N° 236

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 11 janvier 2023

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires économiques (1) sur le projet de loi relatif à l' accélération des procédures liées à la construction de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes (procédure accélérée),

Par M. Daniel GREMILLET,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : Mme Sophie Primas , présidente ; M. Alain Chatillon, Mme Dominique Estrosi Sassone, M. Patrick Chaize, Mme Viviane Artigalas, M. Franck Montaugé, Mme Anne-Catherine Loisier, MM. Jean-Pierre Moga, Bernard Buis, Fabien Gay, Henri Cabanel, Franck Menonville, Joël Labbé , vice-présidents ; MM. Laurent Duplomb, Daniel Laurent, Mme Sylviane Noël, MM. Rémi Cardon, Pierre Louault , secrétaires ; MM. Serge Babary, Jean-Pierre Bansard, Mmes Martine Berthet, Florence Blatrix Contat, MM. Michel Bonnus, Denis Bouad, Yves Bouloux, Jean-Marc Boyer, Alain Cadec, Mme Anne Chain-Larché, M. Patrick Chauvet, Mme Marie-Christine Chauvin, M. Pierre Cuypers, Mmes Françoise Férat, Amel Gacquerre, M. Daniel Gremillet, Mme Micheline Jacques, M. Jean-Baptiste Lemoyne, Mmes Valérie Létard, Marie-Noëlle Lienemann, MM. Claude Malhuret, Serge Mérillou, Jean-Jacques Michau, Mme Guylène Pantel, M. Sebastien Pla, Mme Daphné Ract-Madoux, M. Christian Redon-Sarrazy, Mme Évelyne Renaud-Garabedian, MM. Olivier Rietmann, Daniel Salmon, Mme Patricia Schillinger, MM. Laurent Somon, Jean-Claude Tissot .

Voir les numéros :

Sénat :

100 , 233 et 237 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Mercredi 11 janvier 2023, la commission des affaires économiques du Sénat a adopté le projet de loi relatif à l'accélération des procédures liées aux constructions de nouvelles installations nucléaires à proximité de sites nucléaires existants et au fonctionnement des installations existantes . Ce texte vise à accélérer la construction de nouveaux réacteurs pour réaliser la relance de l'énergie nucléaire, annoncée par le Président de la République, dans le discours de Belfort, le 10 février 2022. Il prévoit aussi d'améliorer la sûreté des réacteurs existants, lors de leur réexamen ou de leur arrêt.

La commission rappelle que le Gouvernement a trop longtemps délaissé la filière du nucléaire . Jusqu'au discours de Belfort, il a appliqué une politique de fermeture des réacteurs existants, avec 14 arrêts prévus en 20 ans, dont les 2 de la centrale de Fessenheim dès 2020, et une politique d'attentisme pour les nouveaux réacteurs, aucune décision n'ayant été prise lors de la révision de notre planification énergétique, par la loi « Énergie-Climat » de 2019 puis la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) de 2020.

Les conséquences de ce désintérêt sont aujourd'hui dramatiques . Ainsi, RTE a placé la France en situation de « vigilance particulière » jusqu'en 2024 sur le plan de la sécurité d'approvisionnement. De son côté, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) relève une « érosion tendancielle » de la production nucléaire en 10 ans et l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) un système électrique désormais « sans marge ».

Un an après le discours de Belfort, les annonces opportunément faites par le Président de la République en faveur d'une relance du nucléaire, à la toute fin du premier quinquennat, n'ont été que peu suivies d'effets ! Ce texte en est l'illustration, dans la mesure où il n'est pas à la hauteur, ni sur le fond, ni sur la méthode, des enjeux auxquels est confrontée la filière du nucléaire.

Pour autant, soucieuse d'accompagner cette relance du nucléaire, la commission a estimé crucial de consolider et de compléter le texte, selon 4 directions . Elle a entendu combler ses angles morts, en révisant la planification énergétique et en prévoyant que la prochaine loi quinquennale sur l'énergie acte la construction des réacteurs et résolve les enjeux du financement ou des compétences. Elle a aussi voulu renforcer la sécurité et la sûreté nucléaires, en légiférant sur la résilience des réacteurs au changement climatique et sur leur cyber-résilience. De plus, elle a souhaité mieux associer les collectivités territoriales et le public à la relance du nucléaire. Enfin, elle s'est attachée à renforcer la sécurité juridique, notamment en cas d'expropriation ou de contentieux.

