Rapport n° 19 (2022-2023) de MM. Marc-Philippe DAUBRESSE et Loïc HERVÉ , fait au nom de la commission des lois, déposé le 5 octobre 2022

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N° 19

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2022-2023

Enregistré à la Présidence du Sénat le 5 octobre 2022

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi d' orientation et de programmation du ministère de l' intérieur (procédure accélérée),

Par MM. Marc-Philippe DAUBRESSE et Loïc HERVÉ,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet , président ; Mmes Catherine Di Folco, Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Christophe-André Frassa, Jérôme Durain, Marc-Philippe Daubresse, Philippe Bonnecarrère, Mme Nathalie Goulet, M. Alain Richard, Mmes Cécile Cukierman, Maryse Carrère, MM. Alain Marc, Guy Benarroche , vice-présidents ; M. André Reichardt, Mmes Laurence Harribey, Muriel Jourda, Agnès Canayer , secrétaires ; Mme Éliane Assassi, MM. Philippe Bas, Arnaud de Belenet, Mmes Nadine Bellurot, Catherine Belrhiti, Esther Benbassa, MM. François Bonhomme, Hussein Bourgi, Mme Valérie Boyer, M. Mathieu Darnaud, Mmes Françoise Dumont, Jacqueline Eustache-Brinio, M. Pierre Frogier, Mme Françoise Gatel, MM. Loïc Hervé, Patrick Kanner, Éric Kerrouche, Jean-Yves Leconte, Henri Leroy, Stéphane Le Rudulier, Mme Brigitte Lherbier, MM. Didier Marie, Hervé Marseille, Mme Marie Mercier, MM. Thani Mohamed Soilihi, Jean-Yves Roux, Jean-Pierre Sueur, Mme Lana Tetuanui, M. Dominique Théophile, Mmes Claudine Thomas, Dominique Vérien, M. Dany Wattebled .

Voir les numéros :

Sénat :

876 (2021-2022), 9 et 20 (2022-2023)

L'ESSENTIEL

Après avoir entendu M. Gérald Darmanin, ministre de l'intérieur et des outre-mer, le 21 septembre 2022, la commission des lois, réunie le mercredi 5 octobre 2022 sous la présidence de M. François-Noël Buffet , a adopté avec modifications , sur le rapport de MM. Marc-Philippe Daubresse et Loïc Hervé , le projet de loi n° 876 (2021-2022) d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur .

Reprise d'une partie du projet de loi d'orientation et de programmation pour le ministère de l'intérieur déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale le 16 mars 2022, le projet de loi n° 876 déposé sur le bureau du Sénat le 7 septembre 2022 comprend seize articles : deux programmatiques et quatorze normatifs, relatifs pour la grande majorité de ces derniers à la procédure pénale.

La commission a adopté plusieurs amendements destinés à mieux encadrer les évolutions proposées lorsqu'elles le nécessitaient, comme sur les amendes forfaitaires délictuelles par exemple, à aller plus loin dans les simplifications de procédure envisagées, et à améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels : les violences faites aux élus, les refus d'obtempérer et les rodéos urbains.

I. UNE PROGRAMMATION BUDGÉTAIRE QU'IL CONVIENDRA DE CONFIRMER

Le projet de loi comporte en premier lieu deux articles de programmation budgétaire.

L' article 1 er tend à approuver le rapport annexé au projet de loi qui comporte un ensemble de mesures de modernisation du ministère de l'intérieur destinées à être mises en oeuvre entre 2023 et 2027. Trois objectifs sont affirmés : augmenter la présence des forces de sécurité intérieure sur la voie publique, faire face aux nouvelles frontières, notamment numériques, et mieux prévenir les menaces et crises futures.

Afin de mettre en oeuvre les objectifs fixés par le rapport annexé pour les années 2023 à 2027, l'article 2 prévoit une progression chaque année du montant des crédits de paiement et plafonds des taxes affectés au ministère de l'intérieur. Au total, quinze milliards d'euros supplémentaires seraient budgétés sur cinq ans par rapport aux crédits affectés au ministère de l'intérieur en 2022.

Ces deux articles relèvent de ce que l'article 34 de la Constitution qualifie de lois de programmation, chargées de déterminer « les objectifs de l'action de l'État ». Si la commission des lois ne peut que saluer l'augmentation budgétaire prévue et la visibilité données par le vote d'une loi de programmation - que le Sénat appelle de ses voeux depuis longtemps -, elle se montrera attentive à ce que cette programmation soit effectivement réalisée dans les années à venir qui seront porteuses de nombreux enjeux pour le ministère de l'intérieur.

Augmentation programmée des moyens du ministère de l'intérieur
(2023-2027) - En millions d'euros

CRÉDITS DE PAIEMENT ET PLAFONDS DES TAXES AFFECTÉES

hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Budget du ministère de l'intérieur, en millions d'euros
(hors programme 232)

20 784

22 034

22 914

24 014

24 664

25 294

Évolution N/2022

-

+ 1 250

+ 2 130

+ 3 230

+ 3 880

+ 4 510

Total crédits supplémentaires

-

15 000

Évolution N/N-1

-

+ 1 250

+ 880

+ 1 100

+ 650

+ 650

Taux d'évolution N/N-1

-

+ 6 %

+ 4 %

+ 5 %

+ 3 %

+ 3 %

Taux d'évolution 2027/2022

-

+ 21,7 %

Source : commission des lois, à partir du projet de loi et de son étude d'impact.

S'agissant du rapport annexé, la commission a considéré que les mesures proposées, bien que de nature très diverse, allaient globalement dans le bon sens : celui d'une modernisation du ministère de l'intérieur et des équipements à la disposition de ses agents afin de leur permettre de réaliser leurs missions dans un monde qui évolue. Elle a adopté plusieurs amendements, dont l'un visant à mentionner explicitement dans le rapport que la réforme actuellement en réflexion de l'organisation de la police nationale devra prendre en compte les spécificités de la police judiciaire, dans l'attente que la mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire créée en son sein rende ses conclusions.

II. DONNER À LA FILIÈRE INVESTIGATION DES CAPACITÉS ACCRUES

A. UN CONSTAT PARTAGÉ DE DÉSAFFECTION DE LA POLICE JUDICIAIRE, ESSENTIELLEMENT DANS LA POLICE NATIONALE

Alors que la police judiciaire a longtemps constitué la principale motivation des personnels s'engageant dans la police, l'investigation attire aujourd'hui moins, à tel point que certains responsables en viennent à parler de désaffection et réfléchissent aux moyens d'enrayer ces difficultés de recrutement 1 ( * ) .

Les principales explications aux difficultés rencontrées tiennent davantage à l'exercice quotidien des métiers d'investigation qu'à une perte d'attraits de la profession. Reviennent ainsi systématiquement les explications liées à la complexification de la procédure pénale et à sa lourdeur, en dépit de promesses régulières d'allègement.

À cela s'ajoute aujourd'hui l'incertitude liée au projet de réforme de l'organisation de la police judiciaire par le biais de la généralisation des directions départementales de la police nationale. La commission des lois a créé une mission d'information sur ce sujet dont les rapporteurs, Nadine Bellurot et Jérôme Durain, rendront leurs conclusions dans les prochains mois.

Dans ce contexte, le projet de loi a pour ambition, au travers des articles relatifs à la matière pénale, de faciliter l'exercice des missions d'investigation des forces de sécurité intérieure et de renforcer l'efficacité de leur action .

B. FORMER DAVANTAGE D'OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE

Partant du constat de la nécessité de disposer de 5 000 officiers de police judiciaire supplémentaires par rapport aux 17 000 emplois « cartographiés » aujourd'hui, le projet de loi entend faciliter l'accès à ces fonctions et encourager plus de jeunes policiers et gendarmes à s'y engager. L' article 9 permet ainsi le passage de l'examen d'officier de police judiciaire dès la fin de la formation initiale des policiers et gendarmes, contre trois ans après la prise de fonction actuellement. Pour permettre cette évolution, la formation à l'examen a donc été intégrée depuis septembre dernier au programme des écoles de police et de gendarmerie. Bien que cette réforme ne produira sans doute pas d'effet massif en matière de recrutement d'officiers de police judiciaire, la commission a estimé qu'elle pouvait être intéressante au moins par l'enrichissement de la formation initiale qui en découlait.

La commission a également décidé, par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, d' attribuer la qualité d'agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale afin qu'ils puissent être en posture active durant leurs stages en unité territoriale (nouvel article 10 bis ).

C. CONCENTRER LES OFFICIERS DE POLICE JUDICIAIRE SUR LEUR CoeUR DE MÉTIER PAR LA CRÉATION DE « GREFFIERS DE POLICE » ET LE DÉVELOPPEMENT DES AMENDES FORFAITAIRES DÉLICTUELLES

Les difficultés de recrutement des officiers de police judiciaire ayant été pour partie attribuées à la charge que représentent les formalités de procédure pénale, l'article 10 propose de créer une catégorie de personnels dédiés au respect du formalisme procédural. Présentés comme des « greffiers de police », ces « assistants d'enquête » seraient recrutés parmi les personnels de catégorie B de la police et de la gendarmerie ayant suivi une formation sanctionnée par un examen. Tout en reconnaissant l'intérêt que présente la création d'une telle fonction pour les services d'enquête, avec la création d'environ 5 500 postes d'assistants, la commission des lois a souhaité qu'une évaluation de cette réforme soit conduite dans les trois ans afin de mesurer son efficacité et le caractère adapté des missions confiées à ces agents.

Afin qu'ils puissent mieux concourir aux investigations conduites par les officiers de police judiciaire, la commission a renforcé les prérogatives des agents de police judiciaire , tout en conservant le contrôle exercé par les officiers de police judiciaire sur les actes de ces agents (nouvel article 13 bis ).

L' article 14 du projet de loi prévoit, conformément à un engagement du président de la République, une extension à tous les délits punis de moins d'un an de prison de la possibilité de recourir à une amende forfaitaire. Pareille extension à plus de 3 400 infractions d'une procédure qui ne concerne aujourd'hui qu'une dizaine de délits n'a pas paru à la commission proportionnée ni adaptée aux besoins en termes de sécurité et de bonne administration de la justice. Elle a en conséquence adopté un amendement afin continuer sur la voie d'une extension du recours à l'amende forfaitaire délictuelle au cas par cas .

D. ALLÉGER LA PROCÉDURE PÉNALE ET REDONNER DU SENS AU TRAVAIL DES POLICIERS ET DES GENDARMES

Le projet de loi ambitionne également de simplifier - à la marge - la procédure pénale en supprimant quelques exigences qui alourdissent les procédures suivies par les enquêteurs sans renforcer la protection des droits et libertés des citoyens.

C'est ainsi que l' article 8 permet d' étendre les techniques spéciales d'enquête et les garde à vues prolongées aux viols sériels et crimes sériels ainsi qu'à l'abus d'ignorance ou de faiblesse en bande organisée (qui est notamment le fait des mouvements sectaires). Il autorise également le recours à ces techniques pour rechercher les personnes en fuite mises en cause en matière de criminalité organisée.

L' article 11 , quant à lui, propose de supprimer , dans le cadre des enquêtes préliminaires ou de fragrance, l'obligation actuellement faite aux services en charge de l'enquête de procéder à une réquisition judiciaire pour solliciter les agents de police technique et scientifique afin qu'ils effectuent des constatations ou examens. La commission a considéré que les évolutions portées par cet article étaient pertinentes et a souhaité aller plus loin dans la clarification des procédures de recours à la police technique et scientifique, en particulier s'agissant des analyses réalisées à l'issue de prélèvements génétiques ou papillaires.

L' article 12 vise à prévenir la nullité de certains actes d'enquête au seul motif de l'absence de mention expresse, au procès-verbal, que l'agent qui a consulté un fichier était bien habilité à le faire. L' article 13 autorise les procureurs de la République à accorder des autorisations générales de réquisition dans certains domaines bien délimités, ce qui évitera aux enquêteurs de multiplier les demandes ponctuelles pour des actes routiniers. Le procureur est toujours avisé sans délai des réquisitions effectuées, ce qui lui permet de contrôler le bon déroulement des enquêtes.

E. AMÉLIORER L'ACCUEIL DES VICTIMES ET LA RÉPRESSION DES VIOLENCES COMMISES SUR LA VOIE PUBLIQUE

L' article 6 du projet de loi tend à permettre la prise de plainte et la déposition par le recours à la visioconférence . Il s'inscrit dans le développement du recours à ces dispositifs en matière de procédure pénale depuis le début des années 2000. Ces nouvelles modalités de dépôt de plainte peuvent faciliter les démarches des victimes, pour lesquelles elles seront une simple faculté et non une obligation, et sont donc bienvenues. La commission a cependant souhaité prévoir explicitement que seules pourront être concernées les atteintes aux biens , les plaintes et dépositions relatives atteintes aux personnes devant le plus possible faire l'objet d'un accueil adapté au sein des locaux de police et de gendarmerie.

Le texte, par son article 7 , tend à réprimer plus sévèrement l'outrage sexiste, qui est actuellement puni par une contravention. L'outrage sexiste aggravé deviendrait un délit puni d'une peine d'amende. La commission a approuvé cette évolution, qui envoie un message de fermeté aux auteurs de ces infractions, même si cette infraction reste difficile à constater sur le terrain. En 2021, 2270 contraventions pour outrage sexiste ont été enregistrées, ce qui paraît modeste au regard de la fréquence du « harcèlement de rue » dont sont principalement victimes les femmes.

La commission a également souhaité améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels : les violences faites aux élus, les refus d'obtempérer et les rodéos urbains . Elle a donc adopté un amendement portant article additionnel visant à renforcer les sanctions face à ces comportements (nouvel article 7 bis ).

Elle a enfin adopté l'article 14 bis , issu d'un amendement de Pierre-Antoine Levi, afin de supprimer la nécessité qu'une menace soit réitérée ou formalisée pour pouvoir être poursuivie.

III. UNE RÉPONSE AUX NOUVELLES MENACES ET AUX CRISES PLUS ADAPTÉE

A. RÉFORMER L'ORGANISATION DE CRISE

Les précédentes crises, qu'il s'agisse de la crise sanitaire liée à la covid-19 ou des tempêtes Alex (entre le 30 septembre et le 3 octobre 2020) ou de Corse le 18 août dernier, ont mis en exergue des difficultés auxquelles deux articles du projet de loi ont pour ambition de répondre en renforçant les capacités de gestion des crises des différents acteurs publics.

L' article 15 , en premier lieu, tend à accroître les prérogatives des préfets de département afin d'assurer leur autorité sur les établissements publics de l'État et les services déconcentrés en cas d'évènements d'une particulière gravité . Cet accroissement des prérogatives serait décidé par le préfet de zone saisi par le préfet de département lorsque ce dernier l'estime nécessaire pour rétablir l'ordre public et mettre en oeuvre les opérations de secours. Le projet de loi ne prévoyait initialement pas d'appliquer la mesure aux agences régionales de santé lors de crises régies par l'article L. 3131-1 du code de la santé publique (menaces sanitaires graves). La commission a supprimé cette exception , considérant qu'en temps de crise, une unité de commandement était nécessaire afin de redonner une clarté tant en interne à l'État qu'en externe, à l'égard des autres acteurs de gestion de la crise comme les élus locaux.

L 'article 5 vise quant à lui à permettre la mise en place d'un nouveau réseau de communications électroniques des services de sécurité et de secours, permettant d'en assurer la résilience. Ce réseau serait dénommé Réseau Radio du futur . Alors que l'article prévoyait le recours à une habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance, la commission a supprimé cet article dans l'attente que le Gouvernement inscrive directement ces dispositions dans la loi , les avancées actuelles du projet le permettant.

B. S'ADAPTER AUX NOUVELLES MENACES

Les cybermenaces sont devenues une réalité incontournable tant pour les particuliers et les entreprises que pour les administrations. Le rapport annexé au projet de loi rappelle que « la cyberdélinquance est en constante augmentation depuis plusieurs années, avec des taux de progression des faits constatés allant de 10 % à 20 % d'une année sur l'autre selon le type d'infraction » et il souligne que le ministère de l'intérieur joue le rôle de « chef de file de la lutte contre la cybercriminalité ».

Pour mieux lutter contre ces infractions cyber, le ministère entend investir dans des technologies nouvelles, former et recruter pour disposer de compétences pointues, et mettre l'accent sur la prévention, en lien avec l'agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), afin qu'entreprises et institutions soient sensibilisées à ces risques.

Le projet de loi comporte par ailleurs deux mesures ponctuelles destinées à faciliter le travail des services enquêteurs :

- d'abord, la saisie de crypto-actifs dans le cadre d'une procédure pénale sera facilitée ( article 3 ); ces actifs immatériels peuvent être aisément transférés, ce qui appelle une action rapide de la part des officiers de police judiciaire ;

- ensuite, en cas d'attaque au rançongiciel, la victime qui accepte de payer une rançon ne pourra être indemnisée par son assureur, si elle a souscrit cette garantie, qu'après avoir déposé plainte ( article 4 ) ; cette exigence nouvelle vise à aider les policiers et les gendarmes à avoir une connaissance plus précise de ces infractions et à favoriser ainsi le déroulement de leurs investigations et la poursuite des auteurs ;

- enfin, la commission a souhaité étoffer les moyens mis à la disposition des enquêteurs menant une enquête sous pseudonyme, en complétant la liste des actes que les enquêteurs seraient autorisés à accomplir , avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction (nouvel article 4 bis ).

EXAMEN DES ARTICLES

TITRE IER : OBJECTIFS ET MOYENS DU MINISTÈRE DE L'INTÉRIEUR

Article 1er
Approbation du rapport annexé

L'article 1 er du projet de loi tend à approuver les orientations relatives à la modernisation du ministère de l'intérieur définies dans le rapport annexé au projet de loi.

La commission a considéré que les mesures proposées, bien que de natures très diverses, allaient globalement dans le bon sens : celui d'une modernisation du ministère de l'intérieur et des équipements à la disposition de ses agents afin de leur permettre de réaliser leurs missions dans un monde qui évolue. Elle a adopté plusieurs amendements, dont l'un visant à mentionner explicitement dans le rapport que la réforme actuellement en réflexion de l'organisation de la police nationale devra prendre en compte les spécificités de la police judiciaire, dans l'attente que la mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire créée en son sein rende ses conclusions.

Elle a adopté cet article ainsi modifié.

1. Des mesures de modernisation du ministère de l'intérieur exprimant les priorités que le ministère se donne pour les prochaines années

Le rapport annexé comporte trois parties, respectivement intitulées « une révolution numérique profonde », « plus de proximité, de transparence et d'exemplarité », et « mieux prévenir les menaces et crises futures », qui sont autant d'objectifs que se donne le ministère de l'intérieur.

1.1. Une révolution numérique profonde

La partie relative à la transformation numérique aborde en fait deux thématiques distinctes : l'utilisation des nouvelles technologies pour améliorer le service rendu au citoyen, ainsi que la lutte contre la cybercriminalité et les risques engendrés par le numérique.

S'agissant en premier lieu de la lutte contre la cybercriminalité , trois volets sont présentés par le ministère de l'intérieur. Concernant d'abord la sensibilisation et la prévention , le ministère indique que les préfectures viendront en appui de l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) afin d'assurer la diffusion de messages de sensibilisation et de bonnes pratiques. Il prévoit aussi de mieux encadrer les clauses de remboursement des rançons via rançongiciel (ou ransomware ) par les assurances ( article 4 du projet de loi ). Concernant ensuite l'adaptation de la réponse opérationnelle , le ministère prévoit la mise en oeuvre d'un plan d'investissement technologique, de formation et de recrutement au sein des forces de sécurité intérieure. Pour ce faire, serait étudiée l'option d'un regroupement des capacités techniques et d'analyse du ministère de l'intérieur en matière cyber, une école de formation cyber interne au ministère de l'intérieur serait mise en place, et 300 équivalents temps plein (ETP) seraient recrutés. La saisie des avoirs crypto-actifs serait en outre rendue possible ( article 3 du projet de loi ). Concernant enfin le renforcement du service aux usagers , le ministère de l'intérieur prévoit la création d'un « équivalent numérique de l'"appel 17" » permettant à chaque citoyen de signaler une attaque cyber, ainsi que la formation et le déploiement de 1 500 nouveaux cyber-patrouilleurs.

S'agissant en second lieu de l'utilisation par le ministère de l'intérieur des nouvelles technologies , le rapport annexé évoque deux axes d'action : renforcer l'identité numérique des citoyens et mieux équiper les forces de sécurité intérieure. Ainsi, le ministère prévoit de mettre le numérique au service des citoyens , en proposant d'une part de développer l'identité numérique du citoyen (dématérialisation des procurations via le déploiement d'une identité numérique régalienne portée par le programme France Identité Numérique) et, d'autre part, de poursuivre l'effort de dématérialisation en faisant en sorte que chaque procédure administrative soit accessible en ligne tout en conservant un contact humain pour les citoyens n'ayant pas accès aux nouvelles technologies. Le rapport annexé propose également de doter les forces de sécurité d'un équipement « à la pointe du numérique » . Pour ce faire, une agence du numérique des forces de sécurité intérieure serait créée, chargée de développer des outils numériques au service des deux forces (recrutement de 100 ETP supplémentaires). Serait également favorisée l'utilisation par les agents du ministère de l'intérieur d'outils numériques permettant d'augmenter leurs capacités (sont cités notamment les caméras-piétons, les caméras embarquées, les postes mobiles, des textiles intelligents permettant de mieux résister à la chaleur et de thermoréguler, la mise en place du réseau Radio du futur, prévue par l' article 5 du projet de loi , et le déploiement de l'outil mutualisé de gestion des alertes des services d'incendie et de secours).

Le rapport annexé rappelle que « l'utilisation des nouvelles technologies dans les domaines de la sécurité ne peut faire l'économie d'une acceptation par la société civile ». Pour cela, le rapport prévoit que le numérique sera confié à un secrétaire général adjoint du ministère de l'intérieur pour favoriser une démarche proactive et harmonisée. Une activité d'audit des grands projets numériques serait également créée afin de contrôler leur exécution et d'anticiper les risques. L'ouverture des données du ministère permettrait également aux citoyens de contrôler les codes sources et algorithmes utilisés. Enfin, des partenariats avec l'industrie et le monde académique permettraient de favoriser la qualité et le bien fondé des technologies utilisées.

1.2. Plus de proximité, de transparence et d'exemplarité

Plusieurs réformes, de niveau et de portée très divers, sont annoncées afin d'améliorer la proximité des forces de sécurité intérieure. Peuvent en particulier être cités :

- le doublement de la présence des policiers et gendarmes sur le terrain d'ici à 2030, grâce à l'utilisation des outils numériques, à la gestion des effectifs et du temps de travail, à la suppression des tâches périphériques et à la simplification des procédures ;

- la création de 200 nouvelles brigades de gendarmerie dans les territoires ruraux et périurbains, sous fomce d'implantations nouvelles ou de brigades mobiles, la montée en charge des réserves de la gendarmerie et de la police nationales (passage de 30 000 à 50 000 réservistes dans la gendarmerie et de 6 000 à 30 000 réservistes dans la police), et la relocalisation de certains services de l'administration centrale dans les villes moyennes ou territoires ruraux (1 400 fonctionnaires devraient être concernés par ces relocalisations) ;

- la réforme de l'organisation de la police nationale. Le rapport évoque ici la controversée réforme visant à généraliser les directions départementales de la police nationale et prévoit une réforme de l'administration centrale qui devra « décloisonner son fonctionnement » ;

- une amélioration du parcours des victimes, grâce au déploiement de l'application « Ma sécurité », à la possibilité de déposer plainte en ligne ( article 6 du projet de loi ), à la généralisation de la prise de plaintes hors les murs, à la création de 19 nouvelles maisons de confiance et de protection de la famille et à la modernisation des accueils physiques des brigades et des commissariats ;

- un effort particulier sur les violences intrafamiliales et sexuelles : le rapport annexé annonce le doublement du nombre d'enquêteurs dédiés à la lutte contre les violences intrafamiliales au sein des unités spécialisées, un financement de 200 postes d'intervenants sociaux supplémentaires en police et gendarmerie, la possibilité pour les associations d'organiser le dépôt de plaintes dans leurs locaux, et la création d'un fichier de prévention des violences intrafamiliales. Des évolutions législatives sont également évoquées, avec une modification du cadre d'enquête permettant le recours aux techniques spéciales d'enquête ( article 8 du projet de loi ) et l'aggravation de l'infraction d'outrage sexiste ( article 7 du projet de loi ) ;

- une meilleure représentativité des agents du ministère de l'intérieur, avec la création de 100 « classes de reconquête républicaine » pour préparer les concours de la fonction publique, la mise en place d'actions ciblées de recrutement, la réforme des concours du ministère de l'intérieur, et l'amplification du plan « 10 000 jeunes ».

Afin d'améliorer la transparence et l'exemplarité des forces de l'ordre, le rapport annexé annonce la création d'un comité d'éthique placé auprès du ministre de l'intérieur ainsi qu'une amélioration du suivi des signalements réalisés auprès des inspections générales des forces de sécurité intérieure et des sanctions prononcées. Le rapport indique aussi que les policiers et les gendarmes définitivement condamnés à une peine d'emprisonnement pour des faits de violence familiale, d'infraction à la législation sur les stupéfiants ou des faits de racisme ou de discrimination se verraient exclus définitivement des cadres.

Dans cette partie du rapport annexé relative à la proximité, la transparence et l'exemplarité, est également proposée une série de mesures disparates allant de l'organisation centrale du ministère (nouvelle direction chargée du continuum de sécurité, unification du pilotage de l'action européenne et internationale du ministère, structuration de la fonction prospective et anticipation portée par l'Institut des hautes études du ministère de l'intérieur - IHEMI) au triplement en cinq ans des crédits dédiés au cofinancement des projets de vidéoprotection des collectivités territoriales, en passant par la confirmation de la création d'une académie de police chargée notamment de développer de nouveaux partenariats avec le monde de la recherche.

Le rapport évoque enfin ici l'amélioration des moyens des forces de sécurité intérieure grâce à des matériels plus performants et plus innovants ainsi qu'une amélioration de l'immobilier dans lequel ils exercent leurs missions.

1.3. Mieux prévenir les menaces et crises futures

Troisième axe du rapport annexé, la prévention des menaces et crises futures passerait par cinq axes : un renforcement de la fonction investigation, l'anticipation des crises de demain, qualifiées d'hybrides et d'interministérielles, le renforcement de la réponse à la subversion violente, la sécurisation des frontières et la formation et l'accompagnement des forces de sécurité intérieure.

S'agissant d'abord du renforcement de la fonction investigation , le rapport annexé évoque la nécessité de former davantage d'officiers de police judiciaire ( article 9 du projet de loi ) et la nécessaire simplification de la procédure pénale. Pour satisfaire ce second point, le projet de loi prévoit - et cela est rappelé dans le rapport annexé - la création d'assistants d'enquête ( article 10 ), l'extension des amendes forfaitaires délictuelles ( article 14 ), ainsi que d'autres mesures de simplification ( articles 8, 11, 12, 13 ).

S'agissant ensuite de la prévention des crises de demain , le rapport insiste sur la nécessité d'anticiper et de prévenir les risques, ce dont serait chargé un collège technique interministériel. L'anticipation serait également favorisée par le renouvellement de la flotte héliportée, la création d'un pôle européen de sécurité civile à Nîmes, le pré-positionnement de moyens de sécurité civile dans les outre-mer et le co-financement des pactes capacitaires des SDIS. L'information des citoyens serait également renforcée par la mise en place d'exercices réguliers (institution d'une journée nationale de sensibilisation). La gestion de crise pourrait enfin s'appuyer sur le déploiement du réseau FR-Alert - opérationnel fin 2022 -, la création d'un nouveau centre interministériel de crise doté d'un état-major permanent, l'utilisation de l'intelligence artificielle et des outils numériques d'aide à la décision, mais également sur des pouvoirs des préfets clarifiés et renforcés ( article 15 du projet de loi ).

S'agissant de la lutte contre la subversion violente , le rapport annexé propose la création de 11 nouvelles unités de forces mobiles (UFM) ainsi qu'un investissement dans la formation des forces de l'ordre avec la création d'un centre de formation spécialisé en maintien de l'ordre en milieu urbain et la rénovation du centre d'entrainement des forces de Saint-Astier. Dans la perspective des Jeux Olympiques de 2024, le rapport indique que quatre types d'investissements devraient être réalisés : un plan cyber sécurité, des moyens de lutte anti-drones, des moyens pour le centre de commandement de la préfecture de police et la coordination nationale pour la sécurité des Jeux Olympiques (CNSJ), et d'autres équipements de natures diverses, sans plus de précision.

Afin de mieux sécuriser nos frontières , le rapport prévoit l'intégration du corps des gardes-frontières de FRONTEX à la gestion des frontières extérieures de la France ainsi que le déploiement de matériels innovants (drones, caméras infra-rouges et thermiques, LAPI, etc .). Le rapport envisage aussi le financement d'outils basés sur la reconnaissance biométrique afin de rendre plus fluides les passages aux frontières (recours systématiques au SAS Parafe, généralisation des titres de voyage biométriques et mise en oeuvre du règlement européen instaurant le système entrée-sortie). Enfin, le rapport prévoit la création de nouvelles brigades mixtes de lutte contre l'immigration irrégulière, la mise à niveau de l'architecture des systèmes d'information français afin qu'ils soient interopérables sur le modèle européen et la création d'un centre technique pluridisciplinaire en charge de la recherche et du développement.

Le rapport revient enfin sur la formation des forces de sécurité intérieure , proposant un renforcement de la formation initiale (doublement du temps de formation et création de nouvelles écoles, souvent annoncées précédemment dans le rapport) et de la formation continue (augmentation de 50 % de la formation continue, création de 13 centres régionaux de formation, montée en puissance des compagnies-écoles existantes, recrutement de 1 500 formateurs sur cinq ans, mise en oeuvre d'un plan visant à créer de nouveaux stands de tir, ouverture vers l'international). Le rapport propose ensuite de mieux accompagner les policiers et les gendarmes par une refonte de la fonction RH dans la police nationale, un effort financier pour augmenter l'offre de logements à disposition des policiers, la réservation de 200 places supplémentaires en crèche et un renforcement d'un million d'euros des moyens dédiés à l'accompagnement à l'emploi des conjoints). Afin d'améliorer la qualité de vie au travail, le rapport envisage une indemnisation plus rapide des réservistes blessés en service, la mise en place d'un réseau de nouveaux psychologues du travail, 29 postes supplémentaires pour le service de soutien psychologique opérationnel, une amélioration de l'offre de restauration pour les policiers et des budgets dédiés à l'organisation d'actions de cohésion et de prévention ainsi qu'à la prévention des addictions.

2. La position de la commission : des mesures éparses et non hiérarchisées, qui vont malgré tout dans le bon sens

L'article 1 er , qui approuve le rapport annexé, relève de ce que l'article 34 de la Constitution qualifie de « lois de programmation » chargées, selon son antépénultième alinéa, de « [déterminer] les objectifs de l'action de l'État ». Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État rappelle que rien ne s'oppose à la coexistence, dans un même projet de loi, de dispositions programmatiques et de dispositions normatives « sous réserve que, aux fins d'assurer le respect des exigences de lisibilité et d'intelligibilité de la loi, les premières fassent l'objet d'une présentation clairement séparée des autres ». Il précise que tel est bien le cas dans le projet de loi.

Le rapport annexé comporte ainsi un ensemble de mesures de modernisation des services du ministère de l'intérieur . Ces mesures, prévues pour être mises en oeuvre entre 2023 et 2027, sont de natures très diverses puisqu'elles incluent la création de nouvelles brigades de gendarmerie, le renforcement des implantations du ministère, les orientations en matière d'équipement des forces de sécurité intérieure, de renforcement de la filière investigation, etc . Un résumé du rapport annexé selon sa structuration initiale le confirme, les mesures contenues dans le rapport manquent d'une hiérarchisation entre elles. L'organisation du rapport lui-même pose question puisque les mêmes évolutions sont abordées en différents endroits, sans être nécessairement mises en relation avec la thématique générale qu'elles sont censées appuyer.

Les mesures proposées vont toutefois globalement dans le bon sens, celui d'une modernisation du ministère de l'intérieur et des équipements à la disposition de ses agents afin de leur permettre de réaliser leurs missions dans un monde qui évolue .

De manière surprenante, le rapport annonce parfois des évolutions nécessitant une modification législative qui ne sont pas comprises dans le projet de loi. Peuvent par exemple être citées certaines évolutions en matière d'utilisation de l'intelligence artificielle ou d'immigration. Le Gouvernement compte sans doute porter ces évolutions dans de futurs textes mais ce faisant, il empêche le Parlement d'harmoniser le rapport annexé avec ce qu'il décidera effectivement au niveau législatif.

La commission a adopté quatorze amendements venant préciser certains points du rapport. Il s'agit :

- de l' amendement COM-1 de Nadine Bellurot et de Jérôme Durain, visant à titre conservatoire à mentionner explicitement dans le rapport que la réforme actuellement en réflexion de l'organisation de la police nationale devra prendre en compte les spécificités de la police judiciaire, dans l'attente que la mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire créée par la commission rende ses conclusions ;

- des amendements identiques COM-26 et COM-68 rectifié , de Patrick Kanner et de Maryse Carrère, COM-28, COM-29, COM-30 et COM-33 de Patrick Kanner qui visent à garantir l'accessibilité des personnes en situation de handicap. Ces amendements prévoient également que les agents devront être formés à l'accueil et à l'accompagnement de ces publics vulnérables ;

- des amendements COM-57 rectifié et COM-58 de Philippe Paul et Gisèle Jourda, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, visant à adapter la répartition territoriale entre la police et la gendarmerie et à prévoir la signature dans tous les départements de protocoles de coopération opérationnelle entre les deux forces ;

- s'agissant de la création des 200 nouvelles brigades de gendarmerie prévues par le rapport annexées, de la précision que le choix des territoires d'implantation devra se faire selon des critères objectifs ( amendement COM-59 rectifié de Philippe Paul et Gisèle Jourda, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères) ;

- s'agissant des réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie nationale, de l'instauration d'une cible d'emploi des réservistes de 25 jours par an et par réservistes, afin de préserver l'engagement de ces personnes ( amendement COM-56 de Philippe Paul et Gisèle Jourda, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères) ;

- de prévoir un montant annuel de 200 millions d'euros dédié à la reconstruction de casernes et un montant annuel de 100 millions d'euros aux travaux de maintenance, reprenant ainsi des recommandations maintes fois exprimées ( amendement COM-55 de Philippe Paul et Gisèle Jourda, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères) ;

- de prévoir qu'il serait possible de financer un audit des failles de sécurité éventuelles présentes dans les caméras déjà installées grâce aux crédits du fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation ( amendement COM-31 rectifié de Jérôme Durain) ;

- de prévoir que les pactes capacitaires des services d'incendie et de secours devraient conduire à une répartition des moyens proportionnés aux risques ( amendement COM-39 de Laurence Harribey) ;

Elle a également adopté un amendement COM-84 des rapporteurs visant à harmoniser le rapport avec les dispositions législatives finalement votées par la commission dans l'article 14 du projet de loi .

