III. LE PROGRAMME 164 : « COUR DES COMPTES ET AUTRES JURIDICTIONS FINANCIÈRES » : UNE PROGRESSION DES CRÉDITS ASSISE SUR DES CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRE ET UNE RÉORIENTATION DES MISSIONS DES JURIDICTIONS FINANCIÈRES

Le programme 164 « Cour des comptes et autres juridictions financières » retrace les crédits de la Cour des comptes et des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) - 13 en métropole et 10 en outre-mer - mais aussi le Conseil des prélèvements obligatoires, la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteurs et des droits voisins, et le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), dont les crédits ont été intégrés cette année au programme 164.

Évolution des crédits par action du programme 164

(en millions d'euros et en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (volume)

Évolution PLF 2023 / LFI 2022 (%)

FDC et ADP attendus en 2023

21 - Examen des comptes publics

AE

44,2

49,2

+ 5

+ 11,3 %

4,5

CP

44,2

49,2

+ 5

+ 11,3 %

4,5

22 - Contrôle des finances publiques

AE

16,9

18

+ 1,1

+ 6,5 %

0,0

CP

16,9

18

+ 1,1

+ 6,5 %

0,0

23 - Contrôle des gestions publiques

AE

63,9

68,1

+ 4,2

+ 6,6 %

0,0

CP

63,9

68,1

+ 4,2

+ 6,6 %

0,0

24 - Évaluation des politiques publiques

AE

35,9

39,4

+ 3,5

+ 9,7 %

0,0

CP

35,9

39,4

+ 3,5

+ 9,7 %

0,0

25 - Information des citoyens

AE

7,5

8,2

+ 0,7

+ 9,3 %

0,0

CP

7,5

8,2

+ 0,7

+ 9,3 %

0,0

26 - Mise en jeu de la responsabilité des comptables publics et des gestionnaires publics

AE

5,1

5,3

+ 0,2

+ 3,9 %

0,0

CP

5,1

5,3

+ 0,2

+ 3,9 %

0,0

27 - Pilotage et soutien des juridictions financières

AE

52,3

57,9

+ 5,6

+ 10,7 %

0,1

CP

52,3

57,9

+ 5,6

+ 10,7 %

0,1

28 - Gouvernance des finances publiques

AE

CP

0

0

1,32

1,32

+ 1,32

+ 1,32

+ 100 %

+ 100 %

0

0

Total programme 164

AE

225,8

247,4

+ 21,6

+ 9,6 %

4,6

CP

226,7

247,4

+ 20,7

+ 9,1 %

4,6

FDC et ADP : fonds de concours et attributions de produits.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Les crédits demandés pour 2023 s'élèvent à 247,4 millions d'euros en CP (comprenant 1,3 million d'euros affectés au HCFP) dont 219,3 millions de dépenses de personnel. Les crédits affectés à la Cour des comptes et aux autres juridictions financières augmentent de 9,2 % par rapport à 2022, et de 8,6 % hors HCFP.

Évolution des crédits de paiement du programme 164 par titre

(en millions d'euros)

A. UNE AUGMENTATION DES CRÉDITS LIÉE EN PARTIE À DES CHANGEMENTS DE PÉRIMÈTRE

Les dépenses de titre 2 du programme 164 sont en augmentation de 18,6 millions d'euros pour 2023, soit une hausse de 9,3 % par rapport à 2022. Hors CAS Pensions, ces dépenses passent de 149,9 millions à 165,6 millions d'euros, soit une augmentation de plus de 10 %. Les dépenses de fonctionnement sont aussi en hausse de 3,3 millions d'euros, ce qui représente + 19,2 % en AE et + 13,7 % en CP par rapport à 2022. Les dépenses d'investissement sont en revanche en baisse de 62,8 % en AE et de 56 % en CP . Les dépenses d'intervention stagnent quant à elles.

1. Le rattachement de nouvelles institutions explique en partie la hausse des crédits du programme 164
a) Les dépenses de titre 2 du Haut Conseil des finances publiques retracées au sein d'une nouvelle action du programme 164

Depuis le projet de loi de finances pour 2023, les crédits du HCFP sont transférés au sein du programme 164 et retracés dans une nouvelle action 28 - Gouvernance des finances publiques . En réalité, cette action ne retrace que les crédits de titre 2 dédiés au financement de la rémunération des membres du secrétariat permanent, constitué de huit ETP, et qui s'élèvent à 1,32 million pour l'année 2023 . Il ressort des réponses au questionnaire budgétaire que 0,05 million d'euros seront consacrés aux dépenses de fonctionnement du HCFP en 2023.