I. UN CONTEXTE PRÉOCCUPANT POUR UNE ÉNERGIE INDISPENSABLE POUR RENFORCER NOTRE SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE ET ATTEINDRE LA NEUTRALITÉ CARBONE D'ICI 2050

En déclin depuis les années 2010 et confrontée à des indisponibilités à court terme, et à un « effet falaise » à long terme, la filière du nucléaire a besoin de prérequis - stratégiques, financiers et humains - pour réussir sa relance.

A. UN REGRETTABLE DÉCLIN DEPUIS LES ANNÉES 2010

Autrefois très dynamique, la filière du nucléaire est aujourd'hui en déclin, faute d'une politique cohérente et d'investissements suffisants . Portée par la mise en service de 58 réacteurs dans les années 1970-1980, elle a connu un ralentissement, avec l'arrêt de 2 réacteurs, la construction de 1 seul réacteur et l'abandon de 1 projet, dans les années 2010. Jusqu'en 2022, le Gouvernement a entendu fermer 14 réacteurs. En stoppant les 2 réacteurs de la centrale de Fessenheim en 2020, il a privé la France d'une puissance de 1,8 gigawatt (GW), soit 1 800 éoliennes ou 15 centrales thermiques, et d'une production de 11 térawattheures (TWh), soit jusqu'à 10 M de tonnes d'économies de CO 2 . De plus, il n'a pas lancé de nouveaux réacteurs. Le seul chantier conduit est donc celui de l'EPR de Flamanville 3 depuis 2007, les autres autorisations remontant à 1991, pour Civaux 2, et 1984, pour Chooz B1. Enfin, le Gouvernement a raboté la recherche et le développement (R&D) dans le domaine du nucléaire. Confronté à une baisse de 70 M€ de son budget, de 2017 à 2021, le Commissariat à l'énergie nucléaire et aux énergies alternatives (CEA) a stoppé le projet Astrid en 2019.

B. DES DIFFICULTÉS CONJONCTURELLES ET STRUCTURELLES

Dans ce contexte, deux difficultés conjoncturelles éprouvent la filière du nucléaire . La première est la faible disponibilité du parc. Cela s'explique par la densité du programme du Grand Carénage, l'impact de la crise de la Covid-19 sur le programme d'« arrêts de tranches » et le phénomène de « corrosion sous contrainte ». Mi-novembre, 28 réacteurs ont été mis à l'arrêt, dont 16 pour ce phénomène, selon EDF. De plus, EDF a évalué sa production entre 275 et 285 TWh pour 2022, en baisse de 15 % par rapport aux prévisions initiales. La seconde est la flambée des prix. Cela résulte de la reprise de l'économie mondiale, au sortir de la crise de la Covid-19, puis de la guerre russe en Ukraine. Mi-décembre, les prix de marché de l'électricité ont dépassé les 700 €/MWh, soit une multiplication par 35 par rapport au printemps 2020. De plus, les tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVE) augmenteront de 15 % en 2023, après une hausse de 4 % en 2022, en dépit de l'application du « bouclier tarifaire », reconduit en loi de finances initiale pour 2023.

À plus long terme, la filière du nucléaire est confrontée à des perspectives complexes . Pour réaliser la neutralité carbone, la Commission européenne anticipe un doublement de la production d'électricité et l'Agence internationale de l'énergie (AIE) un doublement de celle d'origine nucléaire. Or, le parc fait face à deux défis, selon Réseau de transport d'électricité (RTE) : d'une part, la consommation d'électricité pourrait croître jusqu'à 90 %, en cas de réindustrialisation ; d'autre part, les réacteurs actuels devraient arriver en fin de vie, avec un « effet falaise », de 400 TWh, à compter de 2040. Dans ce contexte, RTE estime que « seule une décision politique sur la construction de nouveaux réacteurs au cours de l'année 2022 ou 2023 permettrait de disposer de nouvelles tranches à l'horizon 2035 » . Or, la capacité de renouvellement du parc est limitée par des délais incompressibles et des ressources limitées. Grevé d'une dette de 43 Mds€, le groupe EDF a ainsi perdu 18,1 Mds€ avec le phénomène de « corrosion sous contrainte » et 10,2 Mds€ avec le « bouclier tarifaire ». Or, il doit financer le Grand Carénage, 65 Mds€ sur 2014-2028, et les EPR, dont 12,7 Mds€ pour Flamanville, 30 Mds€ pour Hinkley Point et 46 Mds€ pour les 6 nouveaux EPR.