La commission a enfin adopté les amendements de clarifications et d'améliorations rédactionnelles COM-85 des rapporteurs et COM-53, COM-20, COM-21 et COM-27 de Jérôme Durain.

La commission a adopté l'article 1 er ainsi modifié .

Article 2
Programmation financière

L'article 2 du projet de loi vise à définir dans la loi la programmation budgétaire du ministère de l'intérieur pour les années 2023 à 2027. Les crédits dont bénéficie ce ministère passeraient ainsi de 20 784 millions en 2022 à 25 294 millions en 2027, représentant une hausse cumulée de 15 milliards d'euros sur cinq ans. Ces crédits supplémentaires ne sont toutefois pas répartis entre les différentes missions portées par le ministère de l'intérieur et, au sein de ces missions, entre les différents programmes, rendant ainsi plus difficile la vérification année après année de l'atteinte de ces objectifs. La portée de cet article peut par ailleurs être interrogée puisque les augmentations envisagées ne trouveront une traduction qu'à l'occasion du vote annuel des lois de finances initiales et rectificatives.

Au surplus, cette programmation devra être cohérente avec celle qui sera arrêtée dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques dont le Sénat est parallèlement saisi.

Saluant l'effort budgétaire prévu pour les prochaines années, la commission a adopté l'article 2 sans modification tout en soulignant que la trajectoire envisagée présentait des incertitudes dans un contexte de crises multiples et en enjoignant le Gouvernement de s'y tenir dans les années à venir.

1. Une loi de programmation pour le ministère de l'intérieur volontariste mais dont la portée devra être confirmée

1.1. Une augmentation programmée des moyens du ministère de l'intérieur de 15 milliards d'euros

La précédente loi de programmation intéressant le ministère de l'intérieur est la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure . Elle programmait les moyens pour la police et la gendarmerie nationales pour les années 2011 à 2013. Depuis 2013, les moyens des forces de sécurité intérieure - comme ceux des autres programmes portés par le ministère de l'intérieur - sont définis annuellement par les lois de finances sans avoir fait l'objet d'une loi de programmation spécifique.

À la suite du Beauvau de la sécurité, le Président de la République a annoncé que les objectifs et les moyens affectés pour répondre aux enjeux auxquels sont confrontés les services du ministère de l'intérieur devaient être définis avec davantage de visibilité et a annoncé sa volonté qu'une loi de programmation et d'orientation soit votée.

C'est l'objet des articles 1 er et 2 du projet de loi. L'article 1 er , qui approuve le rapport annexé au projet de loi, permet de définir les objectifs que se fixe le ministère de l'intérieur pour les années 2023 à 2027. L'article 2 vise quant à lui à définir les moyens nécessaires pour les atteindre, et prévoit une augmentation des moyens du ministère de l'intérieur de 15 milliards d'euros cumulés sur cinq ans.

Augmentation programmée des moyens du ministère de l'intérieur
(2023-2027) - En millions d'euros

CRÉDITS DE PAIEMENT ET PLAFONDS DES TAXES AFFECTÉES

hors compte d'affectation spéciale « Pensions »

2022 (pour mémoire)

2023

2024

2025

2026

2027

Budget du ministère
de l'intérieur,
en millions d'euros
(hors programme 232)

20 784

22 034

22 914

24 014

24 664

25 294

Évolution N/2022

-

+ 1 250

+ 2 130

+ 3 230

+ 3 880

+ 4 510

Total crédits supplémentaires

-

15 000

Évolution N/N-1

-

+ 1 250

+ 880

+ 1 100

+ 650

+ 650

Taux d'évolution N/N-1

-

+ 6 %

+ 4 %

+ 5 %

+ 3 %

+ 3 %

Taux d'évolution 2027/2022

-

+ 21,7 %

Source : commission des lois, à partir du projet de loi et de son étude d'impact.

Le budget présenté regroupe en fait l'ensemble du périmètre budgétaire ministériel actuel, hors charges et pensions, à l'exception du programme « Vie politique », soit :

- la mission « Sécurités » - 22,7 milliards d'euros en 2022 (programmes « Sécurité civile » - 0,7 milliard d'euros en 2022, « Police nationale » - 12,0 milliards d'euros en 2022, « Gendarmerie nationale » - 9,9 milliards d'euros en 2022, et « Sécurité et éducation routière - 0,05 milliard d'euros en 2022) ;

- au sein de la mission « Administration générale et territoriale de l'État », les programmes « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur » - 0,5 milliard d'euros en 2022, et « Administration territoriale de l'État » - 1,5 milliard d'euros en 2022 ;

- la mission « Immigration, asile et intégration » - 2,0 milliards d'euros en 2022 (programmes « Intégration et accès à la nationalité française » - 0,4 milliard d'euros en 2022 et « Immigration et asile » - 1,6 milliard d'euros en 2022) ;

- au sein du compte d'affectation spéciale « contrôle de la circulation et du stationnement routier », les programmes « Structures et dispositifs de la sécurité routière » - 0,3 milliard d'euros en 2022 et « Contrôle et modernisation de la politique de la circulation et du stationnement routiers » - 0,03 milliard d'euros en 2022 ;

- les taxes affectées à l'Agence nationale des titres sécurisés - plafonnées à 11 250 000 euros en 2022.

1.2. Une loi de programmation dont la portée ne doit pas être surestimée

• Des orientations devant être confirmées par les lois de finances annuelles

Comme l'indique l'article 34 de la Constitution, les orientations pluriannuelles des finances publiques sont définies par des lois de programmation. Elles s'inscrivent dans l'objectif d'équilibre des comptes des administrations publiques. Pour autant, et comme le souligne le Conseil constitutionnel : « Les orientations pluriannuelles ainsi définies par la loi de programmation des finances publiques n'ont pas pour effet de porter atteinte à la liberté d'appréciation et d'adaptation que le Gouvernement tient de l'article 20 de la Constitution dans la détermination et la conduite de la politique de la Nation ; elles n'ont pas davantage pour effet de porter atteinte aux prérogatives du Parlement lors de l'examen et du vote des projets de loi de finances et des projets de loi de financement de la sécurité sociale ou de tout autre projet ou proposition de loi » 2 ( * ) .

Ce sont seulement les lois de finances initiales et rectificatives qui emportent un engagement de dépense . Ainsi, il reviendra chaque année au législateur de « confirmer » la programmation budgétaire envisagée par l'article 2 du projet de loi.

• Des orientations devant être également confirmées par la loi de programmation pour les finances publiques

Les lois de programmation sectorielles, comme cela est le cas en l'espèce, doivent se conformer à la trajectoire des finances publiques telle qu'elle figure dans la loi de programmation des finances publiques en vigueur.

Le calendrier d'examen des différents projets de loi est ici original puisque le Parlement va être amené à commencer la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur et notamment de son article 2, portant programmation financière, avant que ne soit discuté le projet de loi de programmation des finances publiques, qui a été adopté en conseil des ministres le 26 septembre 2022. La discussion du premier projet de loi sera toutefois terminée après celle du second ce qui permettra, certes, une mise en cohérence du premier par rapport au second en temps voulu, mais ôte toute portée à la discussion de la programmation budgétaire sur le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur . L'étude d'impact indique ainsi très clairement que l'article 2 sera mis « en cohérence avec la prochaine loi de programmation des finances publiques lorsque celle-ci sera adoptée » 3 ( * ) .

2. Une trajectoire incertaine qu'il conviendra de confirmer et d'affiner

L'article 2 du projet de loi ambitionne de définir la trajectoire des crédits du ministère de l'intérieur pour les années 2023 à 2027 et propose une augmentation des moyens bienvenue et nécessaire .

Cette trajectoire fait suite à deux années d'augmentation importante des crédits alloués aux missions portées par le ministère de l'intérieur. Elle témoigne de la prise de conscience par le Gouvernement de l'urgence d'agir en faveur de nos forces de sécurité intérieure et répond ce faisant à la recommandation ancienne du Sénat d'inscrire ces crédits dans la durée, par le vote d'une loi de programmation. Elle permet également de répondre aux inquiétudes exprimées par le rapporteur pour avis de la commission des lois sur la mission budgétaire « Sécurités », Henri Leroy, qui rappelle régulièrement la nécessité d'une revalorisation pérenne des crédits alloués à cette mission . Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2022, il engageait le Gouvernement à ce que « le budget défini pour l'année 2022 [serve] de base à l'élaboration du budget des années suivantes pour la mission, et [ne soit pas] considéré comme un effort ponctuel répondant à une situation d'urgence ». Il appelait à « inscrire cette nouvelle budgétisation dans la durée » afin « d'apporter une réponse durable à la situation matérielle dégradée des policiers et des gendarmes » 4 ( * ) .

La programmation budgétaire permet donc de confirmer le soutien du Gouvernement aux forces de l'ordre et de consolider les améliorations précédentes . Plus encore, elle a pour ambition d'accorder les moyens financiers nécessaires aux évolutions décrites par le rapport annexé , approuvé par l'article 1 er du projet de loi. Dans cette optique cependant, la commission questionne le périmètre et la présentation des évolutions financières retenues par l'article 2 :

- d'une part, comme le souligne le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour le ministère de l'intérieur déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale le 16 mars 2022, le périmètre couvert par la trajectoire des crédits définis à l'article 2 ne correspond pas au périmètre du rapport annexé . Plus encore, « aucune corrélation n'est établie entre la programmation budgétaire et les moyens qui pourraient, sur la période considérée, être affectés au financement des nombreuses mesures de transformation du ministère annoncées dans le rapport annexé ». Malgré la demande du Conseil d'État d'apporter des compléments et les mois écoulés entre le dépôt de ce premier projet de loi et celui du présent projet de loi, ni l'étude d'impact ni le rapport annexé n'apportent de précisions sur ce point ;

- d'autre part, le périmètre retenu par l'article 2 - celui du ministère de l'intérieur - inclut plusieurs politiques publiques différentes et recouvre ainsi plusieurs missions et programmes . Les crédits présentés ne sont cependant pas répartis entre ces missions et programmes, ce qui ne permet pas d'apprécier ces augmentations en fonction des politiques publiques auxquelles elles se rapportent. Cette répartition, qui serait cohérente avec le fait que, depuis la loi organique n° 2001-692 du 1 er août 2001 relative aux lois de finances , les crédits ne sont plus votés par ministère mais par politique publique, n'est même pas présentée de manière indicative dans l'étude d'impact, et ce malgré les invitations du Conseil d'État en ce sens. La présentation retenue ne permet ainsi pas de fixer « les objectifs de l'action de l'État » , comme le requiert l'article 34 de la Constitution.

Il a cependant été indiqué par les représentants des ministères de l'intérieur et du budget aux rapporteurs, lors de leurs auditions, que le fait de ne pas décliner les crédits par missions et programmes permettait de conserver une souplesse dans la répartition et de prendre en compte, tout au long de la période couverte par la loi de programmation, les inflexions qui pourraient être nécessaires en raison, d'une part, des priorités politiques qui pourraient être amenées à évoluer et, d'autre part, des imprévus qui constituent le lot habituel des politiques publiques dont le ministère de l'intérieur est en charge. Une répartition leur a été transmise à titre indicatif pour les cinq prochaines années, ci-après reproduite :

Répartition crédits T2/HT2 2023-2027 - Périmètre Lopmi

En M€ ou ETP

Budgétisation 2023-2027

LFI 2022 (hors CAS) + PDR

2023

2024

2025

2026

2027

Mission "AGTE" (hors VP)

T2

1 860

2 026

2 061

2 088

2 110

2 136

HT2

1 473

1 597

1 810

2 361

2 456

2 752

TOTAL

3 333

3 623

3 872

4 449

4 566

4 888

Mission "sécurités" et CAS (P.751 et P.753)

T2

11 490

12 165

12 563

12 773

12 869

12 982

HT2

3 789

3 974

4 135

4 420

4 751

4 973

TOTAL

15 279

15 767

16 295

16 789

17 222

17 555

Mission IAI

HT2

1 931

2 009

2 058

2 074

2 163

2 163

TOTAL

1 931

2 009

2 058

2 074

2 163

2 163

ANTS (TA)

Plafond TA

241

263

286

298

314

287

TOTAL

241

263

286

298

314

287

TOTAL

T2

13 350

14 191

14 625

14 862

14 980

15 118

HT2

7 434

7 843

8 289

9 152

9 684

10 176

TOTAL

20 784

22 034

22 914

24 014

24 664

25 294

Marches annuelles

-

+1 250

+2 130

+3 230

+3 880

+4 510

Source : direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ).

Le renouveau de la gouvernance des investissements annoncé par le rapport annexé visant à la création de deux nouvelles instances sur le modèle du ministère des armées - comité ministériel des investissements et comité financier interministériel - permettra une anticipation pluriannuelle des investissements à l'échelle du ministère afin d'en assurer la soutenabilité.

Enfin, si l'augmentation des crédits ne peut qu'être saluée, l'effort budgétaire significatif qu'elle présente dans un contexte de crises comporte des incertitudes . Il reviendra au Gouvernement de tenir ses engagements et au Parlement d'y être particulièrement attentif, s'agissant notamment des effets sur cette programmation budgétaire de la forte inflation actuelle.

La commission a adopté l'article 2 sans modification .

TITRE II : DISPOSITIONS RELATIVES À LA RÉVOLUTION NUMÉRIQUE DU MINISTÈRE

CHAPITRE IER : LUTTE CONTRE LA CYBERCRIMINALITÉ

Article 3
Possibilité de saisir des actifs numériques

L'article 3 vise à faciliter la saisie de crypto-actifs dans le cadre d'une enquête ou d'une information judiciaire, en appliquant à cette saisie les dispositions déjà prévues pour la saisie d'une somme d'argent sur un compte bancaire.

La commission a adopté cet article sans modification .

1. Les procédures de saisie prévues par le code de procédure pénale

Les articles 142 et suivants du code de procédure pénale autorisent le procureur de la République, le juge d'instruction ou, avec leur autorisation, l'officier de police judiciaire (OPJ) à faire procéder à la saisie d'un bien dans le cadre d'une procédure pénale. La saisie est effectuée avant toute condamnation : elle vise à garantir que la peine complémentaire de confiscation pourra, le cas échéant, être mise à exécution.

La saisie peut porter sur des biens meubles ou sur des immeubles (articles 706-148 et 706-150 du même code), ainsi que sur des biens ou des droits mobiliers incorporels (article 706-153). Dans cette dernière hypothèse, il revient au juge des libertés et de la détention (JLD), saisi par requête du procureur de la République, ou au juge d'instruction d'ordonner par décision motivée la saisie des biens ou droits incorporels.

L'article 706-154 du code de procédure pénale autorise également la saisie d'une somme d'argent versée sur un compte de dépôt . Dans la mesure où il est extrêmement facile de retirer ou de transférer la somme déposée sur un tel compte, et de faire ainsi obstacle à la saisie, une procédure rapide est prévue dans cette hypothèse : le procureur de la République ou le juge d'instruction peut autoriser, par tout moyen, l'OPJ à procéder à la saisie ; il revient ensuite au JLD, saisi par le procureur de la République ou par le juge d'instruction, de se prononcer, dans un délai de dix jours, sur le maintien ou la mainlevée de la saisie.

Dans ses décisions n° 2016-583 QPC et 2016-584 QPC du 14 octobre 2016, le Conseil constitutionnel a validé cette procédure qui fait intervenir le JLD a posteriori , considérant que les saisies autorisées sur le fondement de cette disposition étaient nécessaires, proportionnées et qu'elles ne portaient pas une atteinte manifestement déséquilibrée aux droits et libertés garantis par la Constitution.

2. Une extension bienvenue aux actifs numériques

Il est proposé d'étendre le champ d'application de l'article 706-154 aux actifs numériques , qui prennent une place grandissante dans les choix de placement des Français et qui peuvent, comme les sommes d'argent déposées sur un compte bancaire, être très rapidement transférés pour échapper à une saisie.

L'article L. 54-10-1 du code monétaire et financier distingue deux catégories d'actifs numériques :

- les jetons, ou tokens , définis à l'article L. 555-2 du même code comme des biens incorporels représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d'un dispositif d'enregistrement électronique partagé permettant d'identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien 5 ( * ) ; en pratique, ces actifs sont émis et échangeables sur une blockchain ;

- les crypto-actifs, définis au même article L. 54-10-1 comme « toute représentation numérique d'une valeur qui n'est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n'est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d'une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d'échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement ».

La première phrase de l'article 706-154 du code de procédure pénale serait modifiée pour que la procédure applicable aux sommes d'argent déposées sur un compte le soit également aux actifs numériques . Plusieurs mesures de coordination sont également prévues dans la suite de l'article.

En faisant intervenir le JLD après la saisie, cette procédure permettra de procéder plus facilement à la saisie d'un portefeuille de crypto-actifs, en évitant que la ou les personnes qui y ont accès ne les transfèrent ou en empêchent l'accès. Cette modification du code de procédure pénale paraît pleinement justifiée au regard des évolutions techniques qui ont conduit à l'apparition de ces nouveaux produits de placement, qui sont de plus en plus répandus. L'agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) a enregistré deux saisies d'avoirs numériques en 2013, huit en 2018, vingt en 2020 et soixante en 2021.

Les auditions auxquelles ont procédé les rapporteurs ont montré que cette mesure était attendue sur le terrain. La saisie d'avoirs numériques restera néanmoins plus complexe que la saisie de liquidités sur un compte de dépôt : les opérations de saisie doivent en effet être réalisées sur des portefeuilles que l'Agrasc a ouvert auprès d'intermédiaires, chaque portefeuille correspondant à une crypto-monnaie différente ; préalablement à la saisie des actifs, l'enquêteur devra donc prendre attache avec l'agence pour savoir sur quel portefeuille l'actif devra être versé. De plus, la saisie exercée sur des plateformes situées à l'étranger empruntera la voie de l'entraide judiciaire, dont les délais de réalisation peuvent être longs.

La commission a adopté l'article 3 sans modification .

Article 4
Favoriser le dépôt de plainte en cas de versement d'une rançon
après une cyberattaque

L'article 4 subordonne, en cas de paiement d'une rançon à la suite d'une cyberattaque, le versement d'une indemnisation par une compagnie d'assurance au dépôt d'une plainte par la victime.

La commission a adopté cet article sans modification .

1. Le phénomène des attaques au rançongiciel

Cet article tend à introduire un chapitre X, relatif à l'assurance des risques de cyberattaques, au titre II du livre I er du code des assurances, afin de permettre aux services d'enquête de lutter plus efficacement contre certaines cyberattaques.

Des d'entreprises, des administrations, des établissements publics, y compris des hôpitaux, voire des particuliers, sont victimes d'attaques au rançongiciel, aussi appelés ransomwares 6 ( * ) : à l'aide d'un courriel ou d'une clé USB infectée, le délinquant introduit dans le système informatique de la victime un logiciel malveillant qui chiffre l'ensemble de ses données, les rendant ainsi inaccessibles. L'auteur de l'infraction exige ensuite le paiement d'une rançon, en contrepartie de laquelle la victime retrouvera l'accès à ses données.

La position des autorités françaises a toujours consisté à déconseiller le paiement de la rançon, afin de ne pas encourager ce type de délinquance. Certaines entreprises font cependant le choix de céder à ce chantage, ce qui peut se justifier si elles estiment que les frais de remise en état de leur système informatique ou que le préjudice porté à leur activité dépassent largement le montant demandé.

Face à ce phénomène en extension, les compagnies d'assurance ont développé des contrats qui couvrent les entreprises contre le risque de cyberattaque. Si 87 % des grandes entreprises ont souscrit ce type de garanties, le taux de couverture global des entreprises françaises demeure faible, de l'ordre de 5 %. De plus, peu de contrats prévoient une garantie couvrant le paiement d'une rançon.

2. Favoriser le dépôt de plainte pour mieux lutter contre cette forme de délinquance

Dans leur rapport de 2020 consacré à la cybercriminalité 7 ( * ) , nos anciens collègues Sophie Joissains et Jacques Bigot notaient que la victime d'une attaque au rançongiciel « préfère parfois s'abstenir de déposer plainte afin de préserver sa réputation : l'image de l'entreprise risque d'être altérée s'il apparaît qu'elle n'est pas en mesure de se prémunir contre les cyberattaques et ses clients peuvent craindre que des informations les concernant soient rendues publiques, affaiblissant la confiance nécessaire à la poursuite de leur relation d'affaires. Seuls les opérateurs d'importance vitale 8 ( * ) ont l'obligation de signaler à l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) les attaques dont ils font l'objet ».

En conséquence, nos anciens collègues appelaient de leurs voeux une augmentation du nombre de dépôt de plaintes, soulignant que « l'augmentation du nombre de signalements est indispensable pour aider les enquêteurs à recueillir des informations, opérer des rapprochements entre des faits de cybermalveillance qui semblent isolés de prime abord et reconstituer ainsi les différents aspects d'une affaire » .

L'article 4 du projet de loi propose un mécanisme qui vise justement à inciter les victimes à déposer plainte : le remboursement de la rançon par la compagnie d'assurance ne serait possible que si la victime a porté plainte auprès des autorités compétentes, au plus tard 48 heures après le paiement de la rançon .

Ce mécanisme s'appliquerait si les faits peuvent être qualifiés d'extorsion au sens de l'article 312-1 du code pénal 9 ( * ) et s'ils ont été commis au moyen d'une atteinte à un système de traitement automatisé de données (STAD), c'est-à-dire à un système informatique.

Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d'État a estimé que cette mesure ne soulevait pas de difficulté au regard de nos principes fondamentaux. Il a observé que la disposition proposée portait une atteinte, au demeurant très limitée, à la liberté d'entreprendre et à la liberté contractuelle, mais que cette atteinte était justifiée, et proportionnée, au regard du respect de l'objectif constitutionnel de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.

Sur un plan opérationnel, la mesure présente un intérêt certain, en créant une forte incitation au dépôt de plainte qui facilitera le travail des enquêteurs, mais sa portée ne doit pas être surestimée au vu du faible nombre d'entreprises ayant aujourd'hui souscrit une police d'assurance couvrant le paiement d'une rançon. On peut cependant émettre l'hypothèse que ce type de couverture a vocation à s'étendre dans les prochaines années, ce qui donnera ainsi une plus grande portée à la mesure envisagée. L'assurance contre le risque cyber contribue à renforcer la cybersécurité puisque les assureurs n'acceptent de couvrir ce risque que si le client a déjà adopté des mesures adéquates de protection et de prévention.

La commission a adopté l'article 4 sans modification .

Article 4 bis (nouveau)
Nouveaux actes autorisés dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme

Cet article additionnel, inséré par la commission, autorise les enquêteurs travaillant sous pseudonyme à fournir des moyens financiers ou logistiques à l'auteur d'une infraction afin de favoriser la constatation de crimes ou de délits.

1. Une nouvelle faculté offerte aux enquêteurs qui travaillent sous pseudonyme

Sur proposition des rapporteurs, la commission a adopté l' amendement COM-87 , qui reprend des dispositions qui figuraient à l'article 3 de la première version du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, déposée sur le bureau de l'Assemblée nationale en mars dernier.

Il insère dans le texte un article additionnel pour modifier l'article 230-46 du code de procédure pénale, relatif à l'enquête sous pseudonyme.

L'enquête sous pseudonyme est une technique « d'infiltration » sur internet qui permet à des officiers ou à des agents de police judiciaire (OPJ et APJ) de constater des infractions punies d'une peine d'emprisonnement commises par la voie des communications électroniques.

Travaillant sous une identité d'emprunt, les enquêteurs peuvent, dans ce cadre, échanger des messages électroniques avec les personnes susceptibles d'être les auteurs de ces infractions, afin de recueillir des informations à leur sujet et de collecter des preuves. Avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction, ils peuvent également faire l'acquisition d'un produit ou d'un service illicite, voire transmettre eux-mêmes des contenus illicites en réponse à une demande expresse. Les enquêteurs ne sont bien sûr pas pénalement responsables des actes qui ont ainsi été autorisés.

Le recours à l'enquête sous pseudonyme est entouré de garanties : les OPJ et APJ doivent être spécialement habilités et affectés dans un service spécialisé ; de plus, leurs agissements ne doivent pas constituer une incitation à commettre une infraction, ce qui poserait un problème au regard du droit à un procès équitable. Compte tenu de ces garanties, le Conseil constitutionnel a validé le recours à la technique de l'enquête sous pseudonyme dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 10 ( * ) .

Il est proposé de compléter la liste des actes que les enquêteurs seraient autorisés à accomplir, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction.

Ainsi serait autorisé le fait de mettre à la disposition des auteurs des infractions des moyens financiers ou juridiques, des moyens de transport, de dépôt, d'hébergement, de conservation ou de télécommunication, en vue de l'acquisition d'un contenu, produit, substance, prélèvement ou service, y compris illicite.

Dans cette hypothèse, ce ne serait donc pas l'OPJ ou l'APJ qui procèderait à l'acquisition frauduleuse ; mais il mettrait à la disposition des personnes qui commettent l'infraction des moyens de la réaliser, agissant ainsi en quelque sorte en tant que complice.

2. Une extension utile à la poursuite des infractions en ligne

L'enquête sous pseudonyme est un moyen efficace de lutter contre les crimes et délits commis sur internet. Qu'il s'agisse de la vente de drogue ou d'armes sur le dark web ou de la vente de biens volés sur des plateformes en ligne, cette technique facilite l'identification des auteurs et la collecte d'éléments de preuve.

La modification proposée étoffera la palette des outils à la disposition des enquêteurs en leur permettant de « porter assistance » à l'auteur de l'infraction.

Dans son avis sur la première version du projet de loi d'orientation et de programmation, le Conseil d'État avait estimé que cette modification ne soulevait pas de difficulté au regard des principes constitutionnels compte tenu des garanties qui entourent l'enquête sous pseudonyme. Le recours à cette nouvelle faculté ne demeure bien sûr acceptable que s'il ne constitue pas une incitation à commettre l'infraction, la frontière pouvant être tenue entre l'assistance et l'incitation.

La commission a adopté l'article 4 bis ainsi rédigé .

CHAPITRE II : UN ÉQUIPEMENT À LA POINTE
DU NUMÉRIQUE (DIVISION SUPPRIMÉE)

Article 5 (supprimé)
Habilitation à légiférer par ordonnance pour déployer
le projet « réseau Radio du futur »

L'article 5 du projet de loi visait à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour déployer le projet « réseau Radio du futur ».

La commission a supprimé l'article 5, le Gouvernement ayant assuré aux rapporteurs que l'état d'avancée du projet permettait d'inscrire les modifications nécessaires à la mise en oeuvre de ce projet directement dans la loi. Elle engage le Gouvernement à déposer un amendement en ce sens en vue de la séance publique.

1. Le projet Radio du futur : un projet ambitieux pour assurer la résilience des communications opérationnelles dans la lutte contre les crises

1.1. Les dispositifs de communication équipant les services de sécurité et de secours : des réseaux radio bas débit ne répondant pas aux besoins des différents services

Trois réseaux radio bas débit sont actuellement utilisés par les services de sécurité et de secours , de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes :

- l'infrastructure nationale partageable des transmissions (INPT), utilisée par la police nationale, une partie de la gendarmerie nationale, la sécurité civile, les sapeurs-pompiers, les SAMU, l'administration pénitentiaire, les douanes, le ministère des armées et certaines polices municipales ;

- le réseau RUBIS, interopérable avec l'INPT, principalement utilisé par la gendarmerie nationale mais également par la marine nationale, l'Office français de la biodiversité et quelques polices municipales ;

- le réseau QUARTZ, dédié à l'outre-mer, utilisé par l'ensemble des services de sécurité et de secours en Guyane, en Guadeloupe, à La Réunion, en Martinique et à Mayotte.

Ces réseaux radio sont de la propriété de l'État. Ils fonctionnent sur des bandes de fréquence ne permettant que des débits de données très faibles (2 kilobits par seconde) 11 ( * ) .

Ces réseaux font face en premier lieu à des difficultés techniques , puisqu'ils ont recours à des composantes technologiques hétérogènes dont certaines sont obsolètes et dont la maintenance est devenue difficile et coûteuse. Ils sont également saturés dans certaines parties du territoire, comme la région parisienne, tandis que leur couverture réseau est insuffisante 12 ( * ) .

Ils ne répondent en second lieu plus aux besoins des services de sécurité et de secours , puisqu'ils ne permettent pas d'envoyer de l'image ou des données haut débit et sont départementalisés et demandent donc des programmations supplémentaires pour permettre la communication radio entre des forces de sécurité et de secours de différents départements.

1.2. Le projet réseau Radio du futur : la construction d'un réseau radio résilient à horizon 2024

Le projet réseau Radio du futur a été annoncé par le Président de la République le 18 octobre 2017 dans son discours devant les forces de sécurité intérieure en ces termes : « un des grands projets régaliens sera le réseau radio du futur à haut débit commun a` la police, la gendarmerie et la sécurité' civile qui devra bénéficier d'un haut niveau de résilience en cas de crise et des meilleures technologies numériques disponibles ».

Ainsi, selon les informations recueillies par les rapporteurs, le projet réseau Radio du futur a deux ambitions majeures :

- bâtir une infrastructure de réseaux mobiles 4G (puis 5G) résilients, en capacité de garantir en toutes circonstances et en tous points du territoire une capacité de communication pour les utilisateurs du réseau ;

- offrir un programme de communications mobiles qui seraient « priorisées » et sécurisées afin de garantir la bonne communication opérationnelle.

Le programme est désormais bien avancé puisque le lancement de la consultation des entreprises dans le cadre du marché de réalisation du réseau a eu lieu le 30 novembre 2020 et les offres définitives ont été déposées le 6 septembre 2021. Deux missions conjointes consécutives ont ensuite été conduites par l'inspection générale des finances, l'inspection générale de l'administration et le conseil général de l'économie sur l'analyse du financement de la mise en oeuvre du projet. À la suite de ces missions, un cycle de travail a permis la validation du lancement du projet ainsi que la construction et la diffusion des budgets pluriannuels nécessaires à sa réalisation.

Le marché de réalisation du projet réseau Radio du futur a ainsi été lancé et les travaux de construction de l'architecture technique du réseau ont commencé à la fin du mois de septembre 2022. Il est prévu que ce réseau soit opérationnel au début de l'année 2024.

Dans l'attente du déploiement du projet réseau Radio du futur, les forces de sécurité intérieure développent une solution dénommée « PC STORM » dont le déploiement débutera au cours du mois d'octobre 2022, et qui sera utilisée au cours des échéances sportives internationales des deux prochaines années. Cette solution, qui leur donnera un système de communication haut-débit permettant des échanges multimédias, basculerait vers le réseau Radio du futur à compter de 2025.

2. Inscrire les modifications législatives directement dans la loi pour favoriser la construction rapide du dispositif

Dans ce cadre, le Gouvernement propose à l'article 5 du projet de loi que le législateur l'autorise à légiférer par ordonnance pour prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la mise en oeuvre d'un réseau de communications électroniques des services de secours et de sécurité, de protection des populations ainsi que de gestion des crises et des catastrophes.

Plus précisément, les objectifs définis par la loi pour ce nouveau réseau auraient été de fournir à l'ensemble des services concernés, en toutes circonstances et en tout point du territoire, l'accès à très haut débit à un service complet de communications électroniques présentant les garanties nécessaires à l'exercice de leurs missions en termes de sécurité, d'interopérabilité, de continuité et de résilience . Pour ce faire, le Gouvernement aurait été habilité à modifier le code des postes et des communications électroniques pour déterminer :

- le périmètre et les parties prenantes de ce réseau ;

- le ou les opérateurs chargés d'exploiter ce réseau, notamment leur statut et leurs missions ;

- les conditions et modalités d'accès des différents services de secours et de sécurité, de protection des populations et de gestion des crises et des catastrophes au réseau ;

- les obligations imposées aux opérateurs privés de téléphonie mobile et les modalités de leur compensation ;

- les obligations prévues par le code des postes et communications électroniques qui ne pourront être mis à la charge du ou des opérateurs du réseau Radio du futur.

Cet article reprenait un article du projet de loi déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 16 mars dernier . Depuis, les consultations manquantes ont été réalisées et les arbitrages nécessaires ont été rendus, ce qui a abouti au lancement du projet réseau Radio du futur. Ces avancées ne justifient plus le recours à un article d'habilitation , les contours du projet étant désormais précisément connus :

- les acteurs concernés par le réseau Radio du futur seront l'ensemble des acteurs de la sécurité et des secours ainsi que les services en charge de la gestion des crises et des catastrophes. Il s'agit ainsi principalement des différents services du ministère de l'intérieur (services préfectoraux, police, gendarmerie, sécurité civile), les services d'aide médicale urgente (SAMU), les services départementaux d'incendie et de secours (SDIS), les services du ministère des armées concourant à la protection du territoire national (opération Sentinelle), les services du ministère de la justice, les douanes, les polices municipales, certains opérateurs d'importance vitale des secteurs de l'énergie et du transport, les associations nationales de sécurité civile. Cela représenterait environ 300 000 utilisateurs ;

- l'opérateur chargé d'exploiter le réseau sera l'agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (ACMOSS), qui prendra la forme d'un établissement public administratif ;

- l'accès au réseau Radio du futur s'effectuera au travers d'abonnements payés par les services utilisateurs ;

- les compensations aux obligations d'itinérance nationale et de priorisation des communications seraient définies par décret en conseil d'État ;

- l'ACMOSS serait exonérée de certaines obligations prévues par le code des postes et communications électroniques, comme les obligations d'acheminement gratuit des communications d'urgence, de fourniture des données sur sa couverture réseau, de conservation des données techniques dans les mêmes délais que les opérateurs privés commerciaux et de la communication d'informations en vue de la constitution de fichiers d'annuaires.

La commission a donc, par l'adoption de l' amendement COM-87 des rapporteurs, supprimé l'article 5. Elle engage le Gouvernement à déposer un amendement en ce sens en vue de la séance publique.

La commission a supprimé l'article 5.

TITRE III : DISPOSITIONS RELATIVES À L'ACCUEIL
DES VICTIMES ET À LA RÉPRESSION DES INFRACTIONS

CHAPITRE IER : AMÉLIORER L'ACCUEIL DES VICTIMES

Article 6
Simplification du recours à la télécommunication audiovisuelle
en procédure pénale et possibilité d'y avoir recours
pour le recueil de la plainte

L'article 6 tend à permettre la prise de plainte et la déposition par visioconférence.

La commission a adopté cet article avec modification.

1. Un recours croissant aux nouvelles technologies dans le cadre de la procédure pénale

Ainsi que le détaille l'étude d'impact, le recours à la visioconférence s'est développé depuis le début des années 2000 13 ( * ) à tous les stades de la procédure pénale. La crise sanitaire a donné lieu à une extension temporaire de ces possibilités 14 ( * ) pour les juridictions et surtout au déploiement de moyens susceptibles de permettre aux agents et aux enquêteurs d'y avoir recours.

