EXAMEN EN COMMISSION
Réunie le mercredi 16 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission des finances a procédé à l'examen du rapport de Mme Christine Lavarde, rapporteur spécial, sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques", « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (et articles 42 bis à 42 quater ) et le compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACÉ) ».
M. Claude Raynal . - Nous poursuivons nos travaux avec trois rapports qui relèvent de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Je salue la présence M. Philippe Tabarot, rapporteur pour avis de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Nous allons d'abord examiner le rapport de Christine Lavarde.
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » sur les programmes « Paysages, eau et biodiversité », « Prévention des risques », « Énergie, climat et après-mines », « Service public de l'énergie », « Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables » et « Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires », et du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale (FACé) ». - Cette année, je suis également en situation de déport temporaire concernant l'Agence de la transition écologique (Ademe). Tous les propos sur l'Ademe sont l'oeuvre du rapporteur général.
Je commence par l'ensemble des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Lorsque le rapporteur général avait présenté l'évolution des crédits des missions entre le projet de loi de finances (PLF) pour 2022 et le PLF pour 2023, seules deux missions voyaient leurs crédits diminuer, et la mission « Écologie, développement et mobilité durables » était l'une des deux. C'était vrai le 26 septembre dernier ; mais si l'on prend en compte tous les ajouts et les ouvertures de crédits considérées comme adoptées via l'article 49-3 de la Constitution, nous observons une hausse des crédits dans le texte présenté.
Le budget est en phase de prospective, de discussion sempiternelle. Le 20 octobre dernier, s'est tenue la concertation nationale sur le mix énergétique. En parallèle, la Commission nationale du débat public (CNDP) a organisé un débat sur la relance du nucléaire alors même que nous avons déjà eu onze débats sur le sujet depuis 2004. Le 21 octobre, nous avons assisté à la présentation du volet « Climat et biodiversité » du Conseil national de la refondation (CNR), puis à celle de la programmation de planification de « France nation verte » avec, de nouveau, l'ouverture d'une concertation. Il y a donc encore beaucoup de flou.
Le programme 380 concerne le Fonds d'accélération de la transition écologique dans les territoires qui, d'après le Gouvernement, serait mis à disposition des collectivités locales afin de mettre en place et de financer des projets de transition écologique et énergétique. Ce programme est, à mes yeux, un recyclage de crédits qui existaient déjà auparavant ; ceux-ci étaient principalement portés par le programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance ». On observe très peu d'actions nouvelles et surtout très peu de crédits directement à la main des collectivités. Certes, la gestion est un peu plus décentralisée, et elle sera non plus sous la responsabilité de l'administration centrale, mais sous celle des préfectures ; mais en dehors de cela, il n'y a pas beaucoup de changements.
Nous avons peu de visibilité sur la ventilation des 1,5 milliard de crédits du fonds vert. Ceux-ci ont été abondés de 500 millions d'euros par l'Assemblée nationale, sachant que, sur cette somme, il faut compter 350 millions d'euros annoncés en compensation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) en 2023.
Pour savoir comment les crédits vont être dispensés, il faut lire le journal. On trouve trois mesures un peu nouvelles : la rénovation des parcs de luminaire d'éclairage public ; l'appui aux collectivités de montagne soumises à des risques émergents - à savoir, les crues, les avalanches, les chutes de blocs, sachant que l'on trouvait déjà des dépenses liées aux avalanches dans le fonds Barnier ; et enfin, la politique de renaturation des villes, réalisée avec l'appui des ingénieries du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema) et de l'Ademe, et dotée d'une enveloppe significative - 500 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) sur cinq ans, dont 400 millions d'euros dans le cadre du fonds vert.
Pour le reste, cela relève soit du programme 181 « Préventions des risques » - avec des actions déjà plus ou moins couvertes par le fonds Barnier et toutes les mesures d'économie circulaire -, soit du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » - avec notamment la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB), les aires marines protégées, les parcs naturels et autres.
Il aurait été plus pertinent de venir abonder les bonnes lignes budgétaires dans les programmes 181 et 113, plutôt que d'avoir un tel saucissonnage, qui rend l'analyse plus compliquée.
