III. IL EST NÉCESSAIRE DE CONSTRUIRE DÈS MAINTENANT UNE TRAJECTOIRE AMBITIEUSE DE BAISSE DES DÉPENSES PUBLIQUES
1. Une stratégie ambitieuse et crédible doit être recherchée
Comme le rapporteur l'a montré, les efforts de maîtrise des dépenses publiques présentés par le Gouvernement à l'occasion de ce projet de loi de programmation, s'appliquent uniquement aux administrations de sécurité sociale et aux collectivités locales, dès lors qu'on s'intéresse au périmètre des dépenses primaires ordinaires.
Sur la période de programmation, les dépenses primaires ordinaires progresseraient de 0,6 % en volume par an en moyenne. Le déficit ne reviendrait sous le niveau de 3 % qu'à compter de 2027 ce qui fragilise notre pays par rapport à nos principaux partenaires européens qui eux atteindront cet objectif dès 2025 au plus tard.
Dans ce contexte, une trajectoire plus ambitieuse d'évolution des dépenses doit donc être proposée et mise en oeuvre. Pour autant, celle-ci se doit d'être crédible, c'est-à-dire de ménager les effets récessifs sur la croissance du PIB, d'une part, et atteignable, c'est-à-dire s'appuyer sur des pistes d'économies identifiées et réalistes .
Pour cette raison, le rapporteur n'entend pas proposer de trajectoire qui pour aussi « compréhensible » qu'elle soit pour l'opinion publique ne serait pas réalisable.
Il a, à cet effet, décidé d'écarter, une stratégie que l'on pourrait qualifier de « zéro volume en dépense pour toutes les administrations ». Celle-ci aurait, au plan comptable, pourtant permis de réduire le déficit à 3 % du PIB dès 2025 et de le situer à moins de 1,5 % du PIB en 2027, ce qui est un résultat qui n'a pas été observé depuis 2001.
Néanmoins, elle aurait impliqué de contraindre très fortement l'évolution des dépenses sociales alors que les besoins vont croissants en matière de santé, de dépendance et de vieillesse.
Le rapporteur estime que la trajectoire de réduction des dépenses doit permettre d'assurer l'équité entre les catégories d'administration.
Il n'est pas acceptable que, hors dépenses de crise, les administrations centrales ne fournissent aucun effort (+ 0,9 % de dépenses primaires ordinaires en volume par an) quand les autres administrations publiques sont - elles - appelées à faire un effort en réduisant leurs dépenses primaires en volume chaque année.
2. La proposition du rapporteur : un effort équitable entre les administrations centrales et locales pour consolider les comptes publics
Dans ce contexte, il paraît à la fois plus ambitieux et cohérent que les administrations centrales réalisent le même effort que celui demandé aux administrations locales , à savoir - 0,5 % de dépenses en volume chaque année. En revanche, l'évolution des dépenses sociales proposée par le projet de loi serait préservée .
Cet effort de l'État porterait sur le périmètre des dépenses primaires ordinaires, de sorte qu'il ne contraindra pas le financement des dispositifs de crise , en particulier ceux visant à préserver le pouvoir d'achat des Français.
Il permettrait de limiter la progression en volume des dépenses primaires ordinaires de l'ensemble des administrations publiques à 0,2 % par an en moyenne contre + 0,6 % dans le scénario du Gouvernement.
Évolution des dépenses primaires ordinaires des administrations publiques
(en volume - base 100 en 2022)
Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Ce scénario implique que les administrations centrales réalisent un montant sensible d'économies tout au long de la période de programmation.
Différence entre les niveaux de dépenses
proposés par le Gouvernement
et par le rapporteur
(en milliards d'euros)
Lecture : en 2023, les administrations centrales devront réaliser 3,8 milliards d'euros d'économies supplémentaires par rapport à ce que le Gouvernement propose dans le projet de loi de programmation. En sens inverse, les administrations locales pourront voir leurs dépenses progresser de 1,3 milliard d'euros de plus que ce que ne proposait le Gouvernement.
Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Par ailleurs, dans la mesure où l'effort demandé serait réparti linéairement sur la période de programmation - ce qui n'est pas le cas de la trajectoire proposée par le Gouvernement - les administrations locales bénéficieront d'un allégement de l'objectif de baisse de dépenses en 2023 - comparativement à ce que propose le Gouvernement - leur permettant de faire davantage face aux conséquences de la crise.
Ainsi, pour respecter la trajectoire que propose le rapporteur, il sera nécessaire dès le projet de loi de finances pour 2023 de réaliser 3,8 milliards d'euros d'économies sur le périmètre des dépenses des administrations centrales.
A moyen-terme, comparativement à la trajectoire proposée par le Gouvernement, il sera nécessaire (en euros courant) de réaliser 36,6 milliards d'euros d'économies en 2027.
Si des mesures immédiates seront proposées dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2023, les exercices à venir appelle à dégager des pistes d'économies structurelles ambitieuses dans le fonctionnement des administrations centrales.
L'ensemble de ces mesures d'économies devront préserver les champs régaliens que sont la défense et la sécurité. De même, une attention particulière devra être apportée à l'enseignement scolaire et à la situation de la justice.
D'abord, certaines dépenses envisagées dans le
cadre de lois de programmation pluriannuelle pourraient être
limitées ou décalées
dans le temps.
À titre d'exemple, la progression de l'aide publique au développement - qui ne participe pas à augmenter notre activité économique et qui pourrait être resserrée sur des projets présentant un fort intérêt diplomatique et sécuritaire - pourrait être remise en cause ce qui permettrait d'économiser près de 2 milliards d'euros d'ici 2025.
Ensuite, l'organisation de certains services publics pourrait être repensée. Ainsi, dans le secteur de la culture, des économies structurelles de l'ordre d'un milliard d'euros peuvent être attendues à moyen terme par la restructuration de France Télévisions et notamment l'engagement d'une réflexion sur le futur du canal 5.
En outre, une action résolue doit être entreprise s'agissant de l'évolution des dépenses de personnel de l'État et des opérateurs. Celle-ci impliquerait de ralentir la progression puis de diminuer le nombre des agents publics - fonctionnaires ou contractuels.
La mise en oeuvre de cette trajectoire permettra de consolider plus rapidement nos comptes publics tout en limitant le risque de grever l'activité économique.
Évolution du solde public
(en pourcentage du PIB)
Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires
Ainsi, à trajectoire de recettes publiques inchangée par rapport au scénario retenu par le Gouvernement, le déficit reviendrait en-dessous de 3 % dès 2025 ce qui est plus en ligne avec les stratégies adoptées par nos partenaires européens.
L'endettement public s'en trouverait également amélioré puisqu'il se situerait, en fin de programmation, près de 3 points de PIB en dessous de ce que prévoit le Gouvernement dans sa propre trajectoire.
Évolution de l'endettement public
(en pourcentage du PIB)
Source : calculs de la commission des finances du Sénat d'après les documents budgétaires