La volonté de faciliter le dépôt de plainte a parallèlement conduit à la mise en place par le décret du 24 mai 2018 de la pré-plainte en ligne 15 ( * ) qui permet :

- le signalement d'une atteinte aux biens et de certaines provocations à la discrimination à la haine ou à la violence, diffamations, injures ou discriminations 16 ( * ) ;

- l'obtention d'un rendez-vous auprès d'un service de la police nationale ou d'une unité de la gendarmerie nationale de son choix afin de déposer et signer sa plainte.

Dans le cas particulier de certaines infractions commises sur internet, le dépôt de plainte lui-même a été rendu possible directement par l'intermédiaire du site internet service-public.fr sur la base d'un arrêté du 26 juin 2020 17 ( * ) . Ces plaintes sont alors reçues par les agents de l'office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication (OCLCTIC).

2. L'autorisation de la visioconférence pour faciliter le dépôt de plainte

L'article 6 ouvre une nouvelle modalité du dépôt de plainte, par visioconférence, qui n'implique pas de déplacement au sein d'un commissariat, ni ne constitue une procédure écrite dématérialisée. Il se compose de deux parties.

Le I propose d'insérer un nouvel article 15-3-1-1 dans le code de procédure pénale. Celui-ci offre à la victime d'une infraction pénale la faculté de déposer plainte et d'être entendue par visioconférence. Les infractions pour lesquelles ces formes de dépôt et de déposition seront possibles doivent être définies par décret de même que leurs modalités.

Le Gouvernement indique que le modèle envisagé est celui des consultations médicales en ligne avec prise de rendez-vous.

Le II propose de mettre fin à l'obligation prévue par l'article 706-71 du code de procédure pénale d'établir un procès-verbal dans chacun des lieux où se trouvent les personnes entendues ou faisant l'objet d'une confrontation. Il s'agit là d'une mesure de simplification, la validité d'un procès-verbal unique ayant été admise par la jurisprudence, seul faisant foi le procès-verbal signé par l'intéressé. Conformément à l'avis du Conseil d'État, ce procès-verbal fera mention des opérations effectuées.

3. La position de la commission : préciser le champ des infractions pour lesquelles la plainte et la déposition seront possibles

L'ouverture d'une nouvelle modalité de dépôt de plainte par visioconférence est susceptible de simplifier les démarches pour certaines victimes. Comme l'a souligné le Conseil d'État, et comme le précise l'article, il ne peut cependant s'agir que d'une faculté, ne serait-ce qu'en raison de la difficulté que peuvent avoir les victimes à accéder aux moyens techniques nécessaires.

Les rapporteurs ont par ailleurs été sensibles aux difficultés importantes que serait susceptible d'entrainer un dépôt de plainte par visioconférence dans les cas d'atteintes aux personnes. A leur initiative la commission a donc adopté l' amendement COM-88 précisant, en cohérence avec les éléments fournis par l'étude d'impact, que la plainte et la déposition par visioconférence ne pourront être prévues qu'en cas d'atteintes aux biens . La commission a également adopté l' amendement COM-42 de Jérôme Durain précisant que le décret déterminant les infractions pour lesquelles le dépôt de plainte et la déposition seront possibles selon les modalités prévues par cet article sera pris après avis de la commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

La commission a adopté l'article 6 ainsi modifié .

CHAPITRE II :
MIEUX LUTTER CONTRE
LES VIOLENCES INTRAFAMILIALES ET SEXISTES
ET PROTÉGER LES PERSONNES

Article 7
Renforcer la répression de l'outrage sexiste

L'article 7 propose d'alourdir la peine encourue en cas d'outrage sexiste, l'outrage sexiste aggravé devenant un délit puni de 3750 euros d'amende alors qu'il est actuellement sanctionné par une simple contravention.

La commission a adopté cet article modifié par un amendement de coordination destiné à garantir que l'outrage sexiste pourra être constaté dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui.

1. La répression de l'outrage sexiste

La loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a introduit dans le code pénal un article 621-1 qui réprime l'outrage sexiste.

1.1. Une infraction contraventionnelle

L'outrage sexiste est défini comme le fait d'imposer à une personne tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité, en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante .

La définition de l'infraction est identique à celle retenue à l'article 222-33 du code pénal pour le délit de harcèlement sexuel, à une différence notable : il n'est pas exigé que les propos ou comportements soient répétés. En pratique, l'outrage sexiste vise à réprimer le phénomène du « harcèlement de rue », qui consiste majoritairement en des insultes et propos déplacés, des comportements et gestes inappropriés, des exhibitions sexuelles ou gestes masturbatoires, des propos à caractère sexiste ou sexuel, des paroles dégradantes, des propositions sexuelles voire des attouchements sexuels, infligés à des personnes, majoritairement des femmes, le plus souvent dans l'espace public ou dans les transports en commun. Ces faits peuvent être infligés à la victime de l'infraction de manière ponctuelle.

Actuellement, l'outrage sexiste simple est réprimé par une contravention de la 4 e classe, d'un montant maximal de 750 euros. Il est puni d'une contravention de la 5 e classe, d'un montant maximum de 1 500 euros, s'il est commis :

- par une personne qui abuse de l'autorité que lui confèrent ses fonctions ;

- sur un mineur de quinze ans ;

- sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de son auteur ;

- sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance résultant de la précarité de sa situation économique ou sociale est apparente ou connue de son auteur ;

- par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteur ou de complice ;

- dans un véhicule affecté au transport collectif de voyageurs ou dans un lieu destiné à l'accès à un moyen de transport collectif de voyageurs ;

- en raison de l'orientation sexuelle, vraie ou supposée, de la victime.

Si l'auteur d'un outrage sexiste aggravé récidive, il s'expose à une amende d'un montant de 3 000 euros, conformément au premier alinéa de l'article 132-11 du code pénal.

1.2. La possibilité de recourir à une amende forfaitaire

En 2018, le choix d'une contravention avait notamment été justifié par le fait qu'il ouvrait la possibilité de recourir au mécanisme de l' amende forfaitaire .

L'amende forfaitaire est une procédure ancienne en matière contraventionnelle , qui permet au justiciable de s'acquitter sur-le-champ auprès de l'agent verbalisateur, ou dans un court délai, d'une amende pénale fixe, en cas d'infraction flagrante. Cette procédure simplifiée permet un meilleur recouvrement des amendes et ne recourt au juge qu'en cas de contestation. Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action publique et n'est pas assimilé à une condamnation.

En application de l'article 529 du code de procédure pénale, la procédure d'amende forfaitaire est applicable à toutes les contraventions des quatre premières classes dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État. S'agissant de l'outrage sexiste, la possibilité de recourir à l'amende forfaitaire (sauf en cas de circonstance aggravante) est explicitement prévue au II de l'article 621-1 du code pénal.

L'amende forfaitaire pour une contravention de la 4 e classe s'élève à 135 euros. Son montant est majoré, pour atteindre 375 euros, en cas de paiement au-delà d'un délai de 45 jours (ou de 60 jours en cas de télépaiement). Ce mécanisme incite le contrevenant à s'acquitter rapidement de l'amende qui lui a été infligée.

1.3. Des peines complémentaires

Le IV de l'article 621-1 du code pénal prévoit que l'auteur d'un outrage sexiste s'expose également à deux peines complémentaires :

- une peine de stage : stage de citoyenneté, stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, stage de sensibilisation à la lutte contre l'achat d'actes sexuels ou stage de lutte contre le sexisme et de sensibilisation à l'égalité entre les femmes et les hommes ;

- en cas d'outrage sexiste aggravé, travail d'intérêt général (TIG), pour une durée comprise entre vingt et cent vingt heures.

2. Le dispositif proposé : alourdir les peines encourues et faire de l'outrage sexiste aggravé un délit

Le 7° de l'article 7 du projet de loi tend à supprimer l'article 621-1 du code pénal, relatif à l'outrage sexiste, pour le remplacer par un nouveau dispositif.

Le 1° du même article 7 vise à introduire dans le code pénal un nouvel article 222-33-1-1, qui figurerait dans une section intitulée « De l'outrage sexiste ». Ce nouvel article serait situé dans le code pénal après les articles relatifs au viol, aux agressions sexuelles et au harcèlement sexuel.

Ce nouvel article prévoit de faire de l'outrage sexiste aggravé un délit puni de 3 750 euros d'amende.

La définition de l'infraction resterait inchangée par rapport à celle qui figure actuellement dans le code pénal : l'infraction serait constituée quand une personne se voie imposer tout propos ou comportement à connotation sexuelle ou sexiste qui soit porte atteinte à sa dignité, en raison de son caractère dégradant ou humiliant, soit crée à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante, à condition que les faits soient accompagnés d'une circonstance aggravante .

Le texte retient les sept circonstances aggravantes qui figurent actuellement dans le code pénal, et qui viennent d'être énumérées. Il en ajoute une huitième : si les faits sont commis en état de récidive légale par une personne déjà condamnée pour la contravention d'outrage sexiste.

La contravention d'outrage sexiste demeurerait en effet dans notre droit pénal : comme l'indique l'étude d'impact annexée au projet de loi, le Gouvernement prévoit de prendre un décret pour punir d'une contravention de la 5 e classe l'auteur d'un outrage sexiste simple. La répression de l'outrage sexiste serait ainsi graduée : contravention de la 5 e classe en cas d'outrage simple, délit en présence d'une circonstance aggravante.

Le texte précise que ne pourraient être sanctionnés au titre de l'outrage sexiste les faits pouvant être qualifiés de violence ayant entraîné une incapacité de travail inférieure ou égale à huit jours (article 222-13 du code pénal), d'exhibition sexuelle (article 222-32 du même code), de harcèlement sexuel (article 222-33) ou de harcèlement moral (article 222-33-2-2).

Le 2° de l'article 7 prévoit ensuite que puisse d'appliquer au délit d'outrage sexiste aggravé le mécanisme de l' amende forfaitaire délictuelle .

L'amende forfaitaire délictuelle

Créée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, la procédure de l'amende forfaitaire en matière délictuelle est prévue par les articles 495-17 et suivants du code de procédure pénale.

Comme en matière contraventionnelle, cette procédure permet de sanctionner immédiatement la personne en faute qui doit s'acquitter sur-le-champ, ou dans un délai maximal de 45 jours (60 jours en cas de télépaiement), d'une amende forfaitaire dont le montant est fixé par la loi. Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action publique.

Cette procédure est une faculté : le ministère public conserve la possibilité de poursuivre l'infraction devant le tribunal correctionnel. Elle ne peut s'appliquer en cas de récidive légale, sauf si la loi en dispose autrement.

En l'espèce, le montant de l'amende forfaitaire serait fixé à 300 euros. Il serait minoré, et fixé à 250 euros, si le contrevenant règle l'amende immédiatement à l'agent verbalisateur ou dans un délai de quinze jours. Il serait majoré, et atteindrait 600 euros, si l'amende est réglée après le délai prévu. Par exception, l'amende forfaitaire délictuelle pourrait être appliquée même en cas de récidive .

Le 6° de l'article 7 propose d'introduire dans le code pénal un nouvel article 222-48-5 pour prévoir des peines complémentaires : il s'agit des mêmes peines que celles qui peuvent aujourd'hui être prononcées : peine de stage ou peine de TIG.

Le 2° de l'article 7 procède à la renumérotation de sections du chapitre II du titre II du livre II du code pénal : les sections 3 bis , 3 ter , 4, 5, 6 et 7 deviennent les sections 5, 6, 7, 8, 9 et 10. Le 3°, le 4° et le 5° de l'article 7 procèdent ensuite à des mesures de coordination pour tenir compte de cette nouvelle numérotation aux articles 222-44, 222-45 et 222-48-2 du code pénal.

Le 8° prévoit enfin une entrée en vigueur légèrement différée de l'article, qui ne s'appliquerait qu'à compter du premier jour du troisième mois suivant la publication de la loi, de manière à laisser un peu de temps pour préparer la mise en oeuvre de la mesure.

3. Une mesure qui va dans le sens qui avait été souhaité par le Sénat

Dans son rapport sur le projet de loi contre les violences sexuelles et sexistes 18 ( * ) , notre collègue Marie Mercier avait défendu la création d'un délit d'outrage sexiste, à la fois pour des raisons de rigueur juridique - la création d'une contravention relève en principe du pouvoir règlementaire et non du législateur - et pour des raisons pratiques : l'infraction n'est pas toujours aisée à constater et l'intervention d'un tribunal peut donc être utile pour apprécier les faits. Suivant l'avis de son rapporteur, le Sénat avait donc approuvé la création d'un délit puni de 3 750 euros d'amende, montant porté à 7 500 euros en cas de circonstance aggravante. Le texte définitif avait retenu la rédaction voulue par l'Assemblée nationale, qui faisait de l'outrage sexiste une contravention.

Le texte présenté par le Gouvernement constitue donc une avancée qui va dans le sens souhaité par le Sénat. Il respecte la répartition entre loi et règlement et paraît ainsi plus rigoureux juridiquement. Il renforce la répression, sans aller aussi loin que ce que le Sénat avait pu envisager, mais en proposant des sanctions cohérentes au regard de l'échelle des peines.

Au-delà des textes, c'est par une présence renforcée des forces de sécurité sur le terrain, par une libération de la parole des témoins, par une bonne utilisation des images de vidéoprotection, que l'outrage sexiste, sous toutes ses formes, pourra être efficacement réprimé. Le nombre d'infractions enregistrées a certes augmenté ces dernières années (1 400 en 2020 et 2 270 en 2021) mais il demeure faible au regard de l'ensemble des comportements inappropriés dont peuvent être victimes les femmes. L'alourdissement des peines envisagé par le texte constitue un signal fort adressé aux auteurs de ces infractions et participe de la mobilisation de la société contre les violences sexuelles et sexistes.

Pour ces raisons, la commission a adopté l'article 7, modifié par l' amendement de coordination COM-89 de ses rapporteurs, qui vise à garantir que les agents de police judiciaire adjoints et les agents chargés de la sûreté dans les transports pourront continuer à constater l'outrage sexiste comme ils le font aujourd'hui.

La commission a adopté cet article ainsi modifié .

Article 7 bis (nouveau)
Amélioration de la réponse pénale sur les violences faites aux élus,
les refus d'obtempérer et les rodéos urbains

Introduit par la commission à l'initiative du rapporteur, l'article 7 bis vise à améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels : les violences faites aux élus, les refus d'obtempérer et les rodéos urbains.

Les auditions conduites par les rapporteurs ont montré l'urgence et l'importance d'améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels : les violences faites aux élus, les refus d'obtempérer et les rodéos urbains. La commission a adopté en ce sens l' amendement COM-99 portant article additionnel des rapporteurs.

En premier lieu les auditions menées par les rapporteurs ont souligné l'augmentation du nombre d' agressions contre les élus . En début d'année, le ministère de l'intérieur a rendu publiques des données chiffrées qui confirment cette flambée du nombre de faits de violences contre les élus, qui n'est pas sans lien avec la crise sanitaire, la mise en place du passe sanitaire et la campagne de vaccination. Sur les onze premiers mois de l'année 2021, 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints ont été victimes d'agressions physiques, soit une hausse de 47 % par rapport à l'année 2020. En outre, 419 outrages ont été recensés, chiffre en hausse de 30 %.

Face à cette situation il est désormais nécessaire de prévoir un quantum de peine équivalent à celui prévu pour d'autres titulaires de l'autorité publique.

En second lieu, le nouvel article 7 bis vise à réprimer plus sévèrement le refus d'obtempérer , en alourdissant la peine encourue et en diminuant les crédits de réduction de peine auxquels peuvent prétendre, pour bonne conduite, les personnes condamnées à une peine privative de liberté après avoir commis cette infraction.

L'actualité rappelle régulièrement que les refus d'obtempérer peuvent avoir des conséquences dramatiques, mettant en danger la vie ou l'intégrité physique des agents chargés de faire respecter la police de la circulation. Le nombre de refus d'obtempérer a augmenté de 28 % entre 2015 et 2020 et la hausse s'est poursuivie l'an dernier, avec 25 871 refus d'obtempérer enregistrés en 2020 contre 26 320 en 2021.

L'article entend envoyer un message de fermeté afin de dissuader les conducteurs d'automobile de commettre cette infraction. La peine encourue serait portée à trois ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende et les crédits de réduction de peine pouvant être accordés seraient diminués d'un tiers.

En troisième lieu, le nouvel article 7 bis prévoit de réprimer spécifiquement les rodéos urbains qui exposeraient autrui à un risque de mort ou de blessure de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente . Les peines encourues seraient alors de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, alors qu'elles sont d'un an d'emprisonnement et 15 000 euros d'amende - hors circonstances aggravantes - en temps normal. Il importe là aussi d'envoyer un message de fermeté aux auteurs de ces infractions qui par leurs actes mettent en danger la vie d'autrui. Les statistiques du ministère de la justice indiquent que le nombre de condamnations a augmenté de 1 400 % depuis 2018, pour atteindre un total de 1 383 condamnations prononcées en 2021, ce qui témoigne de la progression du phénomène.

La commission a adopté l'article 7 bis ainsi rédigé .

Article 8
Elargir le recours aux techniques spéciales d'enquête (TSE)
pour mieux lutter contre les agissements sectaires, les viols
et homicides sériels ainsi que pour retrouver les fugitifs recherchés
pour des faits de criminalité organisée

L'article 8 tend à élargir le recours aux techniques spéciales d'enquête (TSE) (sonorisation, captation d'images ou de données) dans certains cas précisément définis : les agissements sectaires, les viols et homicides sériels ainsi que pour retrouver les fugitifs recherchés pour des faits de criminalité organisée.

La commission a adopté cet article sans modification.

1. Le recours à des techniques d'enquête particulièrement intrusives et encadrées par juge

La notion de techniques spéciales d'enquête recouvre plusieurs opérations de recueil d'information particulièrement intrusives (sonorisation et fixation d'images de lieux ou véhicules, captation de données informatiques, IMSI-catcher) et de ce fait soumises à l'autorisation du juge des libertés et de la détention ou du juge d'instruction, et limitées à la poursuite des seules infractions réprimant la criminalité et la délinquance organisées listées aux articles 706-73, 706-73-1 et 706-74 du code de procédure pénale, ainsi qu'à certaines infractions économiques et financières ou d'atteintes aux systèmes de traitement automatisé de données.

L'extension du recours à ces techniques est soumise à un contrôle étroit par le juge constitutionnel. Il découle de sa décision du 2 mars 2004 relative à la loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité 19 ( * ) que le législateur peut prévoir des mesures d'investigation spéciales en vue de constater des crimes et délits d'une gravité et d'une complexité particulières, d'en rassembler les preuves et d'en rechercher les auteurs, sous réserve que ces mesures soient conduites dans le respect des prérogatives de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, et que les restrictions qu'elles apportent aux droits constitutionnellement garantis soient nécessaires à la manifestation de la vérité, proportionnées à la gravité et à la complexité des infractions commises et n'introduisent pas de discriminations injustifiées.

Le Conseil constitutionnel a par la suite, dans sa décision relative à la loi de programmation pour la justice 20 ( * ) , censuré l'extension du recours aux techniques spéciales d'enquête à l'ensemble des crimes en ce qu'elle n'opérait pas « une conciliation équilibrée entre, d'un côté, l'objectif de recherche des auteurs d'infractions et, de l'autre, le droit au respect de la vie privée, le secret des correspondances et l'inviolabilité du domicile ».

Par ailleurs, certains crimes et délits visés à l'article 706-13 du code de procédure pénale font l'objet d'une durée de garde à vue dérogatoire. Dans sa décision n° 2014-420/421 QPC du 9 octobre 2014, le Conseil constitutionnel a limité l'extension de cette procédure aux seuls crimes et délits susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes.

4. Un élargissement limité et proportionné

L'article 8 propose :

- d'étendre l'usage des techniques spéciales d'enquête aux investigations visant à caractériser un abus de faiblesse en bande organisée ;

- en matière de criminalité organisée, d'autoriser le recours aux techniques spéciales d'enquête pour la recherche des fugitifs recherchés dans le cadre d'enquêtes pour lesquelles le recours à ces mêmes techniques est permis ;

- d'autoriser le recours à ces techniques d'enquête ainsi qu'à la garde à vue dérogatoire pour les crimes de meurtres et de viols sériels et les abus de faiblesse en bande organisée.

Il se compose de deux parties.

Le I. élargit le champ de l'article 223-25-2 du code pénal relatif à l'abus frauduleux d'ignorance ou de faiblesse, qui réprime notamment les phénomènes d'emprise sectaire. Il prévoit des sanctions renforcées non plus contre le seul dirigeant d'un tel groupe mais contre les membres agissant en bande organisée. Ces sanctions sont elles-mêmes renforcées tant pour l'amende, portée de 750 000 à 1 million d'euros, que pour la peine de prison portée de cinq à sept ans.

Le II. se divise en deux points.

Le 1° complète l'article 74-2 du code de procédure pénale pour étendre le recours aux techniques spéciales d'enquête pour la recherche de fugitifs impliqués dans des investigations pour lesquelles ces techniques sont autorisées.

Le 2° complète l'article 706-73 du code de procédure pénale pour inclure dans le champ des crimes permettant le recours aux techniques d'enquête spéciale mais aussi soumettre à une durée de garde à vue prolongée les meurtres et viols sériels et les abus frauduleux d'ignorance ou de faiblesse visés à l'article 223-15-2 du code pénal.

Au regard du caractère limité et proportionné de l'extension proposée, qui se justifie au regard de la gravité des infractions qu'il s'agit de réprimer, la commission a adopté l'article 8 sans modification.

La commission a adopté l'article 8 sans modification .

TITRE IV : DISPOSITIONS VISANT À ANTICIPER LES MENACES ET CRISES

CHAPITRE 1ER : RENFORCER LA FILIÈRE INVESTIGATION

Article 9
Former tous les nouveaux policiers et gendarmes aux fonctions d'officier de police judiciaire (OPJ) dès la formation initiale

L'article 9 tend à ouvrir la possibilité aux policiers et gendarmes de présenter l'examen d'officier de police judiciaire dès la fin de leur formation initiale.

La commission a adopté cet article sans modification

1. Un manque de vocations pour la police judiciaire

Le déficit d'officiers de police judiciaire (OPJ) en charge de la conduite des enquêtes est un phénomène connu et plus particulièrement marqué dans la police nationale. L'étude d'impact fait état d'un besoin à l'horizon 2023 de 5 000 OPJ en plus des 17 000 disposant actuellement de cette qualité.

Pour remédier à ce déficit, l'article 9 entend permettre le passage de l'examen d'OPJ dès la fin de la scolarité en école de police ou de gendarmerie, ce qui se traduit concrètement par la mise en place d'une formation destinée à cet examen au sein de la formation initiale, qui, depuis septembre 2022, a été rallongée à cette fin. La préparation de l'examen d'OPJ est actuellement prévue dans le cadre de la formation continue, formation qui devrait demeurer pour ceux qui n'auront pas réussi l'examen en sortie d'école.

L'article 9 propose de modifier l'article 16 du code de procédure pénale qui prévoit l'avis d'une commission (en pratique un jury d'examen) pour accorder aux gendarmes et policiers la qualité d'OPJ. La condition de trois ans de service minimal avant d'acquérir la qualité d'OPJ est supprimée.

Toutefois l'habilitation nécessaire à l'exercice des fonctions d'OPJ ne pourra leur être accordée qu'à compter de trente mois de service depuis leur entrée en formation initiale, dont six mois en tant qu'agent de police judiciaire.

2. Une mesure intéressante mais qui ne remédiera pas à elle seule au manque d'OPJ

L'intégration d'une formation à la procédure pénale en vue de la préparation de l'examen d'OPJ est en soi intéressante pour la formation des futurs policiers et gardiens de la paix. Elle s'intègre à une formation initiale rallongée et permettra de susciter des vocations et d'intégrer plus rapidement à la police judiciaire ceux dont le parcours antérieur ou les aspirations les orientent vers le travail d'enquête.

Il est cependant peu probable que cette réforme apporte à court terme un nombre important d'OPJ. En effet, outre les difficultés liées à la mise en place des enseignements, qui nécessite notamment un important recrutement de formateurs, seule une première partie de formation sera nécessaire et intégrée à l'évaluation finale des élèves. La réussite ou l'échec à l'examen n'entraineront aucune conséquence sur l'entrée dans la carrière pour ceux qui ne souhaitent pas intégrer un service d'enquête. A l'inverse la perspective de recevoir une affectation d'office dans un tel service en sortie d'école pourrait éloigner certains élèves de la volonté de réussir l'examen.

Néanmoins, au regard de l'intérêt que peut représenter une formation renforcée des élèves gendarmes et policiers en matière de procédure pénale et d'un renforcement de la police judiciaire susceptible d'en résulter, la commission a approuvé cet article.

La commission a adopté l'article 9 sans modification .

Article 10
Création des assistants d'enquête

L'article 10 tend à créer une catégorie de personnels administratifs dédiés au respect du formalisme procédural des enquêtes.

La commission a adopté cet article tout en imposant une évaluation de la réforme dans les trois ans.

1. Un renforcement de la filière d'enquête destiné à rendre plus attractifs les métiers d'enquêteurs

Les officiers de police judiciaire agissant au sein d'une hiérarchie de police ou de gendarmerie et sous la direction du procureur de la République disposent pour les assister d'agents de police judiciaire et d'agents de police judiciaire adjoints dont les prérogatives sont plus restreintes.

Les effectifs de police judiciaire restent cependant insuffisants, du fait notamment des difficultés de recrutement d'officiers de police judiciaire au sein de la police nationale. Celles-ci ayant été pour partie attribuées à la charge que représentent les formalités de procédure pénale, l'article 10 propose de créer une catégorie de personnels dédiés au respect du formalisme procédural.

Présentés comme des « greffiers de police », ces personnels seraient des personnels de catégorie B de la police et de la gendarmerie ayant suivi une formation sanctionnée par un examen. A cette fin, l'article 10 propose de compléter le code de procédure pénale par une nouvelle section définissant leurs fonctions.

Sous l'autorité des officiers de police judiciaire ou pour les actes qui relèvent de leurs compétences, les assistants d'enquête seraient chargés de :

- procéder aux réquisitions en enquête préliminaire, sur autorisation du procureur de la République, sous le contrôle de l'officier de police judiciaire (OPJ), ou de l'agent de police judiciaire (APJ) (articles 77-1, 77-1-1 pour les seules réquisitions concernant les enregistrements issus de système de vidéoprotection), en enquête de flagrance sous le contrôle de l'OPJ (articles 60, 60-1 pour les seules réquisitions concernant les enregistrements issus de système de vidéoprotection et 60-1) et dans le cadre d'une information judiciaire, sous le contrôle de l'OPJ (article 99-5) ;

- formaliser les réquisitions les plus fréquentes et non attentatoires aux libertés, souvent en lien avec une mesure de garde à vue dont les délais sont contraints ; ainsi les assistants d'enquête dresseraient procès-verbal de leurs diligences (réquisition à médecin pour vérifier la compatibilité de l'état de santé de la personne avec la mesure de garde à vue, réquisition à médecin en vue de l'examen médical d'une victime, réquisition d'un interprète, réquisition pour obtenir des images de vidéoprotection) ;

- notifier ses droits à une victime conformément à l'article 10-2 du code de procédure pénale ;

- réaliser et acter certaines diligences exigées par le code de procédure pénale notamment celles annexes aux mesures privatives de liberté, tels que l'avis à avocat, à famille, à interprète, au consulat ou à l'employeur ;

- consulter les fichiers de police et en acter le résultat en procédure ;

- aviser une victime, convoquer les différentes parties à la procédure (mis en cause, témoin ou victime) et notifier des convocations en justice prévues par l'article 390-1 du code de procédure pénale ;

- participer au déroulement de certaines investigations, notamment en procédant à la retranscription sur procès-verbal d ' interceptions judiciaires ou sonorisations prévues par les articles 100-5 et 706-95-18 du code de procédure pénale.

L'étude d'impact indique par ailleurs que d'« autres missions ne nécessitant ni modification normative, ni habilitation judiciaire leur seront par ailleurs confiées (gestion administrative des gardes à vue, gestion administrative et logistique des scellés, appui dans le traitement des procédures administratives, etc.) ».

2. Une mesure attendue mais dont la mise en oeuvre appelle une évaluation

Tout en manifestant l'intérêt de cette mesure pour les services de police judiciaire et pour les personnels appelés à devenir assistants d'enquête, les personnes auditionnées par les rapporteurs ont fait part de difficultés susceptibles de se rencontrer. La première réside dans la difficulté de recruter dans de bonnes conditions, 4 400 assistants d'enquête dans la police nationale et l'équivalent de 1 000 en gendarmerie, ainsi que le prévoit l'étude d'impact.

La seconde tient aux missions qui leur seront confiées, notamment à la possibilité pour les assistants d'enquête de consulter les fichiers de police et de retranscrire les procès-verbaux des enregistrements prévus par les articles 100-5 (interception des correspondances) et 706-95-18 (enregistrement, réalisés par le moyen de techniques spéciales d'enquête dans le cadre d'une procédure concernant la criminalité et la délinquance organisée) du code de procédure pénale.

Dans son avis, le Conseil d'État a fait part de « son objection à donner compétence [aux assistants d'enquête] pour procéder aux transcriptions considérant que ces opérations qui exigent que ne soient retranscrits que les « éléments utiles à la manifestation de la vérité », doivent rester de la compétence des officiers de police judiciaire, ou des agents de police judiciaire agissant sous leur responsabilité, auxquels il appartient de signer les procès-verbaux correspondants ».

Le Gouvernement, dans son étude d'impact, indique en réponse à ces critiques que « concrètement l'enquêteur prendra connaissance des enregistrements, identifiera précisément les éléments utiles à la manifestation de la vérité dont il indiquera les références à l'assistant d'enquête, ce dernier opérant leur simple retranscription sur PV, que l'enquêteur relira aux fins de vérification ».

Si ces pratiques sont susceptibles de préserver les principes auxquels se réfère le Conseil d'État, il n'en demeure pas moins que la frontière des compétences des assistants d'enquête avec les OPJ ou APJ est susceptible de causer des difficultés. C'est pourquoi la commission a adopté l' amendement COM-97 d'Alain Richard prévoyant que les modalités selon lesquelles les assistants d'enquête pourront procéder à des transcriptions seront déterminées par décret en Conseil d'État.

Plus largement il a paru nécessaire aux rapporteurs qu'une évaluation soit conduite dans les trois ans mise en oeuvre de la réforme . À leur initiative la commission a donc adopté l' amendement COM-96 prévoyant cette évaluation.

La commission a adopté l'article 10 ainsi modifié .

Article 10 bis (nouveau)
Donner la qualité d'agents de police judiciaire
à tous les militaires de gendarmerie,
autres que les officiers de police judiciaire et les réservistes

L'article 10 bis , issu d'un amendement déposé par les rapporteurs, tend à attribuer la qualité d'agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale afin qu'ils puissent être en posture active durant leurs stages en unité territoriale.

Les élèves officiers de la gendarmerie nationale ne possèdent pas la qualité d'agent de police judiciaire durant leur scolarité en formation initiale contrairement aux élèves officiers de la police et aux élèves commissaires.

Ils ne peuvent donc exercer les fonctions d'agent de police judiciaire pendant leurs stages en unité territoriale, ce qui limite l'expérience acquise.

Le présent article, qui reprend le dispositif prévu à l'article 21 du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur déposée en mars dernier sur le bureau de l'Assemblée nationale, permet par parallélisme avec la police nationale d'accorder la qualité d'agent de police judiciaire aux élèves officiers de gendarmerie.

A cette fin il modifie l'article 20 du code de procédure pénale.

La commission a adopté l'article 10 bis ainsi rédigé .

CHAPITRE II : RENFORCER LA FONCTION INVESTIGATION

Article 11
Suppression de la procédure de réquisition
des services de police technique scientifique (PTS)
dans le cadre des enquêtes de flagrance et des enquêtes préliminaires

L'article 11 tend à supprimer, dans le cadre des enquêtes préliminaires ou de fragrance, l'obligation actuellement faite aux services en charge de l'enquête de procéder à une réquisition judiciaire pour solliciter les agents de police technique et scientifique afin qu'ils effectuent des investigations techniques et scientifiques ou une copie des données informatiques sur un support placé sous scellés.

La commission a adopté cet article avec plusieurs modifications permettant de clarifier les procédures de recours à la police technique et scientifique, en particulier s'agissant des analyses réalisées à l'issue de prélèvements génétiques ou papillaires.

1. Le recours aux services de police scientifique dans le cadre d'une enquête : la nécessité d'une réquisition préalable

En cas d'enquête de flagrance ou d'enquête préliminaire, toute personne qualifiée peut être appelée pour procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques. Dans le cadre d'une enquête de flagrance, dès lors que le juge d'instruction n'est pas présent et qu'une information judiciaire n'a pas été ouverte, la décision de recourir à ces personnes qualifiées appartient aux officiers de police judiciaire ou, sous leur contrôle, aux agents de police judiciaire 21 ( * ) . Dans le cadre d'une enquête préliminaire, la demande relève du procureur de la République ou, sur l'autorisation de ce dernier, des officiers ou agents de police judiciaire 22 ( * );23 ( * ) .

Dans les deux cas, les spécialistes peuvent soit être membres d'un laboratoire privé, soit être des agents de police technique et scientifique. La procédure à suivre par les enquêteurs ne diffère pas selon que les experts relèvent de la gendarmerie ou de la police nationales ou relèvent du droit privé . Le recours se fait dans les deux cas sur la base d'une réquisition , transmise aux personnes choisies en accompagnement des prélèvements à analyser placés sous scellés. Les experts appelés doivent prêter serment par écrit « d'apporter leur concours à la justice en leur honneur et en leur conscience » 24 ( * ) . Ils peuvent ensuite procéder à l'ouverture des scellés afin de réaliser les analyses techniques ou scientifiques et, éventuellement, replacer sous scellés les objets examinés ou les objets résultant de leur examen.

Une fois les opérations d'expertise terminées, les experts rédigent un rapport contenant la description desdites opérations ainsi que leurs conclusions 25 ( * ) . En cas d'urgence, ils peuvent communiquer oralement leurs conclusions aux enquêteurs.

De même, le procureur de la République ou l'officier de police judiciaire - ou, sous le contrôle de ce dernier, l'agent de police judiciaire - peut requérir ces mêmes experts afin de procéder à la copie d'un support de données informatiques placé sous scellés afin de permettre leur exploitation sans porter atteinte à leur intégrité 26 ( * ) . En application de l'article 99-5 du code de procédure pénale, ces mêmes réquisitions peuvent être réalisées pour les nécessités de l'exécution d'une commission rogatoire par l'officier de police judiciaire avec l'autorisation expresse du juge d'instruction.