C. UNE RELANCE DU NUCLÉAIRE NÉCESSITANT DES PRÉREQUIS

Pour réussir sa relance, la filière du nucléaire doit s'appuyer sur un cap clair, des actes concrets et des moyens massifs . Les annonces politiques doivent être clarifiées, car le discours de Belfort évoque 25 GW de « nouveau nucléaire », avec la construction de 6 EPR, l'étude de 8 autres et le développement de 1 SMR, assortis d'une prolongation des réacteurs existants au-delà de 50 ans. Or, le scénario le plus nucléarisé de RTE, « N03 » , prévoit 27 GW de « nouveau nucléaire », ce qui suppose la construction de 14 EPR et de 4 GW de SMR et la prolongation des réacteurs existants au-delà de 60 ans. De plus, il est nécessaire de tenir compte de deux alertes : pour RTE, jusqu'à 3 EPR supplémentaires (soit 5 GW) seraient nécessaires si la prolongation des réacteurs existants au-delà de 60 ans n'était pas possible et jusqu'à 9 autres (soit 15 GW) en cas de réindustrialisation. De plus, les objectifs programmatiques doivent être révisés, car le code de l'énergie tout comme la PPE n'intègrent en rien la construction de nouveaux réacteurs et, pire, prévoient toujours la fermeture de ceux existants... Enfin, des prérequis sont indispensables : un modèle de financement solide, qui doit passer par la révision de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh), de même que la consolidation des compétences, de l'exploitant comme des autorités en charge de la sûreté, et une dynamisation de la R&D en direction de la fermeture du « cycle du combustible ».

Au total, la commission estime indispensable de construire plus d'EPR et de SMR que ceux annoncés, de les construire plus vite et surtout de les assortir de moyens budgétaires et humains . C'est à ces conditions que l'énergie nucléaire pourra rester un levier essentiel de notre souveraineté énergétique, puisque cette énergie représente 69 % de notre production d'électricité en 2021 et un levier de transition énergétique, avec moins de 6 grammes de CO 2 par kWh.

II. DES DISPOSITIONS TRÈS EN DEÇÀ DES ENJEUX DE LA FILIÈRE DU NUCLÉAIRE NÉANMOINS IMPORTANTES

Dans ce contexte préoccupant, le projet de loi comporte 11 articles, d'une portée limitée comparée aux enjeux de la filière du nucléaire, qui ont été examinés par le rapporteur Daniel Gremillet pour la commission des affaires économiques.

A. CONSTRUIRE DE NOUVELLES INSTALLATIONS

Le titre premier concerne la construction de nouvelles installations nucléaires.

Son champ vise les réacteurs électronucléaires installés à l'intérieur ou à proximité immédiate du périmètre d'une installation nucléaire de base (INB) existante, dès lors que leur demande d'autorisation de création est déposée dans un délai de 15 ans ( article 1 er ).

Les mesures de simplification proposées sont de plusieurs ordres :

• l' article 2 propose que les projets de réacteurs soient qualifiés de « projets d'intérêt général » (PIG) par décret en Conseil d'État, et qu'ils bénéficient à ce titre de plusieurs dérogations en matière d'urbanisme. En particulier, la procédure de mise en compatibilité des documents d'urbanisme sera simplifiée, via un engagement direct de procédure par le préfet et une simple mise à disposition du projet au public ;

• l' article 3 vise à dispenser les projets de réacteurs d'autorisations d'urbanisme, en prévoyant que la conformité de ces projets aux règles d'urbanisme soit vérifiée par l'État dans le cadre des demandes d'autorisation environnementale ou d'autorisation de création qui sont par ailleurs requises. Il prévoit également des coordinations visant à assurer la continuité de la perception de la taxe d'aménagement par les collectivités territoriales, en l'absence de permis de construire ;

• l' article 4 propose que l'autorisation environnementale soit délivrée par décret en Conseil d'État, au vu d'une étude d'impact portant sur l'ensemble du projet. Il permet également que les constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de la création des réacteurs puissent être réalisés à compter de la délivrance de l'autorisation environnementale, sous réserve de leur conformité aux règles d'urbanisme. Quant à la construction des bâtiments destinés à recevoir des combustibles nucléaires ou à héberger des matériels de sauvegarde, elle ne peut l'être qu'après la délivrance de l'autorisation de création ;

