B. GARANTIR L'ACCÈS AU DROIT ET LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES
Le programme 101 « Accès au droit et à la justice » connaitrait, d'après les premiers éléments transmis sur la programmation à moyen terme, une hausse des crédits de près de 11 % entre 2022 et 2025.
Évolution des crédits
du programme
101 entre 2022 et 2025
(en millions d'euros et en %)
Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires
Ces crédits sont peu sensibles à l'inflation . Ainsi, alors que les crédits dédiés à l'aide juridictionnelle représentent 90 % des crédits du programme - 641 millions d'euros en 2023, en hausse de 26 millions d'euros par rapport à la loi de finances pour 2022 - l'indemnisation des avocats au titre de l'aide juridictionnelle est fixée par le biais de l'unité de valeur, dont le montant est défini en loi de finances.
1. Une hausse des crédits demandés au titre de l'aide juridictionnelle, dans la continuité des exercices précédents
Pour rappel, l'aide juridictionnelle a été profondément réformée dans le cadre de la loi de finances pour 2020 50 ( * ) , qui a conduit à simplifier les critères d'éligibilité, à harmoniser la manière dont les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ) traitent les demandes d'admission formulées par les justiciables, à autoriser la formulation d'une demande d'aide juridictionnelle par la voie électronique et à faire évoluer l'organisation et l'implantation des BAJ (cf. commentaire de l'article 44 bis).
Depuis plusieurs exercices, les dépenses au titre de l'aide juridictionnelle ne cessent d'augmenter. Elles passeraient ainsi de 328 millions d'euros en 2014 à 641 millions d'euros en 2023, soit une hausse de près de 95 % 51 ( * ) . De même, dans le cadre du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022, ce sont environ 18 millions d'euros qui sont ouverts en AE et en CP sur l'aide juridictionnelle , principalement au titre des versements de droit aux justiciables concernés par les grands procès terroristes (procès du 13 novembre 2015 et de l'attentat de Nice). Cette réévaluation n'est pas surprenante, alors que près de 68 % des crédits de l'aide juridictionnelle avaient déjà été consommés au 18 août 2022 52 ( * ) .
Plusieurs facteurs expliquent cette augmentation importante, tels que :
- les diverses réformes intervenues avant 2023 et dont les effets budgétaires sont progressifs telles que la revalorisation de la rétribution des avocats, la révision de la rétribution de certains contentieux, l'extension de la présence obligatoire d'un avocat, par exemple lors de la garde à vue ou de l'audition libre d'un mineur ou de l'audience d'une personne faisant l'objet de soins sans consentement ;
- l'accroissement du nombre et de la durée des gardes à vue ;
- le rattrapage de la sous-activité temporaire des juridictions en 2020 en raison de la crise sanitaire ;
- le nouveau relèvement à 36 euros 53 ( * ) du montant de l'unité de valeur (UV) qui sert à calculer la rétribution des avocats ;
- l'assistance apportée à un grand nombre de parties civiles pour les procès d'assises qui font suite aux attentats de novembre 2015 et à l'attentat de Nice ;
- la revalorisation en 2023 des rétributions versées à ceux des auxiliaires autres qu'avocats dont les intervenions sont tarifées.
En revanche, le nombre de bénéficiaires de l'aide juridictionnelle a augmenté dans une moindre mesure sur la même période , de 11 % entre 2012 et 2019, avant un léger reflux. En 2021, il y a eu 925 968 admissions à l'aide juridictionnelle .
Évolution des crédits budgétaires
et
du nombre d'admissions au titre de l'aide juridictionnelle
(en nombre et en millions d'euros)
Source : commission des finances, d'après les données transmises dans le questionnaire budgétaire
Le délai de traitement des demandes d'aide juridictionnelle, qui sont instruites par les bureaux d'aide juridictionnelle (BAJ), tend à légèrement s'améliorer en 2021 par rapport à 2020. Alors que ce délai était en moyenne de 52,5 jours en 2020 , il a été ramené à 49,8 jours en 2021 et il serait ramené à 38 jours en 2022 , une cible que le rapporteur spécial juge ambitieuse, même si elle permettrait enfin de retrouver les délais constatés en 2019 (41,4 jours).