2. L'article 11 du projet de loi : assouplir le formalisme de la demande en cas de recours aux services de police technique et scientifique

L'article 11 du projet de loi propose de réaliser une distinction dans la procédure à suivre dans le cadre d'une enquête de flagrance ou d'une enquête préliminaire selon que les experts relèvent de laboratoires privés ou de services de police technique et scientifique internes à la police ou à la gendarmerie.

Si la procédure resterait inchangée dans le premier cas, la nécessité d'une réquisition serait en revanche supprimée dans le second .

L'étude d'impact du projet de loi indique que le cadre juridique actuel entraine la rédaction de plusieurs centaines de milliers de réquisition chaque année, ainsi que la rédaction de prestations de serment par des personnels de la police et de la gendarmerie déjà soumis par ailleurs à des obligations de probité et d'impartialité en application des articles R. 434-9 et R. 434-11 du code de la sécurité intérieure.

La commission a considéré que la simplification proposée allait dans le bon sens. L'objectif poursuivi est de ne plus appréhender le concours des services de police scientifique de la police et de la gendarmerie nationales comme un recours à une tierce personne, mais comme un recours à d'autres collègues disposant d'une expertise et d'équipements spécifiques.

La commission, souscrivant à la logique proposée, a souhaité aller plus loin en adoptant plusieurs clarifications portées par l' amendement COM-91 de ses rapporteurs . La commission a ainsi décidé :

- que les services ou organismes de police technique et scientifique de la police et de la gendarmerie nationales ne seront plus soumis à une prestation de serment pour réaliser les constatations ou examens techniques lorsqu'ils sont sollicités à cette fin dans le cadre d'une enquête en flagrance ou d'une enquête préliminaire ;

- qu'il ne sera plus nécessaire de réaliser une réquisition pour les charger de procéder à la copie d'un support de données informatiques placé sous scellés afin de permettre leur exploitation sans porter atteinte à leur intégrité, tant dans le cadre d'une enquête de flagrance, d'une enquête préliminaire ou d'une commission rogatoire.

La commission s'est également intéressée, par l'adoption du même amendement COM-91 des rapporteurs, aux analyses réalisées à l'issue de prélèvements génétiques ou papillaires. Elle a ainsi :

- supprimé la nécessité de réquisition des services ou organismes de police technique et scientifique de la police nationale et de la gendarmerie nationale pour extraire le profil génétique d'une personne et l'enregistrer sur le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) ;

- étendu cette simplification aux opérations de comparaison des prélèvements signalétiques aux données des différents fichiers biométriques , dont le régime juridique est actuellement sujet à plusieurs interprétations.

La commission a adopté l'article 11 ainsi modifié .

Article 12
Réduire les risques de nullité de la procédure
en cas de consultation de certains fichiers de police

L'article 12 vise à prévenir la nullité de certains actes d'enquête au seul motif de l'absence de mention expresse, au procès-verbal, que l'agent qui a consulté un fichier était bien habilité à le faire.

La commission a adopté cet article sans modification .

1. Un formalisme d'origine jurisprudentielle qui peut conduire à la nullité de certains actes de procédure

Les agents de la police nationale, de la gendarmerie nationale ou des douanes peuvent être amenés, pour prévenir, rechercher et constater des infractions pénales, à consulter des fichiers qui contiennent des données personnelles, qu'il s'agisse du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), du fichier des personnes recherchées (FPR) ou encore du système de lecture automatique des plaques d'immatriculation (LAPI), pour citer ces quelques exemples.

Comme le prévoit la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 « Informatique et Libertés », l'acte règlementaire qui autorise un fichier précise que seuls les agents habilités et individuellement désignés par leur autorité hiérarchique ont la possibilité de le consulter. Le fait de réserver l'accès aux données personnelles contenues dans ces fichiers aux seuls personnes régulièrement habilitées et désignées est au nombre des garanties exigées par la directive (UE) 2016/680 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel par les autorités compétentes à des fins de prévention et de détection des infractions pénales.

La jurisprudence de la Cour de cassation a renforcé ces dernières années les exigences conditionnant la régularité de la procédure. La chambre criminelle de la Cour de cassation demande désormais que figure dans la procédure l'identité de l'agent ayant consulté le fichier et son habilitation 27 ( * ) . Dans une affaire de rétention administrative d'un étranger en situation irrégulière, la première chambre civile a décidé que la procédure est entachée d'une nullité d'ordre public dès lors qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que l'agent ayant consulté le fichier était expressément habilité à le faire 28 ( * ) .

Selon l'étude d'impact annexée au projet de loi, ce formalisme imposé par la jurisprudence « est de nature à complexifier la procédure alors que le dispositif encadrant l'habilitation des agents aux fichiers présente déjà des garanties suffisantes et qu'il est loisible au juge, en cas de moyen expressément soulevé, de solliciter, par mesure d'instruction, l'habilitation que détenait l'agent pour consulter le fichier ».

2. Une mesure de simplification

Pour alléger les contraintes pesant sur les agents, l'article 12 du projet de loi propose de revenir sur cette jurisprudence. En premier lieu, il tend à insérer un nouvel article 15-5 dans la section du code de procédure pénale qui contient les dispositions générales relatives à la police judiciaire.

Ce nouvel article 15-5 rappellerait d'abord que seuls les personnels spécialement et individuellement habilités à cet effet peuvent procéder à la consultation de traitements au cours d'une enquête ou d'une instruction.

Il préciserait ensuite que la réalité de cette habilitation peut être contrôlée, à tout moment, par un magistrat, à son initiative ou à la demande d'une personne intéressée. Pour lever toute ambiguïté, il est indiqué que l'absence de la mention de l'habilitation sur les pièces de procédure résultant de la consultation de ces traitements n'emporterait pas, par elle-même, nullité de la procédure.

En second lieu, il est proposé de faire figurer des dispositions analogues dans un nouvel article 55 ter inséré dans le code des douanes, afin qu'elles s'appliquent aussi aux agents des douanes.

La commission de lois partage la volonté de simplifier les procédures, et notamment la procédure pénale dont la complexité et le formalisme découragent beaucoup d'agents de poursuivre une carrière dans la police judiciaire. Elle est toutefois attentive aux reculs que certaines mesures pourraient entraîner, sous couvert de simplification, en ce qui concerne la protection des droits et des libertés.

À cet égard, elle note que le Conseil d'État a considéré, dans son avis sur le projet de loi, que les dispositions proposées suffiraient à assurer l'effectivité de la garantie qui s'attache à l'habilitation de l'agent qui a consulté les données personnelles. La possibilité donnée au juge de vérifier l'habilitation, d'office ou à la demande d'une partie, paraît en effet de nature à s'assurer que cette exigence est satisfaite, sans alourdir la procédure.

La commission a adopté l'article 12 sans modification .

Article 13
Extension des autorisations générales de réquisitions

L'article 13 vise à étendre les autorisations par voie d'instructions générales délivrées par le procureur de la République aux officiers ou agents de police judiciaire à de nouveaux types de réquisitions limitativement énumérées.

La commission a adopté l'article 13 sans modification .

1. La possibilité pour le procureur de la République d'autoriser par la voie d'instructions générales certaines réquisitions

L'article 39-3 du code de procédure pénale prévoit que « dans le cadre de ses attributions de direction de la police judiciaire, le procureur de la République peut adresser des instructions générales ou particulières aux enquêteurs . » De telles instructions sont prévues aux articles 77-1 et 77-1-1 du même code et concernent, respectivement, les réquisitions à personnes qualifiées afin de procéder à des examens techniques et scientifiques et les réquisitions destinées à obtenir des documents ou des informations au cours de l'enquête préliminaire.

Initialement, lors de leur introduction dans le code de procédure pénale par la loi n° 85-1407 du 30 décembre 1985 portant diverses dispositions de procédure pénale et de droit pénal , les réquisitions prévues à ces articles exigeaient une autorisation préalable particulière. Ainsi, chaque réquisition à personne ou pour la récupération de données devait faire l'objet d'une autorisation spécifique du procureur de la République.

Afin d'alléger le formalisme procédural à la charge des magistrats du parquet, la pratique judiciaire a reconnu la possibilité pour les procureurs de la République d'adresser aux officiers et agents de police judiciaires des instructions générales et permanentes les autorisant à procéder à certains actes relevant des articles 77-1 et 77-1-1 du code de procédure pénale. Cette pratique fut consacrée par deux circulaires de 2016 et 2018 29 ( * ) .

La Cour de cassation est cependant revenue sur cette pratique dans un arrêt du 17 décembre 2019 30 ( * ) , considérant que l'autorisation donnée aux agents d'enquête devait être délivrée « dans le cadre de la procédure d'enquête préliminaire en cours et non par voie d'autorisation générale et permanente préalable », et ce afin de garantir la direction effective des enquêtes préliminaires par le procureur de la République telle que prévue à l'article 39-3 du code de procédure pénale 31 ( * ) .

Prenant acte de la décision de la Cour de cassation, le législateur est intervenu par la loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée , pour autoriser certaines réquisitions générales. Le législateur a fortement encadré cette possibilité, puisque ces autorisations sont accordées pour une durée limitée à six mois renouvelable et ne concernent que les réquisitions aux fins d'examen médicaux des victimes et auteurs présumés d'infractions sexuelles sur des personnes mineurs et de comparaisons d'empreintes génétiques. À la suite d'un amendement du rapporteur adopté en commission des lois au Sénat, la possibilité de recourir aux autorisations générales pour les réquisitions portant sur des enregistrements de vidéoprotection a aussi été introduite à l'article 71-1-1 du code de procédure pénale.

2. L'article 13 du projet de loi : l'extension des autorisations générales de réquisition à de nouveaux domaines

L'article 13 du projet de loi tend à modifier l'article 71-1-1 du code de procédure pénale pour étendre la faculté de prendre des autorisations générales de réquisition à de nouveaux actes. L'alinéa 4 de l'article, qui autorise actuellement les instructions générales pour les « informations intéressant l'enquête qui sont issues d'un système de vidéoprotection », serait remplacé et étendu à des crimes et délits limitativement énumérés :

- la remise d'enregistrements issus de systèmes de vidéoprotection pour les lieux où les infractions auraient été commises ;

- la recherche des comptes bancaires et du solde des comptes de la personne suspectée ;

- la fourniture de listes de salariés, collaborateurs, personnels, prestataires de services de société dans le cadre d'enquêtes portant sur le travail dissimulé ;

- la remise de données sur l'état-civil, les documents d'identité et les titres de séjour de la personne suspectée ;

- la remise de données relatives à la lecture automatisée de plaques d'immatriculation de véhicules susceptibles de permettre la localisation de la personne suspectée.

Ces réquisitions ne seraient autorisées que lorsqu'il s'agit de crimes ou de délits punis d'une peine d'emprisonnement, limitativement énumérés dans l'instruction, pour une durée ne pouvant excéder six mois. Le projet de loi prévoit également que le procureur de la République est avisé sans délai de la réquisition effectuée.

Cette modification de l'article 71-1-1 du code de procédure pénale tient compte des remarques émises par le Conseil d'État dans son avis délivré le 23 janvier 2020 sur le projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée , qui visait à garantir un contrôle effectif de l'enquête. À cette occasion, le Conseil d'État avait préconisé que les réquisitions autorisées par voie d'instructions générales soient précisément définies et nécessaires à la manifestation de la vérité. Il recommandait également que le procureur de la République soit informé de l'ensemble des réquisitions afin de pouvoir exercer effectivement son pouvoir de contrôle de la police judiciaire qu'il tient de l'article 66 de la Constitution.

L'article 13 du projet de loi tire également les conséquences des décisions n° 2019-778 et n° 2021-952 du Conseil constitutionnel 32 ( * ) qui ont censuré une partie de l'article 71-1-1 afin de limiter le recours aux réquisitions les plus attentatoires à la vie privée. Le texte présenté entoure de davantage de garanties ces autorisations, puisqu'elles ne concernent que des actes limitativement énumérés.

Lors de l'examen du projet de loi relatif au Parquet européen et à la justice pénale spécialisée , la commission des lois avait soutenu le recours à ces instructions générales, en raison de la simplification qu'elle entraîne pour les magistrats du parquet mais également pour les services enquêteurs. Si le Conseil d'État s'interroge, dans son avis du 10 mars 2022 sur le gain de temps réel permis par le dispositif proposé, les acteurs entendus par les rapporteurs considèrent que l'extension proposée par cet article 13 permettrait de supprimer des demandes chronophages, qui pèsent inutilement sur le temps des investigations. L'article semble recueillir l'assentiment général des différents services de police, de gendarmerie et des magistrats. Les garanties apportées et les limites fixées à ces autorisations générales dans l'article 13 permettent également de préserver le pouvoir de contrôle du magistrat parquetier sur les enquêtes. La commission ne s'est donc pas opposée à l'adoption de cet article.

La commission a adopté l'article 13 sans modification .

Article 13 bis (nouveau)
Extension des prérogatives des agents de police judiciaire

Introduit par la commission à l'initiative du rapporteur, l'article 13 bis vise à renforcer les prérogatives que peuvent exercer les agents de police judiciaire sous le contrôle des officiers de police judiciaire.

Aux termes de l'article 20 du code de procédure pénale, les agents de police judiciaire sont :

- les élèves gendarmes affectés en unité opérationnelle et les gendarmes n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire ;

- les fonctionnaires des services actifs de la police nationale, titulaires et stagiaires, n'ayant pas la qualité d'officier de police judiciaire ;

- les fonctionnaires de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale actifs ou à la retraite ayant eu durant leur activité la qualité d'officier ou d'agent de police judiciaire lorsqu'ils servent dans la réserve opérationnelle de la police nationale ou dans la réserve opérationnelle de la gendarmerie nationale.

Les agents de police judiciaire sont chargés de seconder les officiers de police judiciaire dans l'exercice de leurs missions. Ils ne peuvent exercer que les attributions de police judiciaire explicitement listées par les textes.

L'article 13 bis , introduit par la commission à la suite de l'adoption de l' amendement COM-92 des rapporteurs, vise à étendre les prérogatives des agents de police judiciaire, sous le contrôle des officiers de police judiciaire . Trois types d'évolutions sont envisagés.

L'article donnerait en premier lieu la possibilité aux agents de police judiciaire d' effectuer davantage de réquisitions , sous le contrôle des officiers de police judiciaire. Il permet ainsi aux agents de police judiciaire :

- dans le cadre des enquêtes de flagrance et de commission rogatoire, et en cas de saisie de données informatiques dans le cadre d'une perquisition, de réquisitionner toute personne susceptible d'avoir connaissance des mesures appliquées pour protéger les données concernées ou susceptibles de remettre des informations permettant d'accéder à ces données ;

- dans le cadre d'une commission rogatoire, de réquisitionner avec l'autorisation expresse du juge d'instruction toute personne pour procéder à l'ouverture des scellés afin de réaliser copie des supports de données informatiques ;

- de procéder aux réquisitions des opérateurs de télécommunication sur autorisation expresse du juge d'instruction ;

- de procéder, à la demande du juge d'instruction, aux opérations nécessaires aux interceptions de correspondances émises par la voie des communications électroniques ;

- de procéder aux réquisitions aux laboratoires afin, d'une part, d'extraire d'un prélèvement le profil génétique correspondant et, d'autre part, d'enregistrer le profil dans le fichier national des empreintes génétiques (FNAEG).

L'article permettrait en second lieu aux agents de police judiciaire de procéder à davantage d'actes matériels de constatations , toujours sous le contrôle des officiers de police judiciaire. C'est ainsi qu'il leur serait permis :

- de se rendre sur les lieux et de procéder aux premières constatations en cas de mort ou de blessure grave d'origine inconnue ou suspecte, en en avisant immédiatement le procureur de la République ;

- dans ces mêmes conditions, de se rendre sur les lieux afin d'apprécier la nature des circonstances du décès, à la demande du procureur de la République ;

- en cas de disparition d'un mineur ou d'un majeur protégé ou de disparition inquiétante ou suspecte d'un majeur, de procéder aux premiers actes de l'enquête afin de découvrir la personne disparue.

L'article permettrait en troisième lieu aux agents de police judiciaire de notifier les droits de la personne en cas de vérification d'identité (droit de faire aviser le procureur de la République de la vérification dont elle fait l'objet et de prévenir à tout moment sa famille ou toute personne de son choix) et, le cas échéant, de prévenir eux-mêmes la famille ou la personne choisie. Dans le même sens, les agents de police judiciaire pourraient effectuer la notification des droits en cas de retenue d'un étranger aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour sur le territoire français. Ici encore, ces prérogatives s'exerceraient systématiquement sous le contrôle des officiers de police judiciaire.

La commission a adopté l'article 13 bis ainsi rédigé .

CHAPITRE III : AMÉLIORER LA RÉPONSE PÉNALE

Article 14
Généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle (AFD)
pour tous les délits punis d'une simple peine d'amende
ou d'un an d'emprisonnement au plus

L'article 14 tend à prévoir la possibilité d'appliquer une amende forfaitaire délictuelle pour l'ensemble des délits punis d'une simple amende ou d'une peine de prison de moins d'un an.

La commission a adopté cet article en restreignant le champ du recours de l'AFD.

1. Une extension trop importante d'un mécanisme intéressant en matière de réponse pénale

1.1. Un recours croissant à cette procédure aux cours des dernières années

Depuis 2016 la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle a été intégrée au code de procédure afin d'améliorer la réponse pénale pour certaines infractions. D'abord prévue pour certaines infractions routières 33 ( * ) , cette procédure a été étendue à l'occupation illicite de terrains 34 ( * ) , puis 35 ( * ) à certaines infractions de petite délinquance dont l'usage de stupéfiants.

Ces amendes susceptibles d'être mises en oeuvre directement par les policiers et gendarmes qui constatent l'infraction peuvent être payées immédiatement si l'auteur reconnaît les faits ou faire l'objet d'un titre exécutoire et de recours. Elles excluent tout recours au juge et leur paiement éteint l'action publique.

En pratique, la nécessité de fournir aux policiers et gendarmes les modèles de procès-verbaux électroniques permettant d'établir l'amende continuent de limiter la mise en oeuvre sur le terrain de ces types de sanctions. Seules certaines des amendes forfaitaires votées par le législateur sont actuellement mises en application, sans que leur nombre exact ait été communiqué aux rapporteurs.

Pour certaines infractions, notamment la consommation de stupéfiants et l'occupation en réunion de halls d'immeubles, il semble néanmoins que le taux de réponse pénale ait été grandement amélioré du fait de la mise en oeuvre des amendes forfaitaires délictuelles. Cette amélioration a conduit le président de la République à annoncer leur généralisation lors de son déplacement à l'hôtel de police de Nice le 22 janvier 2022.

C'est cette généralisation à tous les délits punis d'une simple peine d'amende ou de moins d'un an de prison que propose l'article 14 en réécrivant l'article 495-17 du code de procédure pénale.

Certaines exceptions sont cependant prévues. A la suite des remarques du Conseil d'État, l'application de l'amende forfaitaire délictuelle a été exclue pour tous les mineurs alors qu'elle avait été annoncée par le président de la République pour les mineurs de plus de 16 ans. Les délits de presse et délits politiques ainsi que les délits prévus par des lois spéciales sont également exclus du champ de cette procédure. Enfin, elle n'est pas applicable lorsque plusieurs infractions sont simultanément constatées et que l'une ne peut faire l'objet d'une amende.

L'application de l'amende forfaitaire est exclue en cas de récidive sauf disposition législative contraire.

La rédaction proposée pour l'article 495-17 prévoit par ailleurs un barème d'amende en lien avec le quantum prévu pour l'infraction.

Il préserve par ailleurs la possibilité pour une victime de se porter partie civile et d'obtenir réparation.

1.2. Une extension trop importante

L'effet premier de cet article serait le passage d'une dizaine d'infractions susceptible de faire l'objet d'une amende forfaitaire délictuelle à plus de 3 400.

Une telle extension se heurte à une difficulté matérielle et à plusieurs questions de fond. La difficulté matérielle, déjà soulignée pour les infractions existantes, est celle du déploiement effectif des procès-verbaux électroniques permettant leur mise en place.

De plus, dans le cadre d'une telle généralisation, il n'est pas certain que toutes les infractions visées puissent être constatées sans possibilité sérieuse de contestation, ce qui constitue le fondement de l'efficacité des AFD.

Surtout, une telle mesure ne permet pas au législateur d'avoir une vision réelle des infractions visées et du caractère adéquat du recours à une amende en matière de réponse pénale.

A aussi été soulignée lors des auditions la crainte que le déploiement général des AFD n'opère un transfert de fait de la maîtrise de la politique pénale des procureurs vers les policiers pour les infractions visées. De fait, il sera sans doute difficile pour un procureur d'écarter dans ses instructions le recours à cette procédure si elle est techniquement possible.

En l'absence d'évaluation de l'impact des amendes forfaitaires déjà mises en oeuvre, le Conseil d'État a souhaité que l'extension proposée ne soit pas retenue.

2. Le choix d'un déploiement progressif des amendes forfaitaires

Au regard de l'intérêt que peuvent présenter les amendes forfaitaires pour lutter contre certaines infractions du quotidien, la commission, à l'initiative des rapporteurs, a souhaité poursuivre sur la voie de leur déploiement progressif, infraction par infraction. Outre la plus grande transparence de cette méthode qui permet un débat pour chaque délit, elle permet une adaptation spécifique du montant de l'amende mais aussi la prise en compte de l'impact de la récidive pour déterminer si l'amende pourra ou non être prononcée plusieurs fois.

Sur la base du travail conduit par le Gouvernement pour identifier les délits susceptibles de faire l'objet d'une amende forfaitaire, il est proposé de la prévoir pour les infractions suivantes :

- les dégradations ou détériorations légères (tags) prévues et réprimées par les articles 322-1, 322-4 et 322-15 du code pénal ;

- la filouterie de carburant prévue et réprimée à l'article 313-5 du code pénal ;

- le transport routier en violation des règles au chronotachygraphe prévu à l'article L. 3315-4 du code des transports ;

- le délit d'entrave à la circulation prévu et réprimé à l'article L. 412-1 du code de la route ;

- les atteintes à la circulation des trains (modifications, dégradation des installations ferroviaires, dépôt d'objet sur les lignes de transport ; obstacle au fonctionnement des signaux, trouble ou entrave à la circulation des trains, pénétration, circulation dans les parties de la voie ferrée ou de ses dépendances qui ne sont pas affectées à la circulation publique ; usage du signal d'alarme ou d'arrêt mis à la disposition des voyageurs de manière illégitime et dans l'intention de troubler ou entraver la mise en marche ou la circulation des trains, pénétration sans autorisation dans les espaces affectés à la conduite des trains) ;

- l'intrusion non autorisée dans un établissement scolaire prévue et réprimée par l'article 431-22 du code pénal ;

- la détention sans permis de chien d'attaque, ou de garde ou de défense malgré mise en demeure ou incapacité prévue et réprimée par l'article L. 215-2-1 du code rural ;

- l'acquisition ou cession de chien d'attaque prévue et réprimée par l'article L. 215-2 du code rural ;

- la détention de chien d'attaque non stérilisé prévue et réprimée par l'article L. 215-2 du code rural.

La commission a en ce sens adopté l' amendement COM-93 présenté par les rapporteurs.

La commission a adopté l'article 14 ainsi modifié .

Article 14 bis (nouveau)
Suppression de la nécessité de réitération ou de formalisation de menaces pour encourir une sanction pénale

L'article 14 bis , issu d'un amendement déposé par Pierre-Antoine Levi, tend à suppression de la nécessité de réitération ou de formalisation de menaces pour encourir une sanction pénale.

L'article 222-17 du code pénal sanctionne la menace de commettre un crime ou délit lorsqu'elle est soit réitérée, soit matérialisée « par un écrit, une image ou tout autre objet ».

La nécessité d'une réitération ou formalisation permet de caractériser l'intention de l'auteur au-delà de propos qui peuvent être isolés ou le fait d'un emportement passager.

Néanmoins, la nécessité de réitération des menaces orales empêche parfois les poursuites alors même que la menace, constatée, est réelle.

Il peut sembler préférable dès lors de laisser le magistrat apprécier la portée de la menace et d'engager ou non des poursuites. Le présent article supprime donc la nécessité d'une réitération ou d'une formalisation d'une menace pour que les poursuites puissent être engagées.

La commission a adopté l'article article 14 bis ainsi rédigé .

CHAPITRE IV : FAIRE FACE AUX CRISES HYBRIDES ET INTERMINISTÉRIELLES

Article 15
Renforcement des prérogatives des préfets de département
à l'égard des établissements publics de l'État et services déconcentrés
en cas d'évènements d'une particulière gravité

L'article 15 vise à permettre un renforcement des prérogatives des préfets de département en cas d'évènements d'une particulière gravité en leur donnant autorité sur les services et établissements publics de l'État ayant un champ territorial, qui sont alors placés pour emploi sous son autorité.

L'article 15 prévoyait initialement d'exclure de ces pouvoirs renforcés les agences régionales de santé lorsque la situation justifie la mise en oeuvre de mesures de lutte contre les menaces sanitaires graves par le ministère de la santé. La commission a supprimé cette exception, considérant qu'en temps de crise, une unité de commandement était nécessaire afin de redonner une clarté tant en interne à l'État qu'en externe, à l'égard des autres acteurs de gestion de la crise comme les élus locaux.

1. Les préfets de départements :

1.1. Un rôle prépondérant des préfets affirmé par les textes

Le préfet dispose d'un rôle prépondérant dans la gestion des crises, dès lors que celles-ci atteignent une certaine ampleur.

Ainsi, si le préfet « prend les décisions dans les matières relevant des attributions des services déconcentrés des administrations civiles de l'État dans la région ou dans le département » 36 ( * ) , un certain nombre de dispositions lui accordent des prérogatives accrues en cas de crise, où il peut être amené à suppléer d'autres autorités. Le préfet peut notamment prendre :

- toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales (articles L. 2215-1 et suivants du code général des collectivités territoriales) ;

- la direction des opérations de secours, ce qui recouvre un ensemble d'actions « caractérisées par l'urgence qui visent à soustraire les personnes, les animaux, les biens et l'environnement aux effets dommageables d'accidents, de sinistres, de catastrophes, de détresses ou de menaces » (article L. 742-1 du code de la sécurité intérieure) ;

- les décisions relevant de l'agence régionale de santé (ARS) lorsqu'un événement porteur d'un risque sanitaire peut constituer un trouble à l'ordre public, les services de l'agence régionale de santé étant alors placés pour emploi sous son autorité (articles L. 1435-1 et L. 1435-2 du code de la santé publique).

1.2. La nécessité, révélée par la crise sanitaire, d'une meilleure coordination des services de l'État

La crise sanitaire liée à la covid-19 a soulevé un certain nombre d'interrogations quant à l'articulation entre les différents services de l'État agissant au niveau territorial. Comme l'a souligné la commission d'enquête du Sénat pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, « malgré la clarté des outils juridiques l'encadrant, la relation entre préfets et services des agences régionales de santé a manqué de fluidité » 37 ( * ) .

Le code de la santé publique circonscrit ainsi le rôle des ARS en matière de gestion des crises sanitaires en le cantonnant à celui d'une simple « contribution » s'effectuant « dans le respect des attributions » du préfet, dont le rôle prééminent est établi 38 ( * ) . Ce dernier dispose ainsi de la possibilité de placer les services des ARS sous son autorité 39 ( * ) .

Lors de la crise sanitaire liée à la covid-19, et plus singulièrement lors de sa première phase, la relation entre préfets et ARS a montré quelques signes de faiblesse, l'action des services déconcentrés n'ayant pas toujours paru suffisamment ordonnée. De fait, le cadre juridique très clair encadrant les relations entre préfets et ARS en cas de crise n'a pas été mis en oeuvre, chacune de ces deux institutions conservant la maîtrise de ses prérogatives habituelles.

1.3. L'article L. 115-1 du code de la sécurité intérieure : un premier accroissement des prérogatives du préfet

Face au bilan de la crise sanitaire liée à la covid-19 et aux craintes de crises futures, la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels a introduit , par son article 12, un nouvel article L. 115-1 dans le code de la sécurité intérieure afin de à clarifier la gestion territoriale des crises en donnant de nouvelles prérogatives au représentant de l'État territorialement compétent.

Cet article créé ainsi un nouveau cadre spécifique dans lequel, « en cas de situation de crise susceptible de dépasser la réponse courante des acteurs assurant ou concourant à la protection générale des populations ou à la satisfaction de ses besoins prioritaires » 40 ( * ) , le représentant de l'État dans le département assure la direction des opérations. Pour ce faire, ce dernier met en place une organisation de gestion de crise et dispose des moyens du plan Orsec départemental. Il peut ainsi recenser et mobiliser les acteurs publics et privés et leurs capacités, réquisitionner au besoin les personnes physiques et morales et leurs capacités, et fixer et coordonner les objectifs à atteindre.

Le plan Orsec départemental

Défini par l'article L. 741-2 du code de la sécurité intérieure, le plan Orsec départemental « détermine, compte tenu des risques existant dans le département, l'organisation générale des secours et recense l'ensemble des moyens publics et privés susceptibles d'être mis en oeuvre. Il définit les conditions de leur emploi par l'autorité compétente pour diriger les secours . » Il comprend « des dispositions générales applicables en toute circonstance et des dispositions propres à certains risques particuliers. Dans ce dernier cas, il précise le commandement des opérations de secours. »

2. L'article 15 du projet de loi : accroître les prérogatives des préfets de départements en cas d'évènement d'une particulière gravité

L'article 15 du projet de loi s'inscrit dans la continuité de l'article L. 115-1 du code de la sécurité intérieure, intégré dans le corpus législatif l'année dernière. Il vise à compléter cet article en le réécrivant et en le déplaçant dans la partie du code de la sécurité intérieure relative à la direction des opérations de secours. L'objectif est de permettre au préfet de faire face aux crises hybrides qui renforcent le besoin de coordination et nécessitent une réponse unifiée en lui donnant des prérogatives accrues en matière d'organisation administrative en cas d'évènements de nature à entrainer un danger grave et imminent pour la sécurité, l'ordre ou la santé publics, la préservation de l'environnement, l'approvisionnement des biens de première nécessité ou la satisfaction des besoins prioritaires de la population. Le préfet disposerait alors d'un rôle de directeur des opérations de secours en tant qu'autorité fonctionnelle sur les administrations civiles de l'État et ses établissements publics.

Comme le rappelait toutefois le Conseil d'État dans son avis sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour le ministère de l'intérieur déposé par le Gouvernement sur le bureau de l'Assemblée nationale le 16 mars 2022, « le projet de loi ne vise pas à définir un cadre général et exhaustif de la gestion territoriale des crises [qui] demeure régi par un ensemble de dispositions éparses, certaines applicables à la généralité des crises [...], d'autres applicables à des crises spécifiques », mais « a un objet limité et circonscrit : clarifier et renforcer, dans certaines crises, les prérogatives du préfet à l'égard d'une part, des établissements publics de l'État, et d'autre part des services déconcentrés de l'État ne relevant pas de son autorité , notamment s'agissant de ces derniers, de ceux en charge des missions énoncées au I de l'article 33 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements (services en charge du contenu et de l'organisation de l'action éducatrice, de la législation du travail, du paiement des dépenses publiques, de la détermination de l'assiette et du recouvrement des impôts et des recettes publiques, ainsi que des évaluations domaniales et de la fixation des conditions financières des opérations de gestion et d'aliénation des biens de l'État, de la tenue des comptes publics et des modalités d'établissement des statistiques...). »

Le dispositif proposé repose sur l'appréciation de la situation par le préfet de département et le préfet de zone de défense et de sécurité : il revient au premier, lorsqu'il estime que l'exercice de prérogatives à l'égard des établissements publics et services de l'État lui est nécessaire pour assurer l'organisation des opérations matérielles permettant le rétablissement de l'ordre public, de solliciter à cet effet le préfet de zone qui, s'il a la même appréciation de la situation, l'y autorise.

Le préfet de département pourrait alors diriger l'action de l'ensemble des services et établissements publics de l'État « ayant un champ territorial », qui seraient alors placés pour emploi sous son autorité. Le préfet prendrait « les décisions visant à prévenir et limiter les conséquences de ces évènements, après avis de l'autorité compétente de l'établissement public », afin, d'une part, de rétablir l'ordre public et, d'autre part, de mettre en oeuvre les opérations de secours telles que définies par l'article L. 742-1 du code de la sécurité intérieure.

La définition des opérations de secours

L'article L. 742-1 du code de la sécurité intérieure définit les opérations de secours comme : « un ensemble d'actions caractérisées par l'urgence qui visent à soustraire les personnes, les animaux, les biens et l'environnement aux effets dommageables d'accidents, de sinistres, de catastrophes, de détresses ou de menaces ». Elles comprennent également les opérations réalisées dans le cadre des missions attribuées aux services d'incendie et de secours, qui sont chargés de la prévention, de la protection et de la lutte contre les incendies et concourent à la protection et à la lutte contre les autres accidents, sinistres et catastrophes, à l'évaluation et à la prévention des risques technologiques ou naturels ainsi qu'aux secours d'urgence.

L'article 15 du projet de loi tend également à ajouter à la définition des opérations de secours les « décisions » caractérisées par l'urgence qui visent à soustraire les personnes, les animaux, les biens et l'environnement aux effets dommageables d'accidents, de sinistres, de catastrophes, de détresses ou de menaces.

La décision du préfet de zone d'accorder ces prérogatives au préfet de département serait prise pour une durée maximale d'un mois et pourrait être renouvelée , dans les mêmes formes, par période d'un mois au plus si les conditions qui l'ont motivé continuent d'être réunies. Parallèlement, il y serait mis fin sans délai dès que les circonstances qui l'ont justifié auraient cessé.

De manière surprenante, et alors que l'article 15 est présenté dans l'étude d'impact comme une réponse aux désorganisations observées pendant la crise sanitaire, le projet de loi précise que la mise à disposition pour emploi des services et établissements publics de l'État ne serait pas applicable aux ARS lorsque la situation dans le département justifie la mise en oeuvre des dispositions de l'article L. 3131-13 du code de la santé publique, c'est-à-dire la lutte contre les « menaces sanitaires graves » , « pour les mesures qu'elles prévoient et qui relèvent de la compétence de cet établissement ».

1.2. La position de la commission : une clarification bienvenue qu'il convient de renforcer

La clarification textuelle de la possibilité pour le préfet, représentant du Gouvernement au niveau local, de diriger l'action des services et établissements publics de l'État « ayant un champ territorial » en cas d'évènements d'une particulière gravité paraît à la commission être une mesure de bon sens.

Ainsi, si le préfet dispose déjà, dans le cadre des opérations de secours qu'il conduit, de la capacité de mobiliser tous les moyens nécessaires relevant de l'État, des collectivités territoriales et des établissements publics et de mobiliser ou réquisitionner les moyens privés nécessaires 41 ( * ) , il ne peut jusqu'à présent pas se subsister aux autorités compétentes de direction des services ou d'établissements publics n'étant pas soumis à son autorité hiérarchique . L'ouverture de cette nouvelle possibilité paraît pertinente pour améliorer la gestion des crises : en cas de crise, il est nécessaire d'assurer une unité de commandement, afin de redonner une clarté en interne à l'État mais également à l'égard des autres acteurs de gestion de la crise, comme les élus locaux.