• l' article 5 permet d'exonérer les constructions, aménagements, équipements, installations et travaux liés à la création ou à l'exploitation d'un réacteur, ainsi que leurs ouvrages de raccordement, des dispositions de la loi « Littoral », à proximité immédiate ou à l'intérieur de l'INB ;

• l' article 6 propose de simplifier la procédure d'octroi des concessions d'utilisation du domaine public maritime pour la construction de réacteurs, en prévoyant que l'obtention d'une telle concession par décret en Conseil d'État vaille déclaration d'utilité publique, sous réserve de la bonne réalisation de l'enquête publique et de l'engagement pris par l'exploitant de respecter un cahier des charges ;

• l' article 7 vise à appliquer la procédure d'expropriation d'extrême urgence, pour la prise de possession de terrains ou d'immeubles, bâtis ou non, nécessaires aux projets de réacteurs. Ce dispositif s'applique, d'une part, aux installations ou aménagements directement liés à la préparation des travaux réalisés en vue de la création d'un réacteur et, d'autre part, aux constructions, aménagements, installations et travaux réalisés en vue de cette création, ainsi qu'aux équipements et installations nécessaires à leur exploitation et aux ouvrages de raccordement aux réseaux de transport d'électricité. Un délai de 10 ans est prévu entre la déclaration d'utilité publique et l'achèvement de la procédure d'expropriation.

B. AMÉLIORER LES INSTALLATIONS EXISTANTES

Le titre II concerne le fonctionnement des installations nucléaires existantes.

• l' article 9 propose de clarifier les modalités de réalisation des réexamens périodiques des réacteurs, notamment au-delà de leur 35 e année de fonctionnement. Pour ce faire, il cible la participation du public sur les conclusions du réexamen et les dispositions proposées par l'exploitant, supprime un rapport intermédiaire sur l'état des équipements remis tous les 5 ans et prévoit que les modifications puissent être réalisées après déclaration ou autorisation auprès de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) ou au terme d'une nouvelle autorisation ;

• l' article 10 propose d'ajuster la procédure de mise à l'arrêt définitif des INB ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à 2 ans. Dans cette perspective, il remplace la mise à l'arrêt automatique par le recours à un décret, pris après avis de l'ASN, après que l'exploitant a eu la possibilité de présenter ses observations.

C. AJUSTER DIVERSES DISPOSITIONS EN MATIÈRE DE NUCLÉAIRE

Le titre III porte sur des dispositions diverses, avec la ratification de l'ordonnance du 10 février 2016 portant diverses mesures en matière nucléaire ( article 11 ).

III. UN OBJECTIF PARTAGÉ MAIS UNE MÉTHODOLOGIE PERFECTIBLE

La commission des affaires économiques, et le Sénat dans sa quasi-totalité, partagent l'objectif de la relance de la filière du nucléaire .

A. UNE FORTE IMPLICATION SÉNATORIALE EN FAVEUR DU NUCLÉAIRE

Au reste, la commission est très impliquée en faveur de l'énergie nucléaire .

Dans la loi Énergie-Climat, de 2019, elle a décalé de 10 ans, de 2025 à 2035, l'objectif de réduction de 50 % de cette énergie. Dans la loi ASAP, de 2020, elle a maintenu et consolidé la commission en charge du contrôle des charges de démantèlement des INB, en lui permettant de consulter l'Autorité de contrôle prudentiel (ACPR). Dans la loi Climat-Résilience de 2021, elle a permis de conditionner toute fermeture de réacteur à la prise en compte de son impact sur la sûreté nucléaire, la sécurité d'approvisionnement et les émissions de gaz à effet de serre (GES). Dans ces textes, elle a aussi prévu que l'hydrogène bas-carbone, issu de l'énergie nucléaire, soit intégré à la planification énergétique et bénéficie de dispositifs de soutien ou de mesures de simplification.

Ce faisant, la commission s'est positionnée avant et, bien souvent, contre le Gouvernement.

Au-delà de son activité législative, elle a fait adopter une résolution sur la relance de l'énergie nucléaire, en février 2021, et une autre sur l'intégration de cette énergie à la taxonomie verte européenne, en décembre de la même année.