Dans la mesure où le budget du HCFP se compose à plus de 95 % de dépenses de personnel, son intégration au sein du programme 164 a eu pour principal effet d'augmenter les crédits de titre 2 du programme 164, à hauteur de 1,3 million d'euros, dont 0,3 million de contribution au CAS Pensions.

Le budget du HCFP est donc stable par rapport à l'année 2022, après avoir doublé en 2021. Toutefois, les crédits alloués sont chroniquement sous-consommés. Au 30 septembre 2022 , les crédits de titre 2 ont été consommés à hauteur de seulement 43 % , pour une consommation de 44 % des AE et 83 % des CP des crédits hors titre 2.

Le rapporteur spécial tient à saluer la stabilité de la dotation du HCFP pour 2023 . Si ses compétences ont été élargies par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, il souligne que la réforme avait été anticipée d'un point de vue budgétaire. De nouvelles hausses éventuelles des moyens du HCFP ne sont en tout état de cause pas justifiées tant que les crédits sont systématiquement sous-consommés.

Si le HCFP dispose de moyens adaptés à l'ensemble de ses missions, il est toutefois confronté à des délais particulièrement contraints .

Ainsi, en juin 2022, les délais qui ont été accordés au HCFP pour rendre son avis sur les prévisions macro-économiques et de solde structurel du projet de loi de finances rectificative (PLFR) ont été particulièrement contraints. La date prévisionnelle de saisine du Haut Conseil a été modifiée à plusieurs reprises et la date définitive de celle-ci ne lui a pas été communiquée que tardivement. Le HCFP n'a finalement été saisi par le Gouvernement que le 29 juin 2022, pour un avis attendu deux jours plus tard. Un tel délai, nullement justifié par l'urgence, était très réduit au regard de la complexité du contexte macroéconomique et de l'ampleur des mesures contenues dans ce PLFR. Il a rendu particulièrement difficile l'exercice par le Haut Conseil du mandat qui lui est confié par le législateur organique.

Concernant la saisine du Haut Conseil sur les prévisions macroéconomiques associées au programme de stabilité pour les années 2022 à 2027, elle est intervenue plus de trois mois plus tard que les années précédentes, au-delà même du calendrier électoral. La date prévisionnelle de saisine a par ailleurs été modifiée à plusieurs reprises. Comme pour le premier PLFR pour 2022, la date définitive de cette saisine n'a été communiquée au Haut conseil que très tardivement. Ces conditions compliquent indûment l'exercice du mandat qui lui est confié.

b) Le financement nouveau de la commission de l'évaluation de l'aide publique au développement

Le budget 2023 des juridictions financières est également affecté par le rattachement la commission de l'évaluation de l'aide publique au développement (CEAPD) à la Cour des comptes . Il est opéré sur le même modèle que le Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) ou la Commission de contrôle des organismes de gestion des droits d'auteur et des droits voisins (CCOGDA).

Le secrétariat de la commission est assuré par la Cour des comptes. À ce titre, cinq ETP ont été affectés pour 2023 à ce secrétariat permanent. Le budget de la CEAPD s'élève à 3,5 millions d'euros . 2 millions d'euros sont affectés aux dépenses de personnel hors CAS Pensions tandis que 1,5 million d'euros visent à couvrir les dépenses de fonctionnement de la commission. Elle occupe des locaux mis à disposition par la Cour .

La CEAPD concentre presque la moitié de la hausse des dépenses de fonctionnement du programme 164 . Le reste de la progression des crédits de titre 3 repose notamment sur les prévisions d'augmentation des coûts énergétiques pour 0,7 million d'euros ou encore d'autres prestations soumises à des effets d'indexation telles que les loyers ou encore les prestations de services (nettoyage, accueil et surveillance).

La constitution de la commission d'évaluation de l'aide publique
au développement (CEAPD)

L'article 12 de la loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales a institué une commission d'évaluation de l'aide publique au développement , placée auprès de la Cour des comptes.

Les dispositions du I de l'article 12 précité définissent les missions de cette commission : « Elle conduit des évaluations portant sur l'efficience, l'efficacité et l'impact des stratégies, des projets et des programmes d'aide publique au développement financés ou cofinancés par la France. Elle contribue à la redevabilité de la politique de développement solidaire et à la transparence sur les résultats atteints ainsi qu'à l'information du public. La commission élabore un cadre d'évaluation permettant de mesurer l'efficacité et l'impact de la politique française de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales ».