La commission formule toutefois trois observations.

Elle regrette en premier lieu l'instabilité législative qui conduit à remplacer un dispositif entré en vigueur il y a moins d'un an par un autre qui est à la fois plus large et davantage cadré. Si les modifications apportées sont bienvenue, n'aurait-il pas pu y être réfléchi lors de sa première présentation au Parlement à l'occasion de la discussion de la loi n° 2021-1520 du 25 novembre 2021 visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels ?

Elle s'interroge en deuxième lieu sur la pertinence d'exclure les ARS du système proposé par le projet de loi lorsque le ministre de la santé a décidé de mesures visant à lutter contre les menaces sanitaires graves, et sur l'articulation de cette exception avec les articles L. 1435-1 et L. 1435-2 du code de la santé publique qui permettent déjà au préfet de placer pour emploi sous son autorité les services de l'ARS lorsqu'un évènement porteur d'un risque sanitaire peut constituer un trouble à l'ordre public. Par l'adoption de l' amendement COM-94 des rapporteurs , la commission a décidé de supprimer cette exception , considérant qu'en temps de crise, une unité de commandement était nécessaire afin de redonner une clarté tant en interne à l'État qu'en externe, à l'égard des autres acteurs de gestion de la crise comme les élus locaux. Cela va est cohérent avec la définition à l'article L. 1431-2 du code de la santé publique du rôle des agences régionales de santé en cas de crise sanitaire, qui contribuent à sa gestion dans le respect des prérogatives du préfet.

En dernier lieu, la commission souhaite rappeler qu'en cas d'évènement dépassant le cadre d'un seul département, il reviendra au préfet de zone de jouer son rôle de coordonnateur de l'action de chaque préfet.

Elle a également, par le même amendement COM-94 des rapporteurs , clarifié la rédaction du dispositif proposé et procédé à une coordination manquante .

La commission a adopté l'article 15 ainsi modifié .

TITRE V : DISPOSITIONS RELATIVES À L'OUTRE-MER

Article 16
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance
pour l'application et l'adaptation outre-mer des mesures du projet de loi

L'article 16 vise à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter et étendre dans les collectivités ultramarines (régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie) les dispositions du projet de loi.

La commission a inscrit directement dans le texte les dispositions nécessaire à l'application et l'adaptation du projet de loi dans les outre-mer. Elle a toutefois conservé l'habilitation pour permettre l'application et l'adaptation de l'article 5, une fois sa rédaction définie, dans ces mêmes territoires.

L'article 16 du projet de loi tend à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour adapter et étendre dans les collectivités ultramarines (régies par les articles 73 et 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie) les dispositions du projet de loi.

Le Gouvernement pourrait ainsi, dans les conditions définies à l'article 38 de la Constitution, prendre cette ordonnance dans un délai de 18 mois à compter de la promulgation de la loi. Le projet de loi de ratification devrait être déposé devant le Parlement dans un délai de 3 mois à compter de la publication de l'ordonnance.

La commission a souhaité, par l'adoption de l' amendement COM-95 rectifié des rapporteurs, inscrire directement dans l'article 16 les dispositions nécessaires à l'application et à l'adaptation du projet de loi .

La commission a adopté l'article 16 ainsi modifié .

EXAMEN EN COMMISSION

__________

MERCREDI 5 OCTOBRE 2022

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur. - La genèse du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi), que Loïc Hervé et moi-même vous présentons, a été longue : le Gouvernement avait déposé, le 16 mars dernier, un premier projet de loi, que nous appellerons Lopmi 1, comprenant 32 articles. Ce texte devait être examiné après les élections législatives de juin et éventuellement complété par des mesures plus substantielles ; des dispositions relatives à l'immigration avaient un moment été évoquées. C'est finalement un projet plus resserré qui a été déposé par le Gouvernement sur le Bureau du Sénat le 7 septembre dernier. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui comprend seize articles des 32 articles de la Lopmi 1 : deux d'entre eux sont programmatiques et quatorze normatifs, relatifs pour leur grande majorité à la procédure pénale.

Je me suis plus particulièrement intéressé aux articles 1 er et 2, relatifs à la programmation budgétaire du ministère de l'intérieur, et aux articles 3, 4 et 6.

En matière de programmation budgétaire, le projet de loi prévoit, dans son article 2, une progression, chaque année, du montant des crédits de paiement et des plafonds des taxes affectées au ministère de l'intérieur. Au total, sur cinq ans, on prévoirait 15 milliards d'euros supplémentaires par rapport aux crédits affectés au ministère de l'intérieur en 2022 ; l'augmentation est donc substantielle.

Ces crédits supplémentaires permettraient de financer les mesures de modernisation du ministère de l'intérieur présentées dans le rapport annexé au projet de loi, que l'article 1 er vise à approuver ; nous réserverons donc l'examen de cet article jusqu'à la fin de notre discussion, de manière à pouvoir tenir compte dans le rapport annexé des amendements qui auront été adoptés sur les autres articles du projet de loi.

Les mesures présentées dans le rapport annexé, destinées à être mises en oeuvre entre 2023 et 2027, visent à atteindre trois objectifs principaux : augmenter la présence des forces de sécurité intérieure sur la voie publique, faire face aux nouvelles frontières, notamment numériques, et mieux prévenir les menaces et crises futures.

Je vous proposerai d'adopter plusieurs amendements déposés sur le rapport annexé à l'article 1 er . Je pense notamment aux amendements de Philippe Paul et Gisèle Jourda, rapporteurs pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, qui visent à réaffirmer l'importance des réserves opérationnelles de la police et de la gendarmerie, à adapter la répartition territoriale entre ces deux forces et à associer les élus à cette répartition et à l'implantation des nouvelles brigades, car ils me paraissent aller dans le bon sens.

Je soutiendrai également l'amendement COM-1 de Nadine Bellurot et Jérôme Durain, que notre commission a chargés d'une mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire, amendement qui tend à préciser dans le rapport annexé que la réforme de la police nationale devra prendre en compte les spécificités de la police judiciaire. Dans le cadre de ses enquêtes, celle-ci doit rester sous l'autorité fonctionnelle du procureur. Elle doit aussi continuer à traiter seule des affaires sensibles. Enfin, au vu du développement exponentiel d'une délinquance organisée qui dépasse les frontières départementales, il pourrait être utile de prévoir des structures zonales permettant d'assurer les coordinations nécessaires. Il reviendra à notre mission d'information de s'assurer que ces spécificités sont maintenues et, le cas échéant, de proposer les garanties nécessaires.

Nos collègues socialistes entendent par ailleurs rappeler dans le rapport annexé l'importance de l'accessibilité des démarches dématérialisées pour les personnes en situation de handicap, ce qui me paraît aussi une bonne idée ; nous serons donc favorables à ces amendements.

Les articles 3 et 4 du projet de loi adaptent les prérogatives dont disposent les forces de sécurité intérieures dans la lutte contre les nouvelles menaces, en particulier les cybermenaces. Le ministère de l'intérieur entend tout d'abord investir dans des technologies nouvelles, former et recruter des agents pour disposer de compétences pointues, et mettre l'accent sur la prévention, en lien avec l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), afin qu'entreprises et institutions soient sensibilisées à ces risques.

Le projet de loi comporte par ailleurs deux mesures ponctuelles destinées à faciliter le travail des services enquêteurs. D'une part, la saisie de cryptoactifs dans le cadre d'une procédure pénale sera facilitée ; ces actifs immatériels peuvent être aisément transférés, ce qui appelle une action presque immédiate de la part des officiers de police judiciaire. D'autre part, en cas d'attaque au rançongiciel, la victime qui accepte de payer une rançon ne pourra être indemnisée par son assureur, si elle a souscrit cette garantie, qu'après avoir déposé plainte ; cette exigence nouvelle vise à aider les policiers et les gendarmes à avoir une connaissance plus précise de ces infractions et à favoriser ainsi le déroulement de leurs investigations et la poursuite des auteurs.

Je vous proposerai par ailleurs d'adopter un amendement portant article additionnel visant à étoffer les moyens mis à la disposition des enquêteurs qui mènent une enquête sous pseudonyme. Cet amendement, qui reprend un article de la Lopmi 1, tend à compléter la liste des actes que les enquêteurs seraient autorisés à accomplir, avec l'autorisation du procureur de la République ou du juge d'instruction. Cette disposition compléterait utilement la palette des outils à la disposition des enquêteurs et renforcerait l'efficacité de leurs investigations.

Jérôme Durain, Arnaud de Belenet et moi-même aurions souhaité pouvoir avancer sur les questions relatives aux images et à la reconnaissance faciale ; le ministre de l'intérieur nous a répondu que cela serait traité dans un autre texte, l'année prochaine ; nous serons vigilants sur ce point.

L'article 6 autorise, quant à lui, le recours à la visioconférence pour la prise de plainte et la déposition. Il s'inscrit dans le développement du recours à de tels dispositifs en matière de procédure pénale depuis le début des années 2000. Ces nouvelles modalités de dépôt de plainte peuvent faciliter les démarches des victimes, pour lesquelles elles seront une simple faculté et non une obligation. Je vous proposerai cependant de prévoir explicitement que l'on ne pourra y avoir recours qu'en matière d'atteintes aux biens : les plaintes et dépositions relatives aux atteintes aux personnes doivent faire l'objet d'un accueil adapté au sein des locaux de police et de gendarmerie.

Enfin, il me faut vous dire quelques mots de l'amendement COM-99 . Nos auditions ont montré l'urgence et l'importance d'améliorer la réponse pénale sur trois enjeux essentiels : les violences faites aux élus, qui ont augmenté de 47 % en un an, les refus d'obtempérer, qui ont également augmenté de 28 %, et les rodéos urbains. Je vous proposerai donc un renforcement des sanctions encourues pour ces comportements, qui me paraissent primordiales pour assurer la bonne exécution des missions de tous ceux qui se mettent au service de la société.

M. Loïc Hervé , rapporteur. - Je me suis pour ma part plus particulièrement intéressé à l'article 5, relatif au projet de Réseau radio du futur (RRF), ainsi qu'aux articles 7 à 16 de ce projet de loi.

Le projet RRF vise à doter nos forces de sécurité intérieure et nos services de secours d'un nouveau réseau de communications électroniques, plus moderne et plus résilient, qui permettrait d'éviter les difficultés rencontrées récemment, notamment en Corse et dans les Alpes-Maritimes. Le Gouvernement envisageait initialement de prendre par ordonnance les mesures nécessaires à la mise en oeuvre de ce projet, notamment pour préciser les conditions d'accès au réseau, ainsi que le rôle et les missions des opérateurs. Nous vous proposerons un amendement de suppression de cette habilitation, le Gouvernement nous ayant assuré que les avancées du projet permettent l'inscription dans la loi des dispositions nécessaires à sa mise en oeuvre. Il pourrait déposer un amendement à cet effet en séance publique.

L'article 7 porte sur un sujet tout à fait différent : il vise à renforcer la répression de l'outrage sexiste. La contravention d'outrage sexiste a été introduite dans le code pénal en 2018 afin de lutter contre le phénomène dit du « harcèlement de rue ». Le présent projet de loi réprime plus sévèrement cette infraction : l'outrage sexiste simple serait puni d'une contravention de la cinquième classe, au lieu de la quatrième, tandis que l'outrage sexiste aggravé deviendrait un délit puni d'une amende de 3 750 euros. Juridiquement, la rédaction qui nous est proposée est plus satisfaisante que celle de 2018, dans la mesure où la contravention figurerait dans la partie réglementaire du code et le délit dans sa partie législative, conformément au partage voulu par notre Constitution. Les peines envisagées se veulent plus dissuasives, tout en demeurant cohérentes avec l'échelle des peines prévues pour des infractions comparables.

Nous vous proposerons donc d'approuver cette mesure, sous réserve de l'adoption d'un amendement de coordination, tout en rappelant que la constatation de l'infraction sur le terrain demeure difficile. Seulement 2 000 verbalisations ont été enregistrées en 2021, ce qui paraît peu au regard des faits de harcèlement ou d'intimidation qui peuvent se produire dans l'espace public, notamment dans les transports en commun.

Plusieurs articles visent ensuite à améliorer l'efficacité des investigations ou à simplifier, à la marge, la procédure pénale afin de faciliter le travail des enquêteurs.

L'article 8 élargit ainsi les possibilités de recourir aux techniques spéciales d'enquête et à la garde à vue prolongée pour les affaires de viols sériels et d'homicides sériels, ainsi qu'à l'abus d'ignorance et à l'abus de faiblesse commis en bande organisée, ce qui permettrait notamment de mieux lutter contre les phénomènes sectaires. La notion de « techniques spéciales d'enquête » renvoie à des techniques de sonorisation, de fixation d'images, ou encore de captation de données informatiques potentiellement très attentatoires à la vie privée et donc réservées à des infractions graves.

Trois mesures traduisent ensuite une volonté d'alléger le travail des enquêteurs, qui se plaignent régulièrement de la complexité de la procédure pénale, en diminuant le nombre de réquisitions et en allégeant le formalisme imposé aux policiers et aux gendarmes pour la consultation de certains fichiers.

Dans le prolongement de ces mesures de simplification, deux articles visent à renforcer la filière en charge de l'investigation, objectif que nous ne pouvons que partager au vu de la désaffection dont souffre la police judiciaire.

Ainsi, les policiers et gendarmes seraient autorisés à passer l'examen pour devenir officier de police judiciaire (OPJ) dès la fin de leur formation initiale, alors qu'ils doivent aujourd'hui attendre au moins trois ans après leur prise de fonction. La formation à l'examen d'OPJ a en conséquence été intégrée depuis septembre dernier au programme des écoles de police et de gendarmerie. Même si nous n'attendons pas d'effet massif de cette mesure sur les recrutements d'OPJ, elle pourrait être porteuse d'un enrichissement de la formation initiale ; nous vous proposerons donc de l'approuver.

Il est également proposé de créer une nouvelle catégorie de personnel, les assistants d'enquête, qui seraient chargés de veiller au respect de la procédure : recrutés parmi les fonctionnaires de catégorie B, ils deviendraient, en quelque sorte, les greffiers de la police et de la gendarmerie. Il est prévu de créer à terme 5 500 postes d'assistants d'enquête. Sans méconnaître l'intérêt de cette mesure, qui pourrait permettre aux enquêteurs de se concentrer sur le coeur de leurs missions, nous vous proposerons de procéder, dans trois ans, à une évaluation de la plus-value apportée par ce nouveau cadre d'emploi.

Nous vous proposerons également d'adopter deux amendements visant à inscrire dans le projet de loi des articles présents dans la Lopmi 1. Le premier vise, par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, à attribuer la qualité d'agent de police judiciaire (APJ) aux élèves officiers de la gendarmerie nationale pendant leur formation initiale, afin qu'ils puissent être en posture active durant leurs stages en unité territoriale. Le second vise à étendre les prérogatives des APJ, tout en maintenant le contrôle qu'exercent sur eux en permanence les officiers de police judiciaire.

Si les mesures que je vous ai présentées jusqu'à présent recueillent globalement notre assentiment, il en va différemment de l'article 14, qui généralise la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à tous les délits punis de moins d'un an d'emprisonnement, soit un total de 3 400 infractions !

Créée en 2016, la procédure de l'amende forfaitaire en matière délictuelle permet de sanctionner rapidement certaines infractions : la personne en faute doit s'acquitter sur le champ, ou dans un délai maximal de 45 jours, d'une amende forfaitaire dont le montant est fixé par la loi. Le paiement de l'amende forfaitaire éteint l'action publique, étant précisé que le ministère public conserve la possibilité de poursuivre l'infraction devant le tribunal correctionnel.

Actuellement, la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle concerne une dizaine d'infractions, par exemple l'usage de stupéfiants, la vente d'alcool à des mineurs, la vente à la sauvette, ou encore l'occupation des halls d'immeuble. Elle s'est révélée un outil efficace pour renforcer la répression de certaines infractions qui peuvent être aisément constatées par les policiers, notamment à la consommation de stupéfiants, mais il nous paraît peu raisonnable d'étendre cette procédure à un si grand nombre d'infractions : toutes ne se prêtent pas à une verbalisation immédiate et nous ne voulons pas donner l'impression d'un affaissement général de la réponse pénale en remplaçant une peine pouvant atteindre un an de prison par une simple amende.

C'est pourquoi nous vous proposerons tout à l'heure un amendement visant plutôt à étendre le champ de l'amende forfaitaire délictuelle à un petit nombre d'infractions pour lesquelles le recours à cette procédure nous paraît adapté.

Le Gouvernement s'estime tenu d'honorer la promesse de généralisation de cette procédure faite par le Président de la République - ou par le candidat à l'élection présidentielle - lors d'un déplacement à Nice le 10 janvier 2022. Mais notre analyse rejoint celle de notre collègue Alain Richard, qui a déposé un amendement aux mêmes fins. Cette position équilibrée nous paraît pouvoir emporter la conviction de notre commission.

Enfin, l'article 15 accroît les prérogatives des préfets de département en cas de crise d'une particulière gravité, de manière à ce qu'ils puissent exercer pleinement dans ces circonstances leur autorité sur tous les services déconcentrés et sur tous les établissements publics de l'État. Le projet de loi fait cependant un sort particulier aux agences régionales de santé (ARS), qui resteraient à l'écart de cette unité de commandement en cas de crise sanitaire grave. À la lumière des situations que nous avons tous vécues pendant la crise de la covid-19, cette exception ne nous paraît pas justifiée ; nous vous proposerons donc de la supprimer. À nos yeux, l'État doit parler d'une seule voix et avoir les moyens de mener une action cohérente dans les territoires, y compris avec les ARS.

M. Jérôme Durain . - Ce projet de loi est en quelque sorte une « version 2.0 » du texte qui avait été présenté en mars dernier, une version allégée, puisqu'il a maigri de moitié, mais aussi une version plus sage, car elle a été expurgée des dispositions relatives à l'immigration ; celle-ci fait certes partie des attributions du ministère de l'intérieur, mais il faut remercier Mme la Première ministre de n'avoir pas confondu corrélation et causation entre thèmes de l'immigration et de la sécurité.

Le périmètre retenu pour cette Lopmi n'est pas exempt de reproches. Certains de nos collègues estiment qu'il aurait fallu accorder une place plus importante à la situation des préfectures dans le texte et le rapport annexé.

Cela dit, ce n'est pas le texte le plus déséquilibré que nous ayons eu à examiner en matière de sécurité. Nous nous félicitons des moyens accordés au ministère de l'intérieur alors que les forces de l'ordre sont soumises à une pression quotidienne intense dans une société souvent décrite comme confrontée à davantage de violences. Nous tenons à cette occasion à exprimer notre soutien sans réserve à nos forces de l'ordre.

Nous ne sommes pourtant pas convaincus par tous les aspects du texte. Nous avons ainsi de fortes réserves sur l'amende forfaitaire délictuelle. Le travail accompli par les rapporteurs sur ce point va dans le sens de nos préoccupations. Nous sommes aussi réservés sur les assistants de police judiciaire, dont l'extension du champ de compétence pose problème. Enfin, le volet consacré aux violences intrafamiliales, sexuelles et sexistes est décevant. Nous défendrons nos positions à travers plusieurs amendements, ici et en séance.

Je remercie les rapporteurs pour leur travail très équilibré sur ce texte, même si ne partageons pas toutes leurs conclusions.

Il faudra faire oeuvre de pédagogie sur les rançongiciels ; trop de confusion demeure autour de la compétitivité des assurances et de la souveraineté.

En matière de police judiciaire, il est heureux que l'on puisse distinguer de ce texte la réforme programmée et la mission que Nadine Bellurot et moi-même menons à son sujet.

Quant à l'amendement COM-99 du rapporteur Marc-Philippe Daubresse, il comporte trois points de nature différente : nous sommes très favorables au premier, qui concerne les élus locaux, mais il faudrait en dissocier les deux autres.

Notre réflexion nous conduira à nous abstenir ici et à réserver notre vote en séance, mais avec une grande bienveillance pour le travail de nos rapporteurs.

Mme Esther Benbassa . - Je remercie nos rapporteurs pour leur travail minutieux.

Le dépôt de plainte en ligne doit alléger le travail des commissariats et encourager les victimes, mais comment garantir la protection des données et la confidentialité des plaintes, à l'heure où la sécurité sur internet est remise en question ?

Au regard des dernières affaires de tirs à la suite de refus d'obtempérer, la nouvelle formation des policiers comprend-elle des changements de doctrine en matière d'utilisation des armes ?

Enfin, les attaques de drones pendant des événements sportifs se multiplient ; comment comptez-vous contrer cette menace lors des jeux Olympiques ? Quels sont les outils disponibles ?

Mme Éliane Assassi . - Je remercie nos rapporteurs pour leur travail rigoureux sur un texte difficile à appréhender. La Lopmi nous revient dans une version allégée. Rappelons que cette cure d'amaigrissement est la conséquence d'avis sévères du Conseil d'État ; dans celui du 5 septembre dernier, il souligne que le rapport annexé et l'étude d'impact auraient gagné à être modifiés en réponse à ses remarques du mois de mars.

On peut se féliciter du retrait de plusieurs mesures, notamment de celle sur la départementalisation des forces de police et, bien évidemment, de celle sur l'immigration, qui reviendra dans un autre texte début 2023.

Toutefois, on ne peut pas ignorer que ce projet de loi suscite un certain nombre d'interrogations, voire de réserves, en particulier chez les professionnels de la police et de la justice - je ne parle pas seulement des syndicats représentatifs de ces professions. De fait, il existe des failles, voire des contradictions entre le rapport annexé et le texte.

En l'état, nous ne pourrons pas voter en faveur du projet de loi, qui s'inscrit dans la logique de la loi Sécurité globale. En effet, notre boussole a toujours été de ne pas stigmatiser les forces de police, qui sont confrontées chaque jour à des conditions de travail difficiles, mais aussi de créer les conditions pour renforcer le lien de confiance entre la police, nos concitoyens et nos concitoyennes. Nous avons d'ailleurs déposé une proposition de loi en ce sens voilà quelque temps.

Mme Maryse Carrère . - Le groupe du RDSE salue les annonces et les ambitions présentées dans le rapport.

Outre l'adaptation au monde numérique, ce rapport tient compte de la problématique de l'ancrage local des forces de sécurité. Celui-ci nécessite évidemment des moyens, tant en personnel qu'en matériel, d'autant que, comme le ministre nous l'a expliqué hier, les délits et les crimes ont tendance à se déplacer vers les villes moyennes. Je pense aussi au milieu rural, qui ne doit pas être oublié.

Des mesures du projet de loi nous semblent aller dans le bon sens. Nous regrettons tout de même que l'on cherche aussi, par le biais de celui-ci, à simplifier des procédures afin de pallier les difficultés en matière d'effectifs - je pense à la restructuration des services de police judiciaire, à la suppression des trois ans d'ancienneté, qui ne nous paraît pas adaptée à l'exigence de la fonction, et au rendu des rapports qui conditionnent la réponse pénale.

Nous souhaitons également rappeler l'importance de la formation des personnels qui concourent à la sécurité intérieure de notre pays. C'est un sujet bien connu de notre commission des lois, qui a créé une mission d'information sur les moyens d'action et les méthodes d'intervention de la police et de la gendarmerie, dont Catherine di Folco et moi-même sommes les rapporteurs. Aujourd'hui, on constate un réel problème en matière de formation continue dans la police - la situation n'est pas tout à fait la même dans la gendarmerie. Ce point est un peu oublié dans le rapport.

Nous nous inquiétons de la disposition de l'article 9, qui assouplit les conditions requises pour exercer les attributions attachées à la qualité d'officier de police judiciaire, probablement pour pallier plus rapidement le manque d'OPJ, notamment dans la police. Nous déposerons un amendement sur le sujet.

Nous nous interrogeons sur la simplification de la procédure pénale. Les rapporteurs nous ont rassurés sur le sujet, et nous attendons avec impatience les amendements qu'ils nous proposeront. Quoi qu'il en soit, nous croyons que la simplification ne doit pas s'accompagner d'une dégradation des principes fondamentaux de l'État de droit. L'encadrement procédural est ce qui rend légitime l'action de l'État en matière de répression, et il ne saurait être question de renoncer à des éléments de procédure seulement parce que les policiers et les gendarmes ne sont plus en capacité de les respecter. On ne saurait répondre à un manque de moyens et de formation par la simplification de notre droit. Il vaut mieux former nos agents et en recruter davantage, afin qu'ils puissent mieux répondre aux impératifs formels que la procédure exige. De ce point de vue, la création d'une fonction d'assistant d'enquête, si elle se fait avec des moyens suffisants, peut sembler judicieuse.

En revanche, la généralisation de l'amende forfaitaire délictuelle, dans la mesure où elle participe à marquer un net recul de l'action des juges, comme du principe fondamental de l'individualisation des peines, nous paraît une fausse bonne idée.

Nous attendons les amendements de notre commission pour fixer notre ligne de conduite lors du vote du projet de loi.

M. Henri Leroy . - Je m'associe aux propos des rapporteurs sur l'entente qui a prévalu durant tous les travaux préparatoires à cette Lopmi.

Un Livre blanc, que le ministre actuel ne revendique pas, a été rédigé notamment à la suite de la commission d'enquête du Sénat sur les forces de sécurité qui a été effectuée durant six mois sur le terrain, et il y a eu le Beauvau de la sécurité. Cette concertation a réuni tous les représentants des forces de sécurité intérieure, du commandement, de l'exécution, des officiers de police, des experts. Elle a été extrêmement constructive. La présente Lopmi reprend les suggestions qui ont été formulées.

Toutefois, on ne fait que traiter un retard : doter les forces de sécurité de ce qui leur manque depuis de nombreuses années, en matière de personnels, de matériels, de logistique, de moyens. Cependant, on ne traite pas le fond du problème. La sécurité sera-t-elle améliorée par la Lopmi ? Le coeur du sujet de la réforme sécuritaire est la répartition territoriale des forces de sécurité. Est-elle adaptée à l'évolution de la criminalité ? Sur ce plan, on fonctionne avec un système qui, grosso modo , date de l'après-Seconde Guerre mondiale.

Lors du déplacement qu'il a effectué à Toulouse avec le Premier ministre, le ministre de l'intérieur a eu à faire face à une levée de boucliers des élus locaux - notamment de la part des maires de la métropole qui étaient présents -, que ce gouvernement ignore souvent. Or les maires constituent le coeur de la démocratie locale ! Face à cette levée de boucliers, le ministre actuel a fait preuve de courage et lancé la réforme départementale. Celle-ci est indispensable au fonctionnement efficace de la police, mais, tant que l'on ne se sera pas attelé à la répartition territoriale des forces de sécurité, qui est le coeur du sujet, on ne luttera pas efficacement contre l'insécurité galopante sur notre territoire. On n'aura fait que panser ; on n'aura pas donné un traitement de fond.

M. Jean-Yves Leconte . - Je remercie nos deux rapporteurs.

Les mots ont un sens : l'intitulé du projet de loi laissait espérer un texte balayant l'ensemble des compétences du ministère de l'intérieur, en particulier les moyens d'action des préfectures. On constate qu'il s'agit davantage d'un projet de loi d'orientation et de programmation des forces de sécurité. Je le déplore, dans la mesure où nous avons vu, lors de nos travaux sur les questions migratoires, au début de l'année, combien les préfectures étaient défaillantes dans l'accueil des étrangers. Nous avons aussi vu, cette année, combien les moyens des mairies et des préfectures pour traiter les demandes de cartes nationales d'identité et de passeport étaient insuffisants.

La présence de l'État sur les territoires, matérialisée via l'existence de services publics répondant aux besoins quotidiens des citoyens, est essentielle. C'est un facteur de cohésion et de sécurité. Or la situation en la matière se dégrade, et rien, dans le présent projet de loi, ne répond à cette préoccupation majeure de l'ensemble des Français.

Il est dommage de réduire l'action du ministère de l'intérieur aux forces de sécurité, même si celles-ci sont essentielles. Force est de constater que rien n'est prévu pour répondre à l'évolution en matière de dématérialisation et aux préoccupations qui démotivent les personnels des préfectures, lesquelles connaissent des turn-over de plus en plus importants. C'est tout ce qui fait le quotidien de la relation entre les services publics et les Français qui est remis en cause, accroissant la violence et l'insécurité.

Par ailleurs, il faut aller au bout de la dématérialisation : si des plaintes peuvent être déposées en ligne, nous devons, à chaque étape, donner aux citoyens la possibilité d'être accompagnés par un avocat, qui doit pouvoir accéder au dossier sans avoir besoin de passer par FranceConnect. Il faut, sur ce plan, faire évoluer les choses.

Ce texte va une nouvelle fois faire évoluer le code de procédure pénale sur un nombre non négligeable de sujets. Or, comme nous l'avons évoqué lors des réflexions qui ont fait suite aux États généraux de la justice, nous savons combien il faut toucher ce code d'une main tremblante si l'on veut éviter l'inflation législative.

M. Guy Benarroche . - La vision de la tranquillité publique, de la protection et de la sécurité des citoyens et des fonctionnaires de police du pays et des relations entre ces derniers qui est développée dans ce projet de loi ne nous convient pas du tout. Nous apprécions le travail réalisé par les rapporteurs, qui a permis d'améliorer a minima un certain nombre de points, mais cela ne nous suffit pas. Nous déposerons quelques dizaines d'amendements en séance afin de développer notre vision de ce que doivent être, pour nous, la protection, la sécurité, la tranquillité publique.

On ne trouve rien dans le texte sur la formation, sur les officiers de protection instructeurs (OPI), les assistants, la police judiciaire, la souffrance au travail des fonctionnaires de police, si ce n'est des mesures de simplification qui aboutiront inéluctablement, malgré toutes les précautions de langage que peut prendre le texte, à une dégradation absolue de la protection et de la sécurité.

En l'état actuel, nous voterons contre ce projet de loi.

Mme Catherine Belrhiti . - Je veux d'abord saluer l'excellent travail d'analyse effectué par nos deux rapporteurs.

La Lopmi vise à poursuivre de manière louable les réformes entreprises en matière de procédure pénale. L'augmentation des moyens au bénéfice de nouveaux domaines d'intervention des forces de l'ordre est appréciable.

Le doute est néanmoins permis concernant l'efficacité de certaines dispositions. À cet égard, la formation de tous les nouveaux policiers et gendarmes aux fonctions d'officier de police judiciaire est emblématique. Il s'agit d'une tentative méritoire d'accroître la maîtrise de la procédure pénale au sein des forces de l'ordre, mais cette matière demeure indigeste et associée à des résultats décevants compte tenu de la charge de travail et des responsabilités des agents. Ce défaut de notre procédure pénale est bien connu des délinquants eux-mêmes, qui en tirent parfois profit.

Enfin, force est de rappeler que la mise en place de 200 nouvelles brigades de gendarmerie en zones rurales et périurbaines peine à compenser la suppression de 500 d'entre elles ces quinze dernières années. Les besoins sur le terrain demeurent importants et justifieraient de renforcer le nombre de brigades itinérantes destinées à intervenir dans des circonstances locales ou ponctuelles.

M. François Bonhomme . - Ce projet de loi est aussi intéressant par ce qu'il dit que par ce qu'il ne dit pas. En particulier, l'augmentation des moyens affichée dans l'exposé des motifs ne sera opérante que dans l'hypothèse d'un continuum entre justice et forces de sécurité, laquelle reste à démontrer.

Je veux réagir aux propos d'Eliane Assassi : sur les principes, nous partageons globalement tous ici l'objectif de renforcer le lien de confiance avec la population et de ne pas stigmatiser les forces de police, mais cela ne se joue pas qu'au travers d'une loi. À la faveur de campagnes d'affichage, certains groupes sociaux attaquent la police de manière systématique, essayant de lui attribuer des faits de violence.

Je pense aux deux dernières campagnes d'affichage de la CGT.

Je rappelle que la première d'entre elles montrait un insigne de CRS baignant dans une flaque de sang et était titrée : « La police doit protéger les citoyens et non les frapper. » La seconde était tout aussi significative : on y voyait une matraque ruisselante de sang à côté d'un ourson - excusez du peu... -, avec pour titre : « Touchez pas à nos enfants ! » Quel effet peuvent avoir de telles approches sur le lien de confiance ?

M. François-Noël Buffet , président . - Nous interrogerons M. Martinez...

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Ce projet de loi comporte des dispositions sur les violences sexistes, mais elles sont modestes.

Sur ce sujet, beaucoup de choses ont été faites depuis quelques années, notamment au Sénat : ordonnance de protection, bracelets anti-rapprochement, téléphone grave danger, modifications dans la caractérisation des infractions, progrès dans la formation des policiers et des magistrats... Cependant, nous constatons que le nombre de féminicides ne baisse pas : on en dénombre toujours plus d'une centaine par an - 79 cette année, mais 122 en 2021, ce qui est terrible. Au reste, les victimes sont des hommes dans 20 % des cas - et je ne parle pas des enfants.

Depuis fort longtemps a été identifiée la nécessité de mettre en place des pôles de juridiction concentrés sur ces sujets, permettant d'articuler le civil et le pénal. Aujourd'hui, plusieurs juges sont concernés : juge des enfants, juge aux affaires familiales, juge de l'application des peines, juge correctionnel. On parle de juridictions spécialisées depuis le Grenelle des violences conjugales de 2019. Le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) recommande leur création, notre collègue Max Brisson s'est exprimé en ce sens en 2020 et tous les candidats à la présidentielle l'ont dit. La Première ministre en a parlé à l'occasion de l'anniversaire du Grenelle : elle a souhaité qu'une mission soit engagée - celle-ci a été confiée à deux parlementaires, dont notre collègue Dominique Vérien.

Nous nous inspirons du Québec et de l'Espagne. L'Espagne est l'exemple emblématique. Des dispositifs comparables existent depuis plusieurs années et ont fait progresser la situation de manière considérable.

Pourquoi créer une juridiction spécialisée dans ce texte ? Parce qu'il traite des violences sexistes et sexuelles. D'aucuns pourraient dire que ce n'est ni le moment ni la méthode, mais il faut bien avancer. Il vous est proposé ici une création à titre expérimental. De fait, nous avons dû louvoyer pour ne pas nous heurter à l'irrecevabilité de l'article 45 de la Constitution... Si toutefois vous considériez que cette création n'était pas possible, nous avons également proposé une demande de rapport, mais je connais trop bien la position que la commission réserve aux demandes de ce genre. Nous pouvons aussi tout simplement insérer un paragraphe dans le rapport annexé pour évoquer la nécessité de cette juridiction spécialisée ; il me semble qu'à tout le moins nous pouvons nous rejoindre sur ce point. Il ne faut plus attendre. Il faut avancer. C'est la raison pour laquelle nous proposons ces amendements.