Concernant le programme 113, l'augmentation des crédits s'élève à 30,4 millions d'euros par rapport à 2022. Pour l'essentiel, cette augmentation permet d'accroître la subvention de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), de couvrir l'augmentation du point d'indice et d'allouer des crédits - à hauteur de 2,5 millions d'euros - à l'Office national des forêts (ONF) pour le financement de missions d'intérêt général. En revanche, le point d'indice n'est pas pris en compte pour les parcs naturels régionaux.
Dans le cadre du programme 181, nous poursuivons notre contrôle sur le risque de retrait-gonflement des argiles, pour lequel le Gouvernement doit remettre un rapport afin de donner des perspectives sur les pistes de financement ; nous l'attendons encore.
L'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) connaît une augmentation de ses effectifs. Si l'on regarde jusqu'en 2027, la demande de l'opérateur ne sera pas satisfaite.
Le deuxième gros bloc concerne les programmes 345 et 174 liés à l'énergie. En 2023, le budget de l'État enregistrera 39 milliards d'euros de recettes exceptionnelles grâce aux énergies renouvelables : 19 milliards d'euros au titre de l'année 2023, auxquels s'ajoutent une révision de 17 milliards d'euros au titre de l'année 2022 ainsi qu'un reliquat de 2 milliards d'euros pour 2021.
Les 19 milliards d'euros pour 2023 proviennent des énergies renouvelables en métropole et du biométhane. En revanche, le coût de soutien augmente de manière assez classique dans les zones non interconnectées (ZNI), dans la mesure où elles fonctionnent majoritairement avec une production carbonée, le plus souvent des centrales au fioul ; sachant que le prix du fioul augmente, les coûts de production dans ces zones augmentent.
Le soutien s'arrêtant, le montant de la cogénération va diminuer. Ce sont les dernières installations, elles fonctionnent au gaz et, comme le prix du gaz augmente, le montant reste encore élevé.
Avec le dispositif des effacements, on retrouve un effet volume et un effet prix. Quand l'effacement se produit à un moment où l'électricité est chère, la contrepartie donnée à l'industriel est forcément plus élevée.
Les dispositifs sociaux augmentent. Pour rappel, ces dispositifs ne concernent plus que la prise en charge des frais de coupure et de remise en route de l'électricité et le Fonds de solidarité pour le logement (FSL) ; le chèque énergie, par exemple, n'entre plus dans ce budget. Au total, au titre de l'année 2023, on arrive à 16,5 milliards de charges de service public. À noter enfin que l'éolien terrestre concentre les deux tiers de ces recettes exceptionnelles.
Au cours du quinquennat précédent, on a supprimé le CAS « Transition énergétique » pour le budgétiser dans le cadre du programme 345. Dans les faits, on observe la reconstitution de ce CAS en 2023. Contre toute logique budgétaire, nous avons, au sein de la mission, une pré-affectation des recettes qui vient financer directement plusieurs dépenses : le « bouclier électricité » de 2022 ; le « bouclier électricité » de 2023 à hauteur de 25 milliards d'euros ; ou encore, le « bouclier gaz » à hauteur de 20 milliards d'euros. Au total, le coût des charges s'élève à 47 milliards d'euros. Ces charges sont incluses dans le programme 345, car elles se constatent sur la trésorerie des fournisseurs d'électricité et de gaz.
Ces 47 milliards d'euros de charges sont compensés par les 39 milliards d'euros présentés précédemment. Cela donne une différence d'un peu moins de 9 milliards d'euros pour les mesures exceptionnelles de protection des consommateurs qui figurent à l'action n° 17 du programme.
Tout cela, encore une fois, manque de lisibilité et de transparence. Si l'on regarde la maquette budgétaire telle qu'elle est présentée dans le projet annuel de performances (PAP), on ne trouve pas un euro pour les énergies renouvelables en raison de l'effet prix. Quant aux « boucliers énergie », ils coûtent en réalité 47 milliards d'euros et non 9 milliards comme annoncé dans l'action n° 17 - c'est cela que l'on doit dire aux consommateurs.
Par ailleurs, certains coûts des dispositifs de soutien ne figurent pas dans le programme, je pense notamment à la baisse du plafond de l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique (Arenh) qui coûte 8 milliards d'euros à EDF.