Plus récemment, la mission d'information transpartisane sur l'énergie nucléaire et l'hydrogène bas-carbone , confiée à Daniel Gremillet, Jean-Pierre Moga et Jean-Jacques Michau, a proposé d'acter la construction de 14 EPR et de 4 GW de SMR, pour maintenir un mix majoritairement nucléaire à l'horizon 2050, afin de réaliser concrètement le scénario précité le plus nucléarisé de RTE, « N03 » .

B. UNE LARGE CONCERTATION CONDUITE PAR LE RAPPORTEUR

Dans le cadre de ses travaux préalables, le rapporteur a procédé à l'audition de 100 personnalités issues de 50 organismes et a reçu 40 contributions . Il a ainsi entendu les représentants de la filière du nucléaire, des organismes en charge de la sûreté, des associations environnementales et des collectivités territoriales, dont celles éventuellement concernées par la construction des 6 premiers EPR.

Le 14 décembre, une table ronde de la commission des affaires économiques a permis d'auditionner le président-directeur général d'EDF, le président de l'ASN, l'administrateur général du Commissariat général à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ainsi que deux directeurs d'Orano et de RTE.

Le même jour, le groupe d'études « Énergie » a reçu le président de la commission spéciale de la Commission nationale du débat public (CNDP) chargée d'organiser le débat public sur plusieurs sujets nucléaires.

C. DE LOURDES DIFFICULTÉS DE MÉTHODE DE LA PART DU GOUVERNEMENT

À l'issue de ses travaux préalables, le rapporteur a constaté les difficultés méthodologiques posées par le projet de loi .

Tout d'abord, le Gouvernement légifère dans le désordre , car il aurait fallu soumettre à l'examen parlementaire le projet de loi quinquennale sur l'énergie, puis le projet de loi sur l'accélération du nucléaire et enfin le projet de loi sur l'accélération des renouvelables.

Plus encore, le Gouvernement légifère dans la précipitation , le Sénat ayant été informé mi-décembre de l'examen du projet de loi relatif nucléaire début janvier et de la tenue de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi afférent aux renouvelables fin janvier.

Autre difficulté, le Gouvernement omet les consultations en cours , la CNDP ayant été chargée de plusieurs débats sur l'évolution du mix énergétique, le programme de nouveaux réacteurs et la construction de 2 EPR sur le site de Penly.

Enfin, le Gouvernement se focalise sur la simplification , éludant les questions pourtant cruciales relatives à l'actualisation de la planification énergétique, et notamment à la revalorisation de l'énergie nucléaire dans le mix électrique, à la décision effective de construction des EPR, les 6 annoncés comme les 8 à l'étude, et enfin aux moyens financiers et humains nécessaires, dont le devenir de la nouvelle régulation du nucléaire.

D. DES GAINS DE TEMPS PERMIS PAR LE TEXTE ENCORE HYPOTHÉTIQUES

En dépit de cette méthodologie déficiente, le projet de loi laisse espérer des gains de temps importants pour accompagner la relance de l'énergie nucléaire .

D'une part, certaines procédures , telles que celles relatives à la mise en compatibilité des documents d'urbanisme (article 3) et à l'anticipation de certains travaux (article 4) sont porteuses en tant que telles de gains significatifs .

D'autre part, les recours doivent être optimisés . En effet, le texte réduit le nombre d'actes, compte tenu de la suppression de l'autorisation d'urbanisme (article 3), de la dérogation à la loi « Littoral » (article 5) ou de la dispense de déclaration d'utilité publique (article 6). Pour les actes subsistant, dont la qualification de projet d'intérêt général (article 1 er ), l'autorisation environnementale (article 4), la concession d'utilisation du domaine public maritime (article 6) ou la procédure d'expropriation d'extrême urgence (article 7), le projet de loi garantit la prise d'un décret, ce qui signifie que les contentieux relèveront, en premier et dernier ressorts, du Conseil d'État.

Au total, le rapporteur retient de ces travaux que les mesures de simplification doivent permettre une accélération de plusieurs années , tant selon EDF que le Gouvernement.