Mme Marie Mercier . - Je remercie les rapporteurs pour leur travail et la qualité des auditions qu'ils ont menées.

Pour rebondir sur les propos de Marie-Pierre de La Gontrie, la commission des lois formule des préconisations depuis bien longtemps, qui ont d'ailleurs été reprises par la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). Celle-ci appelle à un renforcement des moyens de lutte contre la cyberpédocriminalité. Il faut savoir que les pédocriminels utilisent les réseaux sociaux et les jeux en ligne. Or, en France, il n'existe que 30 enquêteurs spécialisés, contre 152 aux Pays-Bas et 321 en Grande-Bretagne. Je crois que tout est dit.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Beaucoup de questions s'adressent en réalité au ministre de l'intérieur... Je rappelle que nous ne sommes pas ses représentants ! Nous vous laisserons l'interroger en séance publique.

Je veux remercier Jérôme Durain pour ses propos marqués du sceau de l'équilibre. Il a bien voulu reconnaître le travail équilibré des rapporteurs. À mon tour de reconnaître le travail équilibré de son groupe. Je veux lui dire que nous sommes en phase sur bien des sujets, notamment sur la méthode.

Il faut attendre les conclusions de la mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire, dont les rapporteurs sont Nadine Bellurot et Jérôme Durain, et évidemment tenir compte des spécificités de la police judiciaire. Le projet de loi d'orientation évoque la départementalisation, qui relève du champ réglementaire, mais, si l'on veut écouter le Parlement, il faudra prêter attention aux préconisations de cette mission. Un amendement en ce sens a été déposé par nos collègues ; nous y serons évidemment favorables.

Monsieur Leconte, les articles 1 er et 2 spécifient bien les moyens du ministère de l'intérieur s'agissant des préfectures. La programmation budgétaire en tient compte également.

Il y a tout juste vingt ans, je présidais la séance de l'Assemblée nationale au cours de laquelle était débattue la Lopsi, consacrée aux moyens de la sécurité intérieure - M. Sarkozy était alors ministre de l'intérieur. Nous traitons désormais de la Lopmi. Les moyens évoqués dans l'article de programmation apportent des réponses significatives. Je rappelle que, sur les 15 milliards d'euros supplémentaires, 7 concernent l'effort considérable consenti en direction du numérique pour nous permettre de résister au développement exponentiel de la délinquance et de la criminalité organisées, qui nécessite des moyens d'investigation à une échelle zonale, et non seulement départementale, et la dématérialisation des démarches des citoyens.

Eliane Assassi a évoqué, à juste titre, les réserves du Conseil d'État. Nous en avons tenu compte. Je veux dire que son propos est tout à fait respectable et cohérent avec ses interventions précédentes.

Je suis d'accord avec Maryse Carrère et François Bonhomme : nous aurions aimé pouvoir discuter de la réforme systémique de la police et de celle de la justice de manière concomitante, parce que l'une ne va pas sans l'autre.

Je remercie Henri Leroy pour son remarquable travail de suivi du Beauvau de la sécurité et pour le temps qu'il a passé à relayer nos positions.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Je remercie les collègues qui se sont exprimés sur notre travail. Je remercie également ceux qui ont participé aux auditions en visioconférence : leurs questions ont permis de balayer l'intégralité des sujets et d'enrichir les échanges.

On peut regretter que la Lopmi ne contienne aucune disposition sur le droit des images. C'est le résultat de la cure d'amaigrissement qui lui a été imposée. Le ministre avait annoncé des dispositions sur la mise en conformité au droit européen de la vidéoprotection, la question des drones et, peut-être, la reconnaissance faciale. Il y a urgence à ce que l'on vienne conforter notre droit sur ces questions, dans un équilibre entre sécurité et libertés publiques.

Je veux rassurer nos collègues sur le sujet de la formation. Je partage l'idée qu'il faille améliorer la formation des policiers et des gendarmes, notamment des OPJ. Le texte n'allège pas la formation initiale et continue des policiers. Les améliorations proposées consistent en des réductions de délai : on pourra notamment commencer la formation d'OPJ beaucoup plus tôt, et on pourra être beaucoup plus efficace sur le terrain. La formation en elle-même n'est pas sacrifiée.

Madame de la Gontrie, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur n'est pas un texte relatif à la justice.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - En ce cas, opposez l'article 45 !

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Il y a des véhicules législatifs réguliers qui permettent de créer une juridiction spécialisée sur le sujet très important que vous évoquez. Dominique Vérien, qui est membre de notre commission, a été nommée parlementaire en mission sur cette question, aux côtés d'une collègue députée. Ne préemptons pas le sujet en modifiant la loi avant qu'elles aient fini de travailler.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Modifions simplement le rapport annexé !

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Si l'on peut imaginer que l'on insère dans le texte des dispositions relatives à la procédure pénale, il ne me paraît pas raisonnable de créer ex nihilo une juridiction, sans que nous ayons à aucun moment évoqué ce sujet avec nos interlocuteurs lors des auditions. Nous avons la chance d'examiner ce texte en premier, ce qui est rare.

Au demeurant, j'ignore s'il s'agit d'une bonne idée, chère collègue. Nous n'avons pas eu le temps de l'analyser. Quoi qu'il en soit, votre proposition sera débattue en séance.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Elle n'est pas nouvelle !

M. François-Noël Buffet , président . - En application du vade-mecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents, il nous appartient d'arrêter le périmètre indicatif du projet de loi.

Je vous propose de considérer que ce périmètre comprend les dispositions relatives à la vision portée par l'État de la modernisation du ministère de l'intérieur dans les prochaines années, par le biais du rapport annexé ; à la programmation budgétaire du ministère de l'intérieur dans les cinq prochaines années ; à l'adaptation des prérogatives et des modalités d'action face au développement de la criminalité numérique ; à la mise en place du réseau radio du futur ; à la forme du dépôt de plainte et de la déposition ; à la répression des violences commises dans les espaces ouverts au public ; à la formation, aux conditions requises et aux modalités d'action des différents corps d'investigation ; à l'amende forfaitaire délictuelle ; aux réquisitions judiciaires ; à la garde à vue et aux techniques spéciales d'enquêtes ; aux prérogatives des préfets en cas d'événements d'une particulière gravité.

Il en est ainsi décidé.

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1 er

L'examen de l'article 1 er est réservé.

Article 2

L'article 2 est adopté sans modification.

Article 3

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'article 3 propose de simplifier la saisie de cryptoactifs.

L'amendement COM-60 rectifié vise à ajouter que cette saisie se fasse « sous réserve des droits de propriété et du principe de proportionnalité ». Par définition, on ne peut subordonner la saisie au respect du droit de propriété. Par ailleurs, le principe de proportionnalité inspire toutes les procédures pénales. Avis défavorable.

L'amendement COM-60 rectifié n'est pas adopté.

L'article 3 est adopté sans modification.

Article 4

L'article 4 est adopté sans modification.

Après l'article 4

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Je sollicite le retrait de l'amendement COM-41 , qui tend à obliger les établissements financiers à déclarer à Tracfin le paiement d'une rançon après une attaque au rançongiciel : cet amendement me paraît satisfait puisque l'article L. 561-15 du code monétaire et financier prévoit déjà que les établissements financiers sont tenus de déclarer à Tracfin les sommes inscrites dans leurs livres ou les opérations portant sur des sommes dont elles savent, soupçonnent ou ont de bonnes raisons de soupçonner qu'elles proviennent d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou sont liées au financement du terrorisme.

M. Jérôme Durain . - Je retire l'amendement.

L'amendement COM-41 est retiré.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Notre amendement COM-86 vise à étoffer les moyens mis à la disposition des enquêteurs qui mènent une enquête sous pseudonyme. Cette disposition figurait dans la version initiale du projet de loi. Elle marquerait une vraie amélioration, raison pour laquelle je propose de la reprendre.

L'amendement COM-86 est adopté et devient article additionnel.

Article 5

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Notre amendement COM-87 supprime l'habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la mise en oeuvre du réseau radio du futur, dans l'attente d'un amendement du Gouvernement qui inscrive les choses en dur en séance publique.

L'amendement COM-87 est adopté.

L'article 5 est supprimé.

Après l'article 5

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Le périmètre du projet de loi, défini en application de l'article 45, comprend les violences commises sur la voie publique.

Les amendements COM-74 rectifié, COM-75 rectifié et COM-73 rectifié reprennent des amendements déposés sur la loi Sécurité globale, qui concernent les transports et la manière dont les agents de la RATP peuvent intervenir. Tout cela ne relève pas du champ du texte.

Les amendements COM-74 rectifié, COM-75 rectifié et COM-73 rectifié sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 6

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Notre amendement COM-88 limite le recours à la visioconférence aux dépôts de plaintes et dépositions pour des atteintes aux biens. Nous pensons qu'il faut maintenir la procédure habituelle pour les atteintes aux personnes.

L'amendement COM-88 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-42 prévoit un avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) pour la mise en place de la télédéposition. J'y suis favorable.

L'amendement COM-42 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-43 prévoit la possibilité explicite d'une audition dans les services de police après une télédéposition. Il semble satisfait, puisque rien ne s'oppose à l'organisation ultérieure de l'audition de la victime après un dépôt de plainte ou une déposition en visioconférence. Je sollicite son retrait.

M. Jérôme Durain . - Je le retire.

L'amendement COM-43 est retiré.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-14 paraît satisfait : on comprend bien la volonté de ne pas accentuer la fracture numérique, mais l'article prévoit qu'il s'agit d'une simple faculté pour la victime, et non d'une obligation. Retrait.

M. Guy Benarroche . - Je maintiens l'amendement, car l'expérience passée me fait penser qu'il faut apporter cette précision.

L'amendement COM-14 n'est pas adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-44 tend à inscrire dans le code l'obligation de faire figurer dans le procès-verbal unique qui sera dressé la mention du test matériel et des heures du début et de fin de connexion.

Que ces mentions figurent au procès-verbal peut être utile. Il n'y a pas de difficulté de fond, mais il n'appartient pas à la loi de prévoir le contenu du procès-verbal. Ces questions d'organisation seront soumises au ministre de l'intérieur lors de la séance publique. Retrait.

M. Jérôme Durain . - Je retire l'amendement.

L'amendement COM- 44 est retiré.

L'article 6 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 6

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-61 rectifié prévoit la possibilité pour une personne d'être accompagnée d'un avocat au stade du dépôt de plainte ou de l'audition libre.

Cependant, l'article 10-2 du code de procédure pénale indique déjà que les personnes peuvent être « accompagnées chacune, à leur demande, à tous les stades de la procédure », en particulier par un avocat. L'amendement est satisfait : retrait, sinon avis défavorable.

L'amendement COM-61 rectifié n'est pas adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-11 tend à créer une médaille de la police nationale. Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner cet amendement, qui, quel que soit intérêt qu'il présente, relève du domaine réglementaire. Avis défavorable.

L'amendement COM-11 n'est pas adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-12 vise à créer une médaille de la police municipale. Avis défavorable, pour les raisons qui viennent d'être évoquées.

L'amendement COM-12 n'est pas adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-71 rectifié prévoit une orientation des membres des forces de sécurité intérieure ayant subi un préjudice susceptible d'affecter leur santé mentale vers un dispositif de prise en charge approprié. Cela ne relève pas du périmètre du projet de loi.

L'amendement COM-71 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Avant l'article 7

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-51 prévoit que les assemblées parlementaires ou que les collectivités territoriales puissent se porter partie civile lorsqu'un élu est victime d'une agression. J'y suis favorable sur le fond, mais il est sans lien avec les dispositions figurant dans le texte.

L'amendement COM-51 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-52 est hors du champ du texte.

L'amendement COM-52 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.$

Article 7

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-2 est satisfait et pose de gros problèmes sur le plan légistique. Nous proposons d'en rester à la rédaction du texte. Avis défavorable.

L'amendement COM-2 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination COM-89 est adopté.

L'article 7 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 7

M. Loïc Hervé , rapporteur . - J'ai déjà répondu à Marie-Pierre de La Gontrie sur l'opportunité de faire figurer dans le texte l'expérimentation d'une juridiction spécialisée. Eu égard à la nomination d'une députée et d'une sénatrice - notre collègue Dominique Vérien - comme parlementaires en mission sur le sujet, considérant que le texte porte sur le ministère de l'intérieur et que nous n'avons pas abordé cette question lors de nos auditions, je sollicite le retrait de l'amendement COM-19 ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Ce sont des prétextes ! Les femmes attendront...

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Je rappelle que je suis membre de la délégation aux droits des femmes depuis quatre ans.

L'amendement COM-19 n'est pas adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Même avis sur l'amendement COM-54 : retrait ou avis défavorable.

L'amendement COM-54 n'est pas adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Mon amendement COM-99 , que j'ai déjà évoqué, concerne trois types de violences commises sur la voie publique.

Premièrement, il vise les violences faites aux élus locaux, dont je répète qu'elles sont en augmentation chaque année - de 57 % pour cette dernière année. J'ai été maire durant trente ans, et je puis dire que, dans l'intervalle, les conditions d'exercice des mandats locaux ont bien changé ! Les violences verbales et physiques sont terribles. Il s'agit de faire bénéficier les élus locaux du statut qui a été accordé aux policiers et aux gendarmes dans la loi Sécurité globale, en termes de peines et d'amendes.

Deuxièmement, l'amendement vise le refus d'obtempérer, qui a, pour sa part, connu une augmentation de 28 %. Hier, le ministre de l'intérieur nous a dit, lors d'un déjeuner de travail, qu'il avait assisté aux funérailles de 13 policiers ou gendarmes et que 80 % des décès de policiers faisaient suite à un refus d'obtempérer. Il s'agit là aussi de porter les quantums de peine à leur maximum.

Troisièmement, l'amendement vise le code de la route s'agissant des rodéos urbains : il s'agit d'aller beaucoup plus loin lorsque les faits ont été commis dans des circonstances qui exposent directement la population à un risque de mort ou de blessure pouvant entraîner une mutilation.

J'ai bien noté que M. Durain a proposé que nous présentions séparément ces trois volets de l'amendement. Je ne peux pas changer les choses à ce stade, mais nous débattrons des trois sujets en séance de manière distincte.

M. Patrick Kanner . - De fait, nous aimons tellement le travail de M. Daubresse que nous aimerions trois amendements plutôt qu'un... Si les thématiques étaient dissociées, notre groupe soutiendrait probablement une partie de ses propositions.

L'amendement COM-99 est adopté et devient article additionnel.

Avant l'article 8

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Je suis défavorable à l'amendement COM-62 rectifié : il ne nous paraît pas utile de rouvrir le débat.

L'amendement COM-62 rectifié n'est pas adopté.

Article 8

L'article 8 est adopté sans modification.

Après l'article 8

L'amendement COM-4 rectifié est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Nous sommes assez circonspects sur l'amendement COM-5 rectifié bis , qui concerne les animaux de compagnie détenus au sein d'un foyer et l'ordonnance de protection des victimes de violences intrafamiliales. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Eustache-Brinio . - J'ai cosigné cet amendement de mon collègue Arnaud Bazin, très attaché à ce sujet.

Je respecte la position des rapporteurs, mais je pense qu'il faut considérer l'environnement familial global. Cela ne peut qu'aider dans le traitement des difficultés.

Mme Nadine Bellurot . - J'ai également cosigné cet amendement. Je rejoins ma collègue : pour être très active auprès des associations qui luttent contre la maltraitance animale, je suis obligée de constater que toutes les violences se rejoignent. Il faut considérer l'environnement. À ce titre, l'existence de violences à l'égard des animaux constitue souvent un signe précurseur de maltraitances au sein du foyer.

Je n'ai pas pour habitude de m'opposer aux rapporteurs, qui ont fait un travail remarquable, mais j'appelle mes collègues à soutenir cet amendement. Nous aurons tous, un jour ou l'autre, dans nos permanences, à connaître de telles situations.

M. Hussein Bourgi . - Je soutiens moi aussi cet amendement. On ne compte malheureusement plus les faits divers tragiques dont les victimes collatérales sont les animaux de compagnie, parfois pris en otage dans des situations de violences familiales ou des conflits de voisinage. Je le voterai en séance publique.

M. Guy Benarroche . - Le soutien à cet amendement est à la fois logique et cohérent avec le reste du texte. Notre groupe le votera en séance publique.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Je veux rappeler à nos collègues l'objet de cet amendement.

Selon le droit actuel, une femme victime de violences au sein d'un couple peut obtenir du juge aux affaires familiales (JAF) la délivrance d'une ordonnance de protection lorsque ces violences la mettent en danger ou mettent en danger un ou plusieurs enfants.

Cet amendement propose d'autoriser la délivrance d'une ordonnance de protection lorsque les violences mettent en danger un animal de compagnie détenu au sein du foyer, au motif que les violences contre l'animal pourraient être le prélude à des violences contre les personnes.

Il nous semble que l'adoption de cet amendement détournerait l'ordonnance de protection de son objet, au risque d'affaiblir le dispositif. Celle-ci vise à apporter une solution dans l'urgence à une femme qui est menacée ou qui craint pour la sécurité de ses enfants. Poursuivre un deuxième objectif, de même niveau, de protection des animaux de compagnie risque d'introduire de la confusion et d'encombrer les cabinets des juges aux affaires familiales, alors que ceux-ci doivent pouvoir statuer rapidement sur le premier sujet.

La lutte contre la maltraitance animale, objectif que nous partageons tous, est un sujet important. Les règles en la matière ont d'ailleurs été renforcées récemment par la loi du 30 novembre 2021 visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes. Il nous semble cependant hasardeux de mobiliser pour la lutte contre la maltraitance animale les outils conçus pour protéger les victimes de violences conjugales, même s'il est vrai qu'une violence indiscriminée peut parfois s'exercer contre l'animal et contre la personne humaine. Par conséquent, nous maintenons un avis défavorable.

M. François-Noël Buffet , président . - L'amendement conduit à mettre sur le même plan les animaux et les êtres humains... Il est nécessaire d'approfondir le sujet, et de trouver des solutions plus adaptées. Quoi qu'il en soit, le débat aura lieu en séance.

L'amendement COM-5 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-6 rectifié bis porte sur le même sujet : avis défavorable.

L'amendement COM-6 rectifié bis n'est pas adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Patrick Kanner sait combien nous partageons ce combat, comme l'ont traduit différents votes du Sénat, mais l'amendement COM-37 se heurte malheureusement à l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-37 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Les amendements COM-76 rectifié, COM-77 rectifié et COM-78 rectifié sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 9

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Avis défavorable aux amendements identiques de suppression COM-15 , COM-45 , COM-70 rectifié et COM-63 rectifié : nous tenons à l'article 9.

Les amendements identiques COM-15 , COM-45 , COM-70 rectifié et COM-63 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 9 est adopté sans modification.

Article 10

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-64 rectifié tend à supprimer l'article 10. Nous souhaitons son maintien, ne serait-ce que pour pouvoir en débattre en séance.

L'amendement COM-64 rectifié n'est pas adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-46 rectifié propose de supprimer la possibilité pour les assistants d'enquête de procéder à la transcription des enregistrements. Nous sommes attachés à cette possibilité, quitte à ce qu'elle soit mieux encadrée : avis défavorable.

L'amendement COM-46 rectifié n'est pas adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-97 a pour objet de renvoyer au décret en Conseil d'État la définition des modalités de retranscription des enregistrements par les assistants d'enquête. Cela nous paraît une bonne idée. Avis favorable.

L'amendement COM-97 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-16 devient sans objet.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - La création des assistants d'enquête est une réforme ambitieuse. Elle pose tout de même un certain nombre de questions en matière d'attractivité, de formation et de niveau de rémunération. Dans ces conditions, il nous semble utile de proposer une évaluation au terme d'une période de trois ans. C'est l'objet de notre amendement COM-96 .

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Qui procédera à cette évaluation ?

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Le Gouvernement.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - C'est contradictoire avec ce que le président Philippe Bas nous avait enseigné, à savoir que l'on ne pouvait pas donner d'injonctions au Gouvernement.

Au reste, monsieur le président, si, à l'avenir, nous demandons des « évaluations » plutôt que des « rapports », aurons-nous plus de chance que nos amendements soient acceptés par la commission ?...

M. François-Noël Buffet , président . - Je ne voudrais pas que vous rêviez trop...

Dans la mesure où le Gouvernement propose un dispositif nouveau, qui n'existe pas encore au sein des forces de police, il ne paraît pas totalement inutile que nous puissions l'obliger à nous dire, le moment venu, comment il fonctionne.

L'amendement COM-96 est adopté.

L'article 10 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 10

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-79 rectifié est un amendement d'appel sur l'obligation de formation continue des personnels des forces de sécurité intérieure, qui n'est pas toujours respectée. Je rappelle que nos collègues Catherine di Folco et Maryse Carrère travaillent sur le sujet de la formation de la police et de la gendarmerie.

Il sera intéressant d'en débattre en séance, mais, au stade de la commission, nous vous proposons de ne pas retenir cet amendement : réaffirmer une obligation qui existe déjà ne la rendra pas plus effective. Avis défavorable.

L'amendement COM-79 rectifié n'est pas adopté.

Par parallélisme avec ce qui se pratique pour les élèves officiers de la police et les élèves commissaires, l'amendement COM-90 vise à attribuer, la qualité d'agent de police judiciaire aux élèves officiers de la gendarmerie nationale durant leur scolarité en formation initiale.

L'amendement COM-90 est adopté et devient article additionnel.

Article 11

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-91 tend à introduire des simplifications relatives aux saisines des services de police technique et scientifique.

L'amendement COM-91 est adopté.

L'article 11 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 12

L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-47 vise à supprimer la présomption d'habilitation à la consultation de fichiers de police. La simplification apportée par l'article 12 n'empêchera en aucun cas le contrôle de l'habilitation. En revanche, le maintien de l'obligation, pour les policiers et gendarmes, de préciser systématiquement, quand ils consultent un fichier, qu'ils sont bien habilités à le faire, entraîne des lourdeurs aux conséquences parfois fâcheuses. Avis défavorable.

L'amendement COM-47 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 13

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-48 concerne une demande de rapport d'évaluation. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L'amendement COM-48 n'est pas adopté.

L'article 13 est adopté sans modification.

Après l'article 13

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-92 tend à renforcer les prérogatives des agents de police judiciaire, sous le contrôle des officiers de police judiciaire.

L'amendement COM-92 est adopté et devient article additionnel.

Avant l'article 14

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-81 soumet à un délai de quinze jours l'appréciation du procureur de la République sur les suites à donner à des faits de violences conjugales. Au-delà du fait que nous n'avons pas pu échanger à ce sujet avec les procureurs de la République, une véritable enquête nécessite des délais beaucoup plus longs. Avis défavorable.

L'amendement COM-81 n'est pas adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-82 est irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-82 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 14

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Les amendements identiques COM-13 , COM-49 , COM-69 rectifié et COM-65 rectifié tendent à supprimer l'article 14. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Les amendements identiques COM-13 , COM-49 , COM-69 rectifié et COM-65 rectifié ne sont pas adoptés.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Plutôt que de généraliser la procédure d'amende forfaitaire délictuelle (AFD) à l'ensemble des 3 400 infractions susceptibles de déboucher sur une condamnation à un an de prison ou moins et plutôt que d'adopter une logique de critères qui aurait abouti à son extension à 700 infractions environ, l'amendement COM-93 tend à dresser une liste positive des infractions pouvant donner lieu à AFD.

M. André Reichardt . - M. le rapporteur a évoqué plusieurs centaines de milliers d'AFD. A-t-on une idée de leur taux de recouvrement ?

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Il est d'un peu moins de 50 % pour usage de stupéfiants.

M. François-Noël Buffet , président . - Et il est de l'ordre de 20 % pour les autres types d'infractions.

L'amendement COM-93 est adopté. En conséquence, l'amendement COM-98 devient sans objet.

L'article 14 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 14

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Les amendements COM-7 , COM-8 et COM-9 sont irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Les amendements COM-7 , COM-8 et COM-9 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-10 rectifié tend à supprimer la nécessité de réitération ou de formalisation de menaces pour encourir une sanction pénale.

Le code pénal sanctionne la menace de commettre un crime ou un délit de six mois de prison et 7 500 euros d'amende et la menace de mort de trois ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende, à la condition que ces menaces, si elles sont orales, soient réitérées.

Le fait de proférer une menace une seule fois n'est donc pas passible de poursuites. Or une menace peut être bien réelle quand bien même elle n'est proférée qu'une seule fois. Inversement, elle peut être répétée dix fois sous le coup de l'énervement ou par une personne sous l'emprise d'alcool ou de stupéfiants, sans pour autant représenter une menace véritable.

L'évolution du droit ici proposée permettrait aux magistrats de sanctionner les menaces véritables, mais qui ne sont proférées qu'une seule fois. Avis favorable.

L'amendement COM-10 rectifié est adopté et devient article additionnel.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Les amendements COM-66 rectifié et COM-80 sont irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Les amendements COM-66 rectifié et COM-80 sont déclarés irrecevables en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 15

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-94 tend à supprimer l'exception selon laquelle la mise à disposition pour emploi des services et établissements publics de l'État ne serait pas applicable aux ARS en cas de « crise sanitaire grave ». Nous considérons que le préfet doit être l'autorité départementale auprès de laquelle sont mis à disposition les différents moyens de l'État en cas de crise, y compris les ARS.

Des rapports parlementaires ont relevé les dysfonctionnements intervenus à l'occasion de la crise de la covid-19, lorsque le préfet avait pour homologue le délégué départemental de l'ARS et que leurs discours divergeaient.

Il ne s'agit pas ici d'exclure l'ARS du dispositif de crise, mais de la mettre, comme les autres administrations, au service du préfet. Ce dernier doit être l'autorité ensemblière qui garantit la cohérence d'action de l'administration.

L'amendement COM-94 est adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-50 prévoit que, en période de crise, la décision du préfet de zone de donner des pouvoirs spécifiques au préfet de département soit motivée et rendue publique. En pratique, le préfet de zone rédigera probablement, faute de temps, des arrêtés types n'apportant aucune précision. Cette mesure est de nature à alourdir l'administration en période de crise. Avis défavorable.

L'amendement COM-50 n'est pas adopté.

L'article 15 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Après l'article 15

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-38 tend à affirmer les principes de direction et de contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire. Avis défavorable.

L'amendement COM-38 n'est pas adopté.

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-72 rectifié est irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

L'amendement COM-72 est déclaré irrecevable en application de l'article 45 de la Constitution.

Article 16

M. Loïc Hervé , rapporteur . - L'amendement COM-95 rectifié vise à rendre applicable le projet de loi dans les territoires ultramarins.

L'amendement COM-95 rectifié est adopté.

L'article 16 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Article 1 er (rapport annexé) (précédemment réservé)

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Les amendements identiques COM-26 et COM-68 rectifié visent à préciser l'accessibilité géographique et l'accessibilité pour les personnes en situation de handicap des démarches numériques. Cela inclut les sites du ministère de l'intérieur. Avis favorable.

Les amendements identiques COM-26 et COM-68 rectifié sont adoptés.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-53 apporte une précision rédactionnelle. Avis favorable.

L'amendement COM-53 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-28 tend à accompagner l'effort de dématérialisation par un effort d'accessibilité des démarches dématérialisées. Avis favorable.

L'amendement COM-28 est adopté, de même que l'amendement COM-29 .

L'amendement rédactionnel COM-20 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-21 précise qu'il reviendra au ministère de l'intérieur de construire des partenariats privilégiés avec le monde académique et non l'inverse. Avis favorable.

L'amendement COM-21 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Les amendements COM-24 , COM-25 , COM-18 et COM-67 rectifié visent à supprimer du rapport la mention de la généralisation des directions départementales de la police nationale.

Nous avons eu une discussion sur la réorganisation de la police par filières départementales, laquelle se poursuivra évidemment en séance. Attendons les conclusions de la mission d'information sur l'organisation de la police judiciaire, mais tenons d'ores et déjà compte des spécificités de la police judiciaire. Avis défavorable aux amendements COM-18, COM-24, COM-25 et COM-67 rectifié. Je vous propose plutôt d'adopter l'amendement COM-1 de Mme Bellurot et de M. Durain.

Les amendements COM-24 , COM-25 , COM-18 et COM-67 rectifié ne sont pas adoptés. L'amendement COM-1 est adopté.

Mme Gisèle Jourda , rapporteure pour avis de la commission des affaires étrangères. - L'amendement COM-57 rectifié tend à adapter la répartition territoriale entre la police et la gendarmerie selon des critères qualitatifs. Le ministre de l'intérieur a lui-même mis en avant l'année dernière cette question.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Avis favorable.

L'amendement COM-57 rectifié est adopté.

Mme Gisèle Jourda , rapporteure pour avis. - Dans le même esprit d'équilibre, l'amendement COM-58 vise à réactiver la coordination opérationnelle renforcée dans les agglomérations et les territoires (Corat). Il prévoit la généralisation des protocoles de coopération entre la police et la gendarmerie - c'est une nécessité.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Avis favorable.

L'amendement COM-58 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-22 autorise les inspections à utiliser les nouvelles possibilités permises par l'intelligence artificielle. Le rapport indique déjà que les inspections peuvent utiliser tous les moyens à leur disposition. Cet amendement est satisfait. Cela étant, nous pourrons rappeler cette préoccupation à l'occasion de la loi en préparation sur l'image et l'intelligence artificielle. Demande de retrait, à défaut avis défavorable.

M. Jérôme Durain . - On en débattra en séance.

L'amendement COM-22 n'est pas adopté.

M. Philippe Paul , rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères . - L'amendement COM-59 rectifié vise à préciser que l'implantation de 200 nouvelles brigades de gendarmerie annoncée par le Président de la République devra s'effectuer selon des critères objectifs. Certains lieux auraient déjà été présélectionnés. Les modalités de financement de ces brigades nous inquiètent également, dans la mesure où les coûts de construction pourraient reposer sur les collectivités territoriales.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Quand c'est flou, il y a un loup ! Avis favorable.

L'amendement COM-59 rectifié est adopté.

M. Philippe Paul , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-56 apporte une précision visant à garantir les financements nécessaires à l'augmentation du nombre de réservistes souhaitée par le directeur général de la gendarmerie.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Avis favorable.

L'amendement COM-56 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-23 apporte des précisions superflues. Avis défavorable.

L'amendement COM-23 n'est pas adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-30 porte sur l'accessibilité de l'application « Ma sécurité ». Avis favorable.

L'amendement COM-30 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-17 supprime la phrase prévoyant l'expérimentation d'un robot d'accueil dans les brigades et les commissariats. Nous sommes tous d'accord pour dire que les robots d'accueil ne remplaceront pas le contact humain. Les expérimentations visées sont toutefois limitées et ciblées. Elles seront par ailleurs évaluées. Avis défavorable.

L'amendement COM-17 n'est pas adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-32 précise que les publics vulnérables à l'accueil desquels les policiers et gendarmes doivent être formés incluent les enfants en situation de handicap. Cette précision est superfétatoire. Avis défavorable.

L'amendement COM-32 n'est pas adopté.

L'amendement rédactionnel COM-27 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-33 prévoit qu'il convient de prêter une attention particulière aux femmes en situation de handicap, notamment dans la formation des agents et dans l'accompagnement des victimes. Avis favorable.

L'amendement COM-33 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-40 prévoit l'expérimentation d'une juridiction spécialisée dans les violences sexistes, conjugales et intrafamiliales. Comme l'indiquait Loïc Hervé, ce type d'expérimentation viendra en son temps, dans un autre texte. Avis défavorable.

L'amendement COM-40 n'est pas adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-31 rectifié indique dans le rapport annexé la possibilité de financer un audit des failles de sécurité éventuelles présentes dans les caméras déjà installées par les crédits du Fonds interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (FIDPR). Avis favorable.

L'amendement COM-31 rectifié est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-34 porte sur des besoins de reconstruction à neuf des casernes de gendarmerie. Ce point mérite d'être débattu en séance publique. La commission se prononcera une fois que le Gouvernement aura pris position sur cette question. Dans l'attente, avis défavorable.

L'amendement COM-34 n'est pas adopté.

M. Philippe Paul , rapporteur pour avis . - L'amendement COM-55 précise que 300 millions d'euros par an sont nécessaires à la reconstruction de casernes et aux travaux de maintenance.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Cet amendement, qui ne devrait pas plaire au Gouvernement, reprend des recommandations parlementaires et de la Cour des comptes. Avis favorable.

L'amendement COM-55 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-39 tend à répartir les moyens des services d'incendie et de secours par un maillage territorial et des capacités équilibrés. Avis favorable.

L'amendement COM-39 est adopté.

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-35 tend à insérer dans le rapport annexé la nécessité de la mise en place d'un programme d'évaluation des différentes mesures éducatives, dont les centres éducatifs fermés (CEF).

Si nous pouvons être d'accord avec cette volonté d'évaluation, cette mesure s'insérerait dans la partie du rapport relative au renforcement de la fonction investigation, ce qui ne paraît pas pertinent. Avis défavorable.

Mme Laurence Harribey . - Je rappelle que cette mesure figure dans les préconisations du rapport d'information conjoint de la commission de la culture et de la commission des lois.

L'amendement COM-35 n'est pas adopté.

L'amendement de coordination COM-84 est adopté, de même que l'amendement rédactionnel COM-85 .

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - L'amendement COM-36 tend à préciser que la formation des nouveaux policiers et gendarmes abordera la relation de la police avec les personnes en situation de handicap. Il s'agit d'un sujet trop spécifique dans une partie du rapport plus générale. L'amendement me semble par ailleurs satisfait par les amendements adoptés précédemment. Avis défavorable.

L'amendement COM-36 n'est pas adopté.

Le projet de loi est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission .

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

Auteur

Objet

Sort de l'amendement

Article 3

M. FAVREAU

60 rect. bis

Précision concernant la saisie de cryptoactifs

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 4

M. DURAIN

41

Signalement à Tracfin du paiement d'une rançon en cas d'attaque au rançongiciel

Retiré

M. DAUBRESSE, rapporteur

86

Complément à la liste des actes autorisés dans le cadre des enquêtes sous pseudonyme

Adopté

Article 5

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

87

Amendement de suppression

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 5

M. TABAROT

74 rect. ter

Extension de l'autorisation d'usage des caméras individuelles des agents de la RATP et de la SNCF

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. TABAROT

75 rect. ter

Traitement algorithmique sur les enregistrements d'images de vidéoprotection

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. TABAROT

73 rect. ter

Renforcement des prérogatives des agents de sécurité de la SNCF et de la RATP.

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 6

M. DAUBRESSE, rapporteur

88

Limitation du recours à la visioconférence aux atteintes aux biens

Adopté

M. DURAIN

42

Nécessité d'un avis de la CNIL pour la mise en place de la télédéposition.

