N° 115 SÉNAT SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023 |
Enregistré à la Présidence du Sénat le 17 novembre 2022 |
RAPPORT GÉNÉRAL FAIT au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi de finances , considéré comme adopté par l'Assemblée nationale en application de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, pour 2023 , |
Par M. Jean-François HUSSON, Rapporteur général,
Sénateur
LES MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES
(seconde partie de la loi de finances)
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT
SUPÉRIEUR
|
Rapporteurs spéciaux : Mme Vanina PAOLI-GAGIN et M. Jean-François RAPIN |
(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Éric Bocquet, Daniel Breuiller, Emmanuel Capus, Bernard Delcros, Vincent Éblé, Charles Guené, Mme Christine Lavarde, MM. Dominique de Legge, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Jean-Claude Requier, Mme Sylvie Vermeillet, vice-présidents ; MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Marc Laménie, Stéphane Sautarel, secrétaires ; MM. Jean-Michel Arnaud, Arnaud Bazin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Mme Isabelle Briquet, MM. Michel Canévet, Vincent Capo-Canellas, Thierry Cozic, Vincent Delahaye, Philippe Dominati, Mme Frédérique Espagnac, MM. Éric Jeansannetas, Patrice Joly, Roger Karoutchi, Christian Klinger, Antoine Lefèvre, Gérard Longuet, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Thierry Meignen, Sébastien Meurant, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Paul Toussaint Parigi, Georges Patient, Jean-François Rapin, Teva Rohfritsch, Pascal Savoldelli, Vincent Segouin, Jean Pierre Vogel. |
Voir les numéros : Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : 273 , 285 , 286 rect., 292 , 337 , 341 , 364 , 369 , 374 , 386 et T.A. 26 Sénat : 114 et 115 à 121 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
Les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » s'élèveraient en 2023 à 31,2 milliards d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 30,8 milliards d'euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de respectivement 6,3 % et 5,1 %.
I. UNE TRAJECTOIRE BUDGÉTAIRE PRÉVUE PAR LA LOI DE PROGRAMMATION DE LA RECHERCHE (LPR)
A. UNE HAUSSE DE CRÉDITS QUI ENTÉRINE LE RESPECT DES MONTANTS PRÉVUS PAR LA LOI DE PROGRAMMATION
Par rapport à 2021, première année de mise en place de la LPR, les crédits augmentent en 2023 de 2,3 milliards d'euros, soit une hausse de 8,2 %. En 2023, la LPR prévoit une hausse de 400 millions d'euros du budget de la mission par rapport à 2022 , dont 350 millions sur les programmes du ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Décomposition des mesures prises au titre de la LPR en PLF 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
La LPR prévoit également une hausse de 650 emplois en 2023 par rapport à 2022, comme c'était également le cas en LFI pour 2022, soit une augmentation de 2 000 ETPT en cumulé sur les années 2021 à 2023.
B. UN RESPECT DES ENGAGEMENTS DE LA LPR POUR 2023 QUI PERMET D'ATTÉNUER LES CONSÉQUENCES DE LA HAUSSE DES COÛTS MAIS QUI LIMITE L'AMBITION DE LA TRAJECTOIRE PRÉVUE
L'inflation prévue en 2023 percutera la trajectoire initialement prévue par la LPR, établie en euros courants . Sur la seule année 2023, les 400 millions d'euros de hausse au titre de la LPR équivalent à une hausse de 385 millions d'euros en euros 2022. Cette donnée doit toutefois être prise avec précaution dans la mesure où une part de la hausse de la LPR concerne des mesures de rémunération qui sont moins sensibles à la conjoncture économique.
Comparaison de la trajectoire de hausse prévue
par la LPR
en euros courants et en euros constants (selon les
prévisions à fin 2022)
(en milliards d'euros)
Source : commission des finances
S'il faut saluer le fait que les engagements pris lors du vote de la loi de programmation pour la recherche soient respectés en 2023, ces derniers permettent davantage de limiter l'érosion des moyens consacrés à la recherche en France que de se rapprocher de l'ambition initiale de la programmation.
C. DES FINANCEMENTS EXTRABUDGÉTAIRES ENCORE RENFORCÉS PAR LE PROGRAMME FRANCE 2030
En 2023, 650 millions d'euros sont consacrés à la recherche par le biais des PIA et de France 2030. Dans le cadre du plan France 2030, 12,25 milliards d'euros devraient être consacrés au périmètre « enseignement supérieur et recherche ».
