TROISIÈME PARTIE
SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE
ET TRANSITION ÉNERGÉTIQUE

I. LA CRISE DES PRIX DE L'ÉNERGIE ET LES MESURES DE SOUTIEN PUBLIC AUX CONSOMMATEURS FINALS ONT PROFONDÉMENT BOULEVERSÉ LE SYSTÈME DE COMPENSATION DES CHARGES DE SERVICE PUBLIC DE L'ÉNERGIE

A. LES MÉCANISMES DE SOUTIEN PUBLIC À LA PRODUCTION D'ÉNERGIES RENOUVELABLES VONT RAPPORTER PRÈS DE 40 MILLIARDS D'EUROS À L'ÉTAT EN 2023, DES SOMMES AFFECTÉES AU FINANCEMENT DU BOUCLIER TARIFAIRE

Les charges de service public de l'énergie correspondent aux dépenses de l'État qui compensent les obligations de service public assignées aux entreprises du secteur de l'électricité et du gaz par le code de l'énergie. Alors qu'elles étaient financées jusqu'en 2015 par l'ancienne contribution au service public de l'électricité via un circuit « extrabudgétaire » , elles sont retracées dans le budget de l'État depuis 2016. Jusqu'en 2020, les charges de service public de l'énergie étaient partagées entre le programme 345 « Service public de l'énergie » et le compte d'affectation spéciale (CAS) « Transition énergétique ». Ce dernier a été supprimé par la loi de finances pour 2020 à compter du 1 er janvier 2021. Aussi, depuis cette date, le programme 345 retrace l'ensemble de ces dépenses.

La Commission de régulation de l'énergie (CRE) est chargée d' évaluer chaque année le montant des charges de service public de l'énergie (CSPE) 9 ( * ) . En pratique, et habituellement, en accomplissant cette mission, elle déterminait la grande majorité des crédits du programme 345 « Service public de l'énergie ».

La flambée inédite des prix de l'énergie que nous vivons depuis l'automne 2021 a complètement bouleversé le fonctionnement habituel de la compensation des CSPE . En raison notamment de l'augmentation considérable des prix de l'électricité sur les marchés de gros européens, les habituels mécanismes de soutien à la production d'énergie renouvelable (EnR) se sont mués en dispositif de prélèvement automatique de revenus exceptionnels directement liés à la hausse des prix, anticipant ainsi largement la contribution européenne sur la rente inframarginale des producteurs d'électricité que l'article 4 duovicies du présent projet de loi de finances entend par ailleurs transposer. Dit autrement, les compensations habituellement versées par l'État aux opérateurs se sont muées en recettes publiques exceptionnelles .

Ce phénomène , déjà annoncé dans la délibération n° 2021-314 de la Commission de régulation de l'énergie du 7 octobre 2021 portant communication sur l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour l'année 2022, s'est révélé dans toute son ampleur dans les deux délibérations qu'a rendues exceptionnellement la CRE en 2022 au titre de l'évaluation des CSPE. En effet, après avoir publié une première délibération, comme habituellement, au mois de juillet 2022 10 ( * ) , elle a produit une nouvelle délibération de « réévaluation » des CSPE pour 2023 au début du mois de novembre 11 ( * ) . Cette délibération de réévaluation est prescriptive et pas seulement informative comme l'était la délibération du mois d'octobre 2021. Les CSPE ainsi réévaluée par la CRE doivent être notifiées aux opérateurs d'ici le 31 décembre 2022 .

Sans tenir compte des dispositifs de boucliers tarifaires qui seront décrits infra, sur le périmètre traditionnel des CSPE , la délibération évalue les CSPE pour 2023 à un montant négatif de 35,7 milliards d'euros (contre un montant négatif de 12,2 milliards d'euros dans sa délibération de juillet).

Ce niveau de CSPE se décompose entre un montant négatif à hauteur de 16,5 milliards d'euros au titre de l'année 2023 , un montant négatif de 17,3 milliards d'euros au titre de la révision des CSPE de l'année 2022 et enfin d'un montant négatif de 1,9 milliard d'euros au titre de la révision des CSPE de l'année 2021.

Évaluation des CSPE pour 2023

(en milliards d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

La réévaluation des CSPE au titre de l'année 2023 par la délibération de la CRE du mois de novembre fait état d'un montant négatif de 16,5 milliards d'euros et se décompose comme l'illustre le graphique ci-après.

Évaluation des CSPE au titre de l'année 2023

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Si l'on exclut les postes pour lesquels les CSPE réévaluées resteraient positives en 2023 12 ( * ) , les recettes exceptionnelles attendues par l'État en 2023 et qu'il mobilise pour couvrir une partie des coûts budgétaires bruts des dispositifs de boucliers tarifaires sont évaluées par la CRE à 38,9 milliards d'euros dont 19,2 milliards au titre de l'année 2023, 17,8 milliards d'euros au titre de la révision des CSPE de l'année 2022 et enfin 2,0 milliards d'euros au titre de la révision des CSPE de l'année 2021.

Recettes exceptionnelles attendues par l'État en 2023 au titre des CSPE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022

Par postes, ces recettes exceptionnelles se décomposent ainsi :

Recettes exceptionnelles attendues par l'État en 2023 au titre des CSPE

(en millions d'euros)

Source : commission des finances du Sénat d'après la délibération n° 2022-272 de la CRE du 3 novembre 2022


* 9 En vertu des dispositions de l'article L. 121-9 du code de l'énergie.

* 10 Délibération n° 2022-202 de la Commission de régulation de l'énergie du 13 juillet 2022 relative à l'évaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 11 Délibération n° 2022-272 de la Commission de régulation de l'énergie du 3 novembre 2022 relative à la réévaluation des charges de service public de l'énergie pour 2023.

* 12 Le soutien en ZNI, la cogénération, les effacements, les dispositifs sociaux et les frais.

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