Alors que le nombre de demandes d'admission à l'aide juridictionnelle est considérable, l'importance de la dématérialisation de ces procédures ne peut être que soulignée . Or, force est de constater que celle-ci est toujours insuffisante puisque seulement 5 % des demandes ont été déposées et traitées par voie dématérialisée en 2021 et que la cible s'établit à 15 % en 2022.
Pour autant, ce taux pourrait rapidement augmenter avec le développement et le déploiement du système d'information de l'aide juridictionnelle (SIAJ) , destiné à remplacer l'application AJWIN, datée de plus de vingt ans. Une fois le déploiement de SIAJ définitif et dès lors qu'un nombre significatif de demandes sera fait en ligne, le secrétariat général du ministère de la justice indique que le délai cible de traitement sera ramené à cinq jours , ce qui constituerait une avancée considérable pour les justiciables.
D'après les informations transmises en audition, l'année 2023 devrait marquer la fin du déploiement du SIAJ , avec le raccordement de sites fortement pourvoyeurs de demandes d'aide juridictionnelle (environ 30 % des demandes) 54 ( * ) .
Pour autant, en dépit de ces réformes successives, l'évolution de l'aide juridictionnelle suscite encore des inquiétudes, en particulier parmi les avocats . En audition, les représentants du Conseil national des barreaux (CNB) ont ainsi expliqué que l'indemnisation des avocats demeurait limitée au regard des frais engagés , plus de 40 % d'entre eux travaillant à perte sur un dossier d'aide juridictionnelle relevant de la justice pénale.
Le comité des États généraux de la Justice 55 ( * ) reprend une partie des revendications exprimées par le CNB, avec notamment la revalorisation de certains actes. Pour le rapporteur spécial, une réflexion sur la revalorisation de l'unité de valeur devra s'accompagner d'un même travail sur la liste des prestations éligibles à l'aide juridictionnelle, en conciliant à la fois la maîtrise des coûts et la garantie de l'accès au droit. En ce sens, le comité propose en parallèle un renforcement du rôle de filtre exercé par les bureaux d'aide juridictionnelle , ce qui correspond au sens des réformes adoptées par le Parlement ces dernières années en matière d'aide juridictionnelle.
Le CNB a enfin regretté que les avocats n'aient pas été associés jusqu'au bout sur le projet du SIAJ, alors même que ce sont les premiers acteurs concernés par le traitement de ces demandes par les bureaux d'aide juridictionnelle. C'est un autre exemple concret de l'impératif de décloisonnement des applicatifs informatiques : les avocats devraient pouvoir connaître le contenu du dossier et les données relatives au patrimoine et aux revenus des demandeurs. Le SIAJ devant pleinement se déployer en 2023, il conviendra d'être vigilant sur cette question à l'occasion de l'examen du prochain projet de loi de finances, mais le rapporteur spécial rappelle qu'il est normalement prévu, dans le cadre du PTN, que le SIAJ soit ouvert aux avocats et aux acteurs de l'accompagnement d'ici 2024 .
2. Un renforcement des moyens alloués à l'aide aux victimes
Les crédits dédiés à l'aide aux victimes font à nouveau l'objet d'une revalorisation dans le projet de loi de finances pour 2023. En s'établissant à 43 millions d'euros , ils augmentent de 6,7 % par rapport à 2022 (40,3 millions d'euros).
Cette hausse, certes moins élevée que celle constatée entre 2021 et 2022 (+ 25,7 %), permet notamment d'augmenter le financement des associations locales d'aide aux victimes , de développer l'accueil des victimes, d'améliorer leur accompagnement et leur prise en charge pour les plus gravement traumatisées. C'est également par ce canal que sont financées les actions de soutien aux personnes victimes de violences conjugales (prise en charge, déploiement des téléphones grave danger).
* 50 Article 243 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020.
* 51 D'après les réponses au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial. Il convient de relever qu'avant 2020, le financement de l'aide juridictionnelle était assuré par des crédits budgétaires et extrabudgétaires affectées au Conseil national des barreaux (CNB).
* 52 D'après les données transmises en réponse au questionnaire budgétaire.
* 53 Article 188 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.
* 54 D'après les informations transmises en audition par le secrétariat général du ministère.