Si les rapporteurs spéciaux se félicitent de la hausse dédiée à l'enseignement supérieur et la recherche, ils déplorent, comme les années précédentes, le manque de lisibilité qui découle de la superposition des différents plans.
II. LES PROGRAMMES « ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR » (MME PAOLI-GAGIN)
En 2023, les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » connaissent une augmentation de 4,3 % (+ 748 millions d'euros) par rapport à 2022, pour un total de 18,04 milliards d'euros en CP.
A. UNE AUGMENTATION DES MOYENS ALLOUÉS AUX ÉTABLISSEMENTS D'ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR DANS LE CADRE DE LA LOI DE PROGRAMMATION
L'évolution des crédits alloués à l'enseignement supérieur en 2023 (en progression de 4,68 % soit + 690 millions d'euros) reflète en grande partie la hausse tendancielle de la masse salariale , résultant notamment des mesures « fonction publique ».
Près de la moitié des crédits nouveaux, soit 381,2 millions d'euros (hors titre 2) sont consacrés à la mise en place pour 2023 de la compensation de la hausse du point d'indice de la fonction publique pour les établissements d'enseignement publics. Il est à noter qu'aucune mesure de compensation n'aura été mise en place pour 2022, pour lequel les opérateurs devront mobiliser leurs fonds propres.
Évolution des crédits du programme 150
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
La trajectoire adoptée dans le cadre de la LPR prévoyait, pour 2023, une hausse de 143 millions d'euros du budget du programme 150 par rapport à l'année 2022. Le budget 2023 respecte cet engagement, puisqu'il comprend à périmètre courant 143 millions d'euros de moyens nouveaux au titre de la LPR.
B. DANS LE CONTEXTE DE CRISE ÉNERGÉTIQUE, UN ENJEU CRUCIAL : LA TRANSITION DU BÂTI UNIVERSITAIRE
Du fait de la taille de leur patrimoine immobilier et des infrastructures de recherche qu'ils hébergent, les établissements d'enseignement supérieur sont particulièrement touchés par la crise énergétique. À l'échelle du programme 150, le surcoût 2022 est donc estimé à environ 100 millions d'euros pour 2022, pour lesquels ces dépenses ne seront pas compensées en gestion et les universités devraient mobiliser leurs fonds de roulement pour tenir compte de ces hausses.
En 2023, le surcoût énergétique s'élèverait entre 400 et 420 millions d'euros par rapport à 2022 pour les seules universités, et à 480 millions d'euros pour l'ensemble des établissements du programme 150. Un fonds de compensation de 275 millions d'euros (dont 125 millions d'euros par l'annulation de la réserve de précaution des programmes de la mission) devrait être créé par le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022.
Le contexte actuel rend plus que jamais nécessaire un investissement de grande ampleur en faveur de l'immobilier universitaire. En matière d'immobilier comme de transition énergétique, l'inaction a un coût : plus les investissements sont différés, et plus :
- ils seront onéreux pour les finances publiques ;
- la réduction des coûts de consommation énergétique sera différée ;
- la valeur d'actif du bâti non décarboné se dégradera.
C. UNE STABILISATION DES MOYENS ALLOUÉS À LA VIE ÉTUDIANTE
En 2021 et 2022, les moyens alloués au programme 231 avaient enregistré une hausse très importante (+ 6,4 % en 2022, + 4,8 % en 2021). Le PLF 2023 entérine ces hausses mais voit une stabilisation des crédits, à hauteur de 3,14 milliards d'euros en AE et 3,13 milliards d'euros en CP, soit une hausse de 1,5 % des crédits.
Le montant des bourses sur critères sociaux a été revalorisé de 4 % à la rentrée 2022, afin de tenir compte de la hausse des prix et de limiter son impact sur le pouvoir d'achat des étudiants. Le montant de cette mesure s'élève à 85,1 millions d'euros en 2023. Les crédits dédiés restent cependant identiques à ceux prévus l'année dernière, du fait de la baisse attendue du nombre d'étudiants boursiers. En outre, la revalorisation de 4 % ne permettra pas de couvrir l'érosion du pouvoir d'achat découlant de l'inflation constatée en 2022 et 2023.