Articles

Estimation EDF

Estimation Gouvernement

2

12 mois

1 à 2 ans

3

3 mois

1 à 2 ans

4

2 ans

1 à 2 ans

5

-

Plusieurs années

6

5 mois

6 à 8 mois

7

12 mois

Plusieurs années

Contentieux

-

2 à 3 ans

Les chiffres-clés du projet de loi « Nouveau nucléaire »

Des travaux ayant permis d'auditionner

Une accélération espérée jusqu'à

Un parc nucléaire existant de

Une production à renouveler de

Des émissions maximales de

personnalités issues
de 50 organismes

de la construction
des réacteurs,
selon EDF

avec une capacité de 61,4 GW
et une production de 360,7 TWh
en 2021

avec un
« effet falaise » d'ici 2040

de CO 2 /kWh

IV. LA POSITION DE LA COMMISSION : POUR UN NUCLÉAIRE PLUS RAPIDE, SÛR, PROPRE ET INNOVANT

Le rapporteur a entendu consolider et compléter le texte, selon 4 axes .

A. COMBLER LES ANGLES MORTS DU TEXTE

En premier lieu, le rapporteur a souhaité combler les angles morts du texte, qui pâtit, d'un manque de vision stratégique, de neutralité technologique et de suivi démocratique .

Tout d'abord, il a présenté 4 amendements pour coordonner la planification énergétique avec la relance du nucléaire, poursuivie par le projet de loi.

Le premier ( article 1 er A ) abroge les verrous posés à cette relance du nucléaire en :

• supprimant l'objectif de réduction à 50 % de de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici 2035 ;

• supprimant la limitation a priori à 63,2 GW des autorisations d'exploitation des installations de production d'énergie nucléaire ;

• prévoyant une révision simplifiée de la PPE pour y retirer la trajectoire de fermeture des 12 réacteurs, hors Fessenheim.

Le deuxième ( article 1 er B ) propose une nouvelle stratégie en matière de nucléaire.

Pour ce faire, il inscrit des objectifs de :

• maintien de la production d'électricité nucléaire à plus de 50 % d'ici 2050, pour relancer la filière du nucléaire ;

• décarbonation du mix électrique, à hauteur de 100 %, et du mix énergétique, à hauteur de 50 % d'ici 2030, pour cesser d'opposer énergies nucléaire et renouvelables ;

• production d'électricité nucléaire à partir de matières recyclées, à hauteur de 20 % d'ici 2030, pour valoriser le cycle du combustible ;

• capacités de production de 6,5 GW d'hydrogène décarboné produit par électrolyse d'ici 2030, pour favoriser l'hydrogène issu de l'énergie nucléaire ;

• soutien à la recherche et à l'innovation en direction de l'énergie nucléaire et de l'hydrogène bas-carbone (EPR2, SMR, réacteurs de « 4 e génération », projet ITER, couplage nucléaire-hydrogène, PIIEC hydrogène).

De plus, l'amendement prévoit que le Gouvernement expose sa politique en matière d'énergie nucléaire, dans les débat et synthèse relatifs à la PPE.

Le troisième ( article 1 er C ) prévoit que la prochaine loi quinquennale sur l'énergie, attendue avant le 1 er juillet de 2023, fixe des objectifs de « décarbonation », plutôt que de « diversification » du mix électrique, qui devront, en matière d'énergie nucléaire :

• acter la construction des EPR et des SMR à l'horizon 2050 ;

• préciser les moyens financiers et humains, les enjeux de sûreté et de sécurité, l'effort de recherche et d'innovation et, le cas échéant, le dimensionnement des installations du cycle du combustible, dont celles de retraitement-recyclage et de stockage.

Le dernier ( article 1 er D ) prévoit qu'une évaluation soit réalisée d'ici cette loi quinquennale sur les besoins induits par les 14 EPR mentionnés par le Gouvernement et les 9 autres étudiés par RTE sur la situation du groupe EDF, des finances publiques et du marché de l'électricité, les besoins en termes de métiers et de compétences, la sûreté et la sécurité et le cycle du combustible.

