TROISIÈME PARTIE
LA MISSION « TRANSFORMATION
ET FONCTION PUBLIQUES »

La maquette budgétaire de la mission « Transformation et fonction publiques » a fait l'objet de plusieurs modifications dans le cadre de la loi de finances pour 2022 : une mesure de périmètre, la création d'un nouveau programme 368 et le rattachement du fonds d'accompagnement interministériel RH (FAIRH - programme 351) au programme 148 « Fonction publique ». Certains de ces changements répondent aux souhaits et aux inquiétudes exprimés par les rapporteurs spéciaux depuis 2018 : l'absence de perspective de long terme sur le portage budgétaire des crédits annoncés en 2018 sur cinq ans, la nécessité de clarifier les objectifs de la mission et la suppression d'un programme dédié pour le FAIRH.

Les changements apportés en 2022 venaient finaliser l'inscription dans le long terme de la mission , originellement créée pour une période de cinq ans. La programmation des crédits dans le cadre du présent projet de loi, ainsi que les nouvelles mesures de périmètre adoptées sur les programmes 348 et 349 le confirment.

Pour autant, les responsables de programme n'ont pas encore remédié à toutes les difficultés de gestion rencontrées ces cinq dernières années et mises en exergue tout au long des travaux budgétaires : des sous-exécutions chroniques, des indicateurs de performance encore lacunaires, des crédits peu lisibles sur certaines thématiques. Des progrès ont été accomplis, il faut les poursuivre. C'est d'autant plus essentiel que le ministère de la transformation et de la fonction publiques est supposé porter des projets aussi ambitieux que ceux de la modernisation des administrations, de la numérisation des démarches administratives, de la réforme de la fonction publique ou encore de l'accessibilité des services publics.

I. I. UNE HAUSSE TRÈS ÉLEVÉE DES CRÉDITS DEMANDÉS SUR LA MISSION EN 2023

Depuis le 1 er janvier 2022, la mission « Transformation et fonction publiques » se compose de six programmes, dont un est modifié dans le cadre du présent projet de loi de finances :

- le programme 348, anciennement « Rénovation des cités administratives et autres sites domaniaux multi-occupants » et désormais renommé « Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs », a été créé dans le cadre du grand plan d'investissement 2018-2022. Il devait initialement financer la rénovation des sites occupés par plusieurs services de l'État et de ses opérateurs. L'État compte 56 cités administratives dans son réseau déconcentré dont 37 bénéficiaires 40 ( * ) du programme. Doté d'un milliard d'euros sur cinq ans , ce programme est placé sous la responsabilité de la direction de l'immobilier de l'État, rattachée au ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ;

- le programme 148 « Fonction publique » porte les crédits alloués à l'action sociale interministérielle, à l'action appui et innovation des ressources humaines ainsi qu'à la formation initiale des fonctionnaires. Il retrace en effet les subventions pour charges de service public versées à l'Institut national du service public (INSP - anciennement École nationale d'administration) et aux instituts régionaux d'administration (IRA). Placé sous la responsabilité de la direction générale de l'administration et de la fonction publique (DGAFP), ce programme intègre également, depuis 2022, les crédits hors dépenses de personnel du centre interministériel de services informatiques relatifs aux ressources humaines (CISIRH) ainsi que le Fonds d'accompagnement interministériel RH . Le FAIRH vise à cofinancer une partie des coûts de transition induits par la mise en oeuvre de réformes structurelles dans le domaine des ressources humaines ;

- le programme 349 , anciennement « Fonds pour la transformation de l'action publique » 41 ( * ) (FTAP) et désormais intitulé « Transformation publique » , soutient les réformes porteuses d'économies à moyen terme en finançant le coût supplémentaire que peut représenter une réforme dans sa phase initiale 42 ( * ) . Placé sous la responsabilité de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP), il était initialement doté de 700 millions d'euros sur cinq ans , ainsi que d'une enveloppe complémentaire de 80 millions d'euros en loi de finances initiale pour 2022. Ce programme porte également, depuis le 1 er janvier 2022, les crédits hors titre 2 de la DITP ;

- le programme 352 « « Innovation et transformation numériques » , vise à financer l'émergence et le développement de produits et services numériques innovants pour moderniser l'État et les services publics . Il est placé sous la responsabilité de la direction interministérielle du numérique (Dinum) et participe au cofinancement des recrutements du programme « entrepreneurs d'intérêt général » ;

- le programme 368 « Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publique » est dédié aux projets à dimension interministérielle. Placé sous la responsabilité du secrétariat général du ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, il porte les effectifs et les dépenses de personnel de la DGAFP, du CISIRH et de la DITP.