51 millions d'euros sont par ailleurs prévus en PLF 2023 pour maintenir l'offre de « repas à un euro » à destination des étudiants boursiers dans les restaurants universitaires, pour 433 860 étudiants boursiers en 2021-2022. La fréquentation des restaurants universitaires devrait continuer à croître très rapidement, en particulier du fait de la hausse des coûts des produits alimentaires. Le réseau des oeuvres universitaires indique avoir constaté une activité à la rentrée 2022 supérieure de 20 % à 30 % à celle de l'année précédente.
III. LES PROGRAMMES « RECHERCHE » (M. RAPIN)
En 2023, à périmètre courant, la partie « Recherche » de la mission voit son budget augmenter de 872 millions d'euros en AE (+6,9 %) et de 824 millions d'euros en CP (+ 7,3 %) . Elle atteindra ainsi 12,87 milliards d'euros en AE et 12,77 milliards d'euros en CP en 2023 .
A. UNE FORTE AUGMENTATION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 172
Le programme 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » bénéficierait pour 2023 de 8,071 milliards d'euros en AE et de 7,834 milliards d'euros en CP. Sa dotation progresse ainsi globalement de 331 millions d'euros en AE, soit +4,3 %, et de 330 millions d'euros en CP, soit +4,4 % par rapport à la LFI 2022. Cette évolution est globalement conforme à la trajectoire définie pour le programme 172 dans la LPR .
La progression des moyens accordés au programme 172 bénéficie très largement aux organismes de recherche du programme. Ainsi, leurs dotations augmentent de 263 millions d'euros, soit 80 % des crédits supplémentaires.
Hausse de crédits accordée aux organismes de recherche en 2023
(en millions d'euros)
Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires
Les opérateurs de recherche sont cependant particulièrement exposés à la hausse des coûts de l'énergie, qui pourrait entraîner une fragilisation des budgets 2023. De nombreuses infrastructures de recherche sont en effet très consommatrices d'électricité. Si certains postes peuvent être suspendus ou aménagés, ce n'est pas le cas de tous ni de tous les opérateurs. L'enjeu pour les organismes de recherche est de déstabiliser au minimum les activités de recherche pour maintenir la continuité de l'activité expérimentale.
B. UN RENFORCEMENT DES MOYENS DÉDIÉS À LA RECHERCHE SPATIALE
La hausse demandée pour les crédits du programme 193 s'élève à 74 millions d'euros par rapport aux montants dont bénéficiait le programme 193 en 2022 (en incluant les transferts effectués en gestion) ce qui correspond à la trajectoire prévue par la LPR.
Le programme 193 assure en premier lieu le financement des activités civiles du Centre national d'études spatiales (CNES) , qui met en oeuvre la stratégie spatiale de la France . En PLF 2023, la subvention pour charges de service public apportée au CNES par le programme 193 s'élève à 641,55 millions d'euros, soit 20 millions d'euros de plus qu'en 2022. Ainsi, en 2023 les moyens globaux alloués au CNES progresseront de 194 millions d'euros par rapport à 2022, soit une hausse de 10 %, après la légère baisse constatée en 2022.
Néanmoins, plus de la moitié de ces montants sont in fine transférés à l'Agence spatiale européenne (ESA). En 2023, la contribution française à l'ESA évolue à la hausse (+ 4,4 %), pour atteindre 1,158 milliard d'euros.
Évolution du transfert à l'ESA depuis le programme 193
(en euros)
Source : commission des finances
C. L'AMÉLIORATION À SALUER DE LA SITUATION FINANCIÈRE DE L'AGENCE NATIONALE DE LA RECHERCHE
En 2023, les crédits de l'ANR au titre du programme 172 devraient s'élever à 1,226 milliard d'euros en AE et 961 millions d'euros en CP, en hausse de +163,51 millions d'euros en AE, soit +15,4 % et de +76,45 millions d'euros en CP, soit +8,6 %. Cet accroissement comprend notamment les crédits prévus par la trajectoire LPR et la revalorisation du point d'indice de la fonction publique.
Ce renforcement des moyens de l'ANR devrait permettre de maintenir un taux de succès des appels à projets de 23,7 %, en hausse de près de 8 points depuis 2020.
Réunie le mardi 8 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, des crédits de la mission.
Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé sa décision.
L'article 49 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 92 % des réponses étaient parvenues aux rapporteurs spéciaux en ce qui concerne la mission « Recherche et enseignement supérieur ».