Adopté

M. DURAIN

43

Possibilité explicite d'une audition dans les services de police après une télédéposition

Retiré

M. BENARROCHE

14

Impossibilité d'imposer le moyen de télécommunication à la victime

Rejeté

M. DURAIN

44

Précision du contenu du procès-verbal dressé à l'issue d'une procédure menée par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication audivisuelle

Retiré

Article(s) additionnel(s) après Article 6

M. FAVREAU

61 rect. bis

Possibilité pour une personne d'être accompagnée d'un avocat au stade du dépôt de plainte ou de l'audition libre.

Rejeté

M. LEVI

11 rect.

Création d'une médaille de la police nationale

Rejeté

M. LEVI

12 rect.

Création d'une médaille de la police municipale

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE

71 rect.

Orientation des membres des forces de sécurité intérieure ayant subi un préjudice susceptible d'affecter leur santé mentale vers un dispositif de prise en charge approprié

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article(s) additionnel(s) avant Article 7

M. DURAIN

51

Possibilité pour les assemblées parlementaires ou pour les collectivités territoriales de se porter partie civile

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. DURAIN

52

Obligation d'informer l'administration employeuse du fait qu'un fonctionnaire fait l'objet de poursuites pénales

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 7

M. CAPUS

2

Maintien de la contravention d'outrage sexiste dans la partie législative du code pénal

Rejeté

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

89

Amendement de coordination

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 7

Mme de LA GONTRIE

19

Expérimentation d'une juridiction spécialisée en charge des violences sexuelles, conjugales et intrafamiliales

Rejeté

Mme de LA GONTRIE

54

Demande de rapport concernant la création d'une juridiction spécialisée en charge des violences sexuelles, conjugales et intrafamiliales

Rejeté

M. DAUBRESSE, rapporteur

99

Renforcement de la réponse pénale quant aux violences faites aux élus, aux refus d'obtempérer et aux rodéos urbains

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant Article 8

M. FAVREAU

62 rect. bis

Accès au dossier dans le cadre d'une audition libre ou d'une garde à vue

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 8

Mme ESTROSI SASSONE

4 rect.

Sanction du défaut d'immatriculation d'un véhicule

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. BAZIN

5 rect. quater

Possibilité de délivrer une ordonnance de protection en cas de mise en danger d'un animal de compagnie

Rejeté

M. BAZIN

6 rect. quater

Possibilité de statuer sur le sort des animaux de compagnie dans le cadre d'une ordonnance de protection

Rejeté

M. KANNER

37

Anonymisation des témoignages en cas d'infraction commise à l'encontre d'un sapeur-pompier

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. TABAROT

76 rect. ter

Création d'un délit d'incivilité d'habitude dans les transports

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. TABAROT

77 rect. ter

Généralisation de l'obligation faite aux voyageurs d'être porteurs d'un document d'identité lorsqu'ils sont sans titre de transport, ou lorsqu'ils ne régularisent pas immédiatement leur situation

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. TABAROT

78 rect. te r

Interdiction du "train surfing" et du "bus surfing"

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 9

M. BENARROCHE

15

Supprimer cet article

Rejeté

M. DURAIN

45

Supprimer cet article

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

70 rect.

Supprimer cet article

Rejeté

M. FAVREAU

63 rect. bis

Supprimer cet article

Rejeté

Article 10

M. FAVREAU

64 rect. bis

Suppression de l'article

Rejeté

M. DURAIN

46 rect.

Suppression de la possibilité pour les assistants d'enquête de procéder à la transcription des enregistrements

Rejeté

M. RICHARD

97

Précision par décret en Conseil d'Etat des modalités de transcriptions des enregistrements par les assistants d'enquête

Adopté

M. BENARROCHE

16

Suppression de la possibilité pour les assistants d'enquête de transcrire les enregistrements

Rejeté

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

96

Évaluation des assistants d'enquête

Adopté

Article(s) additionnel(s) après Article 10

Mme Nathalie DELATTRE

79 rect.

Obligation de formation annuelle des personnels des forces de sécurité intérieure

Rejeté

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

90

Qualité d'agent de police judiciaire reconnue aux élèves officiers de la gendarmerie nationale

Adopté

Article 11

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

91

Simplifications des saisines des services de police technique et scientifique

Adopté

Article 12

M. CAPUS

3

Correction d'une erreur rédactionnelle

Adopté

M. DURAIN

47

Suppression d'une présomption d'habilitation à la consultation de fichiers de police

Rejeté

Article 13

M. DURAIN

48

Demande d'un rapport d'évaluation

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 13

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

92

Renforcement des prérogatives des agents de police judiciaire, sous le contrôle des officiers de police judiciaire

Adopté

Article(s) additionnel(s) avant Article 14

Mme GACQUERRE

81 rect.

Délai de 15 jours pour apprécier les suites à donner à des faits de violences conjugales.

Rejeté

Mme GACQUERRE

82 rect.

Renforcer la motivation des décisions de classement sans suite.

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 14

M. BENARROCHE

13

Suppression de l'article

Rejeté

M. DURAIN

49

Suppression de l'article

Rejeté

Mme Maryse CARRÈRE

69 rect.

Suppression de l'article

Rejeté

M. FAVREAU

65 rect. bis

Suppression de l'article

Rejeté

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

93

Extension de la procédure de l'amende forfaitaire délictuelle à de nouvelles infractions

Adopté

M. RICHARD

98

Extension de l'amende forfaitaire délictuelle à une série d'infractions

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 14

M. LEVI

7 rect.

Modification des conditions de légitime défense en cas de disproportion entre l'acte de défense et l'agression

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. LEVI

8 rect.

Présomption de légitime défense pour les personnes repoussant, de jour, l'entrée par effraction, violence ou ruse dans un lieu habité

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. LEVI

9 rect.

Présomption de légitime défense pour les personnes se défendant d'agressions physiques

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. LEVI

10 rect.

Suppression de la nécessité de réitération ou de formalisation de menaces pour encourir une sanction pénale

Adopté

M. FAVREAU

66 rect. bis

Obligation d'une remise de récépissé de contrôle d'identité

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

M. CHAIZE

80

Création d'une circonstance aggravante pour le délit de destruction, dégradation ou détérioration du bien d'autrui

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 15

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

94

Suppression de l'exception selon laquelle la mise à disposition ne serait pas applicable aux agences régionales de santé en cas de « crise sanitaire grave ».

Adopté

M. DURAIN

50

Motivation et publication de la décision du préfet de zone

Rejeté

Article(s) additionnel(s) après Article 15

M. BOURGI

38

Affirmation des principes de direction et de contrôle de la police judiciaire par l'autorité judiciaire

Rejeté

Mme Nathalie DELATTRE

72 rect.

Obligation d'installer un extincteur dans tous les véhicules à usage professionnel

Irrecevable au titre de l'article 45 de la Constitution

Article 16

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

95 rect.

Application du projet de loi dans les territoires ultramarins

Adopté

RAPPORT ANNEXÉ

M. KANNER

26

Accessibilité des démarches numériques conduites par les citoyens pour accéder aux services du ministère de l'intérieur

Adopté

Mme Maryse CARRÈRE

68 rect.

Accessibilité des démarches numériques conduites par les citoyens pour accéder aux services du ministère de l'intérieur

Adopté

M. DURAIN

53

Précision rédactionnelle

Adopté

M. KANNER

28

Accompagnement de l'effort de dématérialisation par un effort d'accessibilité des démarches dématérialisées

Adopté

M. KANNER

29

Formation des agents à l'accueil et l'accompagnement des personnes en situation de handicap, quelle que soit leur situation de handicap

Adopté

M. DURAIN

20

Précision rédactionnelle

Adopté

M. DURAIN

21

Construction par le ministère de l'intérieur de partenariats privilégiés avec le monde académique

Adopté

M. SUEUR

24

Suppression de la mention de la généralisation des directions départementales de la police nationale

Rejeté

M. SUEUR

25

Suppression de la mention de la généralisation des directions départementales de la police nationale

Rejeté

M. BENARROCHE

18

Suppression de la mention de la généralisation des directions départementales de la police nationale

Rejeté

M. FAVREAU

67 rect. bis

Suppression de la mention de la généralisation des directions départementales de la police nationale

Rejeté

Mme BELLUROT

1

Prise en compte des spécificités de la police judiciaire dans le cadre de la réforme de l'organisation de la police nationale

Adopté

M. PAUL

57 rect.

Adaptation de la répartition territoriale de la police et de la gendarmerie

Adopté

M. PAUL

58

Signature dans chaque département de protocole de coopération entre la police et la gendarmerie

Adopté

M. DURAIN

22

Utilisation par les inspections des nouvelles possibilités permises par l'intelligence artificielle

Rejeté

M. PAUL

59 rect.

Implantation des nouvelles brigades de gendarmerie

Adopté

M. PAUL

56

Cible d'emploi des réservistes

Adopté

M. DURAIN

23

Précision quant au contenu du compte rendu annuel de l'activité des services de police

Rejeté

M. KANNER

30

Accessibilité de l'application « Ma sécurité »

Adopté

M. BENARROCHE

17

Suppression de la phrase prévoyant l'expérimentation d'un robot d'accueil dans les brigades et les commissariats

Rejeté

M. KANNER

32

Précision que les publics vulnérables à l'accueil desquels les policiers et gendarmes doivent être formés incluent les enfants en situation de handicap

Rejeté

M. DURAIN

27

Amendement rédactionnel

Adopté

M. KANNER

33

Attention particulière aux femmes en situation de handicap, notamment dans la formation des agents et dans l'accompagnement des victimes.

Adopté

Mme de LA GONTRIE

40

Expérimentation d'une juridiction spécialisée dans les violences sexistes, conjugales et intrafamiliales

Rejeté

M. DURAIN

31 rect.

Possibilité de financer un audit des failles de sécurité éventuelles présentes dans les caméras déjà installées par les crédits du FIDPR

Adopté

M. JACQUIN

34

Réflexion sur la construction des casernes

Rejeté

M. PAUL

55

Montant annuel de 200 millions d'euros dédié à la reconstruction de casernes et un montant annuel de 100 millions d'euros aux travaux de maintenance

Adopté

Mme HARRIBEY

39

Répartition des moyens des services d'incendie et de secours par un maillage territorial et des capacités équilibrés

Adopté

Mme HARRIBEY

35

Mise en place d'un programme d'évaluation des différentes mesures éducatives dont les Centres éducatifs fermés (CEF)

Rejeté

M. Loïc HERVÉ, rapporteur

84

Amendement de coordination

Adopté

M. DAUBRESSE, rapporteur

85

Précisions rédactionnelles

Adopté

M. KANNER

36

Formation à la relation police / personnes en situation de handicap

Rejeté

RÈGLES RELATIVES À L'APPLICATION DE L'ARTICLE 45
DE LA CONSTITUTION ET DE L'ARTICLE 44 BIS
DU RÈGLEMENT DU SÉNAT (« CAVALIERS »)

Si le premier alinéa de l'article 45 de la Constitution, depuis la révision du 23 juillet 2008, dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu'il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis », le Conseil constitutionnel estime que cette mention a eu pour effet de consolider, dans la Constitution, sa jurisprudence antérieure, reposant en particulier sur « la nécessité pour un amendement de ne pas être dépourvu de tout lien avec l'objet du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie » 42 ( * ) .

De jurisprudence constante et en dépit de la mention du texte « transmis » dans la Constitution, le Conseil constitutionnel apprécie ainsi l'existence du lien par rapport au contenu précis des dispositions du texte initial, déposé sur le bureau de la première assemblée saisie 43 ( * ) . Pour les lois ordinaires, le seul critère d'analyse est le lien matériel entre le texte initial et l'amendement, la modification de l'intitulé au cours de la navette restant sans effet sur la présence de « cavaliers » dans le texte 44 ( * ) . Pour les lois organiques, le Conseil constitutionnel ajoute un second critère : il considère comme un « cavalier » toute disposition organique prise sur un fondement constitutionnel différent de celui sur lequel a été pris le texte initial 45 ( * ) .

En application des articles 17 bis et 44 bis du Règlement du Sénat, il revient à la commission saisie au fond de se prononcer sur les irrecevabilités résultant de l'article 45 de la Constitution, étant précisé que le Conseil constitutionnel les soulève d'office lorsqu'il est saisi d'un texte de loi avant sa promulgation.

En application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des Présidents, la commission des lois a arrêté, lors de sa réunion du mercredi 5 octobre 2022, le périmètre indicatif du projet de loi n° 876 (2021-2022) d'orientation et programmation du ministère de l'intérieur.

Elle a considéré que ce périmètre incluait les dispositions relatives :

- à la vision portée par l'État de la modernisation du ministère de l'intérieur dans les prochaines années, par le biais du rapport annexé ;

- à la programmation budgétaire du ministère de l'intérieur dans les cinq prochaines années ;

- à l'adaptation des prérogatives et des modalités d'action face au développement de la criminalité numérique ;

- à la mise en place du réseau Radio du futur ;

- à la forme du dépôt de plainte et de la déposition ;

- à la répression des violences commises dans les espaces ouverts au public ;

- à la formation, aux conditions requises et aux modalités d'action des différents corps d'investigation ;

- à l'amende forfaitaire délictuelle ;

- aux réquisitions judiciaires ;

- à la garde à vue et aux techniques spéciales d'enquêtes ;

- aux prérogatives des préfets en cas d'évènements d'une particulière gravité.

COMPTE RENDU DE L'AUDITION
DE M. GÉRALD DARMANIN,
MINISTRE DE L'INTÉRIEUR ET DES OUTRE-MER

(Mercredi 21 septembre 2022)

M. François-Noël Buffet , président . - Nous accueillons cet après-midi M. le ministre de l'intérieur et des outre-mer, Gérald Darmanin, que je remercie, afin qu'il nous présente, dans un premier temps, le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, dite Lopmi. Puis nous évoquerons, dans un second temps, l'état et les moyens de la sécurité civile au regard des graves incendies de la période estivale.

Vous le savez, la genèse de la Lopmi est longue. Ce projet de loi fait suite à l'élaboration du livre blanc sur la sécurité intérieure, rendu public en 2020, puis à l'organisation du Beauvau de la sécurité, conclu l'année dernière. Le Gouvernement a d'abord déposé un premier projet de loi de 32 articles le 16 mars 2022, avant de redéposer un nouveau texte, plus resserré, sur le bureau de notre assemblée le 7 septembre dernier. Ce projet de loi, que nous examinerons en commission le 5 octobre prochain, comprend 16 articles, dont deux articles programmatiques présentant les orientations du ministère de l'intérieur pour les cinq prochaines années et prévoyant une augmentation de son budget, en cumulé, de 15 milliards d'euros, et 13 articles normatifs, dont les neuf dixièmes ont trait à la procédure pénale.

À la suite des événements, exceptionnels à tous les égards, qui se sont produits cet été dans tout le pays, j'ai souhaité que cette audition soit également consacrée à l'état et aux moyens de la sécurité civile. Face à des incendies d'une ampleur inégalée depuis 2003, les sapeurs-pompiers professionnels, les sapeurs-pompiers volontaires, ainsi que les personnels administratifs, techniques et spécialisés de services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ont été fortement mobilisés et ont su faire preuve d'un engagement et d'une ardeur à la tâche que je tiens, en guise d'introduction à cette audition, à souligner au nom de notre commission.

Malgré le fort investissement humain, logistique et matériel des services de l'État et des collectivités territoriales et les succès certains en ce qui concerne la défense des vies humaines et des biens, cette période estivale éprouvante a mis en exergue des difficultés ou, a minima , des interrogations, en matière de ressources et de moyens affectés à la sécurité civile.

Ces interrogations sont d'autant plus légitimes à l'heure où la plupart des scientifiques prévoient un accroissement du risque et de la fréquence des incendies dans les prochaines années, compte tenu du changement climatique.

Monsieur le ministre, je vais donc vous céder la parole afin que vous puissiez présenter le projet de loi Lopmi et répondre aux questions des membres de notre commission, en particulier celles des deux rapporteurs, MM. Daubresse et Hervé.

Je laisserai ensuite la parole à notre collègue Françoise Dumont, que j'ai souhaité associer à cette audition en tant que rapporteure pour avis du budget de la sécurité civile lorsque nous passerons à la deuxième thématique de votre audition, sur l'état et les moyens de la sécurité civile.

M. Gérald Darmanin, de l'intérieur et des outre-mer . - Je vous remercie pour votre invitation. Je voudrais d'abord excuser Jean-François Carenco, qui a dû se rendre en urgence en Guadeloupe pour les raisons que vous connaissez. Vous aurez certainement l'occasion de l'entendre prochainement sur la Nouvelle-Calédonie.

La loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur est une loi très importante qui tombe à point nommé, en début de mandat. Ce ministère a connu des lois d'orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, mais jamais un texte comme celui-ci, qui nous donne une visibilité sur cinq ans sur l'ensemble des missions traditionnelles du ministère de l'intérieur. Ce ministère dispose d'ailleurs désormais un périmètre inédit : sécurité, outre-mer, Corse, cyberespace, Grand Paris, bref, toutes les difficultés que notre pays peut connaître. Si, de par l'actualité, nous nous concentrons sur des problématiques à quelques jours, à quelques semaines voire à quelques mois, nous avons besoin aussi de prévisibilité à 5 ans. À cet égard, les 15 milliards d'euros prévus dans le projet de loi vont permettre une transformation profonde du ministère de l'intérieur. La moitié de cette somme ira au cyber et au numérique : la marche technologique que fait le ministre de l'intérieur sera, je l'espère, et toutes proportions gardées, semblable à ce que le ministère des armées a connu à la fin de la conscription et au début de l'armée de métier.

À ce stade, je tiens à rappeler qu'il y avait dans le premier texte déposé au Conseil des ministres des dispositions plus nombreuses sur le statut de l'image, souhaitées par la Cnil et par le Conseil d'État, pour adapter notre droit au développement de la vidéoprotection et à l'intelligence artificielle. Nous avons jugé plus sage de retirer ces mesures au profit d'un texte plus complet à venir, notamment pour tenir compte de travaux menés tant au Sénat que ceux à venir à l'Assemblée nationale. C'est un sujet fondamental à mes yeux dans la perspective de la Coupe du monde de rugby en 2023 et des jeux Olympiques en 2024.

Le premier article renvoie à un rapport annexé très dense, qui présente en détail l'ambition de cette loi. Il retient trois axes de transformation pour le ministère de l'intérieur.

Tout d'abord, pour faire suite aux discours du Président de la République à Roubaix et à Saint-Denis, nous proposons le doublement de la présence en voie publique des policiers et des gendarmes. Depuis les attentats de 2015, nos forces de sécurité se sont concentrées, avec succès, sur les interventions. Je rappelle que 39 attentats ont été déjoués depuis 5 ans. Par ailleurs, sur les 10 milliards d'euros alloués lors du quinquennat précédent à la sécurité intérieure et sur les 10 000 créations de postes, 40 % ont bénéficié à la DGSI et aux renseignements territoriaux. Cette stratégie a fonctionné, mais, en parallèle, on a pu constater une augmentation de la délinquance du quotidien à cause d'un manque de présence sur la voie publique. Il s'agit donc de poursuivre notre politique, entamée sous le quinquennat précédent, de recréation d'effectifs de sécurité publique. On a aussi constaté que l'augmentation des violences se fait davantage en zone gendarmerie qu'en zone police, ce qui ne paraît pas intuitif. Je pense au monde agricole, qui subit aujourd'hui beaucoup d'actes de délinquance. Aussi, un effort particulier sera fait au profit de la gendarmerie nationale, avec la création de 200 brigades supplémentaires, quand 500 d'entre elles avaient été supprimées depuis 20 ans. Je lancerai d'ailleurs la consultation pour la création de ces brigades la semaine prochaine dans le département du Cher. La nouvelle carte des gendarmeries sera proposée en février 2023. Nous proposons également la recréation de 11 unités de forces mobiles : 7 escadrons de gendarmerie mobile et 4 unités de CRS, plus les 7 qui sont à la préfecture de police et qui font aujourd'hui du gardiennage de bâtiments. Cela fait donc 18 unités de forces mobiles prêtes, notamment, pour les jeux Olympiques, puisque nous créerons l'intégralité de ces effectifs dans les deux premières années budgétaires.

Sont aussi prévues des réformes structurelles au sein du ministère de l'intérieur, avec la fin des cycles horaires et du vendredi fort, ainsi que des réformes de procédure pénale, qui nous permettront de mettre plus de monde sur le terrain. En résumé, le doublement de la présence en voie publique sera atteint si nous pouvons mener à bien toutes les réformes, dont la réforme de la police nationale.

La deuxième grande ligne directrice de la loi de programmation, c'est la transformation numérique et cyber du ministère de l'intérieur. Désormais, il n'y a quasiment plus de frontière entre le monde réel et le monde numérique dans la délinquance. La quasi-intégralité la délinquance, y compris de voie publique, se fait en grande partie désormais sur ou grâce à internet : vente de drogue, vente d'armes, escroqueries, violences sexuelles. Il faut que la voiture numérique ou technologique du policier ou du gendarme aille aussi vite que la voiture technologique des voleurs ou des délinquants. Nous avons commencé avec Pharos, qui compte désormais 54 enquêteurs et qui, 24 heures sur 24, lutte contre les mots de haine et les appels au meurtre sur les réseaux sociaux. Cette police du cyber ne sera pas une direction à part entière ; chaque direction doit avoir un bras dans le cyber et un bras dans le réel. Sur les 15 milliards d'euros, un peu plus de 7 milliards d'euros sont consacrés à cette transformation numérique, avec notamment la création d'une agence unique du numérique au ministère de l'intérieur. D'autres transformations seront nécessaires. Par exemple, nous proposons qu'il soit possible de saisir des actifs numériques comme des actifs physiques et les agents d'investigation connaîtront des formations poussées.

Nous allons également créer un réseau radio du futur, avec un budget de 2 milliards d'euros. Nous avons constaté que les réseaux radio de chacune des forces de sécurité étaient anciens et fonctionnaient mal. Il y aura à l'avenir un seul réseau radio pour tout l'appareil sécuritaire d'État, à la fois pour le son et l'image, chaque agent disposant d'un terminal unique. Ce sont des industriels français qui ont gagné l'appel d'offres et nous espérons pouvoir exporter notre savoir-faire après les jeux Olympiques.

Le troisième sujet, c'est évidemment une meilleure organisation du ministère de l'intérieur dans sa gestion des crises, notamment en sécurité civile, avec le renouvellement de nos hélicoptères - je pense aux 35 hélicoptères de la sécurité civile -, et l'augmentation des moyens donnés aux préfets en phase de gestion de crise pour bien identifier les responsabilités.

Permettez-moi de souligner les efforts que nous souhaitons faire pour l'investigation. Il y a de plus en plus d'interpellations, notamment de trafiquants de drogue, et un effort s'est porté sur les violences conjugales, de mieux en mieux prises en compte. Une fois les délinquants interpellés, il faut faire des enquêtes, donc nous avons besoin de plus en plus d'enquêteurs. Avant, les gardiens de la paix devaient attendre 3 ans avant de pouvoir passer le concours d'officier de police judiciaire (OPJ). Compte tenu de l'allongement de la formation initiale des gardiens de la paix de 8 à 12 mois, nous avons jugé que ce délai de 3 ans n'était plus nécessaire. Cela devrait contribuer à augmenter les effectifs des services d'investigation.

J'en viens à la sécurité civile. Depuis 1976, nous n'avions pas connu un tel épisode de déforestation par incendie. Heureusement, si j'ose dire, nous n'avons à déplorer aucune victime. Il y a eu assez peu de destructions d'habitations et pas de pillages signalés à la suite des évacuations.

Cependant, des conséquences sont à tirer. Le réchauffement climatique aggrave la propagation des feux, c'est indéniable, mais 9 feux sur 10 sont d'origine humaine, volontairement ou pas. Il faut aussi souligner que nombre de forêts sont mal entretenues.

Nous devons changer notre modèle de sécurité civile, sachant qu'il y a eu pratiquement autant d'incendies au nord de la Loire qu'au sud. J'entends bien, nous avons besoin d'avions, mais ceux-ci sont de peu d'utilité une fois que l'incendie s'est propagé. Certains départements, comme le Finistère ou le Jura, peu habitués à ces phénomènes, sont assez mal équipés, tout comme les départements pauvres. Il faut donc travailler sur le financement des SDIS, au besoin en imaginant une péréquation, ainsi que sur le statut des pompiers bénévoles et sur leurs relations avec leurs employeurs. Pourquoi ne pas imaginer une obligation pour les employeurs privés ou publics de libérer les pompiers volontaires en cas de sinistre important ?

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - Monsieur le ministre, je me félicite que vous présentiez cette Lopmi, ce qui devrait nous préserver d'un détricotage de Bercy...

M. Gérald Darmanin, ministre . - Ce n'est pas le genre de Bercy !

M. Marc-Philippe Daubresse , rapporteur . - En matière de statut de l'image, vous le savez, nous avons besoin d'une législation qui aille plus loin, notamment en matière d'intelligence artificielle et de reconnaissance faciale, non de manière généralisée mais dans quelques cas très particuliers. Les perspectives de la Coupe du monde de rugby en 2023, puis des JO en 2024, rend ce besoin encore plus criant. Pouvez-vous nous confirmer qu'un texte spécifique sera bien présenté en 2023 ? Verriez-vous un inconvénient à ce qu'il s'agisse d'une proposition de loi s'inspirant des travaux des deux assemblées parlementaires ?

S'agissant du doublement des forces sur la voie publique, envisagez-vous toujours une réforme de la répartition territoriale entre police et gendarmerie ?

Par ailleurs, vous avez évoqué une somme de 7 milliards d'euros supplémentaires pour combattre la cyberdélinquance, mais c'est aussi la réglementation européenne qui pose problème. Directive après directive, les autorités européennes limitent les possibilités d'investigation en mettant en avant la protection des données personnelles. La Conférence des procureurs nous alerte régulièrement sur ce point. Que pouvez-vous faire à cet égard ?

Enfin, l'amende forfaitaire délictuelle nous interroge également. Ne faut-il pas mieux sérier les domaines où elle est susceptible d'être appliquée ?

M. Loïc Hervé , rapporteur . - Je tiens d'abord à saluer la décision du Gouvernement de commencer au Sénat le débat parlementaire sur ce texte.

Ce projet de loi est dense, mais mon intervention se limitera aux OPJ. Dans la réforme que vous portez, il est prévu la création d'assistants d'enquête pour alléger la charge administrative de ces enquêteurs. Comment envisagez-vous de rendre ces métiers attrayants sur les plans statutaire et professionnel ?

Mme Françoise Dumont , rapporteure pour avis du programme budgétaire "Sécurité civile" de la mission "Sécurités" . - Monsieur le ministre, je suis heureuse que cette audition soit aussi consacrée à l'état et aux moyens de la sécurité civile, dont l'action a été au coeur d'un été exceptionnel sur le front des incendies. Je m'associe à l'hommage envers la mobilisation remarquable de tous les personnels concernés, que ce soit les sapeurs-pompiers professionnels et volontaires ou les personnels administratifs et techniques.

Il faut tirer de ces évènements un bilan et des perspectives, afin que la France soit mieux armée pour faire face à des conditions météorologiques qui pourraient devenir la norme dans un futur très proche. L'examen, dans les prochaines semaines, de la Lopmi, dont l'un des volets budgétaires concerne les moyens alloués à la flotte aérienne de la sécurité civile, semble donc fort à propos.

Monsieur le ministre, des décès ou des blessés graves ont-ils été recensés parmi les sapeurs-pompiers mobilisés ? Disposez-vous d'éléments chiffrés sur les pertes matérielles qui s'en sont suivies ? Quel coût représentera leur remplacement pour les SDIS ? La flotte aérienne, qui dépend de l'État, a-t-elle subi des dommages lors des interventions ?

Plus globalement, quel bilan tirez-vous de cette saison éprouvante ? Quels ont été les éléments de satisfaction et, à l'inverse, les dysfonctionnements que vous avez pu identifier ? Quelles réponses prévoyez-vous d'apporter à ces derniers ?

En ce qui concerne les perspectives pour les années futures, avec l'accroissement des moyens aériens, nous souhaiterions des précisions quant à l'ampleur du « renouvellement » qui nous est présenté.

La Lopmi annonce un objectif de remplacement en cinq ans des hélicoptères « vieillissants » du ministère de l'intérieur, investissement qui concernerait un total de 36 appareils. Dans quelle mesure les hélicoptères affectés à la lutte contre les incendies font partie de ce lot de 36 appareils ? Quels sont les critères pour définir un hélicoptère comme vieillissant ? Par ailleurs, les quatre nouveaux appareils annoncés en 2020 et 2021 ont-ils été livrés et, dans le cas contraire, sont-ils inclus dans cette annonce de trente-six nouveaux hélicoptères ?

Concernant les avions bombardiers d'eau amphibie, vous prévoyez d'augmenter la flotte de Canadairs de 12 à 16, dont deux dans le cadre du programme RescUE déjà programmé depuis 2020, tout en annonçant un « renouvellement » de la flotte des 12 avions CL415 dont nous disposons déjà. Pouvez-vous nous confirmer qu'il s'agit bien de remplacer l'ensemble de la flotte de Canadairs, y compris les plus récents, et nous préciser le coût de cet investissement que nous imaginons significatif ? Quelles sont les attentes du ministère en matière d'innovations et de capacité des nouveaux appareils ?

Enfin, dans ce contexte de mobilisation des services de secours, il semble opportun de mettre en perspective les avancées de la loi de modernisation de la sécurité civile, dite « Matras », votée il y a un peu moins d'un an, et sa mise en oeuvre, ou non, au cours de l'été. La loi Matras a notamment autorisé l'expérimentation d'un numéro unique d'appel d'urgence pour une période de deux ans. Or, à notre connaissance, celle-ci n'a toujours pas été lancée. Pouvez-vous nous indiquer quel est le nouveau calendrier de votre ministère pour donner suite à cette mesure votée par le Parlement voilà désormais presqu'un an ?

M. Henri Leroy . - Monsieur le ministre, à la lecture du rapport annexé au projet de loi, on retrouve la trame du Livre blanc. Cependant, j'avais cru comprendre que vous aviez prévu de procéder à un redécoupage territorial des zones police et gendarmerie. Une expérimentation ayant suscité de vives réactions a même été menée à Toulouse. Je sais que vous penchez pour la départementalisation de notre organisation en matière de sécurité. Mais ce redécoupage entre la police et la gendarmerie, à mes yeux indispensable, a-t-il été abandonné ?

Mme Laurence Harribey . - Vous avez accompagné le Président de la République en Gironde. À cette occasion, Jean-Luc Gleyze, le président du département, vous a présenté un certain nombre de requêtes.

La première portait sur les difficultés de financement des SDIS. Vous avez évoqué cette question voilà quelques instants, pouvez-vous nous en dire davantage ?

La deuxième concernait la coordination des forces nationales et européennes.

La troisième, enfin, portait sur le renforcement de la force aérienne nationale et sur sa localisation. Or le projet de loi de programmation évoque une localisation unique, à Nîmes. Les derniers incendies ont pourtant montré qu'une telle situation pouvait poser problème. Au regard de la doctrine du « feu naissant », qui oblige à réagir très rapidement, il est essentiel de disposer d'un quadrillage territorial plus important, sans doute dans trois ou quatre zones sujettes aux incendies.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je ne peux vous laisser dire que la forêt girondine n'est pas entretenue : seule La Teste-de-Buch est une forêt usagère, mais elle ne représente qu'une petite partie de ce qui a brûlé. Tout le reste est une forêt de production, très bien entretenue. Si nous n'avons pas connu de feu depuis 1976, c'est parce que la forêt est particulièrement bien entretenue en Gironde. Comme vous l'avez souligné, ce sont les conditions climatiques qui ont provoqué cette fournaise, laquelle n'avait besoin que d'une étincelle pour s'embraser.

Mme Esther Benbassa . - La loi 3DS, adoptée en février 2022, abordait déjà le sujet de la décentralisation et de la simplification de l'action publique. Aujourd'hui, vous souhaitez relocaliser certains services centraux du ministère de l'intérieur en province afin de réduire les inégalités d'accès au service public. Comment comptez-vous concrètement mettre cette décentralisation en place ? Dans quels délais ? Quelles villes accueilleront ces services décentralisés ?

Vous souhaitez qu'il soit possible de porter plainte par visioconférence. Cette nouvelle disposition aura-t-elle vocation à remplacer le procès-verbal ? Comment assurer la confidentialité de ces enregistrements ?

M. Philippe Bonnecarrère . - Je ne m'attendais pas à trouver dans la Lopmi des dispositions pénales ou de procédure pénale. On ne cesse pourtant de nous répéter que ces questions doivent être vues de manière systémique et non au détour de réformes partielles. Dès lors que vous allez sur ce terrain, monsieur le ministre, les questions soulevées par M. Daubresse sur les techniques spéciales d'investigation et sur la définition de la criminalité grave peuvent se poser. Comment avez-vous procédé au « tuilage » de ce texte avec le garde des sceaux ?

Une partie importante du rapport annexé est consacrée à l'informatique. Il semble que votre ministère ait l'ambition de se positionner en producteur de solutions numériques. Il s'agit de l'une des faiblesses du ministère de la justice, par exemple, dont les procédures informatiques sont insuffisantes. Souhaitez-vous faire du ministère de l'intérieur la dorsale d'une restructuration numérique des ministères régaliens ?

La Cour des comptes s'est interrogée sur l'opération Sentinelle. Je peux comprendre que vous souhaitiez garder toutes vos forces en termes d'ordre public dans la perspective non seulement de la Coupe du monde de rugby, mais surtout des jeux Olympiques de Paris. Toutefois, après 2024, chacun de nous est conscient que cette opération ne pourra perdurer si l'on veut que le ministère de la défense puisse assurer complètement ses missions.

M. Gérald Darmanin, ministre . - Monsieur Daubresse, je vous confirme qu'il est de notre devoir de mettre en place des dispositions relatives au statut de l'image. La Cnil et le Conseil d'État nous ont enjoint de fondre les statuts existants dans un seul et même statut pour faire en sorte que les caméras de vidéoprotection de nos communes soient conformes aux prescriptions du règlement général sur la protection des données (RGPD).

Par ailleurs, il s'agit également de répondre au dossier de candidature de Paris en termes de traitement des images par intelligence artificielle.

Comme vous, je suis opposé à la reconnaissance faciale. Il faut écrire dans le droit français ce que l'on veut faire avec l'image de demain. Nous pouvons trouver un compromis, même s'il est toujours difficile d'y parvenir quand il s'agit de concilier liberté et sécurité.

Je voudrais rappeler à l'attention de la commission des lois que nous avons discuté de la question des drones pendant un an et demi pour arriver à une solution quelque peu étonnante : le ministre de l'intérieur peut ainsi faire voler des drones en renseignement, mais pas en judiciaire ! Il me semblait que l'autorité judiciaire était plus protectrice des libertés. Or, dans leur sagesse, le Parlement et le Conseil constitutionnel ont préféré laisser toute latitude au préfet pour protéger les libertés. On rentre parfois dans certains débats sans savoir quelle en sera l'issue... Le décret va bientôt sortir et je ne manquerai pas de le faire parvenir aux rapporteurs, notamment à M. Hervé. La question du statut de l'image va certainement nous réserver encore des discussions étonnantes...