Il y a une articulation entre le dispositif « filet de sécurité » présenté par le rapporteur général et les deux dispositifs couverts par l'article 42 ter . Le « bouclier tarifaire », qui existait déjà en 2022, se prolongera en 2023 pour toutes les communes avec moins de 10 emplois et disposant de moins de 2 millions d'euros de budget ; ce « bouclier tarifaire » s'applique aussi aux particuliers et aux petites entreprises. En 2022, il est venu « caper » la hausse de l'électricité à 4 % et, en 2023, il viendra la « caper » à 15 %.
À ce « bouclier tarifaire », on adjoint un dispositif « d'amortisseur » qui concerne les communes et les entreprises anciennement éligibles au tarif jaune. Le dispositif interviendra dès que le prix payé sur le contrat dépassera les 325 euros par MWh et jusqu'à 800 euros par MWh ; dans ce cadre, les fournisseurs appliqueront une réduction de 25 % de la différence. À titre d'exemple, si le prix s'élève à 800 euros par MWh, la commune bénéficiera d'une remise de 125 euros.
Vient ensuite le dispositif « filet de sécurité », introduit lors du PLFR de juillet pour l'année 2022 et décrit précédemment par le rapporteur général. Il est prorogé en 2023, avec une ouverture de crédits plus importante, de l'ordre de 1,5 milliard d'euros.
Pour évoquer les programmes 174 et 345, on a essayé de regrouper tous les mécanismes mis en place en 2022 puis en 2023 pour venir atténuer la hausse du coût des énergies. En raison des effets d'annonce, nous ne sommes pas encore en mesure de chiffrer certains dispositifs. Ce matin encore, j'apprenais une nouvelle mobilisation de crédits pour 2023 de 1,5 milliard d'euros, concernant un dispositif « gros rouleurs » dont nous n'avons aucune trace. Sera-t-elle imputée sur le programme 174 comme ce fut le cas pour la remise carburant mise en oeuvre en 2022 ? On en saura peut-être davantage d'ici au 2 décembre, date d'examen de la mission en séance publique.
Je ne reviens pas sur le « bouclier électricité », ni sur le « bouclier gaz » et le « chèque énergie ». Dans la panoplie des mesures mises en oeuvre, on retrouve également le nouveau dispositif « d'amortisseur », ainsi que les dispositifs de soutien au changement de véhicules. Jean-Louis Borloo indiquait hier encore que Christophe Béchu, l'actuel ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, serait le ministre qui ferait le plus pour la protection du pouvoir d'achat des Français ; cela revient bien à dire que les crédits de son action sont des mesures de pouvoir d'achat.
Sur la rénovation thermique des bâtiments, MaPrimeRénov' finance à 86 % des travaux de rénovation mono-gestes, qui consistent à ne faire qu'une seule opération de rénovation, le plus souvent changer le chauffage. En termes de besoins calorifiques et énergétiques de l'habitation, ça ne change rien. Une véritable rénovation ne peut être que globale et doit venir diminuer le besoin en énergie des logements. C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un amendement qui corrige la maquette du programme 174 en ajoutant un nouvel indicateur. Il faut arrêter de se gargariser, comme l'a fait encore récemment le Président de la République dans une vidéo, en disant que l'on comptait des milliers de dossiers de demandes de prime ; une prime pour changer une chaudière, ce n'est pas une rénovation. Quand on parle de rénovation globale, on descend en dessous des 10 000 dossiers déposés.
Toujours concernant le changement de véhicules, j'entends dire, avec l'augmentation des prix à la pompe, que rouler électrique coûterait moins cher. Aujourd'hui, on déverse des milliards d'euros pour soutenir une industrie qui n'est pas la nôtre. Ainsi, 80 % des véhicules aidés par le bonus et la prime à la conversion en 2022 sont produits à l'étranger. Je trouve cela choquant, alors qu'on ne cesse de parler de souveraineté industrielle. Les constructeurs de notre pays sont en train de changer leur chaîne de production afin de pouvoir produire des véhicules avec un bilan carbone beaucoup plus faible que s'ils étaient produits en Chine, dans des usines fonctionnant au charbon et selon des critères d'extraction des matières différents des nôtres.
C'est la raison pour laquelle j'ai déposé un autre amendement, venant réduire de 500 millions d'euros les crédits affectés au bonus et à la prime à la conversion. L'idée est d'envoyer un signal, en disant que notre industrie sera prête fin 2023, début 2024. Attendons d'avoir ces véhicules produits chez nous qui seront de meilleure qualité ; en effet, avec les véhicules produits en Chine, la batterie s'épuise rapidement.