Évolution des crédits de la mission
« Transformation et fonction publiques »

(en millions d'euros et en %)

Exécution 2021

LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2023/2022

[348] Performance et résilience des bâtiments de l'État et de ses opérateurs

AE

415,33

0,00

165,91

-

CP

90,33

266,43

552,72

107,45 %

[349] Transformation publique

AE

166,99

95,20

300,65

215,81 %

CP

133,92

183,94

249,45

35,61 %

[352] Innovation et transformation numériques

AE

13,03

10,60

10,60

0,00 %

CP

14,72

12,10

10,60

- 12,40 %

[148] Fonction publique

AE

226,07

303,25

280,52

- 7,50 %

CP

216,38

294,00

285,97

- 2,73 %

[368] Conduite et pilotage de la transformation et de la fonction publiques

AE

38,52

44,40

15,24 %

CP

38,52

44,40

15,24 %

Total

AE

821,41

447,58

802,08

79,20 %

CP

455,35

795,00

1 143,14

43,79 %

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

A. LA HAUSSE DES CRÉDITS SE CONCENTRE SUR LES DEUX PROGRAMMES LES PLUS IMPORTANTS BUDGÉTAIREMENT

1. Une accélération de la trajectoire budgétaire en 2023 qui doit être appréciée avec la plus grande précaution
a) Une hausse significative des crédits demandés en 2023

Les crédits demandés en 2023 au titre de la mission « Transformation et fonction publiques » affichent une hausse très élevée, de 79,2 % en autorisations d'engagement (802 millions d'euros) et de 43,8 % en crédits de paiement (1,1 milliard d'euros). Les crédits atteignent ainsi un niveau inédit depuis la création de la mission en 2018.

Ce premier constat doit toutefois être immédiatement nuancé par la prise en compte de la modification de périmètre du programme 348 , qui conduit à rehausser les crédits de 150 millions d'euros en AE et en CP. De plus, si la programmation a toujours été ambitieuse ces dernières années, l'exécution s'est rarement montrée à la hauteur des objectifs affichés, avec d'importants retards constatés sur le décaissement des crédits.

Ainsi, dans le cadre du deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2022, 200,1 millions d'euros seraient annulés en AE et 38,8 millions d'euros en CP , dont 196 millions d'euros en AE et 33 millions d'euros en CP sur le programme 349.

Les rapporteurs spéciaux se contenteront de rappeler l'appréciation qu'ils avaient portée l'an dernier sur les crédits demandés sur ce programme : ils avaient estimé que l'enveloppe de 80 millions d'euros supplémentaire n'était pas nécessaire et que l'enveloppe globale allouée aux projets sélectionnés les années antérieures était trop élevée au regard des besoins exprimés au final par les porteurs de projets . Il est à craindre qu'ils ne doivent réitérer ce constat pour l'année 2023, avec une ouverture de crédits sur l'action dédiée au FTAP de 190 millions d'euros en CP.

Taux de consommation des crédits de la mission
« Transformation et fonction publiques »

(en millions d'euros et en pourcentage)

LFI 2022

Exécution constatée au 6 octobre 2022

Taux de consommation au 6 octobre 2022

Programme 348

AE

0,00

111,3

-

CP

266,43

144,8

54,4 %

Programme 349

AE

95,20

88,9

93,3 %

CP

183,94

105,4

57,3 %

Programme 352

AE

10,60

4,6

43,0 %

CP

12,10

4,0

33,3 %

Programme 148

AE

303,25

229,2

75,6 %

CP

294,00

164,1

55,8 %

Programme 368

AE

38,52

27,5

71,3 %

CP

38,52

27,5

71,3 %

Total

AE

447,58

461,36

103,1 %

CP

795,00

445,89

56,1 %

* Si la prévision en LFI était de 0 euros en AE sur le programme 348, ce dernier bénéficie de reports annuels. Le programme 349 a également bénéficié de ces reports

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Les rapporteurs spéciaux ont fait part à plusieurs reprises de leurs réserves quant à la capacité des directions responsables de programmes à mobiliser les crédits à un rythme aussi soutenu que celui qui était envisagé lors de la création de la mission en 2018 , interrogeant ainsi la sincérité de la budgétisation des programmes. Les directions responsables expliquent qu'une partie des sous-consommations provient d'un écart entre les besoins réels des porteurs de projets sur une année n et les besoins anticipés par les directions. Après cinq ans de fonctionnement, et alors même que la mission est supposée faire l'objet d'un suivi approfondi des projets qu'elle finance, il serait plus que temps de réduire ces écarts.