Plus encore, le rapporteur a présenté 3 amendements à l' article 1 er , pour clarifier les modalités d'application des mesures de simplification prévues pour les nouveaux réacteurs :

• d'une part, le rapporteur a allongé de 15 à 20 ans leur durée, afin de permettre qu'elles intègrent pleinement l'ensemble de la relance du nucléaire, les 6 EPR annoncés mais aussi les 8 autres à l'étude ;

• d'autre part, il a ciblé le champ d'application du dispositif, pour exclure des sites d'implantation potentiels les centres de stockage géologique profond et les accélérateurs de particules, et prévoir que la notion de « proximité immédiate » soit définie par décret en Conseil d'État, dans la limite du plan particulier d'intervention (PPI) associé au site, soit un rayon de 20 kilomètres autour de ce dernier ;

• le rapporteur a aussi souhaité garantir la neutralité technologique, en intégrant pleinement, aux côtés des EPR2, les SMR, les électrolyseurs d'hydrogène mais aussi les installations de stockage du combustible liées aux réacteurs. Il a prévu une clause de revoyure, dans un délai de 5 ans, pour intégrer, le cas échéant, d'autres technologies et d'autres sites ;

• enfin, il entendu renforcer la reddition des comptes, en prévoyant une évaluation annuelle de l'application des mesures de simplification, comprenant un rappel des objectifs et une justification des écarts, notamment en termes de délais. Il a prévu que la première évaluation précise les sites envisagés pour la construction des 6 EPR annoncés et des 8 autres à l'étude, le Gouvernement devant clarifier son intention.

B. GARANTIR LA SÛRETÉ ET LA SÉCURITÉ DES INSTALLATIONS

En deuxième lieu, le rapporteur a entendu garantir la sûreté et la sécurité des installations, face aux nouveaux risques liés notamment au changement climatique et à la cybersécurité .

À l' article 6 , il a ainsi présenté 2 amendements pour préciser le contenu du cahier des charges de l'exploitant, afin d'éclairer au mieux la décision de l'État. Il s'agit de « rendre compte » des mesures de sûreté prises dès le stade de la conception pour limiter les risques de submersion et d'inondation, intégrer le recul du trait de côte et les évolutions prévisibles du climat.

À l' article 9 , le rapporteur a présenté 1 amendement pour clarifier les modalités de réalisation du réexamen décennal des réacteurs, notamment au-delà de leur 35 e période de fonctionnement en :

• maintenant le principe d'un rapport intermédiaire sur la sûreté, devant être remis tous les 5 ans, en ajustant son champ, pour qu'il porte sur l'application des prescriptions de l'ASN et non sur l'état des équipements, dont l'intérêt s'est révélé limité ;

• précisant les conditions de réalisation de l'enquête publique, qui devra porter sur le rapport de réexamen et les conclusions et propositions qu'il comporte ;

• clarifiant le fait que les modifications des réacteurs nécessitent une nouvelle autorisation, en cas de modification substantielle, ou une autorisation ou une déclaration auprès de l'ASN, en cas de modification notable.

Le rapporteur a précisé que les travaux soumis à déclaration seront mineurs, puisqu'ils ne pourront modifier le rapport de sûreté ou l'étude d'impact. Ils devront être précisés par une liste fixée par l'ASN et homologuée par le ministre en charge de la sûreté. En cas de besoin, l'ASN pourra les soumettre à des prescriptions complémentaires.

Le rapporteur a également présenté un amendement ( article 9 bis ) visant à mieux intégrer la résilience des réacteurs au changement climatique ainsi que leur cyber-résilience.

• pour ce faire, il prévoit que la démonstration de sûreté, lors de l'autorisation de création ou du réexamen décennal, porte sur l'impact du changement climatique sur la nature, l'intensité et le cumul des aléas, notamment les conditions climatiques extrêmes et les inondations ;

• de plus, il intègre la cyber-sécurité parmi la protection des actes de malveillance faisant l'objet d'un contrôle, dans le cadre de l'autorisation de détention du combustible.

À l' article 10 , le rapporteur a présenté 1 amendement pour ajuster les modalités de mise à l'arrêt définitif des INB ayant cessé de fonctionner sur une période supérieure à 2 ans pour :

• prévoir le recours à un décret en Conseil d'État, la suspension des observations de l'exploitant en cas d'urgence et la nécessité de protéger les intérêts liés à la sécurité, à la salubrité et à la santé publique ou à la protection de la nature et de l'environnement, comme dans les autres procédures du même ordre ;

• corriger un doublon dans le délai d'application, en faisant prévaloir celui prévu par la puissance publique, dans le décret précité, sur celui indiqué par l'exploitant, dans une déclaration complémentaire.