J'ai déposé également un amendement concernant le programme 345. Pour la première fois, la Commission de régulation de l'énergie (CRE) a effectué une réévaluation complète des charges de service public. Dans sa délibération, elle indique deux actions pour lesquelles les crédits ne seront pas versés en 2023 ; je préfère les annuler directement, plutôt que d'avoir des reports ou des crédits non consommés en fin d'exercice.
De manière exceptionnelle également, l'article 42 ter prévoit que la CRE pourra faire, si besoin, autant d'actualisations des charges de service public en cours d'exercice, de manière à ce que les fournisseurs puissent bénéficier sans retard des mécanismes de compensation de ces charges. Pour certains fournisseurs - je pense notamment aux petites entreprises locales de distribution (ELD) -, l'impact sur la trésorerie de ces différents dispositifs présentés peut être important.
M. Claude Raynal , président . - Je souhaite évoquer les 39 milliards d'euros des contrats liés aux énergies renouvelables, dont 19 milliards d'euros pour l'année 2023. Il m'a semblé comprendre que certains producteurs remettaient en cause ces contrats de soutien public. Est-ce une rumeur ? Une certitude ?
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - On a déjà pu observer des évolutions entre l'« amortisseur » initialement annoncé par le Gouvernement et les éléments en cours d'élaboration transmis lundi soir par le ministre Gabriel Attal ; en plus de cela, le sujet interviendra en deuxième partie du PLF. Nous avons un véritable problème de transparence des informations à l'endroit de la représentation nationale. Le Gouvernement doit faire plus d'efforts, il y a encore trop d'incertitudes. Il est difficile de s'y retrouver pour ensuite en expliquer clairement les enjeux à l'opinion. Si l'on pouvait disposer d'un seul dispositif pour les dépenses énergétiques, ce serait plus simple à comprendre.
Parmi les dispositifs votés pour faciliter le transport et la prise en charge des déplacements domicile - travail des salariés dans le cadre de la première loi de finances rectificative pour 2022, je serais curieux de savoir ceux qui ont déjà été mis en oeuvre. Je soupçonne que, pour certains, le résultat n'est pas au rendez-vous. Je crains les conséquences d'un manque de lisibilité et d'efficacité dû à l'empilement de tant de mesures.
M. Jean-François Rapin . - L'argent semble couler à flots, on ne sait pas toujours d'où il vient. Mais nous savons très bien que la charge de la dette va augmenter.
Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne (CE) chargé du pacte vert, a annoncé lors de la COP 27 que l'objectif de réduction des émissions carbone de l'Union européenne (UE) n'était plus de 55 %, mais de 57 % ; sans doute a-t-il la certitude que des engagements seront pris en ce sens. Il s'agit de rester vigilant ; ce que l'on décide aujourd'hui en matière de soutien est sans doute dérisoire au regard de ce qui nous sera demandé demain. Si les objectifs sont révisés à la hausse de 2 % tous les ans, cela va être compliqué de suivre.
Je souhaite évoquer l'articulation de tous ces chiffres avec les contrats de projet. Au coeur de tout cela, il y a les régions. Va-t-on établir des contrats de projet sur les bases d'un budget tel qu'il est établi aujourd'hui, avec des chiffres nationalement évalués ? Ou bien va-t-on avoir, sur des crédits territoriaux, une révision des contrats de projet ? L'adoubement des régions va être essentiel.
Élisabeth Borne a annoncé 100 millions d'euros supplémentaires pour les agences de l'eau. Là encore, un éclaircissement est nécessaire. Est-ce de l'investissement sur le réseau ? De la stratégie de préservation de l'eau ? De la création de ressources ?
Je suis surpris par la stabilité des crédits consacrés à la prévention des risques. Il y a eu de fortes annonces ministérielles, notamment sur l'érosion côtière, qui ne s'accompagnent d'aucune ligne budgétaire spécifique ; et l'on ignore, encore une fois, comment les collectivités vont pouvoir trouver les crédits.
M. Vincent Delahaye . - Je partage la question posée sur les contrats de soutien public à la production d'énergies renouvelables. Quand on bénéficie de l'aide de l'État, on les maintient ; et quand on doit reverser quelque chose, on les dénonce.