Il n'y a que peu d'informations sur la gestion concrète des crédits de la mission et sur le calendrier de leur déploiement , et encore moins de précision sur les raisons des délais de latence entre la sélection des projets, la contractualisation avec les porteurs, le déblocage des crédits et le lancement des projets. Des travaux complémentaires sont souvent requis pour respecter les enveloppes budgétaires initiales ou re-calibrer le montant du cofinancement. Résultat, la consommation des crédits n'est pas encore tout à fait satisfaisante.

b) Des dépenses d'investissement prépondérantes

Eu égard à la nature même des projets soutenus par les programmes les plus importants de la mission, les dépenses d'investissement représentent une part prépondérante des crédits de la mission et connaissent l'évolution la plus dynamique , suivis des dépenses de fonctionnement, portés notamment par le programme 148, avec les crédits dédiés à l'action sociale interministérielle.

Évolution des crédits de la mission
« Transformation et fonction publiques » par titre

(en millions d'euros et en %)

LFI 2022

PLF 2023

Évolution 2023/2022

Part dans le total des crédits

[Titre 2] Dépenses de personnel

AE

57,31

52,29

- 8,77 %

6,5 %

CP

57,31

52,29

- 8,77 %

4,6 %

[Titre 3] Dépenses de fonctionnement

AE

300,05

382,88

27,61%

47,7 %

CP

354,67

367,12

3,51 %

32,1 %

[Titre 5] Dépenses d'investissement

AE

60,41

256,00

323,79 %

31,9 %

CP

351,54

621,61

76,82 %

54,4 %

[Titre 6] Dépenses d'intervention

AE

29,8

110,9

272,09 %

13,8 %

CP

31,5

102,1

224,51 %

8,9 %

[Titre 7] Dépenses d'opérations financières

AE

0,00

0,00

CP

0,00

0,00

Total

AE

447,58

802,08

79,20 %

100,0 %

CP

795,00

1 143,14

43,79 %

100,0 %

Source : commission des finances, à partir des documents budgétaires

2. Sur la période 2023-2025, une trajectoire nettement orientée à la baisse

D'après les éléments transmis dans les documents budgétaires sur les éléments de programmation disponibles pour le triennal 2023-2025, les crédits demandés sur la mission diminueraient nettement à compter de 2024. La baisse serait d'autant plus forte qu'il serait tenu compte de l'inflation . Si les effets de la hausse de l'indice des prix à la consommation sont plus ou moins forts selon les administrations concernées et les projets financés, ils sont très visibles sur le coût des matières premières et de la construction . Des ajustements ont d'ailleurs été prévus en conséquence sur le programme 348 (cf. infra ).

Évolution des crédits de la mission « Transformation
et fonction publiques » en prévision sur la période 2023-2025

(en millions d'euros et en %)

Source : commission des finances, d'après les documents budgétaires

Plusieurs raisons peuvent justifier cette trajectoire heurtée à moyen terme. Tout d'abord, s'il y a des programmes « stables » et peu soumis aux aléas de gestion, à l'instar du programme 148 « Fonction publique », d'autres dépendent beaucoup plus fortement d' éléments ponctuels , tels que le décaissement de crédits à l'occasion de l'engagement d'une nouvelle tranche de travaux sur une cité administrative (programme 348). Or, la phase la plus importante des travaux immobiliers est prévue en 2023.

Ensuite, cette trajectoire ne tient pas compte des reports de crédits, en AE comme en CP, qui ont lieu chaque année en raison des importants retards constatés sur la quasi-totalité des programmes fonctionnant sur appel à projets (immobilier, Fonds pour la transformation de l'action publique).

Enfin, certains dispositifs ont, pour le moment, vocation à s'éteindre : les cités administratives devraient toutes être livrées d'ici la fin de l'année 2024, et donc les crédits liés aux travaux décaissés avant, tandis que le Fonds pour la transformation publique n'a été prolongé que pour une durée de trois ans et sur une enveloppe moindre.


* 40 39 à l'origine, mais le projet de Melun a été arrêté sur décision du préfet, et dans le cadre d'une réflexion plus générale sur la gestion du patrimoine immobilier de l'État à Melun, tandis que celui de Brest a été arrêté sur décision de la direction de l'immobilier de l'État.

* 41 Ce programme traduit l'une des préconisations de Jean Pisani Ferry dans le rapport qui a préfiguré le Grand plan d'investissement, l'initiative 20 recommandant en effet de créer un fonds pour la transformation de l'action publique.

* 42 Sur le principe qu'un euro investi doit conduire à au moins un euro d'économie pérenne au bout de trois ans.

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