Lors de l'examen du projet de loi relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales 10 ( * ) , le Sénat avait proposé de clarifier l'intitulé et les nouvelles missions de la commission au regard de la mission d'évaluation des politiques publiques confiée au Parlement aux termes de l'article 24 de la Constitution. Par ailleurs, le Sénat a permis de préciser la composition de la commission, en prévoyant notamment la présence de deux députés et deux sénateurs , de telle sorte à assurer un lien avec la représentation nationale, chargée de l'évaluation des politiques publiques.

Ainsi, la CEAPD est composée de deux collèges, d'une part, un collège de parlementaires, et, d'autre part, un collège d'experts indépendants composé de dix personnalités qualifiées, à savoir deux magistrats de la Cour des comptes, dont son Premier président, trois personnes nommées par le ministère des affaires étrangères, trois par le ministre de l'économie, une par le ministre de la transition écologique et une par le ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Le décret n° 2022-787 du 6 mai 2022 relatif aux modalités de fonctionnement de la CEAPD précise que les parlementaires sont désignés par le président de leur assemblée respective de manière à assurer, pour chacune des assemblées, une représentation pluraliste.

Pour l'heure, la Cour des comptes est dans une phase de préfiguration avec la direction générale du Trésor et la direction générale de la mondialisation, du développement et des partenariats , et espère une mise en place de la commission au premier trimestre de l'année 2023. Celle-ci devra aussi veiller à la complémentarité de ses travaux avec la section affaires étrangères de la 4 ème chambre de la Cour des comptes, en charge des questions régaliennes.

Ces nouvelles dépenses sont ainsi la conséquence de mesures de périmètre, comme l'avait été en 2022 le mandat de commissaires aux comptes des Nations unies pour les années 2022 à 2028 . Pour l'année 2023, cette mission mobilisera le concours de 35,6 ETPT pour les jours de contrôle, qui ont été fixés à 6 300 par le Secrétaire général des Nations Unies. La Cour des comptes participe également à l'activité de commissariat aux comptes de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), et du Conseil de l'Europe. Cette activité permet aussi à la Cour de dégager des recettes. Le montant prévisionnel des recettes attendues pour tous les mandats s'élève à 2,2 millions d'euros pour 2022 et 4,4 millions d'euros pour 2023.

2. L'accroissement des crédits induit par la revalorisation des rémunérations des magistrats financiers

Le poids des dépenses de personnel s'est tout d'abord accru, comme dans toutes les autres administrations publiques, à raison de la revalorisation de 3,5 % du point d'indice de la fonction publique , pour un coût annuel de 6 millions d'euros , dont 4,4 millions d'euros hors CAS Pensions.

Ensuite, d'autres mesures pèsent sur les dépenses de personnel, telles que les primes pour le télétravail (0,3 million d'euros), l'impact du schéma d'emplois (3 millions d'euros) et le solde total du glissement vieillesse technicité (GVT) pour 0,6 million d'euros.

Enfin, comme pour les magistrats administratifs , les conseillers de chambres régionales et territoriales des comptes ainsi que les auditeurs et conseillers référendaires en service extraordinaire vont bénéficier d'une revalorisation indemnitaire dans le cadre de la création du corps des administrateurs de l'État, en vue de maintenir l'attractivité des corps de magistrats financiers . Les conseillers référendaires et les conseillers maîtres ne sont pas encore concernés par cette revalorisation. En année pleine , ces mesures indemnitaires sont estimées à 4,1 millions d'euros, hors CAS Pensions . Ces mesures ont été budgétées dès 2022 puisque 3,8 millions d'euros ont été ouverts en AE et CP dans la loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 .

Ainsi, les primes de rendement des auditeurs de la Cour des comptes et des conseillers référendaires en service extraordinaire ont été revalorisées, respectivement à hauteur de 5 200 euros bruts annuels et de 6 197 bruts annuels, sous réserve d'arrondis comptables. Ces revalorisations ont été traduites en paie au mois d'août 2022, avec un effet rétroactif au 1 er février 2022.

S'agissant des magistrats de CRTC , la revalorisation du régime indemnitaire n'a pas encore été déployée . Selon les informations transmises au rapporteur spécial, un projet d'arrêté a été présenté au Conseil supérieur des CRTC le 7 juillet 2022 et un projet de nouvelle instruction encadrant le régime indemnitaire aurait été signé. La revalorisation devrait être mise en oeuvre en décembre 2022, avec une application également rétroactive au 1 er février.


* 10 Rapport de MM. Hugues SAURY et Rachid TEMAL fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi de programmation, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiale.

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