On dénombre 26 dispositifs pour atténuer le coût des énergies, soit 115 milliards d'euros dépensés sur deux ans. Pour les collectivités et les petites et moyennes entreprises (PME), le montant n'est que de 3 milliards d'euros.
Que fait-on aujourd'hui pour investir dans la production d'énergie « décarbonée » ? On ne voit rien venir sur le sujet, et cela m'inquiète.
Dernière question : ceux qui bénéficieront de l'« amortisseur » pourront-ils également bénéficier du filet de sécurité ?
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Oui.
M. Christian Bilhac . - L'important n'est pas d'aider la consommation, mais de la réduire. L'effort n'est pas suffisant pour arriver à supprimer les passoires thermiques.
Des entreprises, souvent d'Europe de l'Est, arrachent des marchés en insistant auprès des gens, notamment les personnes âgées ; leur travail est loin d'être parfait, mais les services de l'État ne vont pas vérifier le chantier sur place et se contentent de rapports bien rédigés. Ainsi vient-on embêter le petit artisan français pour un rapport mal rédigé, ce qui le décourage. Aujourd'hui, les artisans préfèrent ne plus répondre aux critères du label « reconnu garant de l'environnement » (RGE), et c'est un vrai problème.
À la suite des offres alléchantes de certains fournisseurs, beaucoup de collectivités ont voulu sortir du tarif réglementé ; c'est ce que j'appelle jouer au casino. On a déjà connu cela avec les fameux prêts structurés, devenus les emprunts toxiques. Doit-on continuer d'assurer ceux qui jouent au casino ?
Dans le milieu rural, beaucoup de gens n'ont pas de fournisseur de gaz ; ils ont des bouteilles ou des citernes. Vont-ils payer le gaz au même prix que ceux qui bénéficient du réseau ?
Enfin, on a évoqué le chiffre de 115 milliards d'euros. Je doute que le prix de l'énergie redescende beaucoup et m'interroge donc sur la pérennité de la mesure. On parle de deux ans, mais cela ne va-t-il pas durer davantage ?
Mme Vanina Paoli-Gagin . - Ma première remarque porte sur le programme 174. C'est un défaut très français de se plaindre que 80 % des véhicules électriques sont produits à l'étranger. Les Chinois ont lancé leur production il y a désormais vingt ans, et l'on mesure tout ce que nous n'avons pas fait ces vingt dernières années. Il ne faut pas non plus être condescendant avec les constructeurs chinois ; contrairement à ce que vous pouvez dire, ils savent faire aussi de la qualité ; les batteries sont garanties huit ans.
En revanche, je salue l'effort de clarification et partage votre perplexité quant au recyclage d'un certain nombre de crédits.
M. Didier Rambaud . - Concernant le « bouclier tarifaire », je demande un éclaircissement pour les petites communes, celles ayant moins de 10 emplois. S'agit-il de 10 ETP ou de 10 salariés ?
M. Michel Canévet . - Lors de la première loi de finances rectificative (LFR) pour 2022, le groupe de l'Union centriste avait proposé de concentrer l'aide au carburant sur les déplacements domicile-travail. Cela aurait permis de débloquer un certain nombre de moyens en faveur de ceux qui en ont véritablement besoin. Sur ce sujet, on est aujourd'hui dans l'impasse.
Les crédits prévus pour le programme 380 - 2 milliards d'euros - sont-ils dédiés à l'année 2023 ou engagés sur une période plus large ?
M. Daniel Breuiller . - On assiste clairement à un recyclage de crédits, cela s'apparente parfois à du bonneteau. Quand on annonce un fonds vert pour les collectivités à hauteur de 2 milliards d'euros, il est bon de savoir si 2 milliards nouveaux vont venir en appui des politiques publiques.
Ma deuxième remarque porte sur les 47 milliards d'euros dédiés aux « boucliers ». On apporte des réponses ponctuelles à des problèmes systémiques ; cela ne peut pas marcher, d'autant que le dispositif n'est pas ciblé. On engage ainsi 47 milliards d'euros à fonds perdu, y compris pour subventionner les week-ends en SUV, alors qu'il s'agit de protéger les gens n'ayant pas d'autre choix que de prendre leur véhicule pour se déplacer.
