N° 61
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023
Enregistré à la Présidence du Sénat le 19 octobre 2022
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des affaires sociales (1) sur le
projet de loi,
adopté par l'Assemblée nationale après
engagement de la procédure accélérée,
portant
mesures
d'
urgence
relatives
au
fonctionnement
du
marché
du
travail
en vue du
plein
emploi
,
Par Mme Frédérique PUISSAT et M. Olivier HENNO,
Sénateurs
(1) Cette commission est composée de : Mme Catherine Deroche , présidente ; Mme Élisabeth Doineau , rapporteure générale ; M. Philippe Mouiller, Mme Chantal Deseyne, MM. Alain Milon, Bernard Jomier, Mme Monique Lubin, MM. Olivier Henno, Martin Lévrier, Mmes Laurence Cohen, Véronique Guillotin, M. Daniel Chasseing, Mme Raymonde Poncet Monge , vice-présidents ; Mmes Florence Lassarade, Frédérique Puissat, M. Jean Sol, Mmes Corinne Féret, Jocelyne Guidez , secrétaires ; Mme Cathy Apourceau-Poly, M. Stéphane Artano, Mme Christine Bonfanti-Dossat, MM. Bernard Bonne, Laurent Burgoa, Jean-Noël Cardoux, Mmes Catherine Conconne, Annie Delmont-Koropoulis, Brigitte Devésa, MM. Alain Duffourg, Jean-Luc Fichet, Mmes Frédérique Gerbaud, Pascale Gruny, MM. Abdallah Hassani, Xavier Iacovelli, Mmes Corinne Imbert, Annick Jacquemet, M. Jean-Marie Janssens, Mmes Victoire Jasmin, Annie Le Houerou, Viviane Malet, Colette Mélot, Michelle Meunier, Brigitte Micouleau, Annick Petrus, Émilienne Poumirol, Catherine Procaccia, Marie-Pierre Richer, Laurence Rossignol, M. René-Paul Savary, Mme Nadia Sollogoub, M. Jean-Marie Vanlerenberghe, Mme Mélanie Vogel .
Voir les numéros :
Assemblée nationale ( 16 ème législ.) : |
219 , 276 et T.A. 21 |
|
Sénat : |
44 et 62 (2022-2023) |
L'ESSENTIEL
En dérogeant au cadre posé par la réforme de 2018, le projet de loi donne de larges marges de manoeuvre au Gouvernement pour définir les règles de l'assurance chômage. La commission a entendu affirmer son attachement au paritarisme en rendant le plus tôt possible l'initiative aux partenaires sociaux. Elle a également inscrit dans la loi la possibilité d'une indemnisation contracyclique et corrigé certains défauts de conception du « bonus-malus ».
I. ASSURANCE CHÔMAGE : REDONNER LA MAIN AUX PARTENAIRES SOCIAUX ET CORRIGER LES DÉFAUTS DU « BONUS-MALUS »
A. LIMITER LA DURÉE DES MESURES PRISES PAR DECRET POUR REDONNER LA MAIN AUX PARTENAIRES SOCIAUX ET REDÉFINIR LA GOUVERNANCE DE L'ASSURANCE CHÔMAGE
La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a rénové la gouvernance de l'assurance chômage. Si cette loi a conservé le principe d'une gestion paritaire du régime d'assurance chômage , elle a renforcé le rôle de l'État dans la détermination de ces règles en lui confiant la mission d'élaborer un document destiné à encadrer la négociation, en particulier en matière financière. Ainsi, préalablement à la négociation des partenaires sociaux en vue d'un accord relatif à l'assurance chômage, le Premier ministre leur transmet un document de cadrage , après concertation avec les organisations syndicales et patronales représentatives au niveau national et interprofessionnel. Ce document précise les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière, le délai dans lequel cette négociation doit aboutir et, le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d'assurance chômage.
A titre transitoire, l'article 57 de la loi du 5 septembre 2018 avait prévu qu'à compter de la publication de la loi et après concertation avec les partenaires sociaux, le Gouvernement leur transmette un document de cadrage afin qu'ils négocient un accord sur l'assurance chômage dans un délai de quatre mois. Cet accord devait ensuite être agréé par le Premier ministre.
Sur le fondement de cet article 57, le Premier ministre a transmis un document de cadrage aux partenaires sociaux le 25 septembre 2018. En raison de l'échec des négociations, le décret du 26 juillet 2019 a fixé les règles relatives au régime d'assurance chômage jusqu'au 1 er novembre 2022. Alors que les règles d'indemnisation du chômage fixées par ce décret de carence cesseront d'être applicables après le 1 er novembre 2022 , aucun processus de négociation, assorti d'une lettre de cadrage, n'a été engagé pour définir de nouvelles règles.
Afin de donner une base légale et réglementaire à l'indemnisation des demandeurs d'emploi à compter du 1 er novembre 2022, l'article 1 er autorise le Gouvernement à prendre par décret en Conseil d'État les mesures d'application du régime d'assurance chômage à compter de cette date et jusqu'au 31 décembre 2023 ainsi qu'à prolonger l'application du « bonus-malus » sur les contributions d'assurance chômage jusqu'au 31 août 2024.
Ces dispositions sont justifiées par la nécessité de fixer, à très court terme, les règles d'indemnisation du chômage pour sécuriser le versement des allocations des demandeurs d'emploi. Attachés à la gestion paritaire de l'assurance chômage, les rapporteurs considèrent toutefois que ces mesures dérogatoires ne doivent être applicables que pour une durée proportionnée à la nécessité de l'urgence . Il n'est pas souhaitable que le Gouvernement s'écarte pour une durée excessive de la gouvernance prévue aujourd'hui par le code du travail, sans que le législateur se prononce sur d'éventuelles évolutions du rôle des partenaires sociaux et de l'État dans la gestion du régime, après avoir engagé une concertation avec les organisations représentant les salariés et les employeurs.
En conséquence, sur proposition des rapporteurs, la commission a avancé au 31 août 2023 la date limite d'application des mesures qui pourront être prises par décret en Conseil d'État, y compris pour l'application du « bonus-malus ».
La période d'application de ce décret devra être utilisée pour engager des concertations destinées à faire évoluer la gouvernance de l'assurance chômage. En effet, les rapporteurs relèvent que les partenaires sociaux considèrent que le cadre posé par la loi du 5 septembre 2018 ne permet pas d'assurer une gouvernance satisfaisante du régime . Il convient de tirer les leçons de l'échec de la réforme de la gouvernance d'assurance chômage de 2018 et d'engager une révision des modalités de détermination des règles d'indemnisation des chômeurs.
A cette fin, la commission a abrogé les dispositions du code du travail prévoyant la procédure de négociation d'un accord sur la base d'une lettre de cadrage .
Elle a fixé un cadre transitoire destiné, d'une part, à engager une concertation sur la gouvernance , qui devra déboucher sur une modification de la loi, et, d'autre part, à la conclusion d'un accord sur l'assurance chômage négocié par les partenaires sociaux selon une procédure inspirée de l'article L. 1 du code du travail, faisant intervenir le Gouvernement par le biais d'un document d'orientation .