Le Livre blanc, que mon prédécesseur avait commandé, consacre d'importants développements à la répartition des zones police et gendarmerie. Ce sujet est débattu depuis cinquante ans : tout le monde croit que l'herbe est plus verte ailleurs et ceux qui ont des gendarmes veulent des policiers et inversement. Or les gendarmes vivent souvent dans leur caserne et les policiers ne vivent pas dans leur commissariat, tout changement implique de nombreuses transformations et des coûts supplémentaires. Je ne crois pas que ces questions méritent l'énergie qu'on y dépense à deux ans des jeux Olympiques de Paris. Il peut y avoir des exceptions ici ou là, notamment en outre-mer, mais je n'ai encore accepté aucune transformation.

Je n'ai d'ailleurs pas besoin d'une disposition législative pour le grand soir des zones police et gendarmerie. Le code général des collectivités territoriales et le code de la sécurité intérieure posent un simple taquet de 30 000 habitants. Pour le reste, nous pouvons procéder aux changements sans consulter le Parlement.

Je me dois de souligner qu'aucune disposition légale n'interdit aux gendarmes d'aller en zone police et inversement. En fait, ces zones n'existent pas vraiment. Ainsi, 80 % des escadrons de gendarmerie mobile interviennent en zone police. De même, pour les événements sportifs à venir, Coupe du monde et Jeux Olympiques, il sera possible, par exemple, de demander aux gendarmes du Calvados de s'occuper temporairement du commissariat de Lisieux pendant que les agents de police nationale seront en Seine-Saint-Denis pour aider leurs camarades. Je n'ai pas besoin d'une loi pour ce faire.

L'exemple de Toulouse et de sa conurbation, dont la population augmente chaque année de 10 000 habitants est parlant. Les transports y sont coupés entre zone police et zone gendarmerie. Les policiers sont parfois obligés de descendre du tram ou du bus pour laisser les gendarmes prendre la suite, ce qui est absurde. Les gendarmes et policiers ont un droit de suite sur le territoire national. Plutôt que de penser en termes de territoires, je préfère raisonner en zone de délinquance. Il faut parfois faire des réunions pour savoir qui de la police ou de la gendarmerie est compétente pour faire des contrôles sur tel ou tel échangeur d'autoroute ! Je vais changer les choses en donnant des axes aux policiers et gendarmes plutôt que des territoires. La question de la transformation et de la mutualisation des forces de police et de gendarmerie me tient à coeur, mais je tire des conclusions différentes de celles des auteurs du Livre blanc.

En ce qui concerne le traitement des données et la jurisprudence européenne, ce domaine relève de la seule compétence du garde des sceaux. En résumé, les procureurs de la République ne pourront plus utiliser certaines données téléphoniques, dont les fameuses « fadettes ». Seul le juge pourra les obtenir, ce qui inquiète beaucoup les services enquêteurs et les procureurs. Je crois savoir que le garde des sceaux travaille sur cette question dans le cadre d'un projet de loi, que j'attends avec impatience. Les écoutes téléphoniques ont déjà un rendement décroissant dans la mesure où la plupart des gens utilisent des applications de messagerie instantanée et que le Parlement n'autorise les services enquêteurs à utiliser les moyens technologiques adéquats pour surveiller téléphones et données numériques que dans le seul cadre de la lutte antiterroriste. Si je pouvais utiliser ces moyens pour combattre la grande criminalité ou les trafics de stupéfiants, je pense qu'il y aurait beaucoup moins d'homicides à Marseille. Et si l'on ne peut plus utiliser les données de localisation ou d'appel, les choses vont encore se compliquer... Il appartiendra à M. le garde des sceaux de trouver les voies et moyens pour permettre aux services enquêteurs et aux procureurs de continuer à travailler sans alourdir la procédure malgré la décision européenne qui s'impose à nous.

Nous voulons sanctionner toute condamnation à moins d'un an de prison par une amende forfaitaire délictuelle, ou AFD, toujours sous l'autorité du procureur de la République. La première AFD que je vous ai proposée visait les consommateurs de stupéfiants. Elle a prouvé son efficacité : 225 000 amendes ont été dressées depuis septembre 2020 et les sanctions pour consommation de drogue ont augmenté de 30 %. Les AFD permettent aux services de police et de gendarmerie d'inscrire au traitement d'antécédents judiciaires (TAJ) une amende pénale qui sera recouvrée automatiquement sur les comptes en banque des impétrants. L'AFD est ainsi mieux recouvrée que les amendes routières.

Nous voulons généraliser l'AFD à l'ensemble des petits délits - insultes, dégradations de l'espace public... - pour lutter contre le sentiment d'impunité. Mieux vaut simplifier certaines procédures pénales pour qu'il y ait une sanction financière et une inscription au casier judiciaire. En cas de récidive, une sanction pénale plus lourde trouvera à s'appliquer.

Le Conseil d'État a toutefois souhaité disjoindre cette disposition du projet de loi que nous présentons. J'ai préféré la maintenir pour permettre au Parlement de comprendre la volonté de l'exécutif. Si les rapporteurs trouvent une écriture juridique efficace, comme cela arrive souvent au Sénat, le Gouvernement sera très ouvert à porter cette disposition.

Monsieur Hervé, le ministère de la justice opère une distinction d'emploi entre le spécialiste du droit qu'est le juge d'instruction et le spécialiste du formalisme qu'est le greffier. Policiers et gendarmes ne disposent pas d'une telle distinction et une partie des procédures tombent en raison d'un défaut de forme. C'est que policiers et gendarmes font tout : accueil du gardé à vue, appel de l'avocat ou du médecin, fourniture des repas, photocopies... Ils perdent énormément de temps pour assurer le formalisme des procédures, alors que ce n'est pas essentiel au travail d'enquêteur. C'est la raison pour laquelle la création des assistants d'enquête, issus du personnel administratif du ministère de l'intérieur, nous semble particulièrement importante. Nous sommes tout à fait prêts, monsieur le rapporteur, à travailler à une meilleure définition de leur rôle. En ce qui concerne la police, les assistants d'enquête viendront des personnels administratifs, techniques et scientifiques ; pour la gendarmerie, il s'agira soit de personnel des corps de soutien militaire, soit de personnel civil. Selon nos estimations, la création d'un assistant d'enquête permettra de libérer 0,5 équivalent temps plein d'officier de police judiciaire.

Monsieur Bonnecarrère, on m'a reproché hier, à l'Assemblée nationale, de ne pas avoir mis plus de dispositions judiciaires dans ce texte. Nous avons décidé, en accord avec M. le garde des sceaux, que tout ce qui relevait d'une procédure pénale simplifiée, à hauteur des policiers et des gendarmes, méritait de figurer dans ce projet de loi. Le Président de la République a demandé à ce que certaines des simplifications issues du Beauvau de la sécurité soient mises en application, dont la fusion des cadres d'enquête préliminaire et de flagrance, qui sera portée par le garde des sceaux.

Le projet de loi que je présente ne propose pas de sanctions pénales alourdies et ne modifie donc aucunement le code pénal. Les entrées vers la procédure judiciaire concernent seulement le travail quotidien des policiers et gendarmes, qui agissent sous l'autorité du procureur de la République ou d'un autre magistrat.

Je veux effectivement transformer le ministère de l'intérieur, en retard par rapport à la délinquance en matière de technologie. M. Daubresse a pu évoquer un « Clemenceau 2.0 » et il a raison : nous allons créer les « brigades du Tigre numériques ».

Il s'agit également d'améliorer notre lien avec la population. Je souhaite que les policiers passent le moins de temps possible dans les commissariats. Ce texte comporte une disposition révolutionnaire qui vise à permettre le dépôt de plainte numérique par visioconférence. Voilà cinq ans, quand j'ai pris la tête du ministère des comptes publics, on m'a beaucoup dit qu'il n'était pas possible de mettre en place le prélèvement à la source. Je suis très fier de constater aujourd'hui qu'il s'agit de la réforme la plus appréciée du premier quinquennat d'Emmanuel Macron. On a changé la vie des agents des finances publiques et notre façon de vivre l'impôt. Cette transformation numérique est extrêmement importante.

De même, je souhaite dématérialiser permis de conduire et cartes grises pour lutter contre les usurpations d'identité et les fraudes aux véhicules. Personne ne sait précisément combien de points il lui reste sur son permis et le policier qui vous contrôle l'ignore également. On pourrait imaginer un permis ou une carte grise numériques sous forme de QR code, par exemple.

J'ai lu le rapport de la Cour des comptes, mais je ne partage pas ses conclusions sur l'opération Sentinelle. Les militaires engagés dans ce cadre participent à la sécurisation de notre pays. Si nous décidons que ces militaires ne doivent plus aider les policiers et les gendarmes, il faut alors créer de nouveaux postes à due concurrence. Depuis deux ans, nous réalisons chaque année 10 000 non-admissions d'étrangers en situation irrégulière aux frontières espagnoles et italiennes contre 3 000 en 2019. Ce résultat est en grande partie dû au fait que les militaires impliqués sont capables d'observer en altitude les mouvements des passeurs avec des moyens technologiques qu'eux seuls possèdent. Le Président de la République a évoqué, au cours de la campagne, la création d'une Border force à l'australienne : policiers, gendarmes, douaniers et militaires pourraient, en fonction de leur spécialisation, travailler ensemble pour tenir nos frontières. Nous aurons sûrement l'occasion de reparler de cette question pour répondre aux demandes de la Cour des comptes et du ministère des armées, qui souhaite récupérer une partie de ses effectifs.

Beaucoup de questions ont été posées sur la sécurité civile. Notre disponibilité aérienne n'a pas son pareil en Europe. Pour autant, la situation est-elle satisfaisante ? Assurément non. Nous disposons aujourd'hui de douze Canadair CL 415, de sept Dash 8 et de trois Beech-craft. Notre flotte d'hélicoptères sera intégralement renouvelée dans le cadre de la Lopmi. Or le problème n'est pas d'acheter des Canadair, mais de les produire. Les Canadair que nous avons commandés ne seront pas livrés avant 2027, car il faut d'abord construire l'usine qui les produira. Par ailleurs, nous envisageons de mutualiser ces trente-cinq hélicoptères avec la gendarmerie nationale hors des périodes de risque d'incendie.

Nous souhaitons porter de douze à seize le nombre de Canadair de notre propre flotte. Mme Cayeux était à Bruxelles, la semaine dernière, à ma demande, pour évoquer avec la Commission européenne la création d'une flotte européenne souhaitée par la Président de la République.

On a dénombré trente blessés à la suite de ces feux et deux pompiers sont décédés : je voudrais saluer leur courage et avoir une pensée pour leurs familles.

En ce qui concerne le numéro d'urgence, les décrets et arrêtés sont en train d'être rédigés. J'aurai l'occasion de les présenter samedi prochain, lors du congrès des sapeurs-pompiers volontaires. L'expérimentation ne dépend pas du seul ministère de l'intérieur, ce qui serait trop simple. D'autres ministères et régions sont impliqués.

J'entends parfois des présidents de SDIS réclamer davantage de moyens pour les pompiers. Or la décentralisation ne consiste pas à demander à l'État des moyens supplémentaires une fois les compétences transférées. La taxe sur les assurances a été créée pour financer les SDIS, mais elle est versée aux départements qui n'en reversent pas l'intégralité aux SDIS... Ne devrait-on pas verser directement le produit de cette taxe aux SDIS, quitte à créer une catégorie de collectivité particulière ? Faudrait-il plutôt assurer une sorte de miroir automatique pour que l'intégralité de ce produit aille aux SDIS ? La recette de cette taxe est-elle assez dynamique ?

En Gironde, moins de 10 % des pompiers locaux ont été mobilisés pendant les trois premiers jours de l'incendie. Il nous a fallu demander à des pompiers d'autres régions de venir en soutien. Sans doute y a-t-il des raisons compréhensibles à cette situation, mais cela montre bien que ce n'est pas toujours une question de moyens, mais aussi de disponibilité. L'argent ne fait alors rien à l'affaire.

Le grand avantage de la sécurité civile française repose sur la disponibilité des appareils. Les Canadair et les Dash ont besoin de beaucoup de maintenance pour pouvoir voler dans des conditions de forte pression. Cet été, les avions ont pu voler chaque jour, parce qu'ils étaient réparés la nuit. Cette logistique demande des techniciens spécialisés et du matériel de pointe. Et c'est parce que nous disposons d'une quinzaine d'appareils que nous y parvenons. Avec trente avions, nous pourrions imaginer avoir deux bases, mais ce n'est pas encore le cas. Aujourd'hui, il peut nous arriver de prédisposer des avions, notamment en Corse, en fonction des zones de risque.

Madame Benbassa, nous allons « démétropoliser » 1 500 emplois du ministère de l'intérieur en trois ans. Une vingtaine de villes seront concernées : Pharos ira à Lens, l'IGPN au Havre, le standard du ministère de l'intérieur à Limoges... J'avais déjà « démétropolisé » 4 000 emplois à Bercy pour assurer un meilleur cadre de vie aux fonctionnaires, pour mettre de l'emploi public dans des villes moyennes et pour permettre au ministère de réaliser des économies en louant ou en achetant des biens immobiliers à un coût moins élevé qu'à Paris. Tout est réalisé en totale concertation sociale et syndicale et sans aucune obligation pour les agents.

M. Hussein Bourgi . - Je voudrais à mon tour saluer la sécurité civile à la française. Nous pouvons être fiers de sa singularité et de son efficacité. Vous avez clairement indiqué qu'il fallait amorcer une nouvelle étape de modernisation et d'adaptation à un risque nouveau.

Il a beaucoup été question de feux de forêt, mais il faut aussi évoquer les inondations survenues en Guadeloupe et l'épisode méditerranéen annoncé pour le week-end prochain dans l'Hérault et les départements mitoyens.

Nous pouvons à chaque fois compter sur les soldats du feu et sur les comités communaux de feux de forêt. Lors de la discussion du dernier projet de loi de finances rectificative, nous avions interrogé Gabriel Attal sur certaines mesures à prendre très rapidement. Les budgets des SDIS sont en effet particulièrement tendus. Nous avons évoqué la question de l'investissement dans le matériel aérien et terrestre. Dans mon département, le SDIS a sa propre flotte aérienne sur l'aéroport de Béziers-Cap d'Agde : la décentralisation a parfois du bon.

Nous avions proposé d'exonérer les SDIS du paiement de la TICPE et du malus écologique touchant les véhicules de secours. Qu'en est-il aujourd'hui ?

Je voudrais aussi évoquer la question du débroussaillement des axes ferroviaires et des axes routiers, dont il est peu question. Dans ma région, beaucoup des incendies partent de ces zones. Comment faire en sorte que le débroussaillement soit mieux assuré par les sociétés d'autoroute et par la SNCF ou Réseau ferré de France ?

Ce matin, 84 sénateurs vous ont fait parvenir un courrier pour vous proposer la création d'une promotion exceptionnelle de la médaille de la sécurité intérieure avec agrafe « feux de forêt 2022 ». Ce serait l'occasion de dire aux pompiers la reconnaissance de la nation.

Mme Marie-Pierre de La Gontrie . - Vous aviez trois ans à l'époque, monsieur le ministre, mais la première loi de programmation a été adoptée le 7 août 1985. Que vous ayez fait référence au grand ministre Pierre Joxe me comble de satisfaction.

La faiblesse du chapitre de ce texte consacré aux violences intrafamiliales m'a quelque peu interpellée. Cette question relève davantage de la compétence du garde des sceaux, mais nous pourrions utilement avancer sur la question de la juridiction spécialisée, déjà évoquée par la Première ministre.

Sans aucun esprit polémique de ma part, j'aimerais savoir comment vous envisagez de faire face aux refus d'obtempérer. Nous comptons déjà neuf morts depuis le début de l'année. Si un policier mort est un mort de trop, un policier qui tue est aussi un policier traumatisé. Pensez-vous qu'il faille travailler de nouveau sur les techniques d'interpellation ? J'ai cru comprendre que les syndicats n'y étaient pas hostiles. Faut-il mieux former les personnels pour que les policiers concernés soient entraînés à tirer rapidement dans les pneus du véhicule plutôt que sur le conducteur ?

M. Stéphane Le Rudulier . - Certaines mesures présentées en mars dernier ont totalement disparu de ce texte. Je pense notamment à la possibilité offerte aux communes de se porter partie civile lorsqu'un de leurs élus est victime d'un crime ou d'un délit et à la modification du droit funéraire pour que les opérations de surveillance et de scellement des cercueils passent sous la responsabilité du maire, en présence d'un garde-champêtre ou d'un agent de police municipale. Ce transfert était d'ailleurs compensé dans la loi de finances. Ces deux mesures symboliques sont-elles définitivement abandonnées ?

Mme Brigitte Lherbier . - Votre texte prend à bras-le-corps la question de l'espace cyber. Je tenais à saluer cette initiative, la France accusant un réel retard en ce domaine. Le forum international de cybersécurité de la gendarmerie se réunit tous les ans à Lille. Il connaît un immense succès et expose très souvent des besoins humains très difficiles à combler. Vous avez annoncé le recrutement de 400 fonctionnaires et contractuels de haut niveau pour mettre en oeuvre les projets numériques indispensables au ministère. Toutefois, les développeurs sont aujourd'hui très recherchés. Comment ferez-vous face à la concurrence du secteur privé ?

M. Gérald Darmanin, ministre . - Madame Lherbier, il ne s'agit pas seulement de niveau de rémunération, mais aussi de sens à donner à son métier. Aujourd'hui, les services de renseignement croulent sous les candidatures, car chacun voit aujourd'hui combien il est important de défendre son pays. Les armées ont réussi à attirer des gens très différents, de grande qualité, en changeant d'image. Nous allons essayer de suivre cet exemple. L'image du policier et du gendarme peut être largement améliorée. J'ai demandé à l'école polytechnique de réserver quatre places de commissaires de police pour avoir enfin des ingénieurs au sein de la police nationale, qui porteront des projets numériques particulièrement importants. Nous allons aussi développer le recrutement sur titre, comme le font déjà en partie les gendarmes. De même, on peut envisager certains échanges avec des entreprises et la mise en place d'une formation continue plus efficace.

Monsieur Bourgi, je suis décentralisateur. J'estime simplement qu'une part de responsabilité incombe aux collectivités territoriales, ce qui n'empêche pas de bien travailler ensemble. Certains départements, à l'instar du vôtre, ont su innover, ce que nous devons encourager.

Vous avez raison de souligner l'importance des feux naissant sur les aires d'autoroute ou sur les voies SNCF. Cet été, la sécheresse a été si forte que le grincement des rails a fait naître des étincelles, qui ont provoqué un feu important dans les Bouches-du-Rhône, alors même que la voie concernée était bien entretenue. Sans doute faut-il revoir les normes d'entretien à l'aune du réchauffement climatique, ce qui dépasse mes compétences.

La question des incitations fiscales et des exemptions de taxe relève du domaine de Bercy, qui s'y est opposé, au nom du droit européen. Je relaierai toutefois vos demandes auprès du ministère de l'économie et des finances.

Oui et mille fois oui à une promotion spécifique avec agrafes « feux de forêt ». Le Président de la République va recevoir les acteurs de la sécurité civile à l'Élysée. Je lui ai proposé de remettre quelques décorations à cette occasion.

Madame de La Gontrie, vous avez raison en ce qui concerne les violences intrafamiliales. Ce texte comporte une disposition importante avec la création de 2 000 postes supplémentaires d'enquêteurs et de nombreux postes de psychologues et d'assistantes sociales à la disposition des commissariats et des brigades de gendarmerie. Je suis convaincu de l'importance d'une justice spécialisée, comme en Espagne.

L'année dernière, 30 % des auteurs de féminicides avaient déjà fait l'objet d'un signalement, d'une plainte, d'un main courante ; ce qui veut dire que 70 % des féminicides avaient échappé à tout signal avant-coureur. Au-delà de la spécialisation de la justice et des policiers et gendarmes, il faut améliorer les premiers signes, notamment en sensibilisant davantage les médecins.

Dans la nuit de lundi à mardi dernier, il y a eu six refus d'obtempérer. À Nantes, une femme est aujourd'hui entre la vie et la mort pour avoir été percutée par le véhicule en question. Il s'agit toujours d'un drame, même quand le policier tire et qu'il est dans son bon droit. Les refus d'obtempérer ont augmenté de 13 % depuis 2016 : 27 609 en 2021 contre 24 216 en 2016. Aujourd'hui, on dénombre un refus d'obtempérer toutes les trente minutes en zone police ou gendarmerie. Depuis le 1 er janvier dernier, 41 gendarmes et policiers ont été blessés gravement. La loi de 2017 a-t-elle amélioré les choses ? J'ai tendance à penser que ce n'est pas vraiment le sujet : on comptait 137 tirs en 2016, 202 en 2017, 170 en 2018,147 en 2019 et 153 en 2020, ce qui est beaucoup pour ces deux années « covid », et 157 en 2021, c'est-à-dire moins qu'en 2018 ou 2017. Sans doute peut-on encore améliorer la formation et apprendre à chaque policier ou gendarme à tirer dans les endroits non létaux, mais quand il fait nuit et que la voiture roule extrêmement vite, les choses sont beaucoup moins simples sur la route qu'ici. Il s'agit de professionnels de la sécurité, qui doivent agir dans un cadre déontologique. J'ai demandé au directeur général de la gendarmerie et à celui de la police nationale de réfléchir ensemble à ce qu'il était possible d'améliorer.

Il y a aussi ceux qui nous disent de faire comme les Britanniques avec le tamponnage, mais j'y suis pour ma part opposé. La doctrine des forces de police et de gendarmerie françaises est la suivante : arrêter la poursuite des suspects quand les conséquences négatives risquent d'être plus importantes que le bénéfice de l'arrestation. La police gagne toujours à la fin, de toute façon. Mais il n'est pas toujours facile de faire les bons choix dans le feu de l'action.

Il faut savoir que, depuis 2016, il y a eu une hausse de 16 % des refus d'obtempérer, mais une baisse de 8 % des tirs, donc on ne peut pas dire que le phénomène est en forte augmentation. Cependant, je vous l'accorde, il faut poursuivre le travail de formation sur la déontologie.

Vous savez, c'est toujours un drame pour tout le monde, y compris pour le policier ou le gendarme à l'origine des tirs.

Enfin, je vous fais remarquer que la première cause de mortalité des policiers, ce sont les chocs avec des véhicules tiers.

Monsieur Le Rudulier, vous semblez regretter que ce texte soit trop court, mais c'est justement pour répondre aux souhaits des parlementaires que nous avons fait ce choix. Nous avons ainsi retiré un certain nombre de points qui ne nous semblaient pas essentiels.

Par ailleurs, s'il n'y a pas de mesures « polices municipales », c'est parce que le Conseil constitutionnel a été très clair sur ce point.

M. François-Noël Buffet , président . - Je vous remercie.

LISTE DES PERSONNES ENTENDUES
ET DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Ministère de l'intérieur et des outre-mer

Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)

M. Vincent Ploquin-Duchefdelaville , directeur adjoint

M. Pablo Rieu , chef du bureau des questions pénales

Mme Marion Montiel , cheffe adjointe du bureau des questions pénales

Direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC)

M. Romain Royet , adjoint au directeur général

Ministère de la justice

Direction des affaires criminelles et des grâces (DACG)

M. Olivier Christen , directeur des affaires criminelles et des grâces

Ministère de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique

Direction du budget (DB)

M. Pierre Chavy , sous-directeur

Direction générale de la police nationale

M. Frédéric Veaux , directeur général

Direction générale de la gendarmerie nationale

Général Christian Rodriguez , directeur général

Direction régionale de la police judiciaire de Paris

M. Christian Sainte , directeur régional

Conseil supérieur de la fonction militaire de la gendarmerie nationale (CFMG)

Général Emmanuel Valot , secrétaire général du conseil de la fonction militaire

Lieutenant-Colonel Vincent Delamarre , secrétaire général adjoint

Lieutenant-Colonel Emmanuel Wéber , officier adjoint au commandant du groupement de gendarmerie départementale du Maine et Loire

Adjudant-Chef Élodie Lherminier , conseillère concertation 3 ème niveau au cabinet communication de la région Nouvelle Aquitaine

Major Patrick Boussemaëre , chef de groupe au peloton motorisé de Boulogne sur Mer

Maréchal Des Logis-Chef Christophe Duprat , conseiller concertation de 1 er niveau, à la brigade de proximité de Beaufort-Orbagna

Gendarme Justin Lanzeray , conseiller concertation 2 ème niveau à l'état-major du groupement de gendarmerie mobile de Hyères

Major Laurent Cappelaere , conseiller concertation 3 ème niveau au cabinet communication de la garde républicaine à Paris

Adjudant-Chef Aline Rouy , sous-direction de l'immobilier et du logement

Major Frédéric Delcourt , commandant du peloton de surveillance et d'intervention de Fontenay-le-Comte, conseiller concertation de 1 er niveau

Adjudant-Chef Sandrine Toulouze , conseiller concertation 3 ème niveau au cabinet communication de la région Bretagne

Major Christophe Le Jeune , conseiller concertation 3 ème niveau au cabinet communication de la région Île-de-France

Major Bruno Tromeur , commandant de la brigade de surveillance du littoral de Lorient, conseiller concertation compagnie

Fédérations syndicales représentatives de la police nationale

CFE-CGC

Alliance police nationale

M. Stanislas Gaudon , Délégué Général Alliance Police Nationale

Mme Bénédicte Verdin , Secrétaire nationale Alliance Police Nationale

Synergie officiers

Mme Linda Buquet , conseiller technique Synergie Officiers

M. Yann-Henry Tiniere , conseiller technique Synergie Officiers

Syndicat indépendant des commissaires de police

M. Tristan Coudert , commissaire divisionnaire, secrétaire National du SICP

CFDT

Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI-CFDT)

M. Christophe Rouget , secrétaire général

M. Léo Moreau , chargé de mission

Alternative Police (CFDT)

M. Sylvain Durante , secrétaire général adjoint

M. Guillaume Ruet , secrétaire national

UNSA

UNSA police

M. Thierry Clair , secrétaire général

M. Marc Hocquard , secrétaire national

Union des officiers-UNSA

M. Laurent Massonneau , secrétaire général

Conférence nationale des procureurs de la République

M. Rodolphe Jarry , procureur de la République de Pau

Mme Marie-Céline Lawrysz , procureure de la République de Compiègne

Conseil national des barreaux (CNB)

M. Arnaud de Saint Remy , vice-président de la commission libertés et droits de l'homme

M. Gérard Tcholakian , membre de la commission libertés et droits de l'homme

Mme Emilie Guillet , chargée d'affaires publiques au CNB

Association Stop harcèlement de rue

Mme Marie-Lou Mesmer , secrétaire générale de l'association

M. Boris Habert , membre de l'antenne de Tours

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN)

Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF)

Association nationale des directeurs de services d'incendie et de secours (ANDSIS)

Fédération nationale de protection civile (FNPC)

France assureurs

Mouvement des entreprises de France (MEDEF)

LA LOI EN CONSTRUCTION

Pour naviguer dans les rédactions successives du texte, le tableau synoptique de la loi en construction est disponible sur le site du Sénat à l'adresse suivante :

http://www.senat.fr/dossier-legislatif/pjl21-876.html


* 1 Il convient toutefois de souligner que la problématique de l'attrait de l'investigation est bien plus prégnante dans la police nationale que dans la gendarmerie nationale. Cette dernière, en raison de son maillage territorial, dispose de nombreux officiers de police judiciaire et ne semble pas rencontrer de difficultés majeures.

* 2 Conseil constitutionnel, décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 sur la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques .

* 3 p. 24 de l'étude d'impact.

* 4 Rapport d'information n° 199 (2021-2022) sur les crédits de la mission « Sécurités » inscrits au projet de loi de finances pour 2022 de M. Henri Leroy, fait au nom de la commission des lois et publié le 24 novembre 2021. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : https://www.senat.fr/notice-rapport/2021/r21-199-notice.html .

* 5 Ne sont pas considérés comme des actifs numériques les jetons qui réunissent les caractéristiques des instruments financiers ou des bons de caisse.

* 6 Entre 2016 et 2020, on estime que les services de police et de gendarmerie ont enregistré entre 1 580 et 1 870 procédures en lien avec des attaques par rançongiciel, avec un montant moyen de rançon versé de 6 375 euros, qui tend à augmenter au fil des ans.

* 7 Cf. le rapport d'information n°613 (2019-2020) « Cybercriminalité : un défi à relever aux niveaux national et européen », fait par Sophie Joissains et Jacques Bigot au nom de la commission des affaires européennes et de la commission des lois.

* 8 Le code de la défense précise que les opérateurs d'importance vitale sont des opérateurs publics ou privés qui gèrent ou utilisent, au titre de leur activité, un établissement, un ouvrage ou une installation dont le dommage, l'indisponibilité ou la destruction par suite d'un acte de malveillance, de sabotage ou de terrorisme risquerait, directement ou indirectement, d'obérer gravement le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation ou de mettre gravement en cause la santé ou la vie de la population.

* 9 Punie de sept ans d'emprisonnement et de 100 000 euros d'amende, l'extorsion est le fait d'obtenir par violence, menace de violences ou contrainte soit une signature, un engagement ou une renonciation, soit la révélation d'un secret, soit la remise de fonds, de valeurs ou d'un bien quelconque.

* 10 Points 155 et 156.

* 11 Par comparaison avec les débits de la 4G : 150 mégabits par seconde.

* 12 L'INPT ne couvre ainsi, selon les données transmises par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, que 45 % du territoire métropolitain (89-90 % à l'aide de relais véhiculaires).

* 13 L'article 32 de la loi n° 2001-1062 relative à la sécurité quotidienne, a créé un titre XXIII « De l'utilisation de moyens de télécommunications au cours de la procédure » au sein du livre IV du code de procédure pénale.

* 14 Pour partie reprise au sein de l'article 706-71 du code de procédure pénale à la suite de la loi n° 2020-1672 du 24 décembre 2020 relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée.

* 15 Décret n° 2018-388 du 24 mai 2018 relatif au traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé "pré-plainte en ligne".

* 16 Sont visées : la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion ou à raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou identité de genre ou de son handicap ; la diffamation ou l'injure à l'égard d'une personne à raison de son origine ou de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie, une nation, une prétendue race, une religion déterminée ou à raison de son sexe, de son orientation sexuelle ou de son identité de genre ou de son handicap et la discrimination telle que définie aux articles 225-1 et 225-1-1 du code pénal.

* 17 Arrêté du 26 juin 2020 portant création d'un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé « traitement harmonisé des enquêtes et des signalements pour les e-escroqueries » (THESEE).

* 18 Cf. le rapport n° 589 (2017-2018) fait par Marie Mercier au nom de la commission des lois.

* 19 Décision n° 2004-492 DC

* 20 Décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019

* 21 Article 60 du code de procédure pénale

* 22 Article 77-1 du code de procédure pénale.

* 23 Si une information judiciaire a été ouverte et que les analyses nécessitent une interprétation, c'est en revanche le juge d'instruction qui désigne le laboratoire auquel il fait parvenir les prélèvements, en vertu de l'article 156 du code de procédure pénale. La demande prend alors la forme d'une ordonnance de commission d'expert, et non plus d'une réquisition.

* 24 À l'exception des personnes figurant sur les listes des experts judiciaire établies par la Cour de cassation ou les cours d'appel en application de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires .

* 25 Article 166 du code de procédure pénale, applicable par renvoi de l'article 60 du même code.

* 26 Article 60-3 du code de procédure pénale.

* 27 Cass. Crim. 19 février 2019, 18-84.671.

* 28 Cass. Civ. 1, 14 octobre 2020, 19-19234.

* 29 Circulaire du 8 septembre 2016 relative aux mesures de simplification de la procédure pénale et circulaire du 16 novembre 2018 relative à la simplification de la procédure pénale à droit constant.

* 30 Cour de cassation, chambre criminelle, 17 décembre 2019, 19-83.574.

* 31 L'article 39-3 du code de procédure pénale dispose que le procureur de la République « contrôle la légalité des moyens mis en oeuvre par [les enquêteurs], la proportionnalité des actes d'investigation au regard de la nature et de la gravité des faits, l'orientation donnée à l'enquête ainsi que la qualité de celle-ci ».

* 32 Conseil constitutionnel, décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019 et décision n° 2021-952 QPC du 3 décembre 2021

* 33 Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXI e siècle : (i) conduite d'un véhicule sans permis ; (ii) conduite d'un véhicule avec un permis d'une catégorie n'autorisant pas sa conduite ; (iii) conduite d'un véhicule sans assurance

* 34 Loi n° 2018-957 du 7 novembre 2018 relative à l'accueil des gens du voyage et à la lutte contre les installations illicites

* 35 Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice :

- vente d'alcool non autorisée pour les débits et cafés ouverts pour certaines occasions,

- vente d'alcool à des mineurs (article L. 3353-3 du code de la santé publique), l'usage de stupéfiants,

- vente à la sauvette,

- occupation en réunion des halls d'immeuble,

- délits liés à la non-conformité de la carte de conducteur.

* 36 Article 15 du décret n° 2004-374 du 29 avril 2004 relatif aux pouvoirs des préfets, à l'organisation et à l'action des services de l'État dans les régions et départements .

* 37 Rapport n° 199 tome I (2020-2021) Santé publique : pour un nouveau départ - Leçons de l'épidémie de covid-19 fait au nom de la commission d'enquête pour l'évaluation des politiques publiques face aux grandes pandémies à la lumière de la crise sanitaire de la covid-19 et de sa gestion, déposé le 8 décembre 2020. Ce rapport est consultable à l'adresse suivante : http://www.senat.fr/commission/enquete/gestion_de_la_crise_sanitaire.html .

* 38 Article L. 1431-2 du code de la santé publique.

* 39 Articles L. 1435-1 et L. 1435-2 du code de la santé publique précités.

* 40 Article L. 115-1 du code de la sécurité intérieure.

* 41 Article L. 742-2 du code de la sécurité intérieure.

* 42 Cf. commentaire de la décision n° 2010-617 DC du 9 novembre 2010 - Loi portant réforme des retraites.

* 43 Cf. par exemple les décisions n° 2015-719 DC du 13 août 2015 - Loi portant adaptation de la procédure pénale au droit de l'Union européenne et n° 2016-738 DC du 10 novembre 2016 - Loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias.

* 44 Décision n° 2007-546 DC du 25 janvier 2007 - Loi ratifiant l'ordonnance n° 2005-1040 du 26 août 2005 relative à l'organisation de certaines professions de santé et à la répression de l'usurpation de titres et de l'exercice illégal de ces professions et modifiant le code de la santé publique.

* 45 Décision n° 2020-802 DC du 30 juillet 2020 - Loi organique portant report de l'élection de six sénateurs représentant les Français établis hors de France et des élections partielles pour les députés et les sénateurs représentant les Français établis hors de France.

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