À l' article 11 , le rapporteur a présenté 1 amendement corrigeant sur plusieurs points l'ordonnance du 16 février 2016 pour :

• améliorer le fonctionnement de la commission des sanctions de l'ASN, en y décentralisant le pouvoir de sanction de l'autorité et en facilitant la désignation de ses membres ;

• consolider le cadre applicable aux règles générales des INB pour protéger les intérêts précités, aux évaluations et prescriptions de l'ASN en cas de menace pour ces intérêts, ainsi qu'aux infractions aux règles de radioprotection pouvant être recherchées par ses inspecteurs.

C. MIEUX ASSOCIER LES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES ET LE PUBLIC

En troisième lieu, le rapporteur a voulu mieux associer les collectivités territoriales et le public à la relance du nucléaire, en veillant à la réalisation des consultations préalables, au contenu des études d'impact et à l'absence d'effet de bord, en matière de fiscalité ou de politique de lutte contre l'artificialisation notamment .

À l' article 2 , il a présenté 3 amendements pour s'assurer :

• d'une part, que le débat public soit bien mené à son terme avant que le projet ne soit validé et déclaré PIG, car il faut faire les choses dans l'ordre ;

• d'autre part, que les collectivités territoriales puissent entrer dans un dialogue avec l'État dans le cadre de la modification de leurs documents d'urbanisme, car une évolution efficace ne veut pas dire unilatérale.

À l' article 3 , le rapporteur a proposé 9 amendements visant notamment à :

• exclure l'éventuelle artificialisation résultant des nouveaux réacteurs du décompte de l'objectif « Zéro artificialisation nette » (ZAN), car il s'agit de projets d'ampleur nationale, voire européenne, qui ne doivent pas peser sur les seules collectivités territoriales d'accueil ;

• garantir que la taxe d'aménagement perçue par les collectivités territoriales ne soit pas remise en cause par la dispense de permis de construire.

À l' article 4 , il a fait adopter 4 amendements notamment pour :

• prévoir que l'anticipation des travaux intervienne à la demande de l'exploitant et à ses frais et risques, sous réserve que le public ait été informé de cette possibilité ;

• garantir le contenu de l'étude d'impact, qui doit comprendre, outre les éléments communs à tous les projets, des compléments spécifiques aux seuls projets nucléaires (prélèvements, rejets, déchets, incidences sur l'eau, l'air et les sols) ;

• préciser les modalités de réalisation de l'enquête publique et de consultation de l'ASN ;

• prévoir que la liste des travaux pouvant ou non être anticipés soit précisée par décret en Conseil d'État, après avis de l'ASN.

D. RENFORCER LA SÉCURITÉ JURIDIQUE DES PROCÉDURES

Enfin, le rapporteur a entendu renforcer la sécurité juridique des procédures, en encadrant certaines procédures dérogatoires mais aussi en veillant à l'accélération des contentieux et en facilitant la réalisation des travaux .

À l' article 5 , le rapporteur a présenté 1 amendement encadrant la dérogation à la loi « Littoral » prévue pour les ouvrages de raccordement, en prévoyant, non une exemption, mais une autorisation préfectorale, soumise à l'avis de la Commission départementale de la nature, des paysages et des sites (CDNPS).

À l' article 7 , il a proposé 1 amendement ajustant la procédure d'extrême urgence en matière d'expropriation afin :

• d'appliquer les mêmes garanties que celles de droit commun, c'est-à-dire le recours à un décret sur l'avis conforme du Conseil d'État et la fixation de conditions en matière notamment de relogement des habitants ou d'indemnisation des commerçants et artisans ;

• de cibler le champ du dispositif, en excluant les équipements et installations liés à l'exploitation des réacteurs et les ouvrages de raccordement, qui interviennent dans un second temps ;

• de réduire de 10 à 6 ans le délai entre la déclaration d'utilité publique et l'achèvement de la procédure d'expropriation.

Le rapporteur a également présenté 1 amendement ( 7 bis ) instituant une procédure de régularisation de l'instance permettant de limiter la portée de l'annulation ou de surseoir à statuer dans la résolution des litiges liés aux nouveaux réacteurs.

Enfin, le rapporteur a présenté 1 amendement ( article 9 ter ) dispensant de permis de construire les travaux d'adaptation des réacteurs nucléaires existants, ce qui pourra être utile pour l'application notamment du Grand Carénage.

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