté |
M. GREMILLET, rapporteur |
45 |
Qualification de projet d'intérêt général (PIG) postérieure au débat public |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
46 |
Dialogue entre l'État et les collectivités compétentes pour la mise en compatibilité des documents d'urbanisme |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
55 |
Amendement de précision juridique |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 2 |
|||
M. MENONVILLE |
10 rect. |
Réduction de 18 à 12 mois du délai séparant le dépôt des autorisations d'exploitation des installations de production d'électricité nucléaire de leur mise en service |
Rejeté |
Article 3 |
|||
M. GREMILLET, rapporteur |
57 |
Amendement de coordination |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
54 |
Compétence du ministre chargé de l'urbanisme pour vérifier la conformité des projets aux règles de l'urbanisme |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
47 |
Amendement de précision juridique |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
48 |
Amendement de coordination |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
49 |
Précisions (par décret) relatives à la procédure de contrôle de la conformité des projets aux règles d'urbanisme |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
53 |
Amendement de coordination |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
50 |
Amendement de précision juridique |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
51 |
Avancée du fait générateur de la taxe d'aménagement à la date de délivrance de l'autorisation environnementale en cas de travaux anticipés |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
52 |
Assimilation des projets de réacteurs électronucléaires à des « projets d'envergure nationale » au regard du ZAN |
Adopté |
Article 4 |
|||
M. GREMILLET, rapporteur |
35 |
Introduction, dans la procédure d'anticipation des travaux, de garanties relatives à l'évaluation environnementale et à la participation du public |
Adopté |
M. Pascal MARTIN |
64 |
Impossibilité de modification de l'autorisation environnementale après la délivrance de l'autorisation de création |
Rejeté |
M. GREMILLET, rapporteur |
59 |
Clarification de l'articulation entre la procédure d'anticipation des travaux et le droit existant en matière d'urbanisme |
Adopté |
M. Pascal MARTIN |
65 |
Clarification de l'articulation entre la procédure d'anticipation des travaux et le droit existant en matière d'urbanisme |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
62 |
Introduction, dans la procédure de l'anticipation des travaux, de garanties relatives aux conditions, au déroulement et à l'autorité en charge de ces travaux anticipés |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
58 |
Clarification des modalités d'application règlementaires de la procédure d'anticipation des travaux |
Adopté |
M. Pascal MARTIN |
66 |
Clarification des modalités d'application règlementaires de la procédure d'anticipation des travaux |
Adopté |
Article 5 |
|||
M. SALMON |
15 |
Suppression d'article |
Rejeté |
M. GREMILLET, rapporteur |
41 |
Précision juridique et rédactionnelle |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
42 |
Encadrement de la dérogation à la loi « Littoral » applicable aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité |
Adopté |
Article 6 |
|||
M. GREMILLET, rapporteur |
43 |
Coordination juridique |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
44 |
Contenu du cahier des charges adossé à la concession d'utilisation du domaine public maritime |
Adopté |
Article 7 |
|||
M. GREMILLET, rapporteur |
36 |
Consolidation de la procédure d'expropriation d'extrême urgence appliquée aux projets de réacteurs nucléaires |
Adopté |
M. Pascal MARTIN |
67 |
Consolidation de la procédure d'expropriation d'extrême urgence appliquée aux projets de réacteurs nucléaires |
Rejeté |
Article(s) additionnel(s) après Article 7 |
|||
Mme Nathalie DELATTRE |
6 |
Réalisation d'une étude de faisabilité et d'un débat public sur la construction de réacteurs nucléaires sur le site du Blayais |
Rejeté |
M. GREMILLET, rapporteur |
33 |
Institution d'une procédure de régularisation de l'instance, s'agissant des litiges engagés à l'encontre des actes pris dans le cadre des mesures de simplification applicables aux projets de réacteurs nucléaires |
Adopté |
TITRE II : MESURES RELATIVES AU FONCTIONNEMENT DES INSTALLATIONS NUCLÉAIRES DE BASE EXISTANTES |
|||
Article 9 |
|||
M. SALMON |
23 |
Réécriture de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur 35 e année de fonctionnement |
Rejeté |
M. Pascal MARTIN |
68 |
Réécriture de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur 35 e année de fonctionnement |
Rejeté |
M. GREMILLET, rapporteur |
31 |
Consolidation de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur 35 e année de fonctionnement |
Adopté |
M. MENONVILLE |
11 rect. |
Consolidation de la procédure de réexamen des réacteurs nucléaires, au-delà notamment de leur 35 e année de fonctionnement |
Rejeté |
M. GAY |
27 |
Suspension de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) et rétablissement des tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) |
Irrecevable art. 45, al. 1 C |
Article(s) additionnel(s) après Article 9 |
|||
Auteur |
N° |
Objet |
Sort de l'amendement |
M. GREMILLET, rapporteur |
40 |
Intégration des nouveaux risques liés à la résilience des réacteurs nucléaires au changement climatique et à leur cyber-résilience |
Adopté |
M. GREMILLET, rapporteur |
56 |
Dispense d'autorisation d'urbanisme pour les travaux portant sur les réacteurs électronucléaires existants et leurs équipements |
Adopté |
Article 10 |
|||
M. SALMON |
16 |
Suppression de l'article ajustant les modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans |
Rejeté |
M. GREMILLET, rapporteur |
30 |
Ajustement des modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans |
Adopté |
M. Pascal MARTIN |
69 |
Ajustement des modalités de mise à l'arrêt définitif des installations nucléaires de base ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à deux ans |
Rejeté |
Division(s) additionnelle(s) avant TITRE III : DISPOSITIONS DIVERSES |
|||
M. SALMON |
17 |
Remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur les coûts de gestion des déchets radioactifs |
Rejeté |
M. SALMON |
18 |
Évolution des modalités d'information, des ministres chargés de l'énergie et de la sûreté, par les propriétaires de matières radioactives, sur les procédés de valorisation |
Rejeté |
M. SALMON |
24 |
Institution d'une Commission nationale des provisionnements pour servitudes nucléaires en lieu et place de la Commission nationale d'évaluation du financement des charges de démantèlement des installations nucléaires de base et de gestion des combustibles usés et déchets radioactifs |
Rejeté |
M. SALMON |
25 |
Remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur l'ensemble des coûts de la filière nucléaire |
Rejeté |
M. SALMON |
26 |
Remise d'un rapport du Gouvernement au Parlement sur la gestion du démantèlement des centrales françaises |
Rejeté |
Article 11 |
|||
M. GREMILLET, rapporteur |
29 |
Ajustement de l'ordonnance n° 2016-128 du 10 février 2016 portant diverses dispositions en matière nucléaire |
Adopté |
Article(s) additionnel(s) après Article 11 |
|||
Mme GUILLOTIN |
12 |
Extension des périmètres des plans particuliers d'intervention (PPI) à l'ensemble des communes situées dans l'intercommunalité concernée |
Rejeté |
M. BUIS |
28 rect. |
Renforcement des règles relatives à la parité au sein du collège de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) |
Adopté |