On va interdire à la location des passoires thermiques et l'on est incapable d'isoler des logements, alors que l'on y gagnerait en indépendance énergétique. Il faut commencer par isoler plutôt que de subventionner le chauffage au gaz et en extérieur, sans donner le confort thermique aux gens et en leur faisant dépenser encore de l'argent. Avec les 2,5 milliards d'euros pour MaPrimeRénov' et les 47 milliards d'euros pour le « bouclier », il y a un vrai problème ; la proportion des chiffres illustre l'importance de l'erreur.
M. Albéric de Montgolfier . - S'agissant du dispositif MaPrimeRénov', on peut s'étonner du fait que seulement 2 100 logements aient pu profiter du dispositif « passoire thermique » malgré des crédits importants, avec plus de 2 milliards de crédits de paiement (CP). S'agit-il d'un problème budgétaire ou administratif, éventuellement lié aux conditions d'éligibilité ?
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Il faut savoir que les 100 millions d'euros annoncés par la Première ministre Élisabeth Borne procèdent d'une forme de recyclage. Elle a en réalité autorisé les agences de l'eau à prélever cette somme sur leur trésorerie.
S'agissant des conditions d'éligibilité des collectivités aux tarifs réglementés de vente d'électricité (TRVe) et donc au dispositif de bouclier tarifaire, le site internet ecologie.gouv.fr indique que les tarifs réglementés de vente sont réservés aux consommateurs qui emploient moins de dix personnes. Or il existe des emplois saisonniers qui, s'ils sont cumulés, peuvent correspondre à quinze ETP. Si l'on s'en tient à la logique des PAP, il s'agit d'ETP, mais cette question nécessite un éclaircissement.
Au sujet de l'amortisseur, nous savons que les 3 milliards d'euros annoncés seront complétés par le Gouvernement, car les établissements médico-sociaux ne sont notamment pas couverts. Il est complexe de calculer le bénéfice réel des collectivités, puisque certaines bénéficieront du bouclier tarifaire et d'autres de l'amortisseur. Nous ne saurons probablement jamais calculer exactement ces flux.
S'agissant des crédits de prévention des risques, le fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), dit fonds Barnier, est doté de crédits stables, si on exclue la fin de l'abondement exceptionnel pour les suites de la tempête Alex. Ces crédits suffisent pour les risques « classiques », dont ne fait pas partie le risque retrait-gonflement des argiles. Le Gouvernement prévoit un dispositif à part, tant ce point représente un véritable enjeu. Les crédits consacrés à la lutte contre l'érosion côtière figurent dans le programme 380, bien que cette action soit déjà présente dans les programmes 181 et 362, avec l'action n o 2. Il en est de même pour les contrats de plan État-région (CPER) : nous savons gérer les politiques publiques à travers des finances organisées à une échelle centrale et à une échelle déconcentrée. Il s'agit donc surtout d'une volonté d'affichage.
Concernant les dispositifs de soutien autres que ceux qui concernent l'électricité et le gaz, je souligne que le coût du propane n'a augmenté que de 6 %, ce qui est sans commune mesure avec les hausses du prix des pellets de bois, du fioul domestique, de l'électricité ou du gaz naturel. Le coût du propane équivaut donc finalement au prix du fioul aidé tout en n'évoluant qu'au rythme que l'inflation générale. Un dispositif d'aide conjoncturel en faveur du gaz propane n'a pas de sens : les aides doivent se concentrer sur les produits qui augmentent vraiment.
S'agissant du coût des investissements décarbonés, il est regrettable que les efforts financiers ne visent pas le long terme, comme c'est le cas pour MaPrimeRénov'. Les crédits sont en majorité portés par le plan France 2030. Si a été créée cette année, au sein du programme 345, une action n o 18 appelée « soutien à l'hydrogène », elle est dotée de zéro euro de crédits ! Cela résume bien les investissements prévus à long terme.
En ce qui concerne MaPrimeRénov', le problème ne porte pas sur les crédits ou la complexité administrative. Les aides ne sont pas suffisamment orientées vers les rénovations globales. En outre les propriétaires bailleurs éligibles à MaPrimeRénov' se heurtent à des questions de seuils et d'aides si complexes qu'elles découragent la plupart des propriétaires à se lancer dans la rénovation pour des raisons économiques. Cette situation explique que seuls 2 100 dossiers aient pu bénéficier du dispositif. Il arrive même qu'aujourd'hui les fournisseurs d'énergies qui sont redevables au titre des certificats d'économies d'énergie (C2E) présentent des offres couplées aux particuliers.
Au sujet des contrats sur les énergies renouvelables (EnR), un article a été ajouté par le Gouvernement dans le cadre du recours à l'article 49-3 de la Constitution qui entend créer une contribution sur la rente inframarginale des producteurs d'électricité : il prévoit de taxer les producteurs d'EnR qui ont résilié leurs contrats de soutien public, afin d'engranger des bénéfices exceptionnels par la vente directe de leur électricité sur les marchés. Cette contribution est un dispositif européen qui se décline ensuite dans le droit français.
M. Jean-François Husson , rapporteur général . - Je souhaite vous transmettre une réponse qui concerne l'Ademe. Les crédits sont maintenus à l'identique, mais l'Ademe maintiendra son soutien aux PME en 2023 ; d'où les moyens supplémentaires et les recrutements de personnels.
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Trois articles ont été ajoutés dans le cadre du recours à l'article 49-3.
J'émets à ce stade un avis favorable à l'article rattaché 42 ter relatif au dispositif de soutien : il ne pose pas de problème légistique, mais bien des questions restent en suspens. J'espère en savoir plus d'ici à la séance publique.
L'article rattaché 42 quater porte, quant à lui, sur une demande de rapport dans le cadre de la prime à la conversion. Ce rapport est le bienvenu. J'émets donc également un avis favorable.
L'article 42 bis , qui concerne une liaison souterraine entre la Corse et l'Italie passant par la Sardaigne, prévoit que soient intégrés les coûts d'investissement dans la compensation des charges de service public, notamment les coûts échoués si ce projet ne devait pas se faire. Ce projet datant déjà de l'année 2010, on peut comprendre la crainte exprimée. J'émets un avis favorable sur cet article.
M. Claude Raynal , président . - Ces précisions nous permettent d'apprendre que le Gouvernement a introduit une taxe sur les superprofits des EnR, ce qui est un point positif.
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Les amendements de crédits II-11 et II-12 concernent d'une part la réduction de 250 millions d'euros sur les subventions pour charges de service public au sein du programme 345, afin de tenir compte de la réévaluation des charges de service public de l'énergie par la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dans sa délibération du 3 novembre 2022 ; et d'autre part, la réduction de 500 millions d'euros au sein du programme 174 porte sur les crédits relatifs au bonus et à la prime à la conversion. L'objectif est d'attendre que l'industrie européenne, et surtout française, soit en ordre de marche, ce qui sera le cas à la fin de l'année 2023 ou au début de l'année 2024.
L'amendement II-11 a été adopté.
L'amendement II-12 a été adopté.
M. Hervé Maurey , rapporteur spécial. - S'agissant des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », avec mon collègue Stéphane Sautarel, nous nous abstenons.
M. Vincent Capo-Canellas , rapporteur spécial . - Je suis favorable à l'adoption des crédits de la mission en raison de l'amélioration relative du programme dont je suis chargé.
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », sous réserve de l'adoption de ses amendements.
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - L'amendement II-13 portant sur les indicateurs de performance de la mission vise à modifier ces indicateurs, afin de pouvoir mieux mesurer l'efficacité du dispositif MaPrimeRénov', ce qui passe par un comptage des dossiers liés aux programmes 362 et 174.
L'amendement II-13 a été adopté.
EXAMEN DES ARTICLES RATTACHÉS
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - L'article 42 bis porte sur la compensation des coûts d'investissement dans le cadre de l'interconnexion SACOI entre la Corse et l'Italie.
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 42 bis .
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - S'agissant de l'article 42 ter , je suis favorable, même s'il manque une étude d'impact.
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 42 ter .
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - L'article 42 quater concerne une demande de rapport sur la progressivité de la prime à la conversion des véhicules polluants. Avis favorable.
La commission a décidé de proposer au Sénat l'adoption, sans modification, de l'article 42 quater .
Mme Christine Lavarde , rapporteur spécial . - Je suis favorable au compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter les crédits du compte d'affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l'électrification rurale ».
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Réunie à nouveau le jeudi 17 novembre 2022, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé ses décisions.